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04/12/2023 | CADHP | N°029/2016

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 04 décembre 2023, 029/2016


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
C B AG
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 029/2016
ARRÊT
4 DÉCEMBRE 2023 1% N) SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
A Sur l’exception d’incompétence mat

érielle
B Sur les autres aspects de la compétence
VI SUR LA RECEVABILITÉ 10
A Sur l’ex...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE
AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
AFFAIRE
C B AG
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
REQUÊTE N° 029/2016
ARRÊT
4 DÉCEMBRE 2023 1% N) SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
A Sur l’exception d’incompétence matérielle
B Sur les autres aspects de la compétence
VI SUR LA RECEVABILITÉ 10
A Sur l’exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des recours
internes 11
B Sur les autres conditions de recevabilité 13
DIR SUR LE FOND 14
A Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue 15
B Violation alléguée du droit à la vie 17
C Violation du droit à la dignité 21
D Violation alléguée du droit à la non-discrimination 21
E Violation alléguée du droit à l'égalité devant la loi et à l’égale protection de
la loi 22
DAIIR SUR LES RÉPARATIONS 22
A Réparations non-pécuniaires 24
! Préjudice matériel 24
ii. Préjudice moral 24
Réparations non-pécuniaires 26
! Remise en liberté 26
Il Sur le retrait du Requérant du couloir de la mort 27
iii. Garanties de non-répétition 28
iv. Publication 29
IX SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES 29
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 30
XI DISPOSITIF 30 La Cour, composée de : Modibo SACKO, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise
TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA et Dennis D. ADJEI — Juges, et
de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »),! la Juge Imani D. ABOUD,
Présidente de la Cour, de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l’affaire :
C B AG
assurant lui-même sa défense
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE
représentée par :
ii At Bn Xa AN, Bb Cb, Bureau du Solicitor
General ;
ii. Ms. Bz Au, Bureau du Solicitor General ;
iii. Mme As A, Bo Cp Cb par intérim et Directrice de
la Division des affaires constitutionnelles et des droits de l'homme, Bureau de
l’Cp Cb ;
iv. Ambassadeur Xb AI, Chef de la Cellule juridique, ministère des
Affaires étrangères et de la Coopération Est-africaine, régionale et
internationale ;
+ Article 8(2) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
v. Mme An AJ, Directrice adjointe chargée des droits de l’homme,
Principal Bp Cp, Bureau de l’Cp Cb ;
vi. M. Bu AK, Principal Bp Cp, Bureau de l’Cp Cb;
vii. Mme Ba Y, Ct Bp Cp, Bureau de l’Cp Cb ;
viii. M. Ae Af AH, Foreign Service Officer, ministère des Affaires étrangères
et de la Coopération Est-africaine, régionale et internationale ; et
ix. Mme. Cl Z, Juriste, ministère des Affaires étrangères, de la
Coopération est-africaine, régionale et internationale.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
I. LES PARTIES
1. Le sieur C B AG Xci-après dénommé «le
Requérant ») est un ressortissant tanzanien, qui au moment du dépôt de la
présente Requête, était incarcéré à la prison centrale de Butimba, Mwanza,
après avoir été déclaré coupable de meurtre et condamné à la peine de
mort. || allègue la violation de ses droits dans le cadre de la procédure
devant les juridictions nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République-Unie de Tanzanie (ci-après
dénommée « l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée la
« Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. L'État
défendeur a également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à
l’article 34(6) du Protocole (ci-après désignée la Déclaration »), par laquelle
il accepte la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant
d'individus et d'organisations non gouvernementales (ci-après désignées
« ONG »). Le 21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé auprès de la
Commission de l’Union africaine un instrument de retrait de ladite
Déclaration. La Cour a décidé que le retrait de la Déclaration n'avait aucune incidence, sur les affaires pendantes, ni sur les nouvelles affaires introduites
devant elle avant sa prise d’effet un an après le dépôt de l'instrument y
relatif, à savoir le 22 novembre 2020.
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. | ressort du dossier que, le 17 septembre 2007, le Requérant aurait commis
un double meurtre sur deux dames, dont l’une a été étranglée et l’autre a
subi des blessures avec un objet tranchant. Le Requérant a été arrêté le
même jour.
4. Inculpé de meurtre, le Requérant a, le 26 juin 2015, été condamné à la
peine de mort par pendaison par la Haute Cour siégeant à Karagwe.*
5. Le Requérant a saisi, par la suite, la Cour d’appel siégeant à Az qui,
par arrêt du 23 février 2016, a rejeté son recours.“
B. Violations alléguées
6. Le Requérant soutient que l’État défendeur a violé ses droits à la non-
discrimination, à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de
la loi et à un procès équitable, protégés respectivement par les articles 2, 3
et 7(1) de la Charte, du fait de sa condamnation, par la Cour d’appel, sur la
base de preuves qui seraient douteuses. Le Requérant allègue également
que l’État défendeur a violé son droit à la vie, protégé par l’article 4 de la
Charte, du fait de la peine de mort prononcée à son encontre.
2 Bw Ac Ah c. République-Unie de Tanzanie (arrêt) (26 juin 2020) 4 RICA 219, 8 38.
3 Affaire pénale n° 56/2008.
4 Affaire pénale n° 314/2015.
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
7. La Requête contenant une demande de mesures provisoires a été reçue au
Greffe le 8 juin 2016 et communiquée à l’État défendeur le 26 juillet 2016.
8. Le 8 septembre 2016, la Requête a été transmise à tous les États Parties
au Protocole, au Président de la Commission de l’Union africaine, au
Conseil exécutif de l’Union africaine par l’intermédiaire du Président de la
Commission de l’Union africaine et à la Commission africaine des droits de
l’homme et des peuples.
9. Les Parties ont déposé leurs observations sur le fond dans les délais
impartis par la Cour.
10. Le 6 août 2018, à la demande de la Cour, le Requérant a déposé ses
conclusions sur les réparations qui ont été communiquées à l’État
défendeur le 24 août 2018.
11. Après plusieurs prorogations de délai, l’État défendeur a déposé sa réponse
aux conclusions du Requérant sur les réparations le 16 août 2019.
12. Le 10 octobre 2019, il a été demandé au Requérant de déposer ses
conclusions en réplique, dans les trente (30) jours suivant réception de la
réponse de l'État défendeur. Le Requérant n’y a pas donné suite.
13. Les débats ont été clôturés le 23 octobre 2023 et les Parties en ont
informées.
IV. DEMANDES DES PARTIES
14. Le Requérant demande à la Cour de :
i. Dire et juger qu’elle est compétente pour statuer sur cette affaire ;
it. Dire et juger que la Requête remplit les conditions de recevabilité ;
ii. Déclarer la Requête recevable ;
iv. Mettre les frais de procédure à la charge de l’État défendeur ;
v. Dire et juger que l’État défendeur a violé ses droits, protégés par les
articles 2, 3 et 7(1) de la Charte ;
vi. Dire et juger que l’État défendeur a violé son droit à la vie en le
condamnant à mort ;
vii. Ordonner à l’État défendeur de le remettre en liberté ;
viii. Ordonner à l’État défendeur d’annuler la condamnation à mort
prononcée à son encontre et le retirer du couloir de la mort ;
ix. Ordonner à l’État défendeur de lui verser des réparations à concurrence
d’un montant que la Cour estimera en tenant compte du temps qu’il a
passé en détention et du revenu national annuel par citoyen applicable
dans l’État défendeur.
15. Dans son mémoire en réponse sur la compétence de la Cour et la
recevabilité de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Dire et juger qu’elle n’est pas compétente, en l’espèce ;
it. Dire et juger que la Requête ne satisfait pas aux conditions de
recevabilité énoncées à l’article 40(5) du Règlement intérieur de la Cour®
et à l’article 6(2) du Protocole ;
ii. Rejeter la Requête conformément à l’article 38 du Règlement.®
iv. Mettre les frais de procédure relatifs à la présente Requête à la charge
du Requérant.
16. S'agissant du fond de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé les droits du Requérant,
protégés à l’article 2 de la Charte ;
it. Dire et juger que le Requérant a été condamné conformément à la loi ;
ii. Dire et juger que les recours formés devant la Haute Cour et la Cour
d’appel ont été tranchés en toute impartialité, conformément à la loi ;
iv. Dire et juger que le Requérant continue de purger sa peine ;
5 Règle 50(2)(e) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
8 Règle 48(1)(e) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
v. Rejeter la Requête pour défaut de fondement ;
vi. Mettre les frais de procédure relatifs à la présente Requête à la charge
du Requérant.
17. Dans son mémoire en réponse sur les réparations, l’État défendeur
demande à la Cour de :
i. Rejeter les demandes [du Requérant] dans leur intégralité ;
it. Dire que le pouvoir dont la Cour est investie en matière d'interprétation
et d’application du Protocole et de la Charte ne lui confère pas une
compétence pénale d’appel lui permettant d’ordonner l’acquittement du
Requérant ;
ii. Dire et juger que l’État défendeur n’a violé aucune disposition de la
Charte ou du Protocole et que le Requérant a été reconnu coupable, en
toute équité, dans le cadre d’une procédure régulière ;
iv. Rejeter la Requête ;
v. @Ordonner toutes autres mesures que la Cour estime justes et
appropriées, compte tenu des circonstances de l’espèce.
SUR LA COMPÉTENCE
18. La Cour relève que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
19. La Cour relève également qu’aux termes de la règle 49(1) du Règlement,
« [Na Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence [...]
conformément à la Charte, au Protocole et au […] Règlement ».
20. Compte tenu de ce qui précède, la Cour est tenue de procéder à l'examen
de sa compétence et statuer sur les éventuelles exceptions qui s’y
rapportent.
21. La Cour note qu’en l'espèce, l’État défendeur soulève une exception
d’incompétence matérielle. La Cour va statuer sur ladite exception avant de
se prononcer, si nécessaire, sur les autres aspects de sa compétence.
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle
22. L'État défendeur affirme que la Cour n’a pas une compétence d’appel sur
des questions de fait et de droit, telles que l'identification du Requérant et
la crédibilité des témoins, qui ont été tranchées de manière définitive par sa
Cour d'appel. L’État défendeur conclut que la Cour n’est pas compétente
pour annuler la condamnation prononcée par les juridictions internes et
ordonner la remise en liberté du Requérant.
23. Le Requérant conclut au rejet en affirmant que la Cour est compétente.
24. La Cour souligne que sa compétence matérielle est subordonnée à
l’allégation, par le Requérant, de violations de droits de l’homme protégés
par la Charte ou tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié
par l’État défendeur.” En l'espèce, le Requérant allègue la violation de
droits protégés par la Charte, notamment en ses articles 2, 3 et 7(1).
7 Aq Cj c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (21 septembre 2018) 2 RICA 439, 8 28 ; Ca Bg c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018) 2 RICA 493, 8 33 ; Cr Ag c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (26 juin 2020), 4 RICA 266, 8 18.
25. S'agissant de l’exception de l’État défendeur, la Cour rappelle qu’elle a
constamment considéré qu’elle n’est pas une juridiction d’appel des
décisions des juridictions nationales. Toutefois, « cela n’écarte pas sa
compétence pour apprécier la conformité des procédures devant les
juridictions nationales aux normes internationales prescrites par la Charte
ou par les autres instruments applicables des droits de l'homme auxquels
l’État défendeur est partie ».° La Cour ne statuerait donc pas comme une
juridiction d’appel si elle devait examiner les allégations du Requérant. Elle
rejette, par conséquent, cette exception et considère qu’elle est compétente
en l’espèce.
26. La Cour relève, en outre, que l’État défendeur affiime qu’elle est
compétente pour ordonner la mise en liberté. À cet égard, la Cour rappelle
qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [IJorsqu’elle estime qu’il y a
eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes
les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le
paiement d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ». La Cour
est donc compétente pour octroyer toutes sortes de réparations, y compris
la remise en liberté, pour autant que la violation alléguée ait été établie.!°
27. En conséquence, la Cour rejette l’exception de l’État défendeur et considère
qu’elle a la compétence matérielle en l’espèce.
B. Sur les autres aspects de la compétence
28. La Cour observe qu’aucune exception n’a été soulevée quant à sa
conformément à la règle 49(1) du Règlement, elle doit s'assurer que les
exigences relatives à tous les aspects de sa compétence sont remplies
avant de poursuivre l’examen de la Requête.
8 Ernest Bc Ch c. République du Malawi (compétence) (15 mars 2013) 1 RICA 197, 8 14.
9 Be Xd c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019) 3 RICA 51, 8 26 ; Bg AL Cd, supra, 8 33.
10 Ce Bd c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 036/2017, Arrêt du 24 mars 2022 (recevabilité), 8 27.
29. En ce qui concerne sa compétence personnelle, la Cour rappelle, comme
indiqué au paragraphe 2 du présent Arrêt, que le 21 novembre 2019, l’État
défendeur a déposé auprès du Président de la Commission de l’Union
africaine un instrument de retrait de sa Déclaration faite en vertu de l’article
34(6) du Protocole. La Cour rappelle, en outre, qu’elle a décidé que le retrait
de la Déclaration n’avait aucun effet rétroactif, ni aucune incidence sur les
affaires introduites avant le dépôt de l'instrument de retrait ou sur les
nouvelles affaires dont elle a été saisie avant la prise d’effet dudit retrait!
Étant donné qu’un tel retrait de la Déclaration prend effet douze (12) mois
après le dépôt de l’avis y relatif, la date de prise d’effet du retrait de l’État
défendeur était le 22 novembre 2020.!? La présente Requête, introduite
avant cette date, n’ est donc pas affectée par le retrait de la Déclaration. La
Cour considère donc qu’elle a la compétence personnelle pour connaître
de la présente Requête.
30. S'agissant de sa compétence temporelle, la Cour relève que les violations
alléguées par le Requérant sont survenues après que l’État défendeur est
devenu partie à la Charte et au Protocole. En outre, la Cour observe que la
condamnation du Requérant est maintenue sur la base de ce qu’il considère
comme étant une procédure inéquitable. Elle en déduit que les violations
alléguées ont un caractère continu.!® Compte tenu de ce qui précède, la
Cour estime qu’elle a la compétence temporelle pour examiner la présente
Requête.
31. Quant à sa compétence territoriale, la Cour relève que les violations
alléguées par le Requérant se sont produites sur le territoire de l’État
défendeur. La Cour considère donc qu’elle a la compétence territoriale.
11 Ah c. Tanzanie (arrêt), supra, 88 35 à 39
12 Cq Bj Cs c. République-Unie du Rwanda (compétence) (3 juin 2016) 1 RICA 585,
13 Ayants droit de feu Ap Cm, Bv Cn alias Ablasse, Co Cm, Ci Ai et Mouvement Burkinabè des droits de l'homme et des peuples c. Cx Ar (exceptions préliminaires) (21 juin 2013) 1 RICA 204, 88 71 à 77.
32. Au regard de tout ce qui précède, la Cour considère qu’elle est compétente
pour connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
33. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « [la Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à
l’article 56 de la Charte ».
34. Conformément à la règle 50(1) du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément aux articles 56 de la Charte, 6(2) du Protocole, et au présent
Règlement ».
35. La règle 50(2) du Règlement qui reprend, en substance, les dispositions de
l’article 56 de la Charte est libellée comme suit :
Les Requêtes déposées devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de
l’Union africaine ;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
36. La Cour note qu’en l'espèce, l’État défendeur soulève une exception
d’irrecevabilité de la Requête tirée du non-épuisement des recours internes.
La Cour va se prononcer sur ladite exception avant d’examiner, le cas
échéant, les autres conditions de recevabilité.
A. Sur l’exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des recours
internes
37. L'État défendeur affirme que le Requérant n’a pas épuisé tous les recours
internes disponibles avant de saisir la Cour de céans. || soutient que le
Requérant aurait pu former un recours en révision de la décision de la Cour
d’appel en vertu de la règle 66 du Règlement de la Cour d’appel de 2009.
L’État défendeur affirme également que le Requérant avait la possibilité de
saisir la Haute Cour d’un recours en inconstitutionnalité, en vertu de la loi
sur les droits et devoirs fondamentaux.
38. Le Requérant conclut au rejet et affirme que la présente Requête satisfait
aux conditions de recevabilité.
39. La Cour rappelle qu'aux termes de l’article 56(5) de la Charte, dont les
dispositions sont reprises dans la règle 50(2)(e) du Règlement, toute
requête dont elle est saisie doit satisfaire à l’exigence de l’épuisement des
recours internes. La règle de l’épuisement des recours internes vise à
donner aux États la possibilité de traiter les violations des droits de l’homme relevant de leur juridiction avant qu’un organe international des droits de
l'homme ne soit saisi pour déterminer la responsabilité de l’État à cet
égard.!*
40. La Cour rappelle qu’elle a constamment considéré que, dans la mesure où
les procédures pénales à l’encontre d’un requérant ont donné lieu à une
décision de la plus haute juridiction nationale, l’État défendeur a eu la
possibilité de remédier aux violations qui, selon le requérant, découlent
41. En l’espèce, la Cour relève que, le 23 février 2023, la Cour d’appel de
Tanzanie, plus haute juridiction de l’État défendeur a rendu un arrêt
confirmatif suite à l’appel du Requérant. L'État défendeur a donc eu la
possibilité de remédier aux violations alléguées par le Requérant en tant
que découlant de son procès en première instance et en appel. La Cour
note, en outre, que les allégations du Requérant font partie du « faisceau
de droits et de garanties » relatif au droit à un procès équitable, objet des
recours du Requérant devant les juridictions nationales ou qui en constituait
42. S'agissant de l'argument de l’État défendeur selon lequel le Requérant
aurait dû introduire un recours en révision du jugement de la Cour d’appel,
la Cour a constamment considéré qu’une telle procédure, telle qu’elle
s'applique dans le système judiciaire de l’État défendeur, est un recours
extraordinaire que les requérants ne sont pas tenus d’épuiser.!”
43. Par ailleurs, en ce qui concerne l’argument de l’État défendeur relatif au
recours en inconstitutionnalité, la Cour rappelle qu’elle a également
14 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (fond) (26 mai 2017) 2 RICA 9, 88 93 à 94.
15 Aw Cv c. République-Unie de Tanzanie (fond) (3 juin 2016, 1 RICA 624, 8 76 ; Aw Br Bk c. République-Unie de Tanzanie, CATDHP, Requête n° 014/2016, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations), S 45 ; Ce Bd c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 036/2017, Arrêt du 24 mars 2022 (recevabilité), 8 51.
16 Alex Cy c. République-Unie de Tanzanie (fond) (20 novembre 2015) 1 RICA 482, 8 62.
17 Cv c. Tanzanie (fond), supra, 8 78.
considéré que cette procédure, telle qu’elle s'applique dans le système
judiciaire de l’État défendeur, est un recours extraordinaire qu’aucun
requérant n’est tenu d’épuiser.!® En outre, il ne serait pas raisonnable
d’exiger du Requérant qu’il saisisse la Haute Cour, qui est une juridiction
inférieure à la Cour d'appel, d’une nouvelle requête afin de faire valoir ses
droits à un procès équitable.!°
44. La Cour estime donc que le Requérant a épuisé les recours internes dans
la mesure où la Cour d'appel de Tanzanie, l’organe judiciaire suprême de
l’État défendeur, a confirmé la condamnation du Requérant à l’issue d’une
procédure au cours de laquelle ses droits auraient été violés.
45. À la lumière de ce qui précède, la Cour rejette l’exception tirée du non-
épuisement des recours internes.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
46. La Cour observe qu'aucune exception n’a été soulevée quant aux autres
conditions de recevabilité. Néanmoins, conformément à la règle 50(1) du
Règlement, elle doit s'assurer que la Requête est recevable avant de
poursuivre son examen.
47. Il ressort du dossier que le Requérant a été clairement identifié,
conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
48. La Cour relève également que les demandes formulées par le Requérant
visent à protéger ses droits garantis par la Charte. En outre, l’un des
objectifs de l’Acte constitutif de l’Union africaine, tel qu’énoncé en son article
3(h), est la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples.
Par ailleurs, la Requête ne contient aucun grief ou aucune demande qui soit
incompatible avec une disposition dudit Acte. En conséquence, la Cour
estime que la Requête est compatible avec l’Acte constitutif de l’Union
18 Cy c. Tanzanie (fond), supra, 88 63 à 65.
19 Cy c. Tanzanie, ibid., 88 60 à 65.
africaine et la Charte, et considère qu’elle satisfait aux exigences de la règle
50(2)(b), du Règlement.
49. En outre, la Requête ne contient aucun terme outrageant, ni insultant à
l'égard de l’État défendeur ou de ses institutions, ce qui la rend conforme à
la règle 50(2)(c) du Règlement.
50. Du reste, la Requête n’est pas fondée exclusivement sur des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse, mais sur des
documents judiciaires émanant des juridictions nationales de l’État
défendeur, conformément à la règle 50(2)(d) du Règlement.
51. S'agissant de la condition relative à l'introduction de la Requête dans un
délai raisonnable, la Cour observe que l'arrêt de la Cour d’appel de
Tanzanie a été rendu le 23 février 2016 et que le Requérant l’a saisie de sa
Requête le 8 juin 2016. La Cour estime que la période de trois (3) mois et
seize (16) jours, observée par le Requérant avant d’introduire sa Requête
devant la Cour de céans est manifestement raisonnable et que, par
conséquent, la condition énoncée à l’article 50(2)(f) du Règlement est
satisfaite.
52. Enfin, la Requête ne concerne pas une affaire qui a déjà été réglée par les
Parties conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de
l’Acte constitutif de l’Union africaine et des dispositions de la Charte. Elle
est donc conforme à la règle 50(2)(g) du Règlement.
53. Au regard de ce qui précède, la Cour note que les conditions de recevabilité
sont remplies et déclare Requête recevable.
VII. SUR LE FOND
54. La Cour examinera l’allégation de violation de l’article 7(1) de la Charte (A),
avant de se prononcer sur l’allégation de violation du droit à la vie, protégé par l’article 4 de la Charte (B), l’allégation de violation du droit à la dignité,
protégé par l’article 5 de la Charte (C), l’allégation de violation du droit à la
non-discrimination, protégé par l’article 2 de la Charte (D) et, enfin,
l’allégation de violation des droits à une totale égalité devant la loi et le droit
à une égale protection de la loi, protégés par l’article 3 de la Charte (E).
A. Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue
55. Le Requérant allègue que les juridictions de l’État défendeur l’ont
condamné sur la base de preuves douteuses relatives à l'identification sur
le lieu du crime fournie par un seul témoin dont il conteste la crédibilité. Il
fait valoir, en effet, que le témoin avait affirmé bien le connaître avant
l'incident, étant donné qu’il se rendait fréquemment sur le lieu du crime,
mais ne l’a pas identifié nommément, dès le début. Le Requérant soutient
que les éléments de preuve produits au tribunal étaient fondés sur des
soupçons, dans la mesure où, affirme-t-il, la zone du lieu du crime lui était
inconnue.
56. Le Requérant soutient également que les juridictions de première instance
et d’appel n’ont pas pris en compte son alibi. I! affirme, en outre, que les
éléments de preuve sur le fondement desquels il a été condamné sont
insuffisants, étant donné qu’il n’était pas sur le lieu du crime, que l’une des
personnes qui l’aurait vu courir dans le village n’a jamais été citée comme
témoin et qu’aucun test n’a été effectué sur la trace de sang qui aurait été
retrouvée sur son corps. Le Requérant indique, enfin, qu’il a été arrêté au
seul motif qu’il était un étranger.
57. L'État défendeur conclut au rejet. Il soutient qu’en statuant sur le recours du
Requérant, la Cour d’appel a siégé comme juridiction d’appel et non en tant
que juridiction de première instance. Il soutient, en outre, que la crédibilité
de PW1 et l'identification du Requérant faisaient partie des moyens
examinés par la Cour d’appel et sur lesquels elle s’est prononcée de manière définitive, comme en témoignent les pages 4, 5, 8 et 9 de son arrêt.
Plus précisément, l’État défendeur se réfère à la page 9 de l’Arrêt de la Cour
d'appel, comme suit :
Il ressort du dossier que le témoignage de PW1 est très détaillé. Elle
connaissait l’appelant. Même si elle n’a pas mentionné son nom, la
description qu’elle a faite de lui et le fait qu’elle l’ait identifiée comme
la sœur [sic] d’Ana-Joyces ne laissaient aucun doute sur l'identité de
l’appelant. Le fait d’avoir nommément identifié le prévenu dès le début
renforce la crédibilité du témoin.
58. L'État défendeur soutient, en outre, que l’Arrêt de la Cour d’appel était fondé
sur des faits qui ont été prouvés au-delà de tout doute raisonnable et qu’elle
a donc confirmé à juste titre la condamnation du Requérant.
59. L'article 7(1) de la Charte dispose : « [t]oute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue ».
60. La Cour a constamment considéré que :
les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation
dans l’évaluation des éléments de preuve. En tant que juridiction
internationale des droits de l’homme, la Cour ne peut pas se substituer
aux juridictions nationales pour examiner les détails et les particularités
des preuves présentées dans les procédures internes.2°
61. Nonobstant ce qui précède, la Cour peut examiner si la manière dont la
procédure interne a été menée, y compris l’appréciation des preuves, a été
en conformité avec les normes internationales en matière de droits de
l’homme.
20 Bq c. Tanzanie (fond), supra, 8 65.
62. || ressort du dossier que la Cour d’appel a examiné de manière exhaustive
les moyens de preuve produits dans le cadre de l’affaire du Requérant,
notamment la crédibilité du témoin” et l’alibi soulevées par le Requérant.??
La Cour considère que le Requérant n’a pas prouvé que la manière dont la
Cour d’appel a apprécié les preuves révèle des erreurs manifestes
nécessitant son intervention.
63. La Cour rejette donc cette allégation et considère que l’État défendeur n’a
pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, protégé
par l’article 7(1) de la Charte.
B. Violation alléguée du droit à la vie
64. Le Requérant allègue que du fait de la peine capitale prononcée contre lui,
peine, inhumaine et barbare, l’État défendeur a violé ses droits.
65. L'État défendeur conteste l’allégation du Requérant et fait valoir que la
question de la constitutionnalité de la peine de mort dans le pays a été
soulevée comme moyen par le Requérant devant la Cour d’appel, qui a
tranché cette question. Il relève, en outre, que dans sa législation, la peine
de mort est prévue en cas de meurtre. Plus précisément, l’État défendeur
se réfère à l’article 197 de son Code pénal, aux termes duquel : « [t]oute
personne reconnue coupable de meurtre est condamnée à mort ».
66. L'État défendeur renvoie également à la décision dans l'affaire Mbushuu
alias Cu Bt et un autre c. la République [1995], Recueil de
jurisprudence de Tanzanie (TLR) 97, rendu par la Cour d’appel qui a
considéré que : « [I]a peine de mort prévue à l’article 197 du Code pénal
[-..] n’est pas arbitraire, cette loi est donc régulière et raisonnablement
nécessaire. Elle est donc consacrée par l’article 30(2) de la Constitution. La
peine de mort n’est donc pas anticonstitutionnelle ».
21 Voir pages 4 à 6 et 8 à 12 de l’arrêt de la Cour d’appel (appel pénale n° 314/2015).
22 Voir page 6 et 12 à 13 de l’arrêt de la Cour d'appel (appel pénale n° 314/2015).
67. L'État défendeur se réfère également à l’article 6 du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (ci-après désigné « PIDCP ») et soutient
que la peine de mort n’est, de toute évidence, pas interdite par le PIDCP
auquel il est partie.?* L’État défendeur soutient que le PIDCP n’interdit pas
la peine de mort, il ne proscrit que la privation arbitraire de la vie et, pour
les États qui n’ont pas aboli la peine de mort, le PIDCP exige qu’elle soit
prononcée uniquement pour sanctionner les crimes les plus graves,
conformément à la législation nationale. L'État défendeur note, en outre,
que le PIDCP exige que la peine de mort soit prononcée conformément à
la loi et dans le cadre d’un jugement définitif rendu par un tribunal
compétent.
68. L’Etat défendeur soutient en conséquence que le Requérant (i) a été
reconnu coupable de meurtre, soit l’un des crimes les plus graves, (ii) qu’il
a été condamné par un tribunal compétent, et (iii) qu’il a interjeté appel
devant la Cour d’appel, la plus haute juridiction judiciaire de l’État
défendeur, qui l’a débouté.
69. L'État défendeur relève, du reste, que la Haute Cour et la Cour d’appel ont
été créées en vertu de la Constitution et qu’elles s’acquittent de leur mandat
conformément à sa Constitution et aux autres lois du pays, au regard de
l’article 107B de la Constitution, qui est libellé comme suit :
Dans l’exercice de leur pouvoir judiciaire, toutes les juridictions
jouissent d’une indépendance et ne sont tenues que d'observer les
dispositions de la Constitution et celles des lois du pays.
70. Au regard des raisons susmentionnées, l’État défendeur estime que cette
allégation est fallacieuse et mal conçue, et qu’elle doit être rejetée pour
défaut de fondement.
23 L'État défendeur est devenu partie au PIDCP le 11 juin 1976.
71. La Cour rappelle que l’article 4 de la Charte dispose : « [Ia personne
humaine est inviolable. Tout être humain a droit au respect de sa vie et à
l'intégrité physique et morale de sa personne : Nul ne peut être privé
arbitrairement de ce droit ».
72. La Cour note, en outre, que l’article 6 du PIDCP dispose :
1. Le droit à la vie est innérent à la personne humaine. Ce droit doit être
protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie.
2. Dans les pays où la peine de mort n’a pas été abolie, une sentence de
mort ne peut être prononcée que pour les crimes les plus graves,
conformément à la législation en vigueur au moment où le crime a été
commis et qui ne doit pas être en contradiction avec les dispositions du
présent Pacte ni avec la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide. Cette peine ne peut être appliquée qu’en vertu
d’un jugement définitif rendu par un tribunal compétent.
3. Lorsque la privation de la vie constitue le crime de génocide, il est
entendu qu’aucune disposition du présent article n’autorise un État
partie au présent Pacte à déroger d’aucune manière à une obligation
quelconque assumée en vertu des dispositions de la Convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide.
4. Tout condamné à mort a le droit de solliciter la grâce ou la commutation
de la peine. L’amnistie, la grâce ou la commutation de la peine de mort
peuvent dans tous les cas être accordées.
5. Une sentence de mort ne peut être imposée pour des crimes commis
par des personnes âgées de moins de 18 ans et ne peut être exécutée
contre des femmes enceintes.
6. Aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour
retarder ou empêcher l’abolition de la peine capitale par un État partie
au présent Pacte.
73. La Cour observe que la peine de mort doit être envisagée à titre de mesure
exceptionnelle, « réservée exclusivement aux crimes les plus odieux »°* et
qu’elle doit être précédée d’un examen approfondi de toutes les
24 Bi c. Tanzanie (arrêt), supra, 8 66.
circonstances aggravantes et atténuantes connues. Le caractère sacré du
droit à la vie exige que la peine de mort ne soit pas considérée comme une
option par défaut en matière de sanctions pénales.?° Toutefois, si elle doit
être envisagée comme telle, la peine de mort doit être strictement
circonscrite aux cas impliquant les crimes les plus graves, et tous les doutes
concernant la culpabilité de l’accusé doivent être rigoureusement examinés
et levés. Une telle démarche permet de s'assurer que la gravité de la peine
de mort est proportionnelle à la gravité du crime.
74. La Cour rappelle, en outre, sa jurisprudence selon laquelle « si l’article 4 de
la Charte prévoit l’inviolabilité de la vie, il envisage la privation de celle-ci
tant qu’elle n’est pas faite de manière arbitraire. La peine capitale est donc
implicitement admissible en tant qu’exception au droit à la vie en vertu de
l’article 4, à condition qu’elle ne soit pas prononcée de manière
75. La Cour relève également que l’État défendeur se réfère à l’article 197 de
son Code pénal, qui dispose : « [t]oute personne reconnue coupable de
meurtre est condamnée à mort » (italique ajoutée), d’où l'imposition de la
peine de mort.
76. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle le caractère
obligatoire de la peine de mort prévue à l’article 197 du Code pénal de l’État
défendeur constitue une privation arbitraire du droit à la vie et qu’elle viole,
par conséquent, l’article 4 de la Charte.?”
77. En l’espèce, la Cour ne trouve aucun motif de s’écarter de sa position
antérieure.
25 Ak Bi c. République-Unie de Tanzanie, Requête n° 012/2019, Arrêt du 1° décembre 2022 (fond), 8 66.
26 Bh Ce et autres c. Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RICA 562, 8 98.
27 Bh Ce et autres c. Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RICA 562, 8 114; Bl Bs c. Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 024/2016, Arrêt du 30 septembre 2021 (fond et réparations), 8 130 ; Ap Ay AL Cd, CAfDHP, Requête n° 056/2016, Arrêt du 10 janvier 2022 (fond et réparations), 8 150 ; Ak Bi c. Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 012/2019, Arrêt du 1° décembre 2022 (fond et réparations), 8 80.
78. La Cour considère donc que l’État défendeur a violé l’article 4 de la Charte
en raison du caractère obligatoire de la peine de mort prononcée à
l'encontre du Requérant, en application de l’article 197 de son Code pénal,
ce qui constitue une privation arbitraire du droit à la vie.
C. Violation du droit à la dignité
79. Bien que le Requérant n’ait pas conclu sur le droit à la dignité, la Cour
observe qu’il a été condamné à la peine de mort par pendaison. En pareille
circonstance, la Cour réitère sa jurisprudence constante selon laquelle
l'exécution de la peine de mort par pendaison constitue une violation du
droit à la dignité protégé par l’article 5 de la Charte.”
80. La Cour considère donc que l’État défendeur a violé l’article 5 de la Charte
au regard du mode d'exécution de la peine de mort prononcée à l’encontre
du Requérant, à savoir la pendaison.
D. Violation alléguée du droit à la non-discrimination
81. Le Requérant allègue que l’État défendeur a violé ses droits protégés par
l’article 2 de la Charte.
82. L'État défendeur conclut au rejet.
83. La Cour relève qu’il est de principe que la charge de la preuve des violations
alléguées incombe au Requérant.?° En l’espèce, la Cour relève que le
Requérant n’a pas présenté d'observations spécifiques ni apporté la preuve
2 Rajabu et autres c. Tanzanie, ibid., 88 119 et 120; Ay AL Cd, ibid., 88 169 et 170 et Bs c. Tanzanie, ibid., 88 135 et 136.
29 Ad Al Cg c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 035/2017, arrêt du 22 septembre 2022 (fond), 8 82. Bm Av Cw c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 018/2017, Arrêt du 5 septembre 2023 (fond et réparations), 8 124.
qu’il avait été victime de discrimination, en violation de l’article 2 de la
Charte.
84. Au regard de ce qui précède, la Cour considère qu’il n’y a pas lieu de
constater une quelconque violation, par l’État défendeur, des droits du
Requérant protégés par l’article 2 de la Charte.
E. Violation alléguée du droit à l’égalité devant la loi et à l’égale protection
de la loi
85. Le Requérant allègue également que l’État défendeur a violé ses droits
garantis par l’article 3 de la Charte qui protège les droits à une totale égalité
devant la loi et à une égale protection de la loi.
*
86. L'État défendeur conclut au rejet en faisant valoir que le Requérant a été
condamné conformément à la loi.
87. La Cour rappelle qu’elle a constamment considéré que la charge de la
preuve des violations alléguées incombe au Requérant. En l’espèce, le
Requérant se contente de soutenir que l’État défendeur a violé ses droits
protégés par l’article 3(1) et (2) de la Charte.
88. En pareille circonstance, la Cour estime que le Requérant n’a pas prouvé
ses allégations et considère que l’État défendeur n’a pas violé l’article 3 de
la Charte.
VIII. SUR LES RÉPARATIONS
89. La Cour relève qu’aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « [IJorsqu’elle
estime qu’il y a eu violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les mesures appropriées afin de remédier à la situation, y
compris le paiement d’une juste compensation ou l’octroi d'une
réparation ».
90. Conformément à la jurisprudence de la Cour, pour que des réparations
soient accordées, la responsabilité de l’État défendeur doit, d’abord, être
établie au regard du fait illicite. Ensuite, le lien de causalité doit être établi
entre l’acte illicite et le préjudice allégué. Enfin, lorsqu’elle est accordée, la
réparation doit couvrir l’intégralité du préjudice subi.
91. La Cour rappelle qu’il incombe au requérant de fournir des éléments de
preuve pour justifier ses demandes. En ce qui concerne le préjudice
moral, la Cour a constamment considéré qu’il est présumé.
92. La Cour rappelle également que les mesures qu’un État peut prendre pour
réparer une violation des droits de l'homme peuvent inclure la restitution,
l'indemnisation, la réadaptation de la victime et des mesures propres à
garantir la non-répétition des violations, compte tenu des circonstances de
93. La Cour a jugé que l’État défendeur a violé le droit à la vie et le droit à la
dignité du Requérant, protégés par les articles 4 et 5 de la Charte, du fait
du caractère obligatoire de la peine de mort obligatoire et de son mode
d’exécution, à savoir la pendaison. Elle considère donc que la
responsabilité de l’État défendeur a été établie. La Cour va donc examiner
les demandes de réparation formulées par le Requérant.
30 Be By et autres c. République du Rwanda (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RJCA 680, 8 139 ; Voir également Bf Bx Cf Xc c. République Unie de Tanzanie (réparations) (13 juin 2014) 1 RICA 74, 8 40 ; Ab Ck Cc c. Cx Ar (réparations) (3 juin 2016), 1 RICA 358, 8 15(d) et Cr Ag c. Tanzanie (arrêt), supra, 8 97.
31 Rajabu et autres c. Tanzanie (fond et réparations), supra, 8 136 ; Ca Bg c. République Unie de Tanzanie (fond et réparations) (7 décembre 2018) 2 RICA 493, 8 55 ; Aj Aa Av République- unie de Tanzanie (fond et réparations) (28 mars 2019) 3 RICA 13, 8 119 ; Ap Cm et autres c. Cx Ar (réparations), 8 55.
32 Cq Bj Cs c. République du Rwanda (réparations) (7 décembre 2018) 2 RICA 209, 8 20. Voir également, Elisamehe c. Tanzanie (arrêt), supra, 8 96.
A. Réparations non-pécuniaires
94. Le Requérant sollicite des réparations pécuniaires en réparation du
préjudice matériel, l’allocation d’un montant qu’il plaira à la Cour de fixer
compte tenu du temps qu’il a passé en détention et du revenu national
annuel par citoyen applicable dans l’État défendeur.
95. L'État défendeur conclut au débouté en soutenant que le Requérant n’a
pas établi le lien entre les violations alléguées et le préjudice subi.
96. La Cour rappelle que lorsqu’un requérant demande la réparation d’un
préjudice matériel, il doit, non seulement, établir un lien de causalité entre
la violation constatée et le préjudice subi, mais également préciser la nature
du préjudice et en apporter la preuve.*
97. La Cour relève, toutefois, que le Requérant n’a pas démontré le lien entre
la violation établie et le préjudice pécuniaire qu’il allègue avoir subi. Les
demandes du Requérant découlent plutôt de sa condamnation et de son
incarcération, que la Cour n’a pas jugées illégales.
98. La Cour rejette, en conséquence, les demandes formulées par le Requérant
au titre du préjudice matériel.
99. Le Requérant formule une demande générale de réparation sans en
indiquer la nature. Néanmoins, comme la Cour l’a jugé, en l’espèce, le
Requérant a subi plusieurs violations qui impliquent nécessairement un
(réparations), 8 20.
préjudice moral. La Cour observe, en outre, que dans la présente requête,
alors que le Requérant est en détention, dans l’attente de l’exécution de la
peine de mort, il a inévitablement subi un préjudice du fait des violations
établies. Ces violations résultent de l’application obligatoire de la peine de
mort ainsi que du mode d'exécution de ladite peine, à savoir la pendaison.
100. La Cour estime que le Requérant a droit à des réparations pour préjudice
moral dans la mesure où il existe une présomption dudit préjudice moral
du fait des violations établies en l’espèce. La Cour a constamment
considéré que l'évaluation des montants à octroyer au titre du préjudice
moral devait être faite en toute équité et en tenant compte des
circonstances de l'espèce. Dans de tels cas, la Cour a adopté la pratique
qui consiste à octroyer un montant forfaitaire à titre de réparation du
101. Dans sa jurisprudence, la Cour a également considéré qu’un arrêt dans
lequel elle constate la violation de droits protégés par la Charte constitue,
en soi, une forme de réparation.* En l’espèce, la Cour a conclu à la violation
des articles 4 et 5 de la Charte. La Cour considère, au regard des
circonstances de l’espèce, que la constatation de violations du Requérant
constitue une réparation suffisante dans la mesure où elle remédie à la
violation principale dénoncée par le Requérant.
102. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, la Cour alloue au Requérant
la somme de trois cent mille (300 000) shillings tanzaniens à titre de
réparation pour le préjudice moral qu’il a subi.
34 Bs c. Tanzanie (arrêt), supra, 8 144 ; Viking et un autre c. Tanzanie (réparations), supra, 8 41 et
Cs c. Rwanda (réparations), supra, 8 59.
35 Cm et autres c. Cx Ar (réparations), supra, 88 61 à 62 et Bg AL Cd (fond et
réparations), supra, 8 177.
36 Bf Bx Cf Xc c. République Unie de Tanzanie (arrêt) (14 juin 2013) 1 RICA 34,
88 45; Ah c. Tanzanie, supra, 173; Bg AL Cd, ibid., 194.
B. Réparations non-pécuniaires
i. Remise en liberté
103. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de le
remettre en liberté.
104. L'État défendeur conclut au débouté en soutenant que la Cour de céans
n’est pas une juridiction d'appel et qu’elle n’a aucune compétence d’appel
en matière pénale pour annuler la décision des juridictions nationales de
l’État défendeur et prendre des mesures de remise en liberté.
105. La Cour rappelle que, dans l’affaire Ap Ay c. République-Unie
de Tanzanie, elle a jugé que :
La Cour ne peut ordonner une remise en liberté que si un requérant
démontre à suffisance ou si la Cour elle-même établit, à partir de ses
constatations, que l’arrestation ou la condamnation du requérant
repose entièrement sur des considérations arbitraires et que son
maintien en détention serait constitutif d’un déni de justice.°”
106. La Cour relève qu’en l'espèce, elle a jugé que du fait du texte de loi
prévoyant le caractère obligatoire de la peine de mort obligatoire, l’État
défendeur viole le droit à la vie, protégé par l’article 4 de la Charte et que le
mode d’exécution de ladite peine, à savoir la pendaison, viole le droit à la
dignité protégé par l’article 5 de la Charte. Toutefois, la Cour note que ces
violations n’ont pas eu d'incidence sur la culpabilité et la condamnation du
Requérant, si ce n’est que du fait du caractère obligatoire de la peine. En
37 Ay AL Cd (fond et réparations), supra, 8 202 ; Cz Bi Am c. République-Unie de Tanzanie (fond) (7 décembre 2018) 2 RICA 570, 8 84 ; Minani Evarist c. République-Unie de Tanzanie (fond et réparations) (21 septembre 2018) 2 RICA 415, 8 82 et Bs c. Tanzanie (arrêt), supra, 8 165.
outre, il ne résulte du dossier aucun élément suggérant que l’arrestation ou
la condamnation du Requérant était fondée sur des considérations
arbitraires et que son maintien en détention entraînerait une erreur
107. La Cour considère qu'aucun point du présent arrêt n’affecte les décisions
des juridictions nationales quant à la commission de l'infraction.
108. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu
d’ordonner la mise en liberté du Requérant et rejette, en conséquence, la
demande.
ii. Sur le retrait du Requérant du couloir de la mort
109. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner à l’État défendeur d'annuler
la peine de mort prononcée à son encontre et de le retirer du couloir de la
mort.
110. L'État défendeur soutient qu’il n’a pas violé les droits du Requérant et, qu’en
conséquence, la Cour devrait rejeter la demande de réparation formulée
par le Requérant.
111. Ayant jugé que la peine de mort obligatoire prononcée à l’encontre du
Requérant est contraire à l’article 4 de la Charte, la Cour estime qu’il y a
lieu d’ordonner l’annulation de ladite peine et de retirer le Requérant du
couloir de la mort. La Cour ordonne, en outre, à l’État défendeur de prendre
toutes les mesures nécessaires afin de modifier, conformément à ses arrêts
antérieurs, le Code pénal de l’État défendeur et, dans un délai d’un (1) an à
compter de la date de signification du présent Arrêt, de juger à nouveau
l’affaire en ce qui concerne la condamnation du Requérant par le biais d’une
38 Cj c. Tanzanie (fond), supra, 8 101.
procédure qui ne prévoit pas l’application obligatoire de la peine de mort et
qui maintient le pouvoir d’appréciation du juge.
iii. Garanties de non-répétition
112. Le Requérant demande, en outre, à la Cour de rendre toutes autres
mesures qu’elle estimera justes et appropriées au regard des circonstances
de l’espèce.
113. L'État défendeur demande également à la Cour de rendre toutes autres
mesures qu’elle estimera justes et appropriées au regard des circonstances
de l’espèce.
114. Dans des affaires similaires, la Cour a ordonné à l’État défendeur de
prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger, dans les six (6) mois
suivant la signification du présent Arrêt, la disposition de son Code pénal
prévoyant l'application obligatoire de la peine de mort. La Cour réitère
donc cette mesure dans la présente affaire.
115. Ayant constamment considéré, dans ses arrêts précédents que le mode
d’exécution de la peine de mort, à savoir la pendaison, est intrinsèquement
dégradant,® ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai de six (6) mois, afin d’abroger la pendaison en
tant que mode d’exécution de ladite peine.“
9 Bh Ce et autres c. Tanzanie (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RICA 562, 8 163; Bl Bs c. Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 024/2016, Arrêt du 30 septembre 2021 (fond et réparations), 8 170 ; Ap Ay AL Cd, CAfDHP, Requête n° 056/2016, Arrêt du 10 janvier 2022 (fond et réparations), 8 207 ; Ak Bi c. Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 012/2019, Arrêt du 1°" décembre 2022 (fond et réparations), 8 166.
#0 Rajabu and Ao AM Cd, ibid, 8 118.
#1 Chrizant Ax c. République-Unie de Tanzanie, CAfDHP, Requête n° 049/2016, Arrêt du 7 novembre 2023 (fond et réparations), 8 155.
iv. Publication
116. Aucune des Parties n’a conclu sur ce point.
117. La Cour estime toutefois que, conformément à sa jurisprudence constante,
et compte tenu des circonstances particulières de l’espèce, la publication
du présent Arrêt est justifiée. À l’état actuel du droit dans l’État défendeur,
les menaces à la vie liées à l’application obligatoire de la peine de mort
demeurent. Par ailleurs, il n’est pas établi que les mesures nécessaires ont
été prises afin de modifier la loi pour la rendre conforme aux obligations
internationales de l’État défendeur en matière de droits de l'homme. La
Cour estime donc qu’il y a lieu d’ordonner la publication du présent Arrêt
dans un délai de trois (3) mois à compter de la date de sa signification.
IX. SUR LA DEMANDE DE MESURES PROVISOIRES
118. Le Requérant demande à la Cour d’ordonner des mesures provisoires
conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 27(2) du
Protocole.
119. L'État défendeur fait valoir que la Cour de céans n’est pas compétente pour
ordonner des mesures provisoires à son encontre, dans la mesure où, d’une
part, la peine de mort n’est pas anticonstitutionnelle, mais est conforme à
sa législation et à l’article 6 du PIDCP, et d'autre part qu’elle n’est pas
compétente pour ordonner des mesures provisoires à son encontre ni
annuler la condamnation à mort prononcée à l’encontre du Requérant par
ses juridictions internes. Pour ces raisons, l’État défendeur considère que
cette demande n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.
120. La Cour note qu’il ressort du dossier que le Requérant ne formule aucune
demande spécifique au titre des mesures provisoires. En tout état de cause,
la Cour considère que le présent Arrêt rend la demande de mesures
provisoires sans objet.
X. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
121. Le Requérant demande à ce que les frais de procédure relatives à la
présente Requête soient supportés par l’État défendeur.
122. L'État défendeur demande également que les frais de procédure soient mis
à la charge du Requérant.
123. La Cour relève qu'aux termes de la règle 32(2)*? de son Règlement, « à
moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais
de procédure ».
124. La Cour ne trouve aucune raison de s’écarter du principe posé par cette
disposition. En conséquence, la Cour décide que chaque Partie supporte
ses frais de procédure.
XI. DISPOSITIF
125. Par ces motifs,
LA COUR,
À l’unanimité,
#2 Article 30(2) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
Sur la compétence
i. Rejette l’exception d’incompétence ;
ii. Se déclare compétente.
Sur la recevabilité
iii. — Rejette l'exception d’irrecevabilité de la Requête ;
iv. Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
v. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce
que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la
Charte ;
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à la
non-discrimination, protégé par l’article 2 de la Charte ;
vil. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à une
totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi,
protégé par l’article 3(1) et (2) de la Charte ;
À la majorité de huit (8) voix pour et deux (2) voix contre,
viii. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la vie du Requérant,
protégé par l’article 4 de la Charte en raison du caractère
obligatoire de la peine de mort prononcée à son encontre, en ce
qu’elle écarte le pouvoir d’appréciation du juge ;
ix. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la vie du Requérant,
protégé par l’article 5 de la Charte en raison du mode d’exécution
de la peine de mort prononcée à son encontre, à savoir, la
pendaison.
À l’unanimité,
Sur les réparations
Réparations pécuniaires
x. Rejette la demande formulée par le Requérant au titre du
préjudice matériel ;
xi. Alloue au Requérant la somme de trois cent mille (300 000)
shillings tanzaniens à titre de réparation du préjudice moral qu’il
a subi ;
xi. Ordonne à l’État défendeur de payer le montant indiqué au point
(xi) ci-dessus, en franchise d’impôt, à titre de juste compensation
dans un délai de six (6) mois à compter de la date de signification
du présent Arrêt, faute de quoi il sera tenu de payer des intérêts
moratoires calculés sur la base du taux en vigueur de la Banque
centrale de Tanzanie pendant toute la période de retard jusqu’au
paiement intégral des sommes dues.
Réparations non-pécuniaires
xiii. Rejette la demande du Requérant tendant à l’annulation de la
déclaration de culpabilité et à sa remise en liberté ;
xiv. Accueille la demande du Requérant relative à l’annulation de la
peine de mort prononcée à son encontre et à son retrait du
couloir de la mort ;
xv. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai de six (6) mois à compter de la
signification du présent Arrêt, en vue d’abroger de son Code
pénal la disposition relative à l’application obligatoire de la peine
de mort ;
xvi. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai d’un (1) an à compter de la date de
signification du présent Arrêt, afin de juger à nouveau l’affaire en ce qui concerne la condamnation du Requérant par le biais d’une
procédure qui ne prévoit pas l’application obligatoire de la peine
de mort et qui maintient le pouvoir d’appréciation du juge ;
xvii. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai de six (6) mois à compter de la date
de signification du présent Arrêt, afin de retirer de sa législation
la « pendaison » comme mode d'exécution de la peine de mort ;
xviii. Ordonne à l'État défendeur de publier le présent Arrêt, dans un
délai de trois (3) mois à compter de la date de sa signification,
sur le site Internet du ministère de la Justice et du ministère des
Affaires constitutionnelles et juridiques, et de veiller à ce qu’il y
reste accessible pendant au moins un (1) an après la date de sa
publication.
Sur la mise en œuvre et la soumission de rapports
xix. Ordonne à l'État défendeur de lui soumettre, dans un délai de six
(6) mois à compter de la date de signification du présent Arrêt,
un rapport sur la mise en œuvre des mesures qui y sont
ordonnées et, par la suite, tous les six (6) mois jusqu’à ce que la
Cour considère toutes ses mesures pleinement mises en œuvre.
Sur la demande de mesures provisoires
xx. Dit que la demande de mesures provisoires est sans objet.
Sur les frais de procédure
xxi. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Modibo SACKO, Vice-président ; fr ‘« Ben KIOKO, Juge ; NES ESS
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge ; Hs ? yhee), ,
Suzanne MENGUE, Juge ; Ps +=
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge ; H; « On EN
Chafika BENSAOULA, Juge GE
Blaise TCHIKAYA, Juge ge
Stella |. ANUKAM, Juge ; Eux am
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge ;
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à la Règle 70(1) et (3) du Règlement, les Déclarations des Juges Blaise TCHIKAYA et Dumisa B. NTSEBEZA sont jointes au présent Arrêt.
Fait à Alger, ce quatrième jour du mois de décembre de l’année deux-mille vingt-trois, en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 029/2016
Date de la décision : 04/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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