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04/06/2024 | CADHP | N°017/2019

CADHP | CADHP, Cour africaine des droits de l'homme et des peuples, 04 juin 2024, 017/2019


Texte (pseudonymisé)
AFRICAN UNION
L UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
REQUÊTES n° 017/2019, 018/2019 et 019/2019
AFFAIRE
GOH TAUDIER ET AUTRES
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
4 JUIN 2024 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A. Sur l'exception tirée du

non-épuisement des recours internes
B. Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 12
...

AFRICAN UNION
L UNION AFRICAINE AFRICAN COURT ON HUMAN AND PEOPLES” RIGHTS
COUR AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME ET DES PEUPLES
REQUÊTES n° 017/2019, 018/2019 et 019/2019
AFFAIRE
GOH TAUDIER ET AUTRES
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
4 JUIN 2024 SOMMAIRE
SOMMAIRE
I LES PARTIES
Il OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
B. Violations alléguées
IN. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
IV DEMANDES DES PARTIES
SUR LA COMPÉTENCE
VI SUR LA RECEVABILITÉ
A. Sur l'exception tirée du non-épuisement des recours internes
B. Sur les autres conditions de recevabilité
DIR SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE 12
13 La Cour, composée de : Imani D. ABOUD, Présidente ; Modibo SACKO, Vice-
président ; Ben KIOKO, Rafaâ BEN ACHOUR, Suzanne MENGUE, Tujilane R.
CHIZUMILA, Chafika BENSAOULA, Blaise TCHIKAYA, Stella |. ANUKAM, Dumisa B.
NTSEBEZA, Dennis D. ADJEI — Juges ; et de Robert ENO, Greffier.
En l’Affaire :
GOH TAUDIER ET AUTRES
Représentés par Ao Ruyenzi SCHADRACK, Avocat au Barreau du Rwanda
contre
RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE
représentée par :
ii M. B At Constant, magistrat et conseiller technique du Garde des
sceaux, ministre de la justice et des droits de l'homme ;
ii. Maître MEITE Abdoulaye Ben, avocat au Barreau de Côte d'Ivoire ;
ii. Maître SAMASSI Mamadou, avocat au Barreau de Côte d'Ivoire ;
iv. Maître GUEU Patrice, avocat au Barreau de Côte d'Ivoire ; et
v. Maître KONE Mamadou, avocat au Barreau de Côte d'Ivoire.
après en avoir délibéré,
rend le présent Arrêt :
I. LES PARTIES
1. Les sieurs Goh Ar, Ai Aw et As Ad Cci-après
dénommés le «premier, deuxième et troisième Requérant »,
respectivement et «les Requérants» conjointement) sont des
ressortissants ivoiriens, qui au moment du dépôt de leurs Requêtes,
purgeaient une peine de vingt (20) ans de réclusion pour vol en réunion
avec port d’armes et détenus à la maison d’arrêt et de correction d’Abidjan
(MACA). Ils allèguent la violation de leur droit à un procès équitable et
contestent leur condamnation à la peine de vingt ans de réclusion par les
juridictions nationales.
2. La Requête est dirigée contre la République de Côte d'Ivoire (ci-après
dénommée «l'État défendeur »), qui est devenue partie à la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples (ci-après désignée, la
« Charte »), le 31 mars 1992 et au Protocole relatif à la Charte portant
création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples (ci-après
« le Protocole »), le 25 janvier 2004. L'État défendeur a également déposé,
le 23 juillet 2013, la Déclaration prévue à l’article 34(6) du Protocole (ci-
après désignée « la Déclaration ») par laquelle il a accepté la compétence
de la Cour pour recevoir les requêtes émanant des individus et des
organisations non gouvernementales ayant le statut d’observateur auprès
de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples. Le 29
avril 2020, l’État défendeur a déposé auprès du Président de la Commission
de l’Union africaine l'instrument de retrait de sa Déclaration. La Cour a jugé
que ce retrait n’a aucun effet, d’une part, sur les affaires pendantes et
d'autre part, sur les nouvelles affaires déposées avant l’entrée en vigueur
du retrait un (1) an après le dépôt de l'instrument y relatif, soit le 30 avril
! Ae Bi Bj c. République de Côte d'Ivoire, CAfDHP, Requête n° 034/2017, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations), 8 2 ; Suy A Be Am et autres c. République de Côte d'Ivoire (fond et réparations) (15 juillet 2020) 4 RICA 397, 8 67 ; Ax Bh Bd c. République du Rwanda (compétence) (03 juin 2016) 1 RICA 585, 8 69.
Il. OBJET DE LA REQUÊTE
A. Faits de la cause
3. Il ressort du dossier qu’au soir du 27 mars 2013, alors qu’il regagnait son
domicile, Maître Zerbo Seydou, avocat, a été attaqué par quatre (4)
individus armés de kalachnikovs et de pistolets. Ils l’ont dépouillé d’une
somme d'argent et de sa mallette contenant des objets divers. Dans les
jours suivants, le même avocat a fait l’objet de menaces de mort répétées
à partir de trois numéros de téléphones. Le 29 Mars 2013, il a porté plainte
contre X pour le braquage et les menaces de mort par appels téléphoniques
et par SMS anonymes.
4. Suite aux investigations menées par la police criminelle, il est apparu que
l’un des numéros de téléphone était celui du premier Requérant et les deux
autres numéros étaient respectivement ceux de son neveu et d’une cabine
téléphonique publique.
5. Arrêté par la police criminelle, le premier Requérant a reconnu avoir
menacé de mort Maître Zebro Seydou, par voie téléphonique, pour se
venger de son licenciement de son poste de gardien au cabinet de ce
dernier. Il ressort également des pièces du dossier, qu’il a reconnu être
l’instigateur de l’attaque du 27 mars 2013 contre l’avocat avec l’aide des
deux autres Requérants, tous deux éléments des forces républicaines de
Côte d’Ivoire en service dans le cortège présidentiel. En plus de leur
participation au braquage, ceux-ci étaient chargés de la location du véhicule
et de la fourniture des armes à feu ayant servi au braquage ainsi que du
repérage de l’avocat.
6. Par jugement du 23 avril 2013, le tribunal de première instance d’Abidjan
les a reconnus coupables de vol en réunion, de détention illégale d’armes
à feu et de menaces de mort et les a condamnés à vingt (20) ans de
réclusion. Le 25 février 2015, la Cour d’appel d’Ah a confirmé le
jugement du Tribunal de première instance en toutes ses dispositions. Les Requérants ont estimé que leur procès n’a pas été équitable et ont saisi la
Cour de céans.
B. Violations alléguées
7. Les Requérants allèguent la violation des droits suivants :
i. le droit à un procès équitable, en l’occurrence le droit d’accès au juge et
à la justice, protégé par l’article 7(1)(a)(b) et 7(2) de la Charte ainsi que
par l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l'homme
(DUDH) ; le principe du contradictoire, le principe de la proportionnalité
de la peine ; le droit à un recours effectif, protégé par l’article 8 de la
DUDH et l'obligation du juge de motiver sa décision dans un procès
pénal ;
it. le droit à la protection de la dignité d’une personne emprisonnée,
protégé par l’article 5 de la Charte et 10(1) du Pacte international relatif
aux droits civils et politiques (PIDCP).
Il. RÉSUMÉ DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR DE CÉANS
8. Les trois (3) Requêtes introductives d’instance ont été reçues au Greffe de
la Cour le 23 avril 2019 et communiquées à l’État défendeur le 22 juillet
2019.
9. Par ordonnance du 02 décembre 2019, la Cour a ordonné la jonction des
Requêtes n°017/2019, 018/2019 et 019/2019.
10. Le 30 janvier 2020, l’État défendeur a déposé son mémoire en défense qui
a été communiqué aux Requérants le 6 février 2020 pour leur réplique.
11. Le 03 mars 2020, les Requérants ont soumis leur réplique qui a été
communiquée, le même jour, à l’État défendeur aux fins d’information.
12. Les débats ont été clôturés le 28 octobre 2021 et les Parties en ont reçu
notification.
IV. DEMANDES DES PARTIES
13. Les Requérants demandent à la Cour d’ordonner à l’État défendeur de
prendre les mesures suivantes afin de remédier à leur situation carcérale,
en l’occurrence :
i La grâce présidentielle ;
ii La commutation de leur peine d’emprisonnement de vingt (20) ans
ferme, en une peine moins lourde ;
iii = Une libération conditionnelle ;
iv Un règlement à l’amiable ; et
v Une indemnisation financière du préjudice subi, en raison des décisions
judiciaires iniques qui ont été prononcées à leur égard.
14. L'État défendeur demande à la Cour de :
i Se déclarer incompétente pour connaître de la Requête ;
ii Dire et juger que la Requête ne satisfait pas à la condition de recevabilité
prévue à l’article 56(5) de la Charte ; et
ii Rejeter la Requête et l’ensemble des prétentions des Requérants.
V. SUR LA COMPÉTENCE
15. La Cour note que l’article 3 du Protocole dispose :
1. La Cour a compétence pour connaître de toutes les affaires et de
tous les différends dont elle est saisie concernant l'interprétation
et l’application de la Charte, du [...] Protocole, et de tout autre
instrument pertinent relatif aux droits de l’homme et ratifié par les
États concernés.
2. En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
16. Aux termes de la règle 49(1) du Règlement, la Cour « [p]rocède à un
examen préliminaire de sa compétence [.…] conformément à la Charte, au
Protocole et au [.…] Règlement ».
17. Sur le fondement des dispositions précitées, la Cour doit procéder à un
examen préliminaire de sa compétence et statuer sur les éventuelles
exceptions d’incompétence.
18. La Cour note qu’en l’espèce, l’État défendeur n’a soulevé aucune exception
d’incompétence. Toutefois, la Cour doit, conformément à la règle 49(1) du
Règlement, s'assurer que sa compétence est établie aux plans matériel,
personnel, temporel et territorial avant de poursuivre l’examen de la
Requête. Ayant constaté que rien dans le dossier n’indique qu’elle n’est pas
compétente, la Cour considère qu’elle a :
ii la compétence matérielle dans la mesure où les Requérants
allèguent la violation de leurs droits protégés par la Charte et le
PIDCP auxquels l’État défendeur est partie?
ii. la compétence personnelle, puisque, comme indiqué au paragraphe
2 du présent Arrêt, le 29 avril 2020, l’État défendeur a déposé
l'instrument de retrait de la Déclaration. La Cour réitère sa position
selon laquelle le retrait de la Déclaration n’a pas d’effet rétroactif et
n’a aucune incidence, ni sur les affaires pendantes au moment du
dépôt de l’instrument de retrait ni sur les nouvelles affaires déposées
avant la prise d’effet dudit retrait, soit le 30 avril 2021. En l’espèce,
les Requêtes ayant été déposées le 23 avril 2019 avant la
transmission, par l’État défendeur, de son avis de retrait, n’en sont
donc pas affectées.
? L’État défendeur est devenu Partie au PIDCP, le 26 mars 1992.
ii. la compétence temporelle, dans la mesure où les violations
alléguées par les Requérants se sont produites après que l’État
défendeur est devenu partie à la Charte et au Protocole.®
iv. la compétence territoriale, les violations alléguées par les
Requérants s’étant produites sur le territoire de l’État défendeur, qui
est partie au Protocole.
19. À la lumière de ce qui précède, la Cour considère qu’elle est compétente
pour connaître des présentes Requêtes.
VI. SUR LA RECEVABILITÉ
20. Conformément à l’article 6(2) du Protocole, « [Na Cour statue sur la
recevabilité des requêtes en tenant compte des dispositions énoncées à
l’article 56 de la Charte ».
21. Aux termes de la règle 50(1) du Règlement, « [Ia Cour procède à un
examen de la recevabilité des requêtes introduites devant elle
conformément aux articles 56 de la Charte et 6, alinéa 2 du Protocole, et au
[…] Règlement ».
22. La règle 50(2) du Règlement, qui reprend en substance les dispositions de
l’article 56 de la Charte, est libellée comme suit :
Les Requêtes introduites devant la Cour doivent remplir toutes les
conditions ci-après :
a. Indiquer l'identité de leur auteur même si celui-ci demande à la
Cour de garder l’anonymat ;
3 Ae Bi c. République de Côte d'Ivoire, CAfDHP, Requête n° 034/2017, Arrêt du 2 décembre 2021 (fond et réparations), 8 32 ; Ab An et Ai Aa c. République de Côte d'Ivoire, CAfDHP, Requête n° 015/2021, Arrêt du 22 septembre 2022 (fond et réparations), 8 24.
b. Être compatibles avec l’Acte constitutif de l’Union africaine et la
Charte ;
c. Ne pas être rédigées dans des termes outrageants ou insultants
à l’égard de l’État concerné et ses institutions ou de l’Union
africaine ;
d. Ne pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles
diffusées par les moyens de communication de masse ;
e. Être postérieures à l’épuisement des recours internes s'ils
existent, à moins qu’il ne soit manifeste à la Cour que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale ;
f. Être introduites dans un délai raisonnable courant depuis
l'épuisement des recours internes ou depuis la date retenue par
la Cour comme faisant commencer à courir le délai de sa
saisine ;
g. Ne pas concerner des affaires qui ont été réglées par les États
concernés, conformément aux principes de la Charte des
Nations Unies, de l’Acte constitutif de l’Union africaine ou des
dispositions de la Charte.
23. La Cour relève qu’en l’espèce, l’État défendeur soulève une exception
d’irrecevabilité tirée du non-épuisement des recours internes. La Cour va
se prononcer sur cette exception avant d’examiner les autres conditions de
recevabilité si nécessaire.
A. Sur l’exception tirée du non-épuisement des recours internes
24. L'État défendeur affirme que la condition de l’épuisement des recours
internes suppose qu’avant qu’une affaire qui concerne la violation des droits
de l’homme soit portée devant la Cour de céans, elle doit être traitée par
tous les niveaux de juridictions nationaux de l’État concerné afin de donner
à ce dernier l’opportunité d’y remédier. Il soutient que devant le juge
national, les Requérants n’ont soulevé ni les violations qu’ils allèguent, ni
l’application des dispositions conventionnelles invoquées en l'espèce.
25. L'État défendeur fait valoir que dans le cadre des procédures nationales à
l'issue desquelles la Cour de céans est saisie, les Requérants n’ont pas
épuisé tous les recours disponibles, en l’occurrence le pourvoi en cassation.
Il demande donc à la Cour de déclarer la Requête irrecevable pour non-
épuisement des recours internes.
26. Les Requérants, pour leur part, soutiennent que leurs Requêtes sont
recevables, au regard de l’article 56(5) de la Charte. Ils soutiennent qu’ils
ne se sont pas pourvus en cassation pour des raisons indépendantes de
leur volonté. Les Requérants font valoir qu’ils étaient forclos pour se
pourvoir en cassation par méconnaissance de cette voie de recours interne.
Ils ajoutent que non seulement ils ignoraient l’existence d’un tel recours
mais qu’ils n’étaient pas assistés d’un avocat devant les juridictions
nationales qui aurait pu engager une telle procédure pour leur compte.
27. Les Requérants ajoutent que même s'ils avaient formé le pourvoi en
cassation, ce recours n’aurait connu aucun succès puisqu'il s’agit d’un
recours extraordinaire qui manque d'efficacité.
28. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 56(5) de la Charte, dont les
dispositions sont reprises dans la règle 50(2)(e) du Règlement,
l'épuisement des recours internes est une condition préalable au dépôt de
toute requête devant elle.
29. La Cour souligne que les recours internes qui doivent être épuisés sont les
recours de nature judiciaire, qui doivent être disponibles, c’est-à-dire qu’ils
peuvent être exercés sans entrave par le requérant et être efficaces et satisfaisants en ce sens que le recours doit être de nature à régler le
différend.*
30. La Cour rappelle, en outre, que conformément à sa jurisprudence
constante, il n'est dérogé à cette exigence que si le requérant démontre que
les recours sont indisponibles, inefficaces, insatisfaisants ou que la
procédure de ces recours se prolonge de façon anormale.”
31. Par ailleurs, la Cour a constamment considéré que l’examen de la condition
de l'épuisement des recours internes doit se faire à l’aune des
circonstances de la cause. Elle a, ainsi, pris en compte de manière réaliste
non seulement les recours prévus dans le système juridique national de
l’État défendeur mais également le contexte juridique ou politique qui
pourraient influer sur la disponibilité, l’efficacité ou le caractère satisfaisant
de ces recours ainsi que la situation personnelle du requérant.®
32. En l'espèce, la Cour note que les Requérants admettent n’avoir pas épuisé
les recours internes existants et disponibles. Elle note, en outre, que pour
justifier le défaut d’exercice du pourvoi en cassation, les Requérants font
valoir qu’ils n’étaient pas assistés d’un avocat, qu’ils ignoraient l’existence
du pourvoi en cassation lequel, par ailleurs, est un recours extraordinaire et
inefficace.
33. La Cour observe que par suite du jugement du 23 avril 2013 par lequel le
tribunal de première instance d’Abidjan les a déclarés coupables de vol en
réunion, de détention illégale d’armes à feu et de menaces de mort et les a
condamnés à vingt (20) ans de réclusion, les Requérants ont interjeté appel.
4 Af Au An X Al Aq (fond) (5 décembre 2014) 1RJCA 324, 8 108 ; Ak Bb Bk Ag c. République du Bénin, CAfDHP, Requête n° 027/2020, Arrêt du 2 décembre 2021 (compétence et recevabilité), 8 73.
africaine des droits de l'homme et des peuples c. République du Kenya (fond) (26 mai 2017) 2 RICA 9, 88 93 à 94.
8 Ak Bb Ag c. République du Bénin (fond) (29 mars 2019) 3 RICA 136, 8 110.
34. La Cour observe qu’ayant exercé une telle procédure dans les formes et
délais requis par le Code de procédure pénale, alors qu’à aucun moment
en première instance, ils n’ont bénéficié d’une assistance judiciaire, les
Requérants ne sauraient arguer du défaut d'assistance d’un avocat pour
justifier le défaut d’exercice du pourvoi en cassation.
35. Au demeurant, la Cour estime que les Requérants ne peuvent prétendre
qu’ils ignoraient l’existence du pourvoi en cassation.
36. Pour ce qui est du caractère extraordinaire du pourvoi en cassation, la Cour
relève que dans l’ordonnancement judiciaire de l’État défendeur, les recours
judiciaires existants et disponibles sont ceux susceptibles d’être exercés
devant les juridictions du premier degré, les cours d’appel et la Cour
suprême qui est la plus haute juridiction de l’État.” Ainsi, le pourvoi en
cassation n’est pas un recours extraordinaire comme le prétendent les
Requérants.
37. S’agissant de l'efficacité du pourvoi en cassation, la Cour rappelle, comme
elle l’a précédemment considéré, que l’efficacité d’un recours réside dans
sa capacité à remédier à la situation dont se plaint celui qui l’exerce.® La
Cour observe que dans le système juridique de l’État défendeur, le pourvoi
en cassation est un recours qui vise à faire annuler, pour violation de la loi,
un arrêt ou un jugement rendu en dernier ressort et de ce fait permet à la
plus haute juridiction de l’État de sanctionner les violations de la loi
commises par les juridictions inférieures. Par ailleurs, les décisions de la
Cour suprême lient les juridictions inférieures et peuvent aboutir à la
modification de la situation des Requérants sur le fond de leurs affaires.!°
7 Article premier de loi n°61-155 du 18 mai 1961 portant organisation judiciaire et modifiée par la loi n° 99-435 du 06 juillet 1999.
8 Bc Av et autres c. Al Aq (fond) (28 mars 2014) 1 RICA 226, 8 68.
9 Articles 28 et 32 de la Loi 97-243 du 25 avril 1997 modifiant la Loi 94- 440 du 16 août 1994 déterminant la compétence, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour suprême.
19 Woyome c. Ghana (fond et réparations) (28 juin 2019) 3 RICA 245, 8 65 ; Av et autres c. Al Aq, supra, 8 69.
Par conséquent, le pourvoi en cassation est un recours effectif que les
Requérants auraient dû exercer.
38. La Cour rappelle, en outre, comme elle l’a jugé dans des affaires concernant
des pays de même tradition juridique et judiciaire que l’État défendeur, que
le pourvoi en cassation est en principe un recours efficace et satisfaisant
devant être épuisé par tout requérant.!*
39. Au vu de ce qui précède, la Cour accueille l'exception soulevée par l’État
défendeur et considère que la présente Requête ne satisfait pas à la
condition de l’épuisement des recours internes énoncée à l’article 56(5) de
la Charte. En conséquence, la Cour déclare les Requêtes irrecevables.
B. Sur les autres conditions de recevabilité
40. La Cour rappelle que les conditions de recevabilité d’une requête sont
cumulatives de telle sorte que dès que l’une d’entre elles n’est pas remplie,
c’est l’entière Requête qui s'en trouve irrecevable.!?
41. La Cour considère qu'ayant estimé que les recours internes n’ont pas été
épuisés, il n’y a pas lieu qu’elle se prononce sur les autres conditions de
recevabilité.
42. Enconséquence, la Cour considère que la présente Requête ne remplit pas
les conditions de recevabilité énoncées à l’article 56 de la Charte et la
déclare irrecevable.
14 Av c. Al Aq, ibid, 8 70 ; An X Al Aq, supra, 8 93.
12 Ay Bf c. République du Mali, CATDHP, Requête n° 038/2019, Arrêt du 5 septembre 2023 (compétence et recevabilité), 8 47 ; Bg Ba c. République du Mali, CAfDHP, Requête n° 002/2019, Arrêt du 22 septembre 2022 (compétence et recevabilité), 8 49 ; Az An et Ad Aj c. République du Mali (compétence et recevabilité) (21 mars 2018) 2 RICA 246, 8 63; Ap Ac c. République du Rwanda (compétence et recevabilité) (11 mai 2018) 2 RICA 373, 8 48.
VII. SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE
43. Les Parties n’ont pas soumis d’observations sur les frais de procédure.
44. La Cour rappelle qu’aux termes de la règle 32(2) de son Règlement, « à
moins que la Cour n’en décide autrement, chaque partie supporte ses
frais de procédure ».
45. La Cour estime en l'espèce, qu’il n’y a aucune raison de s’écarter de cette
règle et ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
VIII. DISPOSITIF
46. Par ces motifs,
LA COUR,
À l’unanimité
Sur la compétence
Sur la recevabilité
ii. Déclare l’exception d’irrecevabilité fondée ;
ii. Déclare la Requête irrecevable.
Sur les frais de procédure
iv. Ordonne que chaque Partie supporte ses frais de procédure.
Ont signé :
Imani D. ABOUD, Présidente —Ge1
Ben KIOKO, Juge ; 2;
Chafika BENSAOULA, Juge GE ;
Blaise TCHIKAYA, Juge ; ge
Stella |. ANUKAM, Juge ; Eu am ;
Dumisa B. NTSEBEZA, Juge ; —
Dennis D. ADJEI, Juge ;
et Robert ENO, Greffier.
Fait à Arusha, ce quatrième jour du mois de juin de l’an deux mille vingt-quatre en français et en anglais, le texte français faisant foi.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 017/2019
Date de la décision : 04/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
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