AFRICAN UNION UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES AFFAIRE Am Z X
RÉPUBLIQUE-UNIE DE AG
REQUÊTE N° 017/2016
ARRÊT
13 FÉVRIER 2024 ( w) SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A Faits de la cause
B Violations alléguées
Ill RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
A Sur l’exception d’incompétence matérielle
B Sur les autres aspects de la compétence
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A Sur les exceptions d’irrecevabilité de la Requête 11
! Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes 11
ii. Sur l'exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non
raisonnable 13
B Sur les autres conditions de recevabilité 16
DIR SUR LE FOND 17
A Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue 17
! Allégation relative à l'examen et à l'appréciation des éléments à
charge 18
ii. Allégation relative au rejet injustifié du recours en révision 23
Violation alléguée du droit à la non-discrimination 24
Violation alléguée des droits à une totale égalité devant la loi et à une égale
protection de la loi 25
D Violation alléguée du droit à la vie 26
E Violation alléguée du droit à la dignité 27
DAIIR SUR LES RÉPARATIONS 27
IX SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 29
DISPOSITIF 29 La Cour, composée de : Modibo SACKO, Vice-président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN
ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R. CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise
TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B. NTSEBEZA et Dennis D. ADJEI — Juges, et
de Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 22 du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples (ci-après désigné le « Protocole ») et à la règle 9(2) du Règlement
intérieur de la Cour (ci-après désigné « le Règlement »),! la Juge Imani D. ABOUD,
Présidente de la Cour et de nationalité tanzanienne, s’est récusée.
En l’affaire :
Am Z X
assurant lui-même sa défense
contre
RÉPUBLIQUE-UNIE DE AG,
représentée par :
ii Bl Cm Ck Co, Cc Aw, Bureau du Solicitor General ;
ii. Mme Bs C, Ao Bw, Bureau du Solicitor General ; et
ii. M. Ap AH, Principal State Attorney, Cabinet de l’Attorney General.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
+ Article 8(2) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
I. LES PARTIES
1. Le sieur Am Z X Yci-après dénommé « le Requérant »)
est un ressortissant tanzanien qui, au moment du dépôt de la présente
Requête, était incarcéré à la prison centrale de Butimba, Aj, après
avoir été jugé, reconnu coupable et condamné à mort pour meurtre. Il
allègue la violation de ses droits dans le cadre de la procédure devant les
juridictions nationale.
2. La Requête est dirigée contre la République-Unie de AG (ci-après
dénommée « l’État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée la
« Charte ») le 21 octobre 1986 et au Protocole le 10 février 2006. Elle a
également déposé, le 29 mars 2010, la Déclaration prévue à l’article 34(6)
du Protocole (ci-après désignée la Déclaration »), par laquelle elle accepte
la compétence de la Cour pour recevoir des requêtes émanant d’individus
et d’organisations non gouvernementales (ci-après désignées « ONG »). Le
21 novembre 2019, l’État défendeur a déposé auprès de la Commission de
l’Union africaine un instrument de retrait de ladite Déclaration. La Cour a
décidé que le retrait de la Déclaration n’avait aucune incidence, ni sur les
affaires pendantes, ni sur les nouvelles affaires introduites devant elle avant
sa prise d’effet un an après le dépôt de l’instrument y relatif, à savoir le 22
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Il ressort du dossier que le 11 août 2003, le Requérant et deux (2) autres
personnes, qui ne sont pas parties à la procédure devant la Cour de céans,
2 Ar Ac Aa c. République-Unie de AG (arrêt) (26 juin 2020) 4 RICA 219, 8 38.
ont cambriolé le domicile du professeur Ce Ba dans le village de
Bc (district de Karagwe, région de BfB et l’ont tué.
4. Le Requérant et ses complices ont été inculpés pour meurtre. Le 15 juillet
2010, la Haute Cour de AG siégeant à Ay a déclaré le Requérant
coupable de ce chef et l’a condamné à la mort par pendaison.
5. Le 7 mars 2013, la Cour d’appel a confirmé la décision de la Haute Cour.
Le Requérant a alors, le 30 avril 2013, saisi la Cour d'appel d’un recours en
révision de son jugement. Le 28 février 2014, la Cour d’appel a déclaré le
Requérant forclos. Sa demande ultérieure de prorogation de délai a été
rejetée le 13 février 2015.
B. Violations alléguées
6. Le Requérant allègue la violation de ses droits à la non-discrimination, à
une totale égalité devant la loi, à une égale protection de la loi et à un procès
équitable, protégés, respectivement, par les articles 2, 3 et 7(1) de la
Charte.
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
7. La Requête a été déposée au Greffe, le 22 mars 2016 et communiquée à
l’État défendeur le 3 mai 2016.
8. Le3 juin 2016, la Cour a ordonné proprio motu, à titre de mesure provisoire,
le sursis à l’exécution de la peine de mort à laquelle le Requérant a été
condamné.
9. Le 10 juin 2016, la Requête a été communiquée à tous les États parties au
Protocole et aux entités indiquées à la règle 42(4) du Règlement.*
3 Article 35(3) du Règlement intérieur du 2 juin 2010.
10. Les Parties ont déposé leurs conclusions sur le fond dans les délais fixés
par la Cour.
11. À la demande de la Cour, le Requérant a, le 6 août 2018, déposé ses
conclusions sur les réparations qui ont été communiquées à l’État
défendeur, le 30 août 2018.
12. Après plusieurs prorogations de délai, l’État défendeur a déposé sa réponse
sur les réparations, le 5 août 2019.
13. Le 2 octobre 2019, le Requérant a déposé une réplique à la réponse de
l’État défendeur sur les réparations.
14. Les débats ont été clôturés le 11 septembre 2023 et les Parties en ont été
informées.
IV. DEMANDES DES PARTIES
15. Le Requérant demande à la Cour de :
i. Rétablir la justice là où elle a été bafouée, d’annuler la déclaration de
culpabilité et la peine prononcées à son encontre, et d’ordonner sa
remise en liberté ;
ii. Ordonner à l’État défendeur de lui verser des réparations à concurrence
d’un montant que la Cour fixera en fonction du temps qu’il a passé en
détention et du revenu national annuel par citoyen applicable dans l’État
défendeur ;
ill. Rendre toutes autres mesures qu’elle jugera appropriée et juste au
regard des circonstances de l’espèce.
16. Dans son mémoire en réponse sur la compétence de la Cour et la
recevabilité de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Dire et juger que la Cour n’est pas compétente pour connaître de la
présente Requête ;
it. Dire et juger que la Requête ne remplit pas les conditions de recevabilité
prévues par l'article 40(5) du Règlement“ et de la déclarer irrecevable ;
ii. Dire et juger que la Requête ne satisfait pas aux conditions de
recevabilité énoncées à l’article 40(6) du Règlement et de la déclarer
iv. Mettre les frais de procédure à la charge du Requérant.
17. S’agissant du fond de la Requête, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé l’article 2 de la Charte ;
ii. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé l’article 3(1)(2) de la
Charte ;
ii. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé l’article 7(1)(c) et (d) de
la Charte ;
iv. Dire et juger que le Requérant n’a pas été l’objet de discrimination de la
part de l’État défendeur ;
v. Rejeter la Requête avec dépens pour défaut de fondement.
vi. Rejeter toutes les demandes de réparations formulées par le Requérant.
18. Dans son mémoire en réponse aux conclusions du Requérant sur les
réparations, l’État défendeur demande à la Cour de :
i. Rejeter les demandes du Requérant dans leur intégralité ;
it. Dire et juger que l’interprétation et l'application du Protocole et de la
Charte ne confère pas à la Cour la compétence pour ordonner la remise
en liberté du Requérant ;
ii. Dire et juger que l’État défendeur n’a pas violé les dispositions de la
Charte évoquées et que le Requérant a été traité par l’État défendeur,
conformément à la loi, dans le cadre de ses procès en instance et en
appel devant les juridictions internes ;
iv. Ne pas faire droit à la demande de réparations ;
4 Règle 50(2)(e) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
5 Règle 50(2)(f) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
v. @Ordonner toutes autres mesures que la Cour estime justes et
appropriées, compte tenu des circonstances de l’espèce.
SUR LA COMPÉTENCE
19. La Cour relève que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
20. La Cour relève, en outre, qu’aux termes de la règle 49(1) du Règlement,
« [Na Cour procède à un examen préliminaire de sa compétence [.…]
conformément à la Charte, au Protocole et au […] Règlement ».
21. Sur le fondement des dispositions susvisées, la Cour procède à un examen
préliminaire de sa compétence et statue, éventuellement, sur les
exceptions soulevées.
22. La Cour note qu’en l'espèce, l’État défendeur soulève une exception
d’'incompétence matérielle. La Cour statuera sur ladite exception avant
d'examiner, si nécessaire, les autres aspects de sa compétence.
A. Sur l’exception d’incompétence matérielle
23. L'État défendeur soutient qu’il est demandé en l’espèce à la Cour de statuer
en tant que juridiction d’appel et de réviser en dernier ressort la décision
rendue par la Cour d'appel de l’État défendeur en réexaminant les éléments
de preuve, et en annulant la condamnation prononcée à l’encontre du
Requérant et en ordonnant sa remise en liberté. L'État défendeur fait valoir que la Cour n’est pas compétente pour connaître des demandes du
Requérant. L'État défendeur affirme, en outre, que toutes les allégations
soulevées en l’espèce ont déjà été invoqués par le Requérant comme
moyen d’appel devant sa Cour d'appel. L'État défendeur fait donc valoir que
la Cour n’est pas compétente en l’espèce.
24. Le Requérant conclut au rejet de l'exception soulevée par l’État défendeur
et soutient que la Cour est compétente pour statuer sur la présente Requête
dans la mesure où les droits dont il allègue la violation sont protégés par la
Charte.
25. II soutient, en outre, que bien que la Cour ne soit pas une instance d'appel
des décisions des juridictions nationales, cela ne l’empêche pas d’examiner
les procédures pertinentes devant les juridictions nationales pour
déterminer si elles sont conformes aux normes prescrites dans la Charte ou
avec tout autre instrument ratifié par l’État concerné. Le Requérant estime
donc que la Cour a compétence pour réviser la décision rendue par la Cour
d'appel de l’État défendeur, pour réexaminer les éléments de preuve,
annuler la déclaration de culpabilité et la peine prononcées à son encontre
et ordonner sa remise en liberté.
26. La Cour souligne que sa compétence matérielle est subordonnée à
l’allégation, par le Requérant, de violations de droits de l’homme protégés
par la Charte ou tout autre instrument relatif aux droits de l’homme ratifié
par l’État défendeur. En l'espèce, le Requérant allègue la violation des
articles 2, 3 et 7 de la Charte.
8 Ernest Bt Cd c. République du Malawi (compétence) (15 mars 2013) 1 RICA 197, 8 14.
27. La Cour rappelle qu’elle a constamment considéré qu’elle n’est pas une
juridiction d’appel en ce qui concerne les décisions rendues par les
juridictions nationales.” Toutefois, « cela n’écarte pas sa compétence pour
apprécier la conformité des procédures devant les juridictions nationales
aux normes internationales prescrites par la Charte ou par les autres
instruments applicables des droits de l'homme auxquels l’État défendeur
est partie ».8 La Cour ne statuerait donc pas comme une juridiction d'appel
si elle venait à examiner les allégations du Requérant.
28. Au regard de ce qui précède, la Cour rejette l'exception soulevée par l’État
défendeur et considère qu’elle a compétence matérielle en l’espèce.
B. Sur les autres aspects de la compétence
29. La Cour observe qu'aucune exception n’a été soulevée sur sa compétence
personnelle, temporelle et territoriale. Néanmoins, conformément à la règle
49(1) du Règlement, elle doit s’assurer que les exigences relatives à tous
les aspects de sa compétence sont remplies avant de poursuivre l’examen
de la Requête.
30. En ce qui concerne sa compétence personnelle, la Cour rappelle, comme
indiqué au paragraphe 2 du présent Arrêt, que le 21 novembre 2019, l’État
défendeur a déposé auprès du Président de la Commission de l’Union
africaine, un instrument de retrait de sa Déclaration faite en vertu de l’article
34(6) du Protocole. La Cour rappelle, en outre, qu’elle a décidé que le retrait
de la Déclaration n’avait aucun effet rétroactif ni aucune incidence sur les
affaires introduites avant le dépôt de l'instrument de retrait ou sur les
nouvelles affaires dont elle a été saisie avant que ledit retrait ne prenne
effet. Étant donné qu’un tel retrait de la Déclaration prend effet douze (12)
mois après le dépôt de l’avis y relatif, la date de prise d'effet du retrait de
8 Bz Bs c. République-Unie de AG (fond et réparations) (28 mars 2019) 3 RICA 51, 8 26 ; Bg AI AG, supra, 8 33.
9 Aa c. AG (arrêt), supra, 88 35 à 39.
l’État défendeur était le 22 novembre 2020.19 La présente Requête,
introduite avant le dépôt, par l’État défendeur, de son avis de retrait, n’en
est donc pas affectée. La Cour considère donc qu’elle a la compétence
personnelle pour connaître de la présente Requête.
31. S'agissant de sa compétence temporelle, la Cour relève que les violations
alléguées par le Requérant sont survenues après que l’État défendeur est
devenu partie à la Charte et au Protocole. En outre, la Cour observe que la
condamnation du Requérant est maintenue sur la base de ce qu’il considère
comme étant une procédure inéquitable. Elle en déduit que les violations
alléguées ont un caractère continu.!! Compte tenu de ce qui précède, la
Cour estime qu’elle a la compétence temporelle pour examiner la présente
Requête.
32. Quant à sa compétence territoriale, la Cour relève que les violations
alléguées par le Requérant se sont produites sur le territoire de l’État
défendeur. La Cour considère donc qu’elle a la compétence territoriale.
33. Au regard de tout ce qui précède, la Cour conclut qu’elle est compétente
pour connaître de la présente Requête.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
34. Aux termes de l’article 6(2) du Protocole, « [la Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à
l’article 56 de la Charte ».
35. En vertu de la règle 50(1) du Règlement, « [Na Cour procède à un examen
de la recevabilité des requêtes introduites devant elle conformément aux
1° Bx Ci Cb c. République-Unie du Rwanda (compétence) (3 juin 2016) 1 RICA 585,
11 Ayants droit de feu Ca Bq, Cf Bi alias Ablasse, Bv Bq, Bk As et Mouvement Burkinabè des droits de l'homme et des peuples c. Ch Av (exceptions préliminaires) (21 juin 2013) 1 RICA 204, 88 71 à 77.
articles 56 de la Charte et 6, alinéa 2 du Protocole, et au présent
Règlement ».
36. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les Requêtes introduites devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou
insultants à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de
l’Union africaine ;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l'épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
37. En l’espèce, l’État défendeur soulève deux exceptions d’irrecevabilité de la
Requête. La Cour va se prononcer sur lesdites exceptions avant
d'examiner, le cas échéant, les autres conditions de recevabilité.
A. Sur les exceptions d’irrecevabilité de la Requête
38. L'État défendeur soulève deux exceptions d’irrecevabilité de la Requête. La
première est relative à l’exigence de l’épuisement des recours internes et la
seconde au dépôt de la Requête dans un délai raisonnable.
i. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
39. L'État défendeur affiime que le Requérant soulève des allégations de
violation de ses droits protégés par la Constitution de l’État défendeur. Il
soutient, toutefois, que les droits prévus aux articles 12 à 29 de la
Constitution sont des droits justiciables en vertu de la loi sur les droits et
devoirs fondamentaux. L’État défendeur estime donc que le Requérant
avait la possibilité d’introduire un recours en inconstitutionnalité afin de faire
valoir ses droits à une totale égalité devant la loi et à une égale protection
de la loi, protégés par l’article 13(1) de la Constitution, et son droit à un
procès équitable protégé par l’article 13(6)(a) de la Constitution.
40. L'État défendeur soutient, au regard de ses observations, que la condition
de recevabilité prévue à l’article 40(5) du Règlement‘? n’est pas satisfaite
et que la Requête devrait être déclarée irrecevable.
41. Le Requérant conclut au rejet de l’exception en faisant valoir qu’il a épuisé
tous les recours internes dans la mesure où la Cour d'appel, qui est la plus
haute juridiction de l’État défendeur, a tranché son recours en dernier
ressort.
42. || fait, en outre, observer qu’il n’était pas tenu d’introduire un recours en
inconstitutionnalité pour faire valoir ses droits.
12 Règle 50(2)(e) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
43. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 56(5) de la Charte, dont les
dispositions sont reprises dans la règle 50(2)(e) du Règlement, toute
requête dont elle est saisie doit satisfaire à l’exigence de l’épuisement des
recours internes. La règle de l’épuisement des recours internes vise à
donner aux États la possibilité de régler les violations des droits de l’homme
relevant de leur juridiction avant qu’un organe international des droits de
l'homme ne soit saisi pour déterminer la responsabilité de l’État à cet
44. La Cour rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle lorsque les
procédures pénales à l’encontre d’un requérant ont donné lieu à une
décision de la plus haute juridiction nationale, l’État défendeur est réputé
avoir eu la possibilité de remédier aux violations qui selon le requérant
découlent desdites procédures.!*
45. En l’espèce, la Cour relève que le 7 mars 2013, la Cour d'appel de
AG, la plus haute juridiction de l’État défendeur a tranché le recours
du Requérant lorsque cette juridiction a rendu son arrêt confirmatif. L’État
défendeur a donc eu la possibilité de remédier aux violations alléguées par
le Requérant comme découlant du procès du Requérant en instance et en
appel. La Cour note, en outre, que les allégations du Requérant relèvent du
« faisceau de droits et de garanties » relatif au droit à un procès équitable,
objet des recours du Requérant devant les juridictions internes ou qui en
constituaient le fondement.!*
46. En ce qui concerne l’argument de l’État défendeur selon lequel le Requérant
aurait dû introduire un recours en inconstitutionnalité, la Cour rappelle
qu’elle a toujours considéré que la Cour d’appel est l’organe judiciaire
suprême de l’État défendeur et que cette procédure, telle qu’elle s'applique
13 Commission africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (fond) (26 mai 2017) 2 RICA 9, 88 93 à 94.
14 Bo Ag c. République-Unie de AG (fond) (3 juin 2016) 1 RICA 624, 8 76 ; Bo By Ak c. République-Unie de AG, CATDHP, Requête n° 014/2016, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations), S 45 ; Bb Au c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 036/2017, Arrêt du 24 mars 2022 (recevabilité), 8 51.
15 Alex Cj c. République-Unie de AG (fond) (20 novembre 2015) 1 RICA 482, 8 62.
dans l'État défendeur, est un recours extraordinaire qu’un requérant n’est
pas tenu d’exercer.!6
47. La Cour estime donc que les recours internes sont réputés avoir été épuisés
dans la mesure où la Cour d'appel a confirmé la condamnation du
Requérant.
48. À la lumière de ce qui précède, la Cour rejette l’exception de l’État
défendeur tirée du non-épuisement des recours internes et considère que
le Requérant a épuisé les recours internes.
ii. Sur l’exception tirée du dépôt de la Requête dans un délai non
raisonnable
49. L'État défendeur affirme que la Requête n’a pas été déposée dans un délai
raisonnable après l’épuisement des recours internes.
50. L'État défendeur rappelle que l’arrêt de la Cour d’appel a été rendu le 7
mars 2011, soit un an après le dépôt de la Déclaration le 9 mars 2010.
51. L'État défendeur soutient, en outre, que la demande aux fins de prorogation
de délai de dépôt du recours en révision du Requérant a été examinée par
la Cour d’appel qui a rendu sa décision de rejet le 13 février 2015, alors que
la présente Requête a été déposée devant la Cour de céans le 22 mars
2016, soit un (1) an, un (1) mois et neuf (9) jours plus tard, sans qu’aucune
raison n’ait été fournie pour expliquer ce retard.
52. L'État défendeur soutient que cette période est incontestablement au-delà
du délai raisonnable tel qu’il résulte de la jurisprudence internationale en
matière de droits de l’homme, à savoir six (6) mois. L'État défendeur affirme
donc que la Requête ne satisfait pas à la condition de recevabilité prévue à
16 Ibid., 88 63 à 65.
l’article 40(6) du Règlement,!” et estime que la Requête devrait être
déclarée irrecevable.
53. Le Requérant conclut au rejet de l’exception en affirmant que la Requête a
été introduite dans un délai raisonnable après épuisement des recours
internes. Il soutient que la période à prendre en compte est celle comprise
entre la date de rejet, par la Cour d’appel, de sa demande de prorogation
de délai du recours en révision et la date de saisine de la Cour. Le
Requérant soutient également que la Cour devrait tenir compte des
circonstances particulières de son affaire dans son appréciation du délai de
sa saisine, conformément à sa décision dans l’affaire Ca Bq et
autres c. Ch Av.
54. Conformément à l’article 56(6) de la Charte dont les dispositions sont
reprises à la règle 50(2)(f) du Règlement, une requête n’est recevable que
si elle est « introduite dans un délai raisonnable courant depuis l’épuisement
des recours internes ou depuis la date retenue par la Cour comme faisant
commencer à courir le délai de sa saisine ».
55. Enl’espèce, la Cour observe qu’il s’est écoulé une période de trois (3) ans
et quinze (15) jours entre la date de l’arrêt de la Cour d’appel rejetant le
recours du Requérant, soit le 7 mars 2013, et la date de sa saisine, à savoir
le 22 mars 2016.
56. La Cour relève, en outre, que l’article 56(6) de la Charte dont les
dispositions sont reprises à la règle 50(2)(f) du Règlement, ne fixe pas de
délai pour sa saisine. Toutefois, la Cour a estimé que « le caractère
17 Règle 50(2)(f) du Règlement intérieur du 25 septembre 2020.
raisonnable du délai de sa saisine dépend des circonstances particulières
de chaque affaire et qu’elle doit le déterminer au cas par cas ».!8
57. À cet égard, la Cour a considéré les facteurs suivants comme étant
pertinents : le fait qu’un requérant soit incarcéré"? et indigent, le temps
d’exercice ou d’examen du recours en révision devant la Cour d’appel, le
temps mis pour accéder aux pièces du dossier,” le temps nécessaire pour
réfléchir à l’opportunité de saisir la Cour et pour déterminer les griefs à
58. || ressort des pièces du dossier que le Requérant est profane en droit, qu’il
assure lui-même sa défense devant la Cour de céans et qu’il est incarcéré
depuis le 18 août 2003.
59. La Cour relève, en outre, que dans le système juridique de l’État défendeur,
un requérant n’est pas tenu, aux fins d’épuisement des recours internes,
d'introduire une requête en révision de la décision de la Cour d’appel. En
revanche, lorsqu’il choisit d’exercer un tel recours, la Cour tient compte,
dans son appréciation du délai raisonnable de sa saisine, du temps
consacré à exercer ledit recours.?
60. En l’espèce, la Cour tient compte du fait que le Requérant a déposé un
recours en révision de la décision de la Cour d’appel le 30 avril 2013, mais
que ladite juridiction l’a déclaré forclos, le 28 février 2014. La Cour de céans
observe, en outre, qu’une demande ultérieure de prorogation de délai pour
introduire un recours en révision a été rejetée par la même juridiction, le 13
février 2015.
18 Ayant droits de feu Ca Bq et autres c. Ch Av (fond) (28 mars 2014) 1 RICA 226, 8 92 ;
AG (fond), 8 73.
19 Be Bm c. République-Unie de AG (fond) (21 septembre 2018) 2 RICA 439, 8 52 ; Cj AI AG, ibid, 8 74.
20 Bh Bj et Bd Bh c. République-Unie de AG (fond) (23 mars 2018) 2 RICA 297, 861.
2! Zongo et autres c. Ch Av (exceptions préliminaires), supra, 8 122.
22 Ax Bu Cg c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 018/2017, Arrêt du 5 septembre 2023 (fond et réparations), 8 66 et Bo By Ak c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 014/2016, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations), 88 64 et 65.
61. Au regard de ces circonstances, la Cour estime que la période de trois (3)
ans et quinze (15) jours constitue un délai raisonnable, au sens de l’article
56(5) de la Charte et de la règle 50(2)(f) du Règlement. En conséquence,
la Cour rejette l’exception d’irrecevabilité et considère que la Requête a été
déposée dans un délai raisonnable.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
62. La Cour observe qu'aucune exception n’a été soulevée quant aux autres
conditions de recevabilité. Néanmoins, conformément à la règle 50(1) du
Règlement, elle doit s'assurer que la Requête est recevable avant de
poursuivre son examen.
63. La Cour note que le Requérant a clairement indiqué son identité,
conformément à la règle 50(2)(a) du Règlement.
64. La Cour relève également que les demandes formulées par le Requérant
visent à protéger ses droits garantis par la Charte. En outre, l’un des
objectifs de l’Acte constitutif de l’Union africaine, tel qu’énoncé en son article
3(h), est la promotion et la protection des droits de l'homme et des peuples.
Par ailleurs, la Requête ne contient aucun grief ou aucune demande qui soit
incompatible avec une disposition dudit Acte. En conséquence, la Cour
considère que la Requête est compatible avec l’Acte constitutif de l’Union
africaine et la Charte. Elle considère donc que la Requête satisfait à
l'exigence de la règle 50(2)(b), du Règlement.
65. La Cour note, en outre, que la Requête ne contient aucun terme outrageant,
ou insultants à l’égard de l’État défendeur, de ses institutions ou de l’Union
africaine, ce qui la rend conforme à la règle 50(2)(c) du Règlement.
66. Du reste, la Cour souligne que la Requête n’est pas fondée exclusivement
sur des nouvelles diffusées par les moyens de communication de masse,
mais sur des décisions judiciaires internes, ce qui la rend conforme à la
règle 50(2)(d) du Règlement.
67. En outre, la Requête ne concerne pas une affaire qui a déjà été réglée par
les Parties conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, de
l’Acte constitutif de l’Union africaine et des dispositions de la Charte. Elle
est donc conforme à la règle 50(2)(g) du Règlement.
68. Au regard de ce qui précède, la Cour estime que la Requête remplit toutes
les conditions de recevabilité et la déclare recevable.
VII. SUR LE FOND
69. La Cour examinera (A) l’allégation de violation du droit du Requérant à ce
que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte, avant de
se prononcer sur (B) l’allégation de violation du droit à la non-discrimination,
protégé par l’article 2 de la Charte, (C) l’allégation de violation du droit à une
totale égalité devant la loi et du droit à une égale protection de la loi,
protégés par l’article 3 de la Charte, (D) l’allégation de violation du droit à la
vie, protégé par l’article 4 de la Charte, et enfin (E) l’allégation de violation
du droit à la dignité, protégé par l’article 5 de la Charte.
A. Violation alléguée du droit à ce que sa cause soit entendue
70. || ressort du dossier que le Requérant soulève deux (2) griefs contre les
juridictions internes dont les actions ou omissions auraient selon lui violé
son droit à ce que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la
Charte. Il affirme notamment que :
i. les éléments sur le fondement desquelles il a été condamné
n’ont pas été correctement examinées ;
ii. son recours en révision a été rejeté, à tort.
71. La Cour va donc examiner ces deux (2) griefs à la lumière de l’article 7(1)
de la Charte.
i. Allégation relative à l’examen et à l’appréciation des éléments à charge
72. Le Requérant allègue que les juridictions de jugement et d’appel ont
complètement méconnu la substance et la qualité des preuves, ce qui a
donné lieu à une condamnation inéquitable, dans la mesure où les éléments
de preuve sur le fondement desquels il a été condamné étaient douteux et
manquaient de crédibilité.
73. Plus précisément, le Requérant affirme que sa condamnation reposait sur
une erreur de droit, dans la mesure où elle a été fondée sur une déclaration
extrajudiciaire du Requérant et des co-accusés (P-8 et P-9), ainsi que sur
des biens prétendument volés (P-7), qui ont été versés au dossier et pris
en compte par la juridiction de jugement puis confirmés par la Cour d’appel.
74. Le Requérant soutient également que la juridiction de jugement a commis
une erreur de droit en faisant abstraction des contradictions des témoins à
charge lors de la procédure incidente et en admettant la pièce à conviction
P-9 en violation de la procédure relative à l’admission des moyens de
preuve.
75. Il allègue, en outre, que la juridiction de jugement a commis une erreur de
droit en s'appuyant sur la pièce P-9 pour déduire son intention de
commettre un meurtre, plutôt qu’un vol. Par conséquent, ladite juridiction a
continué à tort de considérer que le Requérant avait pleinement participé
au meurtre de la victime, alors qu’il n’existait aucun élément de preuve
corroborant cette affirmation.
76. Le Requérant soutient, en outre, que la juridiction de jugement a commis
une erreur de droit en s'appuyant sur la pièce P-8, à savoir l’aveu du co-
accusé, pour le déclarer coupable sans autre témoignage indépendant pour
la corroborer.
77. Enfin, le Requérant affirme également que la juridiction de jugement a
commis une erreur de droit en admettant la pièce à conviction P-7 et en fondant la condamnation du Requérant sur celle-ci alors qu’elle n’a pas fait
la distinction entre la propriété des biens dont le vol est allégué et celle
d’autres biens et qu’il n’y avait aucune marque sur les pièces à conviction
permettant d’attester qu’elles appartenaient à la victime, de sorte que la
preuve n’a pas été corroborée par d’autres éléments de preuve
indépendants.
T8. L’État défendeur réfute les différentes allégations formulées par le
Requérant, soutenant que la déclaration de culpabilité du Requérant ne
reposait sur rien de moins que des preuves crédibles qui ont été dûment
examinées par la juridiction de jugement.
T9. S'agissant plus particulièrement de la déclaration extrajudiciaire, l’État
défendeur renvoie à la page 35 du compte rendu des audiences devant la
juridiction de jugement, où il est indiqué que l’avocat du deuxième accusé
a soulevé une exception d’irrecevabilité de la déclaration extrajudiciaire
devant la juridiction de jugement au moyen qu’elle n'avait pas été faite
volontairement et que le deuxième accusé n’avait pas témoigné librement
devant le juge de paix. L’État défendeur se réfère également à la page 36
du procès-verbal de l’audience, où le juge a ordonné une mesure avant dire
droit pour déterminer le caractère volontaire ou non de la déclaration
extrajudiciaire.
80. L’État défendeur relève que le 21 juin 2010, la juridiction de jugement a
rendu son arrêt en étant guidé par trois principes qui sont la charge de la
preuve en matière pénale, le fondement de l’admission d’un aveu et la
question de l’existence de preuve de torture. L’État défendeur relève
qu’après un examen approfondi, la juridiction de jugement a rejeté ladite
exception. Il fait, en outre, valoir que ladite juridiction a informé chacune des
Parties qu’elle avait le droit de produire des moyens de preuve et de citer
des témoins. || indique également que la Cour d’appel, en tant que
juridiction d’appel, a examiné la déclaration extrajudiciaire et estimé qu’elle
était recevable et que le Requérant ne pouvait être dissocié du meurtre.
L’État défendeur fait donc valoir que les déclarations extrajudiciaires ont été
dûment versées au dossier et examinées par la juridiction de jugement et
la Cour d'appel, et que le Requérant a été déclaré coupable sur la base de
principes de droit bien établis et d’éléments de preuve crédibles.
81. Sur la question de l'intention criminelle, l’État défendeur se réfère à la page
18 du procès-verbal de l’audience où la juridiction de jugement a pris en
considération le vol, plutôt que le meurtre. Toutefois, il fait également valoir
que le tribunal de jugement a estimé que l’accusé avait formé,
conjointement avec ses co-accusés le dessein de voler, mais a commis le
meurtre au cours de l'opération.
82. Sur la question de la corroboration, l’État défendeur se réfère également
aux instructions données par la juridiction de jugement aux assesseurs, aux
pages 7 et 8, dans lesquelles le juge leur a demandé d’examiner si les
aveux étaient corroborés, en précisant que la déclaration de culpabilité
d’une personne ne pouvait être fondée uniquement sur les aveux d’un co-
accusé et qu’elle devait être étayée par d’autres éléments de preuve
indépendants. L'État défendeur fait valoir, en outre, que la juridiction de
jugement s’est, à juste titre, prémuni des risques d’une condamnation
fondée sur des éléments de preuve non corroborés. || se réfère à la
conclusion de ladite juridiction selon laquelle elle était convaincue de
l’existence d’éléments de preuve pour corroborer la déclaration.
83. L’État défendeur relève, en outre, que la Cour d’appel a conclu, après avoir
évalué tous les éléments de preuve à l’encontre du Requérant qu’ils étaient
accablants.
84. L’État défendeur affirme qu’il y avait suffisamment d’éléments de preuve
pour déclarer le Requérant coupable au cours du procès. Il soutient
qu’après avoir examiné toutes les pièces à conviction admises devant la
juridiction de jugement et évalué la qualité des éléments de preuve, les
assesseurs, qui ne sont pas des juristes, ont d’abord retenu la culpabilité du Requérant pour meurtre, et ont été suivis dans ce sens par le juge
d'instance qui y a apporté un argument juridique.
85. L'État défendeur fait valoir, en outre, que la Cour d’appel a examiné tous
les éléments de preuve invoqués par l’avocat d du Requérant dans ses trois
moyens. || souligne, en particulier, que la Cour d’appel a examiné les
moyens invoqués pour contester la déclaration extrajudiciaire ayant permis
d’établir l'intention conjointe des accusés, le fait que la culpabilité du
Requérant soit fondée sur la déclaration d’un co-accusé et le fait que le
Requérant n’ait pas contre-interrogé PW 3 au sujet des biens trouvés à son
domicile, et la Cour d’appel a conclu qu’il y avait suffisamment d’éléments
de preuve pour déclarer le Requérant coupable de meurtre.
86. L'État défendeur fait donc valoir que les allégations du Requérant ne sont
pas fondées et qu’elles devraient être rejetées.
87. L'article 7(1) de la Charte dispose : « [t]oute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue ».
88. La Cour a constamment considéré que :
les juridictions nationales jouissent d’une large marge d’appréciation
dans l’évaluation de la valeur probante des éléments de preuve. En
tant que juridiction internationale des droits de l'homme, la Cour ne
peut pas se substituer aux juridictions nationales pour examiner les
détails et les particularités des preuves présentées dans les
89. Nonobstant ce qui précède, la Cour peut examiner la manière dont la
procédure interne a été menée, y compris si l’appréciation des preuves a
23 Ad c. AG (fond), supra, 8 65.
été faite en conformité avec les normes internationales en matière de droits
90. || ressort du dossier qu’à la suite de l'exception soulevée par l’avocat du
Requérant, la juridiction de jugement, a examiné une procédure incidente.?°
Cette procédure visait à examiner l’exception soulevée par le Requérant
quant à l’utilisation par le ministère public de sa déclaration recueillie après
qu’il aurait été soumis à la torture. Après avoir entendu les deux parties et
procédé à un examen approfondi de leurs arguments, ainsi que des faits
connexes la Haute Cour a rejeté l’exception du Requérant, estimant que le
Requérant avait fait sa déclaration en toute liberté et de plein gré et qu’il
n’avait fait que dire la vérité.?”
91. La Cour relève, en outre, que la Cour d'appel a également examiné la
question de savoir si la juridiction de jugement avait à juste titre admis la
déclaration extrajudiciaire du Requérant et a estimé qu’il ne pouvait être fait
grief à la Haute Cour d'avoir statué ainsi.?® La Cour d'appel a, donc, rejeté
le recours du Requérant pour ce seul motif.?°
92. Compte tenu de ce qui précède, il ne peut être considéré que les juridictions
internes de l’État défendeur ont ignoré l’exception soulevée par le
Requérant ou qu’elles n’ont pas examiné la validité de sa déclaration
extrajudiciaire avant de le condamner. Le grief du Requérant n’est donc pas
fondé.
93. || ressort du dossier que les juridictions d’instance et d’appel ont examiné
toutes les preuves et allégations soulevées dans le cadre de l'affaire du
Requérant. La Cour considère que le Requérant n’a pas démontré ni prouvé
24 Ibid., 8 66.
25 Voir La République c. Am Z X, Ab Az et Cn Ai, Affaire pénale n° 113/2004, arrêt du 22 juin 2010.
26 Ibid., pages 1 et 2.
27 Ibid, pages 3 à 8.
28 Voir Am Z X, Ab Az c. la République, Cour d’appel de AG à Aj, Appel en matière pénale N° 211 de 2010, Arrêt du 7 mars 2012, pages 14 à 17.
29 Ibid., page 18.
que la manière dont les procédures en première instance et en appel ont
été menées et dont les preuves ont été évaluées révèle des erreurs
manifestes justifiant qu’elle se prononce.
94. La Cour rejette donc cette allégation et considère que l’État défendeur n’a
pas violé le droit du Requérant à ce que sa cause soit entendue, protégé
par l’article 7(1) de la Charte.
ii. Allégation relative au rejet injustifié du recours en révision
95. Le Requérant affirme que la Cour d'appel a rejeté son recours en révision,
violant ainsi ses droits.
96. L'État défendeur conclut au débouté en soutenant que la demande de
prorogation de délai de dépôt du recours en révision a été examinée et
rejetée conformément aux procédures en vigueur. L'État défendeur en
déduit que cette allégation n’est pas fondée et qu’elle doit être rejetée.
97. Il ressort du dossier que la Cour d’appel de l’État défendeur a examiné la
demande de prorogation de délai formulée par le Requérant à l’effet
d'introduire une requête en révision de la décision de la Cour d’appel, mais
l’a rejetée au motif que le Requérant « sollicitait une prorogation de délai
[...] en l’absence de raisons valables prévues à l’article 66(1) [du règlement
de la Cour d’appel], afin d’amener insidieusement la Cour à statuer sur des
questions qu’elle a tranchées de manière définitive.®°
98. La Cour relève, en particulier, que dans l'arrêt de la Cour d’appel de l’État
défendeur, ladite juridiction a considéré qu’ « une demande de prorogation
de délai de dépôt d’un recours en révision [.…] doit présenter une cause
30 Am Z et Ab Az c. La République, Cour d’appel de AG siégeant à Ay, Affaire pénale n° 1 de 2014, Arrêt du 13 février 2015, page 8.
suffisante ou un motif valable conformément à l’article 66(1) du règlement
de la Cour d’appel de 2009 » et qu’« aucun motif valable fondé sur l’article
66(1) du règlement n’a été présenté en l'espèce ».! La Cour d’appel a donc
estimé que « les requérants n’ont pas franchi le seuil juridique fixé par la
jurisprudence applicable et cherchent à obtenir une prorogation de délai au
seul motif qu’ils se sentaient lésés par la décision de la cour ». Elle a, par
ce motif, rejeté la demande dans son intégralité.S?
99. La Cour note, en outre, que rien dans le dossier ne permet pas d’asseoir
l’affimation du Requérant selon laquelle le comportement de la Cour
d'appel de l’État défendeur a conduit à une violation de son droit à ce que
sa cause soit entendue.
100. Au regard de ce qui précède, la Cour considère que l’État défendeur n’a
pas violé les droits du Requérant à ce que sa cause soit entendue, protégé
par l’article 7(1) de la Charte.
B. Violation alléguée du droit à la non-discrimination
101. Le Requérant allègue que l’État défendeur a violé son droit à la non-
discrimination, protégé par l’article 2 de la Charte.
102. L'État défendeur conclut au rejet en affirmant qu’à aucun moment, le
Requérant n’a été victime de discrimination, en violation de l’article 2 de la
Charte. L’État défendeur affirme, en outre, que la procédure pénale suivie
contre le Requérant est celle en vigueur dans le pays. Selon l’État
défendeur, le Requérant n’a donc pas été poursuivi en raison de sa race,
de son appartenance à un groupe ethnique, de sa couleur, de son sexe, de
sa langue, de sa religion, de ses opinions politiques ou autres, de sa
nationalité ou de son statut social, de sa fortune, de sa naissance ou de son
31 Ibid, page 7.
32 Ibid, page 8.
statut, mais en vertu de la législation en vigueur, sur la base de la
présomption qu’il aurait commis une infraction. L’État défendeur soutient
donc que l’allégation du Requérant est dénuée de fondement et qu’elle doit
être rejetée.
103. La Cour relève que la charge de prouver une allégation de violation des
droits de l’homme pèse sur le Requérant. En l’espèce, la Cour observe que
le Requérant n’a pas spécifiquement conclu sur ce point et qu’il n’a non plus
apporté des éléments de preuve attestant qu’il a été victime d’une
quelconque discrimination, en violation de l’article 2 de la Charte.°°
104. En pareilles circonstances, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de conclure à
une violation et considère, en conséquence, que l'État défendeur n’a pas
violé le droit à la non-discrimination du Requérant, protégé par l’article 2 de
la Charte.
C. Violation alléguée des droits à une totale égalité devant la loi et à une égale
protection de la loi
105. Le Requérant allègue qu’à travers la décision de ses juridictions, l’État
défendeur a violé ses droits à une totale égalité devant la loi et à une égale
protection de la loi, protégés par l’article 3 de la Charte.
106. L'État défendeur conclut au débouté conteste les allégations du Requérant
et soutient qu’il n’a pas violé les droits du Requérant prévus par la Charte.
L’État défendeur soutient, en outre, que le Requérant n’a jamais soulevé la
question de la discrimination en première instance, ni même dans son
recours devant la Cour d'appel. Il affirme, par ailleurs, que la Requête
33 Af Al Br c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 035/2017, arrêt du 22 septembre 2022 (fond), 8 82. Ax Bu Cg c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 018/2017, Arrêt du 5 septembre 2023 (fond et réparations) 8 124.
n’indique pas en quoi le Requérant a été l’objet de discrimination et par qui.
L’État défendeur en déduit qu’il s’agit d’un argument invoqué à postériori et
qui ne peut être soutenu.
107. La Cour rappelle, derechef, que la charge de la preuve incombe au
Requérant qui allègue la violation d’un droit de l'homme. En l’espèce, le
Requérant allègue, sans aucun élément à l’appui, que l’État défendeur a
violé ses droits à une totale égalité devant la loi et à une égale protection
de la loi, protégés par l’article 3(1) et (2) de la Charte.
108. Dans ces circonstances, la Cour estime que le Requérant n’a pas apporté
la preuve de ses allégations et considère que l’État défendeur n’a pas violé
ses droits à une totale égalité devant la loi et à une égale protection de la
loi, protégés par l’article 3 de la Charte.
D. Violation alléguée du droit à la vie
109. Bien que les Parties n’aient pas conclu sur ce point, la Cour observe, que
le Requérant a été condamné à la peine de mort obligatoire en vertu d’une
loi qui exclut le pouvoir d’appréciation du juge. Dans ces circonstances, la
Cour réitère sa jurisprudence constante selon laquelle le caractère
obligatoire de la peine de mort obligatoire constitue une violation du droit à
la vie, protégé par l’article 4 de la Charte.
110. La Cour considère donc que l’État défendeur a violé le droit à la vie du
Requérant, protégé par l’article 4 de la Charte du fait du caractère
obligatoire de la peine de mort prononcée contre le Requérant.
34 Bn Bb et autres c. République-Unie de AG (fond et réparations) (28 novembre 2019) 3 RJCA 562, 88 104 à 114 ; Cl Ah c. République-Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 024/2016, Arrêt du 30 septembre 2021 (fond et réparations), 88 120 à 131 et Ca Ae c. République- Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 056/2016, Arrêt du 10 janvier 2022 (fond et réparations), 8 160.
E. Violation alléguée du droit à la dignité
111. De même, bien que le Requérant n’ait pas conclu sur ce point, la Cour
observe également qu’il a été condamné à la mort par pendaison. Dans ces
circonstances, la Cour réitère sa jurisprudence constante selon laquelle la
pendaison, en tant que mode d’exécution de la peine de mort, constitue une
violation du droit à la dignité, protégé par l’article 5 de la Charte.*
112. La Cour considère donc que l’État défendeur a violé le droit à la dignité du
Requérant, protégé par l’article 5 de la Charte du fait du mode d’exécution
de la peine de mort, à savoir la pendaison.
VIII. SUR LES RÉPARATIONS
113. Aux termes de l’article 27(1) du Protocole, « Lorsqu'elle estime qu’il y a eu
violation d’un droit de l'homme ou des peuples, la Cour ordonne toutes les
mesures appropriées afin de remédier à la situation, y compris le paiement
d’une juste compensation ou l’octroi d’une réparation ».
114. La Cour, n’ayant constaté aucune violation des droits dont le Requérant a
allégué la violation par l’État défendeur, rejette les demandes de réparations
y afférentes.
115. La Cour rappelle toutefois qu’elle a constaté la violation, par l’État
défendeur, des droits du Requérant à la vie et à la dignité, protégés
respectivement par les articles 4 et 5 de la Charte, du fait du caractère
obligatoire de la peine de mort et du fait du mode d’exécution de ladite
peine, à savoir, la pendaison.
116. La Cour ordonne donc à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai de six (6) mois à compter de la signification du
35 Rajabu et autres c. AG, ibid., 88 119 à 120 ; Ae AI AG, ibid., 88 169 et 170 et Ah AI AG, ibid., 88 135 et 136.
présent Arrêt, afin d’abroger la disposition prévoyant l’application obligatoire
de la peine de mort.°é
117. La Cour ordonne, en outre, à l’État défendeur de prendre toutes les
mesures nécessaires, dans un délai d’un (1) an à compter de la signification
du présent Arrêt, afin de réexaminer l’affaire en ce qui concerne la
condamnation du Requérant, dans le cadre d’une procédure qui ne prévoit
pas l’application obligatoire de la peine de mort et qui maintient le pouvoir
118. Ayant jugé que le mode d’exécution de la peine de mort, à savoir, la
pendaison est intrinsèquement dégradant,® la Cour elle ordonne à l’État
défendeur de prendre toutes les mesures nécessaires pour abroger la(les)
lois qui prévoient la pendaison comme méthode d’exécution de la peine de
mort, et ce, dans un délai de six (6) mois à compter de la date de
signification du présent Arrêt.
119. La Cour estime par ailleurs que, pour des raisons désormais fermement
établies dans sa pratique, et compte tenu des circonstances particulières
de cette affaire, la publication du présent arrêt s'impose. Compte tenu du
droit positif de l’État défendeur, les menaces à la vie associées à la peine
de mort obligatoire demeurent dans le système juridique l’État défendeur. Il
n’est pas établi que l’État défendeur a pris les mesures nécessaires pour
rendre sa loi conforme à ses sur les obligations internationales en matière
de droits de l’homme. La Cour estime donc qu’il y a lieu d’ordonner la
publication du présent Arrêt dans un délai de trois (3) mois à compter de la
date de sa signification.
36 Rajabu et autres c. AG, ibid., 8 163 ; Ah AI AG, ibid, 8 170 ; Ae AI AG, ibid, 8 207 ; At Aq c. République-Unie de AG, Requête n° 012/2019, arrêt du 1° décembre 2022 (fond), 8 166.
37 Rajabu et autres c. AG, ibid, 8 171 (xvi) ; Ah AI AG, ibid., 8 174 (xvii) ; Ae AI AG, ibid., 8 8 217 (xvi) ; Aq c. AG, ibid., 88 184 (xviii).
38 Rajabu et autres c. AG, ibid., 8 118.
39 An Bp c. République Unie de AG, CAfDHP, Requête n° 049/2016, Arrêt du 7 novembre 2023 (fond et réparations), 8 155.
IX. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
120. Le Requérant demande à la Cour de mettre les frais de procédure relatives
à la présente Requête à la charge de l’État défendeur.
121. L'État défendeur demande également que les frais de procédure soient mis
à la charge du Requérant.
122. La Cour relève que la règle 32(2) du Règlement Cour du prévoit que : « [à]
moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses frais
de procédure, le cas échéant ».
123. La Cour note, en l'espèce, qu’il n’existe aucune raison de s’écarter du
principe posé par cette disposition. En conséquence, la Cour décide que
chaque Partie supporte ses frais de procédure.
DISPOSITIF
124. Par ces motifs,
LA COUR,
Sur la compétence
i. Rejette l'exception d’incompétence ;
i. Se déclare compétente.
Sur la recevabilité
ii. — Rejette l'exception d’irrecevabilité de la Requête ;
iv. Déclare la Requête recevable.
Sur le fond
v. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à ce
que sa cause soit entendue, protégé par l’article 7(1) de la Charte ;
vi. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à la
non-discrimination, protégé par l’article 2 de la Charte ;
vii. Dit que l’État défendeur n’a pas violé le droit du Requérant à une
totale égalité devant la loi et à une égale protection de la loi,
protégé par l’article 3(1) et (2) de la Charte ;
À la majorité de huit (8) voix pour et deux (2) voix contre,
vii. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la vie du Requérant,
protégé par l’article 4 de la Charte, en raison de l’application
obligatoire de la peine de mort ;
ix. Dit que l’État défendeur a violé le droit à la dignité du Requérant
garanti à l’article 5 de la Charte, en raison du mode d’exécution de
la peine de mort, à savoir la pendaison.
À l’unanimité,
Sur les réparations
x. Rejette la demande de réparations formulée par le Requérant ;
xi. Ordonne à l’État défendeur de prendre, dans un délai de six (6)
mois à compter de la signification du présent Arrêt, toutes les
mesures nécessaires pour abroger de sa législation l’application
obligatoire de la peine de mort ;
xi. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai d’un (1) an à compter de la signification
du présent Arrêt, afin de juger à nouveau l’affaire en ce qui
concerne la condamnation du Requérant, dans le cadre d’une procédure qui ne prévoit pas le caractère obligatoire de la peine
de mort e qui confère donc, au juge un pouvoir d’appréciation ;
xii. Ordonne à l’État défendeur de prendre toutes les mesures
nécessaires, dans un délai de six (6) mois à compter de la
signification du présent Arrêt, afin d’abroger de sa législation
la pendaison comme méthode d’exécution de la peine de mort ;
xiv. Ordonne à l’État défendeur de publier le présent Arrêt, dans un
délai de trois (3) mois à compter de la date de sa notification, sur
les sites Internet de la magistrature et du ministère des Affaires
constitutionnelles et juridiques, et de veiller à ce qu’il y reste
accessible pendant au moins un (1) an après la date de sa
publication ;
xv. Ordonne à l’État défendeur de lui soumettre un rapport sur la mise
en œuvre du présent arrêt, dans un délai de (6) mois, à compter
de sa signification, puis des rapports selon la même périodicité
jusqu’à l’exécution totale de toutes ses décisions.
Sur les frais de procédure
xvi. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Ben KIOKO, Juge ; VŸ—SSS
Rafaâ BEN ACHOUR, Juge PL, leo),
Suzanne MENGUE, Juge TP — Chafika BENSAOULA, Juge GE ;
Blaise TCHIKAYA, Juge ; ge
Stella |. ANUKAM, Juge : Eur am ;
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge g ; Yes - #—
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Conformément à l’article 28(7) du Protocole et à la règle 70(3) du Règlement, les
Déclarations des Juges Blaise TCHIKAYA et Dumisa B. NTSEBEZA sont jointes au
présent Arrêt.
Fait à Arusha, ce treizième jour du mois de février de l’année deux-mille vingt-quatre,
en anglais et en français, le texte anglais faisant foi.