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04/12/2023 | CADHP | N°032/2019

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 04 décembre 2023, 032/2019


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE
A Ag RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE REQUÊTE N° 032/2019
ARRÊT
4 DÉCEMBRE 2023 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS..
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
B Sur les autres co

nditions de recevabilité
DIR SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 10
11
12 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Président...

AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES’ RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L'HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE
A Ag RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE REQUÊTE N° 032/2019
ARRÊT
4 DÉCEMBRE 2023 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS..
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
B Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 10
11
12 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente ; Modibo SACKO, Vice-
président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R.
CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B.
NTSEBEZA, Dennis D. ADJEI — Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
En l’affaire
A Ag
représenté par :
Maître Schadrack RUYENZI,
Avocat au Barreau du Rwanda et Membre Associé à l’Ordre Français des Avocats du
Barreau de Bruxelles
contre
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
représentée par :
ii Madame Ac B X, Agent judiciaire du Trésor ;
ii. Monsieur Constant DELBE ZIRIGNON, Magistrat, Conseiller Technique du
Garde de Sceaux ;
ii. Monsieur Abdoulaye Ben MEITE, Avocat au Barreau de Côte d'Ivoire,
SCPA KEBET ET MEITE ;
iv. Maître Mamadou SAMASSI, Avocat près la Cour d’appel d’Af ; et
v. Maître Mamadou KONE, Avocat près de la Cour d’Appel d’Af.
après en avoir délibéré
rend le présent Arrêt :
I. LES PARTIES
1. Le sieur A Ag Yci-après dénommé « le Requérant »), est un citoyen
ivoirien, condamné à une peine d’emprisonnement ferme de vingt (20) ans
et à des peines complémentaires, pour association de malfaiteurs et vol en
réunion avec usage d’armes apparent. Au moment de l’introduction de la
Requête, il était détenu à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Af
(MACA). Il allègue la violation de ses droits dans le cadre des procédures
devant les juridictions nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République de Côte d'Ivoire (ci-après
dénommée « l’État défendeur ») qui est devenue partie à la Charte africaine
des droits de l’homme et des peuples (ci-après désignée « la Charte ») le
31 mars 1992 et au Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de
l’homme et des peuples (ci-après désigné « le Protocole »), le 25 janvier
2004. L’État défendeur a déposé, le 23 juillet 2013, la déclaration prévue à
l’article 34(6) du Protocole (ci-après désignée «la Déclaration ») par
laquelle il accepte la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes
émanant d'individus et d'organisations non gouvernementales ayant le
statut d’observateurs auprès de la Commission africaine des droits de
l'homme et des peuples. Le 29 avril 2020, l’État défendeur a déposé auprès
du Président de la Commission de l’Union africaine un instrument de retrait
de sa Déclaration. La Cour a décidé que le retrait de la Déclaration n’avait
aucune incidence, ni sur les affaires pendantes ni sur les nouvelles affaires
introduites devant elle avant sa prise d’effet un (1) an après le dépôt de
l'instrument y relatif, à savoir le 30 avril 2021.!
+ Suy C Ak et autres c. République de Côte d’Ivoire (fond et réparations) (15 juillet 2020) 4 RICA 396, 8 2.
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. | résulte de la Requête introductive d’instance que le 30 mai 2014, le
Requérant, a été appréhendé pour vol du véhicule du sieur Tra Al
Ai, lequel aurait été commis le 12 avril 2014 de concert avec un inconnu
non identifié.
4. Inculpé d'association de malfaiteurs et vol en réunion avec usage d’armes
apparents, faits prévus et punis par les articles 66,7 186,3 392,* 394,5 395,6
et 3977 du Code pénal de l’État défendeur, il a été déclaré coupable et
condamné par le Tribunal de première instance (chambre correctionnelle)
d’Af, à une peine d’emprisonnement ferme de vingt (20) ans et aux
peines complémentaires suivantes : dix (10) ans de privation de droits civils
et politiques, trois (3) ans d’interdiction de paraître sur l’ensemble du
territoire de la République, sauf dans son département de naissance.
2 L'article 66 dispose : « Le juge peut priver le condamné du droit : 1° D’être nommé aux fonctions de juré, d’assesseur, d’expert ainsi qu'aux emplois de l'Administration et autres fonctions publiques ; 2° D'obtenir une autorisation de port d'arme ; 3° D’exercer des charges tutélaires, de porter des décorations, d’ouvrir une école et de façon générale d’exercer toutes fonctions se rapportant à l’enseignement, à l’éducation ou à la garde des enfants. La privation peut porter sur l’ensemble ou sur partie desdits droits (…) ».
3 L’article 186 dispose : « Est puni d’une peine d’un à cinq ans d’emprisonnement, celui qui s'affilie à une association ou participe à une entente, quel qu’en soit la durée ou le nombre de leurs membres, ayant pour but de préparer ou de commettre des crimes contre les personnes ou les biens. Le maximum de la peine est porté au double, s'il dispose d'instruments ou de moyens propres à commettre des crimes contre les personnes ou les biens. Le maximum de la peine est porté au double, s’il dispose d'instruments ou de moyens propres à commettre des infractions ou s’il est porteur d’armes apparentes ou cachées. »
/ L’article 392 dispose : « Quiconque soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupable de vol ».
5 L’article 394 (Loi n° 95-522 du 06 /07/ 1995) du Code pénal relatif au vol dispose : « La peine est un emprisonnement de dix à vingt ans et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 de francs si le vol ou la tentative de vol a été accompagné d’une au moins des circonstances ci-après : (…) 8° La peine est l’'emprisonnement de vingt ans si le vol ou la tentative de vol est commis la nuit. »
8 L’article 395 (Loi n° 95-522 du 06 /07/ 1995) dispose : « Le vol ou la tentative de vol est puni de la peine de mort s’il a été commis : 1° La nuit avec la réunion de deux des circonstances prévues à l’article précédent ; 2° Lorsque l'auteur est porteur d’une arme apparente ou cachée ; 3° Avec des violences ayant entraîné la mort ou des blessures, ou lorsque l'auteur a utilisé un véhicule pour faciliter son entreprise, sa fuite, ou est porteur d’un narcotique ».
7 L'article 397 dispose : « (…) A titre complémentaire les condamnés : 1° Sont privés des droits prévus à l’article 66 du présent Code pour une durée de dix ans ; 2° Sont frappés de l'interdiction de paraître en certains lieux prévus par l’article 78 du présent Code ; Le juge peut, par décision spéciale, porter jusqu’à vingt ans la durée de la privation des droits ou d'interdiction de paraître ».
5. Sur appel du Requérant, la Cour d'appel d’Af, a rendu le 24 janvier
2018, un arrêt confirmatif.
6. Le 05 février 2018, le Requérant a formé un pourvoi en cassation enregistré
sous le n°14 et sans attendre l'issue de son pourvoi, il a introduit la présente
Requête devant la Cour de Céans.
B. Violations alléguées
7. Le Requérant allègue la violation des droits suivants :
ii Le droit à un procès équitable, notamment : l’obligation de motiver une
décision dans le cadre du procès pénal et le principe de la
proportionnalité des peines, protégés par l’article 7 de la Charte ;
i. Le droit à un recours effectif, prévu à l’article 8 de la Déclaration
universelle des droits de l’homme (ci-après désigné « DUDH ») ;
iii. Le droit d’accès au juge et à la justice, protégé par l’article 7(1) de la
Charte et l’article 10 de la DUDH ;
iv. Le droit à la protection de la dignité d’une personne emprisonnée,
protégé à l’article 5 de la Charte et l’article 10(1) du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques (ci-après désigné « le PIDCP »).
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
8. La Requête introductive d'instance assortie d’une demande d'assistance
judiciaire a été déposée au Greffe le 22 juillet 2019. Elle a été communiquée
à l’État défendeur le 14 août 2019.
9. Le 20 septembre 2019, le Greffe a reçu les conclusions du Requérant sur
les réparations.
10. Le 17 octobre 2019, statuant sur la demande d'assistance judiciaire, la Cour
a désigné Maître Schadrack Ruyenzi pour représenter le Requérant, dans le cadre de son programme d'assistance judiciaire.
11. Après plusieurs prorogations de délai, l’État défendeur a déposé, le 12 mars
2020, ses observations en réponse à la Requête introductive d’instance et
celles-ci ont été communiqué au Requérant le 16 mars 2020.
12. Le Requérant n’a pas soumis d'observations, en dépit de multiples
prorogations de délai.
13. Le 10 juin 2021, les débats ont été clôturés et les Parties en ont dûment
reçu notification.
IV. DEMANDES DES PARTIES
14. Le Requérant demande à la Cour de dire que l’État défendeur a violé les
droits mentionnés au paragraphe 7 ci-dessus et de lui ordonner ce qui suit :
ii En guise de recommandations spéciales et spécifiques concernant la
situation du Requérant :
a. L'octroi d’une grâce présidentielle ;
b. La commutation en bonne et due forme de sa peine
d'emprisonnement de 20 ans ferme, en une peine
d'emprisonnement moins lourde ;
c. Une libération conditionnelle ; et
d. Une solution amiable fondée sur le respect des droits de l’homme
et des peuples.
i. En guise de recommandations générales concernant l’ordre juridique et
judiciaire de l’État défendeur :
a. L'octroi d’une indemnisation réparatrice pour tous les dommages
matériels et moraux subis et tous les autres préjudices nés de
mauvais traitements ;
b. Le traitement des personnes privées de liberté dans le respect de
la dignité inhérente à la personne humaine, en toute circonstance ;
c. La détention des personnes privées de liberté dans les lieux
reconnus officiellement en tant que lieux de détention ;
d. Rendre disponible et actualisé le registre détaillé de toutes les
personnes privées de liberté ;
e. Un examen et un traitement médical approprié de tous les
détenus, dans un délai aussi bref que possible après leur
incarcération ;
f. L'information du personnel de l’ordre judiciaire et des prisons, de
l'interdiction au niveau international des actes de torture et des
peines ou traitements cruels, innumains ou dégradants ; ainsi que
l'intégration de ladite interdiction dans la législation nationale, les
règlements des prisons et dans tous les documents de formation
conçus à l’intention de ce personnel ;
g. La fixation du jour et l'heure de l’admission et de la sortie ; et
h. L’interdiction d’admettre une personne dans un établissement
sans un titre de détention valable, dont les détails auront été
consignés auparavant dans le registre.
15. Le Requérant demande, en outre, à la Cour d’ordonner à l’État défendeur
de lui verser les réparations pécuniaires suivantes :
i. Trois millions (3.000.000) FCFA à titre du préjudice juridique qu’il subit ;
ii. Trois millions (3.000.000) FCFA à titre de préjudice matériel qu’il subit ;
iii. Quatre millions (4.000.000) FCFA à titre de préjudice moral qu’il subit.
16. Surabondamment, le Requérant demande à la Cour, de prendre pour elle-
même, les mesures suivantes :
ii Organiser une formation continue en matière de droits de l’homme pour
son personnel mais aussi et surtout pour tous les avocats qui plaident
devant elle ;
ii. Rendre effectif l’accès et l’octroi de l’assistance judiciaire de la Cour à
tous les Requérants indigents et vulnérables, remplissant les critères d'éligibilité pour bénéficier de l'assistance judiciaire, ayant saisi en
bonnes et dues formes la Cour.
17. Dans son mémoire en réponse, l’État défendeur demande à la Cour de :
ii Déclarer la Requête irrecevable pour violation des dispositions de
l’article 56(5) et (6) de la Charte ;
ii. Dire et juger que le Requérant n’a pas fait la preuve de la violation par
l’État de Côte d’Ivoire des droits allégués ;
ii. Débouter le Requérant de l’ensemble de ses demandes comme mal
fondées ; et
iv. Dire ce que de droit sur les frais de la procédure.
SUR LA COMPÉTENCE
18. La Cour relève que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du présent Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
19. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, « la Cour procède à un examen
préliminaire de sa compétence … conformément à la Charte, au Protocole
et au [...] Règlement ».
20. Sur le fondement des dispositions précitées, la Cour doit, pour chaque
Requête, procéder à un examen préliminaire de sa compétence et statuer
sur les éventuelles exceptions d’incompétence.
21. La Cour observe que l’État défendeur ne soulève aucune exception quant
à sa compétence. Néanmoins, conformément à la règle 49(1) du
Règlement, elle doit s'assurer que les conditions relatives à sa compétence
sont remplies avant de poursuivre l’examen de la Requête.
22. Ayant constaté qu'aucun élément dans le dossier n’indique qu’elle n’est pas
compétente, la Cour conclut qu’elle a :
ii La compétence matérielle, dans la mesure où le Requérant
allègue la violation de droits de l’homme protégés par la Charte,
la DUDH et le PIDCP,® instruments de droits de l’homme
auxquels l’État défendeur est partie.
ii. La compétence personnelle, étant donné que l’État défendeur
a déposé la Déclaration. Le 29 avril 2020, l’État défendeur a
déposé, auprès du Président de la Commission de l’Union
africaine, un instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a,
toutefois, décidé que le retrait de la Déclaration n’a aucune
incidence, ni sur les affaires pendantes ni sur les nouvelles
affaires introduites un (1) an avant la prise d’effet de l'instrument
y relatif, à savoir le 30 avril 2021.° La présente Requête,
introduite le 22 juillet 2019 n’en est donc pas affectée.
ii. La compétence temporelle, dans la mesure où les violations
alléguées ont été commises après que l’État défendeur est
devenu partie au Protocole.
iv. La compétence territoriale, dans la mesure où les faits de la
cause se sont produits sur le territoire de l’État défendeur.
23. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente pour
connaître de la présente Requête.
8 L’État défendeur est devenu partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le 26 mars 1992.
9 Suy C Ak An et autres c. République de Côte d'Ivoire (fond et réparations) (15 juillet 2020) 4 RICA 396, 8 2.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
24. L'article 6(2) du Protocole dispose : « la Cour statue sur la recevabilité des
requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à l’article 56 de la
Charte ».
25. Conformément à la règle 50(1) du Règlement, « La Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément à l’article 56 de la Charte, à l’article 6(2) du Protocole et au
[.….] Règlement ».
26. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les requêtes introduites devant la Cour doivent remplir les conditions
ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur, même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de
l’Union africaine ;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées,
conformément aux principes de la Charte des Nations Unies,
de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des dispositions de
la Charte.
27. L'État défendeur soulève une exception d’irrecevabilité de la Requête tirée
du non-épuisement des recours internes. La Cour va se prononcer sur cette
exception avant d’examiner les autres conditions de recevabilité, si
nécessaire.
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
28. L'État défendeur fait valoir que le Requérant n’a pas épuisé les recours
internes et qu’il a prématurément saisi la Cour. I! souligne que le Requérant,
qui a introduit la présente Requête alors que son pourvoi en cassation était
pendant, ne démontre pas que ce recours s’est prolongé de façon
anormale.
29. L'État défendeur conclut qu’en saisissant prématurément saisir la Cour de
céans, le Requérant ne donne pas l’opportunité à l’État défendeur de
remédier à la violation alléguée. De plus, il affirme que le Requérant aurait
dû attendre l’issue du pourvoi en cassation qu’il avait formé, avant de saisir
la Cour de céans.
30. L'État défendeur en déduit que le Requérant n’a pas épuisé les recours
internes et, qu’en conséquence, la Requête devrait être déclarée
irrecevable.
31. Le Requérant n’a pas conclu sur ce point.
32. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 56(5) de la Charte et de la règle
50(2)(e) du Règlement, pour qu’une requête soit recevable, les recours
internes doivent avoir été épuisés, à moins qu’ils ne soient indisponibles,
inefficaces, insuffisants ou que la procédure de ces recours se soit prolongée de façon anormale. La règle de l'épuisement des recours
internes vise à donner aux États la possibilité de traiter les violations des
droits de l'homme relevant de leur juridiction avant qu’un organe
international des droits de l'homme ne soit saisi pour déterminer la
responsabilité de l’État à cet égard.!°
33. La Cour note que le Requérant a introduit sa Requête devant la Cour de
céans, alors même que la Cour de cassation n’avait pas encore statué sur
son pourvoi.
34. Étant donné que le recours en cassation dans l’État défendeur est un
recours disponible et efficace, la Cour note que le Requérant n’a pas épuisé
les recours internes au moment du dépôt de sa Requête.
35. En conséquence, la Cour considère que la Requête ne satisfait pas à
l'exigence prévue à l’article 56(5) de la Charte et réitérée à la règle 50(2)(e)
du Règlement.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
36. Ayant conclu que la Requête ne satisfait pas à l’exigence de la règle
50(2)(e) du Règlement et au regard du caractère cumulatif des conditions
de recevabilité,!* la Cour estime qu’il n’y pas lieu de se prononcer sur les
conditions de recevabilité prévus par l’article 56 (1) (2) (3), (4), (6) et (7) et
la règle 50(2)(a)(b)(c)(d)(f) et (g) du Règlement.!?
37. La Cour déclare, par conséquent, la Requête irrecevable.
190 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (fond) (26 mai 2017) 2 RICA 9, 88 93 à 94 ; Ab Aa Ad et Ah Ap c. République de Côte d'Ivoire, CAfDHP, Requête n° 015/2021, Arrêt 22 septembre 2022 (fond et réparations), 8 49.
11 Ag Aa et Ae Aj c. République du Mali (compétence et recevabilité) (21 mars 2018) 2 RICA 246, 8 63 ; Ao Am c. République du Rwanda (compétence et recevabilité) (11 mai 2018) 2 RICA 373, 8 48 ; Collectif des anciens travailleurs ALS c. République du Mali, CATDHP, Requête n° 042/2015, Arrêt du 28 mars 2019 (compétence et recevabilité), 8 39.
12 Ibid.
VII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
38. Chaque Partie demande que l’autre supporte les frais de procédure.
39. Aux termes de l’article 32(2) du Règlement,!* « [à] moins que la Cour n’en
décide autrement, chaque partie supporte ses frais de procédure ».
40. La Cour ne voit aucune raison de s’écarter de la disposition ci-dessus.
41. La Cour ordonne donc que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
VIII. DISPOSITIF
42. Par ces motifs
LA COUR,
Sur la compétence
i. Déclare qu’elle est compétente.
Sur la recevabilité
i. Reçoit l'exception d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des
recours internes ;
ii. Déclare la Requête irrecevable.
Sur les frais de procédure
iv. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
13 Article 30(2) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente : —NeL
Modibo Sacko, Vice-président ; fran fause
Ben KIOKO, Juge ; MES
Tujilane R. CHIZUMILA, Juge sas Grant la
Chafika BENSAOULA, Juge GE ;
Blaise TCHIKAYA, Juge ; ge
Stella |. ANUKAM, Juge ; Eux am
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge pa ; Æ œ.
Dennis D. ADJEI, Juge te ;
et Robert ENO, Greffier.
Fait à Alger, ce quatrième jour du mois de décembre de l’an deux mille vingt-trois, en anglais et en français, le texte français faisant foi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 032/2019
Date de la décision : 04/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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