---- ---- DECISION N°03/SCA/G/SG/CC DU 27 FEVRIER 2019
AFFAIRE :
Sieur C Aa
- PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
- PRESIDENT DE L’ASSEMBLEE NATIONALE
- PRESIDENT DU SENAT
- ETAT DU CAMEROUN (Ministère des Domaines et des Affaires Foncières)
(Refus de l’exécution par le Conservateur Foncier du Wouri « À » de l’Arrêt n°155 /COM rendu le 17 Novembre 2017 par la Cour d’Appel du Littoral ordonnant la mutation du titre foncier n°13460/W au profit du requérant).
Le Conseil Constitutionnel ;
---- Vu la Constitution ;
---- Vu la loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel, modifiée par celle n° 2012/015 du 21 décembre 2012 ;
---- Vu le Décret n°2018/104 du 07 Février 2018 portant organisation et fonctionnement du Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
---- Vu le décret n°2018/015 du 07 Février 2018 portant nomination des Membres du Conseil Constitutionnel ;
---- Vu le Décret n° 2018/106 du 07 Février 2018 portant nomination du Président du Conseil Constitutionnel ;
---- Vu le Décret n° 2018/170 du 23 Février 2018 portant nomination du Secrétaire Général du Conseil Constitutionnel ;
---- Vu le Décret n°2018/445 du 31 Juillet 2018 portant nomination des Responsables au Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
Vu la requête en date du 12 Février 2019 de Sieur C Aa ;
---- Attendu que par requête en date du 12 Février 2019 enregistrée au Greffe du
Conseil Constitutionnel le même jour sous le n° 02, le Sieur C Aa,
résidant à Ac et ayant pour Conseil Maître Constant KOUM ,Avocat au Barreau ---- du Cameroun, BP.2668 Ab, téléphone 699 83 54 76, a saisi le Conseil Constitutionnel aux fins de régler le conflit d’attribution né du refus de l’exécution par le Conservateur Foncier du Wouri « A » de l’ Arrêt n°156/COM rendu le 17 Novembre 2017 par la Cour d’Appel du Littoral ordonnant la mutation du titre foncier n°13317/W au profit du requérant.
Que cette requête est ainsi conçue :
« Monsieur C Aa résident à Ac laquelle élit domicile en l'Etude de Maître Constant KOUM, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 2668 Ab, Téléphone 699 83 54 76;
« A L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER:
« Que suivant acte N°5560 daté du 27 Mars 2007 du répertoire de Maître Marie Louise NKOUE MA W AFO FONKOUA, Notaire près la Cour d'Appel du Littoral, après avoir préalablement obtenu l'accord du Ministre des Finances patron des liquidations au Cameroun selon la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic(articles 79 et suivantes, articles 85 et suivants) (annexe 1 et 2), il a acquis moyennant paiement de la somme de 130.000.000 FCFA un immeuble bâti sis à Ab 1” au lieu-dit A Ad d'une contenance superficielle de 1439,36 m° environ, objet du titre foncier n° 13460/W formant la villa n° 104 A et B appartenant à l'ex Office National des Ports du
« Que suite au paiement du prix dans les caisses du Trésor public courant 2006(annexe 3), il incombait à la partie venderesse de libérer les lieux et à l'Administration de faire procéder à la mutation du titre foncier n° 13460/W au profit du requérant ;
« Qu'en dépit de la réalisation d'un dossier technique par les services cadastraux du département du Wouri, le requérant n'a toujours pas obtenu la mutation de ce titre de propriété en son nom en raison des atermoiements de l'Administration (annexe 4) ;
« Que pour justifier le refus de mutation du titre foncier n°13460/W au profit du requérant, l'Administration des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières a excipé l'expédition du jugement n°337/CIV du 08 Octobre 2014 du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo annulant la vente immobilière préalablement passée entre la requérante et la liquidation de l'ex Office National des Ports du Cameroun (Annexe 5) ;
« Que sur appel du requérant, la Cour d'Appel du Littoral a, suivant arrêt n°155/COM 12 du 17 Novembre 2017, annulé le jugement n° 341/CIV du 08 Octobre 2014 du tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo pour violation de la loi (annexe 6) ;
« Que cette décision de justice qui est désormais devenue définitive a été notifiée au liquidateur de l'Ex Office National des Ports du Cameroun et au Conservateur Foncier du Wouri « À » en vue de procéder à la mutation du titre foncier concerné (annexe 7) ;
« Qu'en violation de la loi, le Conservateur Foncier du Wouri « A » s'obstine à s'abstenir de procéder à la mutation du titre foncier n°13460/W au profit du requérant au mofif qu'il a reçu une instruction datée du 05 Avril 2018 du Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières lui demandant de surseoir sans délai à l'exécution de l'arrêt n° 155/COM rendu le 17 Novembre 2017 par la Cour d'Appel du Littoral ;
« Que la Constitution du Cameroun qui garantit l'état de droit et protège la propriété est gravement violée par l'Inertie de l'Administration des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières qui refuse manifestement d'exécuter une décision de justice définitive passée en force de chose jugée.
« Que l'examen du présent recours sera fort aisé à l'issue d'une discussion juridique.
« DISCUSSION JURIDIQUE
« Attendu que la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 02 juin 1996, modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 Avril 2008 consacre la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire dans ses Titres II traitant du Pouvoir Exécutif (article 5 et suivants), dans son Titre III traitant du Pouvoir Législatif (article 14 et suivants) et dans son Titre IV traitant du Pouvoir Judiciaire/Article 37 et suivants).
« Que dans le Préambule de la Constitution du Cameroun, il est spécifiquement précisé
que :
« La propriété est le droit d'user, de jouir et de disposer des biens garantis à chacun par la loi. Nul ne saurait en être privé si ce n'est pour cause d'utilité publique et sous la condition d'une indemnisation dont les modalités sont fixées par la loi… »
« Attendu que la problématique de la présente procédure porte sur la violation du droit de propriété du requérant du fait d'un excès de pouvoir commis par le Conservateur Foncier du Wouri « À » résultant d'un conflit d'attribution entre les Institutions de l'Etat notamment le Pouvoir Ae qui entrave l'exécution d'une décision de justice rendue par le Pouvoir Judiciaire ;
« Qu'en l'espèce, le requérant a régulièrement acquis courant 2007 auprès de la liquidation de l'Office National des Ports du Cameroun un immeuble bâti d'une contenance superficielle de 2161,48 m° situé au quartier Bonanjo à Ab B er au lieu- dit A Ad objet du titre foncier n° 13460/W moyennant paiement de la somme de 130.000.000 FCF À ;
« Que, s'il est admis que l'ex propriétaire dudit immeuble à savoir l'Office National des Ports du Cameroun désormais admise en liquidation était une société à capital public, il n'en demeure pas moins vrai que les biens ne peuvent être réintégrés dans le patrimoine de l'Etat que si tous les créancier gagistes ont été intégralement désintéressés ;
« Que la liquidation de l'ex office National des Ports du Cameroun dont la mission consiste pour l'essentiel à réaliser l'actif pour apurer le passif était habilitée à procéder à la vente des biens immobiliers de cette société sous réserve d'obtenir l'approbation préalable du Ministre des Finances, seule autorité relevant du Pouvoir Exécutif et en assurant la tutelle ;
« Qu'en l'espèce, le requérant a régulièrement acquis son bien immobilier courant Mars 2007 suivant acte notarié dûment enregistré, auprès de la liquidation de l'ex- Office National des Ports du Cameroun alors représenté par Monsieur NKODO ZE Anatole, Vice-président de la Commission technique de privatisation et des liquidations dûment habilité (annexe 8) ;
« Que cette vente immobilière avait été précédée par l'approbation préalable du Ministre des Finances, lequel avait autorisé la réalisation de la cession de l'immeuble concerné ;
« Qu'après le versement du prix d'acquisition par le requérant courant 2006, un acte de vente a été dressé et signé par devant Notaire, un dossier technique fut réalisé par les services départementaux du cadastre du Wouri, et l'acte de vente fut régulièrement enregistré aux Impôts ;
« Que depuis l'année 2007, le requérant n'a pas jouit de son droit de propriété, et n'est pas entré en possession de son bien immobilier conformément au préambule de la Constitution, mais plutôt a été surpris courant février 2014 de recevoir une assignation en nullité de vente immobilière du Cabinet ATOU, nouveau liquidateur de l'ex office National des Ports du Cameroun, d'avoir à comparaitre par devant la Chambre Civile du Tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ;
« Que suivant jugement n° 337/CIV du 08 Octobre 2014, cette juridiction a prononcé la nullité de la vente immobilière passée entre la liquidation de l'ex Office National des Ports du Cameroun et le requérant (Cf. annexe 4) ;
« Que sur appel du requérant, la Cour d'Appel du Littoral suivant Arrêt n°155/COM du 17 Novembre 2017 a annulé ledit jugement pour cause de violation de la loi (Cf. annexe
« Que suite à la notification de cette décision de justice au Cabinet ATOU, actuel liquidateur de l'ex Office National des Ports du Cameroun, cette partie ne s'est point pourvue en cassation de sorte qu'elle a obtenu un Certificat de non pourvoi rendant la décision de justice prononcée définitive et irrévocable (annexe 9) ;
« Attendu que cette décision de justice a été notifiée en même temps que le certificat de non pourvoi (annexe 10) au Conservateur foncier du Wouri « A » en vue de faire procéder à la mutation du titre foncier n°13460/W au profit du requérant sur la base du dossier technique préalablement réalisé en souffrance depuis l'année 2007 dans cette administration ;
« Qu'en dépit des multiples démarches du requérant et du Notaire instrumentaire, le conservateur foncier du Wouri « À » s'abrite derrière l'instruction du 05 Avril 2018 du Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières à elle adressée lui demandant de surseoir sans délai à l'exécution de l'Arrêt n° 155/COM rendu le 17
novembre 2017 par la Cour d'Appel du Littoral ;
« Attendu que cette immixtion intempestive du Pouvoir Exécutif dans la sphère du Pouvoir Judiciaire constitue un conflit d'attribution entre les Institutions de l'Etat relevant de la compétence du Conseil Constitutionnel tel que prévu par l'Article 3 de la loi n° 2004/004 du 21 Avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
« Qu'au demeurant, une confusion semble s'installer entre la liquidation de l'ex ONPC représentée par le Président de la Commission Technique de Privatisation et des Liquidations et le Cabinet ATOU dont les interventions sont nettement postérieures à notre transaction ;
« Considérant que la vente dont s'agit date de 2006 alors que les demandes de suspension et d’interdiction ne datent que de 2014 et 2015 ;
« Que le Cameroun est un Etat de droit, et les droits du requérant sont entravés par le Conservateur Foncier du Wouri « À » qui se trouve être contraint de faire ce que la loi n'ordonne pas en violation du préambule de la Constitution, il y'a lieu de statuer sur la présente requête en constatant l'excès de pouvoir de ce fonctionnaire et en lui ordonnant de faire procéder sans délai à la mutation du titre foncier n° 13460/W au profit du requérant.
« SOUS TOUTE RESERVES
« Ab, le 12 Février 2019
« (signé)
« (c. KOUM)
---- Attendu que conformément aux dispositions de l’Article 19 alinéa 3 de la loi n°2004/004 du 21 Avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel, modifiée par la loi n°2012/015 du 21 Décembre 2012 avis de cette saisine a été donné au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Président du Sénat et à l’Etat du Cameroun (Ministère des Domaines et des Affaires Foncières) par actes du Secrétariat Général n° 8, 9,10 et 11 du 13 Février 2019.
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE
---- Attendu qu’aux termes de l’Article 59 de la loi n°2004/004 du 21 Avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
1- « Lorsque la requête est manifestement irrecevable, le Conseil Constitutionnel statue par décision motivée sans instruction contradictoire préalable. »
2- « La décision est aussitôt notifiée au requérant et aux parties intéressées. »
---- Qu’enfin, selon l’article 4 du même texte, les débats ne sont pas publics, sauf en matière électorale et référendaire. Toutefois, les décisions du Conseil Constitutionnel sont rendues en audience publique » ;
---- Que sur le présent recours, en spécifiant les matières qui relèvent de la compétence du Conseil Constitutionnel, l’article 47 alinéa 1 de la Constitution dispose entre autre que «le Conseil Constitutionnel statue souverainement sur :… «les conflits d’attribution entre les institutions de l’Etat ; entre l’Etat et les Régions ; entre les Régions »;
---- Que l’alinéa 2 du même article précise que « le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers du Sénat. »
---- Qu’il ajoute que : « les Présidents des exécutifs régionaux peuvent saisir le 16 Conseil ---- Constitutionnel lorsque les intérêts de leur région sont en cause ».
---- Que par ailleurs, aux termes de l’article 30 de la susdite loi d’organisation du Conseil Constitutionnel, celui-ci «est compétent pour statuer sur tout conflit d’attribution entre les institutions de l’Etat, entre l’Etat et les Régions et entre les Régions ; »
---- Que l’article 31 suivant dispose :
«Le Conseil Constitutionnel est saisi par le Président de la République, par le Président de l’Assemblée Nationale, par le Président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des Sénateurs et les Présidents des Exécutifs Régionaux lorsque les intérêts de leur région sont en cause ».
---- Qu’il résulte de l’ensemble de ces textes qu’en matière de conflit d’attribution entre les institutions, la saisine du Conseil Constitutionnel est réservée aux autorités y limitativement énumérées ;
---- Qu’au surplus, selon les dispositions de l’article 19 alinéa 7 de la même loi d’organisation, «la saisine du Conseil Constitutionnel par le Président de la République ne fait pas obstacle à la saisine par les autres autorités habilitées et inversement. »
---- Que les autres autorités ainsi visées n’étant pas différentes de celles de la liste limitative rappelée ci-dessus, cette saisine n’est pas ouverte à d’autres justiciables ;
---- Attendu qu’en l’espèce, sieur C Aa qui n’est pas l’une des autorités habilitées dont s’agit n’a pas qualité pour déférer le présent litige devant le Conseil Constitutionnel ;
---- Qu'il s’en suit que sa requête est manifestement irrecevable.
---- Attendu que la procédure devant le Conseil Constitutionnel étant gratuite en vertu de l’article 57 de la loi n°2004/004 du 21 Avril 2004 modifiée, portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel, il convient de laisser les dépens à la charge du Trésor Public.
---- Qu’il y a lieu par ailleurs d’ordonner la notification de la présente décision aux parties concernées et sa publication au journal officiel en Français et en Anglais en application des dispositions de l’article 15(2) de ladite loi.
PAR CES MOTIFS
----Statuant publiquement en matière de conflit d’attribution, en dernier ressort et à l’unanimité des membres ;
Déclare la requête de sieur C Aa irrecevable pour défaut de qualité ;
---- ---- ---- Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la notification de la présente décision aux parties concernées et sa publication au journal Officiel en Français et en Anglais ;
Ainsi jugé et prononcé en audience publique par le Conseil Constitutionnel, les mêmes jours, mois et an que dessus,
---- En foi de quoi la présente décision a été signée par le Président et le Secrétaire Général, puis contresignée par le Greffier en Chef ;