DECISION N° 24/CC/SRCER DU 24 FEVRIER 2020
AFFAIRE :
Sieur B At,
candidat de l’UNDP dans le MAYO REY
RDPC
ELECAM
MINAT
OBJET :
(Annulation partielle des opérations électorales dans la circonscription du MAYO REY)
---L’an deux mille vingt
---Et les vingt-quatre et vingt-cinq du mois de février ;
---Le Conseil Constitutionnel en audience publique tenue au palais des Congrès suivant la
composition ci-après :
---M. Clément ATANGANA, Président du Conseil Constitutionnel,
PRESIDENT ;
BAH OUMAROU SANDA,
Ac BB AJ,
Af Ad A AH,
Aw AS,
---Mme Ar Aq AP,
---MM.
Charles Etienne LEKENE DONFACK,
Jean Baptiste BASKOUDA,
Emile ESSOMBE,
CONSEILLERS ;
---Avec l’assistance de Maître HAMADJODA, Greffier en Chef Suppléant ;
---Et de Maître AMBOMO Flavienne Jeannette épouse NOAH AMBASSA, Greffier ;
---En présence de Monsieur BC Af AL, Secrétaire Général ;
---Dans l’affaire opposant :
---Sieur B At, candidat de l’UNDP dans la circonscription électorale du
MAYO REY, comparant ;
---D’UNE PART
-Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), représenté par une
délégation conduite par Aj AM, AY AY Am, AT
BA, NDONG SOUMHET Benoit, Maîtres AG Av As AQ
Ab, AK Af, KISOB LUKE, Y AI AO Ae, MBARGA
NGONO Rose Céline, NKOUMOU TSALA Gilbert et ALIMA Marcus, Avocats au
Barreau du Cameroun ;
-Elections Cameroon (ELECAM), ayant pour conseils Maîtres AN Ao
X, OKHA BAU OKHA et ATANGANA AMOUGOU Joseph, Avocats au Barreau
du Cameroun ;
-Ministère de l’Administration Territoriale (MINAT), représenté par ESSOMBA
Pierre, ISSANDA ISSANDA Alain Salomon, MBENOUN Maurice, OYONO
ESSOMBA, Ak AY Anne, MELAT ATIOGUE Brice et Maître ACHET
NAGNIGNI Martin, Avocat au Barreau du Cameroun, comparant ;
---D’AUTRE PART
---Après avoir entendu le Conseiller Charles Etienne LEKENE DONFACK, en son
rapport et délibéré conformément à la loi ;
---À rendu la décision dont la teneur suit :
---Vu la Constitution ;
---Vu la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du 377 Conseil Constitutionnel, modifiée par la loi n°2012/015 du 21 décembre 2012 ;
---Vu la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code Electoral, modifiée et complétée
par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 ;
---Vu le décret n° 2018/104 du 07 février 2018 portant organisation et fonctionnement du
Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/105 du 07 février 2018 portant nomination des Membres du
Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/106 du 07 février 2018 portant nomination du Président du Conseil
Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/170 du 23 février 2018 portant nomination du Secrétaire Général
du Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2018/445 du 31 juillet 2018 portant nomination de responsables au
Secrétariat Général du Conseil Constitutionnel ;
---Vu le décret n° 2019/612 du 10 novembre 2019 portant convocation du corps électoral
en vue de l’élection des députes à l’Assemblée Nationale et des Conseillers Municipaux ;
---Vu le recours de sieur B At ;
---Par requête en date du 11 février 2020 enregistrée au Conseil Constitutionnel le 12
février 2020 sous le n° 32, sieur B At, résidant à TOUBORO, candidat tête
de liste des candidats de l’UNDP aux élections du 09 février 2020 dans la circonscription
électorale de MAYO REY, et le parti politique sus nommé, représenté par son Secrétaire
Général Ap Ag AW, ayant élu domicile au cabinet de Maître KUITCHE
MAHAGNE Hélène, Avocat au Barreau du Cameroun, ont saisi ledit conseil
d’un recours en annulation des opérations électorales dans la circonscription du MAYO
REY ;
---Que cette requête est libellée ainsi qu’il suit :
« Monsieur le Président du Conseil Constitutionnel
« Ont l'honneur de vous exposer
« Que par la présente, ils introduisent un recours contentieux auprès de vous, aux fins de
contestation de la régularité de l’élection des candidats du RDPC Ai C,
AX Al, AZ MOUSSA et leurs suppléants et aux fins d’annulation des opérations électorales des élections législatives du 09 février 2020 dans l'arrondissement
de Rey AZ de la circonscription du MAYO REY, région du Nord ;
« En la forme
« Attendu que ce recours est recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai
prévus par la loi (articles 132 et suivants de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012, articles
48 et 49 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du
Conseil Constitutionnel) ;
« Au fond
« Attendu que les requérants sollicitent l’annulation des opérations électorales des
élections législatives du 09 février 2020 dans l’arrondissement de Rey AZ,
circonscription électorale de Mayo Rey, Région du Nord ;
« Attendu en effet que le scrutin du 09 février 2020 a été émaillé de nombreuses fraudes et
irrégularités dans l'arrondissement de Rey AZ ;
« Que ces irrégularités et fraudes ont couvert l’ensemble des bureaux de vote de
l’arrondissement de Rey AZ ;
« Attendu que le jour du scrutin, la quasi-totalité des représentants de l’'UNDP, ayant été
désignés pour faire partie des commissions locales de vote, ont été interdits d'accès dans
les bureaux de vote de l'arrondissement de Rey AZ par les « dogari » (milice) du
Lamido de cette localité, ce qui explique que dans la circonscription électorale du Mayo
Rey où l’'UNDP a deux représentants dans chaque bureau de vote dans les trois autres
arrondissements de la circonscription, il n’y en ait pas eu un seul dans les bureaux de vote
de l’arrondissement de Rey AZ ;
« Or attendu que la qualité de membre de la commission locale de vote est instituée par la
loi : « Il est créé pour chaque bureau de vote, une commission locale de vote composée
ainsi qu’il suit :
« Président: une personnalité désignée par le responsable du démembrement
départemental d’Ah Au ;
« Membres :
« un représentant de l’Adamaoua désigné par le sous-préfet ;
« -un représentant de chaque candidat, liste de candidats ou parti politique … » (article
54, al. 1 du Code Electoral) ;
« Que leur rôle est si important dans le contrôle du vote des électeurs que le législateur
leur permet exceptionnellement de voter dans le bureau de vote dans lequel ils sont
affectés, en raison de ce qu'on voudrait s'assurer de la sincérité des opérations
électorales (art. 102, al. 1 et 2 du Code électoral) ; « Nul ne peut être admis à voter s’il
n’est inscrit sur la liste électorale du bureau de vote concerné… » (article 102, al. 1 du
Code électoral) ; « Nonobstant les dispositions de l’alinéa 1 ci-dessus, le président et les
membres de la commission locale de vote sont autorisés à y voter sur présentation de leur
carte électorale (….) » (article 102, al. 2 du code électoral) ;
« Que d’ailleurs c’est à eux que le législateur a confié les opérations de dépouillement du
scrutin : « Le dépouillement du scrutin est opéré par les membres de la commission locale
de vote, assistés par des scrutateurs désignés … » (article 111, al. 1 du Code électoral) ;
« Qu'il est incontestable que cette mesure prise par le Lamido de Rey AZ visait
simplement à éloigner les représentants de l’'UNDP des bureaux de vote avant de bourrer
les urnes, et assurer dans cet arrondissement la victoire au Rassemblement Démocratique
du Peuple Camerounais (RDPC) dont il est membre ;
« Attendu qu’au bout du compte la plupart des bureaux de vote de l’arrondissement de
Rey AZ n'étaient constitués que de deux (2) membres de la commission locale de vote ;
« Que cette situation a d'ailleurs été relevée par les membres de la Commission
départementale de supervision (cf. procès-verbal des travaux de la commission
départementale de supervision, pièce 1) ;
« Or attendu que les article 56 et 57 du Code électoral disposent que :
« Article 56 : « si un ou plusieurs représentants désignés par les candidats, mandataires
des listes ou partis politiques, font défaut à l'ouverture du scrutin, le président de la
commission locale de vote doit, par décision consignée au procès-verbal, désigner, pour
la compléter, des électeurs sachant lire le français ou l'anglais, inscrits sur la liste
électorale correspondant au bureau de vote. » ;
« Article 57, al. 1 : « Trois membres de la commission au moins doivent être présents dans
le bureau de vote ou à proximité immédiate pendant tout le cours des opérations
électorales. » ;
« Que de tout ce qui précède, il est constant qu’en maintenant les bureaux de vote avec
uniquement deux membres de la commission locale de vote pendant tout le cours des
opérations électorales, sans procéder au remplacement des membres absents, ELECAM a
violé la loi ;
« Attendu que toutes ces dispositions légales ont été prises par le législateur dans
l’optique de s'assurer que le résultat du scrutin reflète la réalité des urnes ;
« Que la réalité des urnes ayant été tronquée, la conséquence de cette irrégularité est
l’annulation des opérations électorales du 09 février 2020, dans la circonscription
électorale du Mayo Rey, Région du Nord, pour violation des dispositions des articles 54,
56, 57 et 111 du Code électoral ;
« Par ces motifs
« Et tous autres à ajouter, déduire ou suppléer, même d'office
« Les requérants sollicitent, qu’il vous plaise, Messieurs les président et Honorables
Membres du Conseil Constitutionnel :
« En la forme :
« Déclarer le présent recours recevable pour avoir été introduit dans les forme et délai
prévus par la loi ;
« Au fond :
« Constater que le scrutin du 09 février 2020 dans l'arrondissement de REY AZ de la
circonscription électorale de Mayo Rey, Région du Nord a été émaillé de nombreuses
fraudes matérialisées par l'expulsion des représentants du parti politique Union Nationale
Pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) de tous les bureaux de vote de
l’arrondissement de REY AZ ;
« Dire et juger que ces faits sont constitutifs d’entraves aux opérations de vote, d’atteintes
aux droits civiques et de violation de la loi notamment les dispositions des articles 54, 56,
57 et 111 de la loi n° 2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, modifiée, et
complétée par la loi n° 2012/017 du 21 décembre 2012 ;
« Dire et juger que la composition des commissions locales de vote est d’ordre public et
que la violation des dispositions des articles 54, 56, 57 et 111 du Code électoral dans
l’arrondissement de REY AZ entraîne l'annulation des suffrages qui en résultent ;
« En conséquence :
« Conformément aux dispositions de l’article 132, alinéa 2 du code électoral, annuler les
opérations électorales des élections législatives du 09 février 2020 dans l'arrondissement
de REY AZ de la circonscription électorale de Mayo Rey, Région du Nord ;
« Ordonner la reprise des élections législatives dans l'arrondissement de REY AZ de
la circonscription électorale de Mayo Rey, Région du Nord, dans un délai de 20 jours au
moins et de 40 jours au plus, tel que prévu par l’article 135 al. 2 de la loi n° 2012/001 du
19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21
décembre 2012 ;
« Sous toute réserves ;
« Les requérants prient Messieurs les président et Honorables Membres du Conseil
Constitutionnel de bien vouloir accepter l'expression de leur sentiment respectueux ».
---Attendu qu’en application des dispositions de l’article 133 alinéa 3 du Code Electoral, la
susdite requête a été communiquée aux parties intéressées, lesquelles disposaient d’un
délai de quarante-huit (48) heures pour déposer leurs mémoires en réponse respectifs ;
---Que suite à cette communication, le RDPC représenté par une délégation conduite par
Aj AM, AY AY Am AT BA, NDONG
SOUMHET Benoit, Maîtres AG Av As, AQ Ab, AK Af,
KISOB LUKE, Y AI AO Ae AU Z Rose Céline,
NKOUMOU TSALA Gilbert et ALIMA Marcus, Avocats au Barreau du Cameroun, a
déposé son mémoire en réponse ainsi conçu :
« Plaise au Conseil Constitutionnel
« Attendu que par requête en date du 12 février 2020 enregistrée au Conseil
Constitutionnel le 12 février suivant sous le n° 328, Monsieur B At,
candidat de l’Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) à l'élection
législative du 09 février 2020 dans la circonscription électorale du MAYO REY et l'UNDP sollicitent l’annulation partielle des opérations électorales dans ladite circonscription,
plus précisément dans l'arrondissement de REY AZ ;
« Au principal
« Attendu que le recours de Monsieur B At et de l'UNDP est irrecevable en
la forme ;
« Qu'en effet, aux termes des dispositions des alinéas 1” et 2 de l’article 48 de la
Constitution du 02 juin 1972 révisée par la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996,
modifiée et complétée par la loi n° 2008/001 du 14 avril 2008: «(1) Le Conseil
Constitutionnel veille à la régularité de l'élection présidentielle, des élections
parlementaires, des consultations référendaires. Il en proclame les résultats ;
« (2) En cas de contestations sur la régularité de l’une des élections prévues à l'alinéa 1
ci-dessus, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, par tout parti
politique ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée ou toute personne
ayant qualité d'agent du Gouvernement pour cette élection. ».
« Qu’aux termes des dispositions de l’article 52 de la loi fondamentale camerounaise :
« L'organisation et le fonctionnement du Conseil Constitutionnel, les modalités de saisine,
ainsi que la procédure suivie devant lui sont fixés par la loi. ».
« C’est en applications des dispositions de l’article 52 ci-dessus citées de la constitution
qu’à été adoptée et promulguée la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation
et fonctionnement du Conseil Constitutionnel telle que modifiée ;
« Précisément, l’article 1” de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel, modifiée dispose : « La présente loi fixe
l’organisation, le fonctionnement et les modalités de saisine du Conseil Constitutionnel
ainsi que la procédure suivie devant lui, en application de l’article 52 de la
Constitution. ».
« Attendu qu’en ce que la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel modifiée est une loi dont l'application est
expressément prévue par la constitution pour préciser les modalités d'organisation et de
fonctionnement de cette institution, les modalités de sa saisine ainsi que la procédure à suivre devant elle, il s’agit d’une loi organique, c’est-à-dire une loi complétant la loi
fondamentale et qui touche la structure des organes de l'Etat ;
« Que dans la hiérarchie des normes, une loi organique est directement placée en dessous
de la constitution dont elle est l’émanation, mais au-dessus des lois ordinaires ;
« Que la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 qui se rapporte à l’organe du Conseil
Constitutionnel, est donc au-dessus du code électoral qui est une loi ordinaire en ce qui
concerne le mode de saisine et la procédure à suivre devant le Conseil
Constitutionnel ; »Attendu que dans le cadre de ses attributions telles qu'elles résultent de
l’article 3(2) et 40 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 susvisée, le Conseil
Constitutionnel « veille à la régularité de l’élection présidentielle, des élections
parlementaires, des consultations référendaires et en proclame les résultats. ».
« Que s'agissant de la procédure à suivre et du mode de saisine du Conseil
Constitutionnel en cas de contestation de l’élection des membres du parlement, les articles
48, 49 et 55(1) de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 disposent respectivement :
« Article 48 : « (1) En cas de contestation de la régularité de l'élection des membres du
parlement, le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique,
ayant pris part à l'élection dans la circonscription concernée et toute personne ayant la
qualité d'agent de gouvernement pour cette élection.
« (2) Lorsque le Conseil Constitutionnel est saisi d’une contestation relative à l'élection
d’un député ou d’un sénateur, il statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que
du suppléant. ».
« article 49 : « Sous peine « Article 49 : « Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit
contenir les nom, prénom(s), qualité et adresse du requérant ainsi que le nom de l’élu ou
des élus dont l'élection est contestée. Elle doit en outre être motivée et comporter un
exposé sommaire des moyens de fait et de droit qui la fondent. Le requérant doit annexer à
la requête les pièces produites au soutien de ses moyens. » ;
« Article 55(1) : « Le Conseil Constitutionnel est saisi par une requête datée et signée du
requérant. Cette requête doit être motivée et comporter un exposé sommaire des moyens
de fait et de droit qui la fondent. » ;
«Que les dispositions ci-dessus citées qui s'appliquent à l'organe du Conseil
Constitutionnel tel que voulu par la constitution, doivent être associées aux dispositions
du Code Electoral s’agissant des contestations liées à la régularité de l'élection des
Membres du Parlement ;
« Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 168 alinéa 2 de la loi n° 2012/001 du
19 avril 2012 portant code électoral, modifiée et complétée par la loi n° 2012/017 du 21
décembre 2012 : «le contentieux électoral et l’organisation, le cas échéant, d’une
nouvelle élection se font en application des dispositions des articles 132 à 136 de la
présente loi. » ;
« Qu’aux termes des dispositions des alinéas 1 et 3 de l’article 133 dudit code « (1) Toute
contestation formulée en application des dispositions de l’article 132 ci-dessus doit
parvenir au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de soixante-douze (72)
heures à compter de la date de clôture du scrutin.
« (3) Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens allégués.
Elle est affichée dans les vingt-quatre (24) heures à compter de son dépôt et communiquée
aux parties intéressées, qui disposent d’un délai de quarante-huit (48) heures pour
déposer, contre récépissé, leur mémoire en réponse. » ;
« Qu'il résulte de la combinaison de l’ensemble des dispositions qui précèdent :
«1) Qu'en cas de contestation de la régularité de l'élection d’un membre du parlement,
le Conseil Constitutionnel peut être saisi par tout candidat, tout parti politique ayant pris
part à l’élection dans la circonscription concernée et toute personne ayant qualité d'agent
du gouvernement pour cette élection ;
«2) Que sous peine d’irrecevabilité, la requête doit contenir les nom, prénom (s), qualité
et adresse du requérant ainsi que le nom de l'élu ou des élus dont l'élection est contestée ;
«3) Que sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens
allégués ;
«4) Que la requête doit être datée et signée du requérant ;
« Attendu que de façon constante, le juge électoral camerounais, en son temps la Cour
Suprême du Cameroun statuant comme Conseil Constitutionnel, au regard du principe
selon lequel « la forme prime sur le fond » est à la base de la recevabilité de tout recours,
s’est toujours intéressé à la recevabilité formelle de la requête qui le saisit, c’est-à-dire à
la vérification de ce que la requête contient les différents éléments de forme exigés par les
dispositions légales ;
« C’est ainsi que lors du contentieux post électoral de l’élection présidentielle du 11
octobre 2004, l’ensemble des requêtes en annulation de ladite élection introduites par le
SDF avaient été déclarées irrecevables sur le fait que les requêtes saisissant la Haute
juridiction étaient signées par son conseil en lieu et place du requérant ;
« À titre de droit comparé, en application des dispositions de l’article 35, alinéa 1 de
l’ordonnance n° 58/1067 du 07 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
Constitutionnel en France dont s’est inspiré le législateur camerounais, les requêtes
doivent contenir le nom, les prénoms et qualité du requérant ainsi que le nom des élus
dont l'élection est attaquée ;
« De même, à peine d’irrecevabilité de la demande, la requête doit être signée de son
auteur (V. article 3 alinéa 1” du Règlement applicable à la procédure suivie devant le
Conseil Constitutionnel pour le contentieux de l'élection des députés et des sénateurs) ;
« Que faisant application de ces dispositions, le juge constitutionnel français a déclaré
irrecevable une requête signée par un avocat déclarant agir en qualité de mandataire du
requérant (Cons. Const. 6 mai 1986, AN Polynésie française, Rec. Cons. Const, p. 42 ; 8
juin 1993, AN Alpes-Maritimes, 7 circ. JO 12 juin 1993, p.8422 ; 30 sept. 1993, AN
Réunion, 3° circ., JO 12 oct. 1993, p. 14254 ;
« Attendu qu’en l’espèce, la requête de Monsieur B At et de l'UNDP ne
comporte nullement le nom de l’élu ou des élus dont l'élection est contestée en violation
de l’article 49 de la loi n°2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel qui énoncent que « Lorsque le Conseil
Constitutionnel est saisi d’une contestation relative à l’élection d’un député ou d’un
sénateur, il statue sur la régularité de l'élection tant du titulaire que du suppléant. » ;
« Qu’en application des disposition sus invoquées, la requête de Monsieur B
At et de l'UNDP devait également indiquer les noms des suppléants ;
« Qu’en omettant d'indiquer le nom des suppléants dans leur requête, ils l’ont exposé à la
sanction de l’irrecevabilité prévue à l’article 49 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
« En outre, la requête de Monsieur B At et de l'UNDP est signée par leur
Avocat en violation des dispositions de l’article 55 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004
portant organisation et fonctionnement du Conseil Constitutionnel ;
« Qu'il s’en suit que ladite requête doit être déclarée irrecevable ;
« Subsidiairement
« Attendu que le recours de Monsieur B At et l'UNDP porte sur les griefs
suivants :
Interdiction d'accès dans les bureaux de vote de REY AZ par la « milice » du Lamido
de ladite localité ;
Défaut de désignation des électeurs en remplacement des membres des commissions
locales de vote absents, de sorte que lesdites commissions n'étaient constituées que des
membres du RDPC,
Bourrage des urnes
« Au soutien de leurs allégations, ils produisent le procès-verbal des travaux de la
commission départementale de supervision ;
« Mais attendu qu’il y a lieu de rejeter ledit recours sur le fait que d’une part, les
requérants n’apportent aucun élément de nature à établir que les représentants de
l’UNDP ont été chasses et interdits d'accès dans les bureaux de vote ;
« D'autre part, le PV de la commission départementale de supervision produit se borne à
constater l'absence des représentants de l’'UNDP dans certaines commissions locales et le
passage des représentants du Lamido dans quelques bureaux de vote sans autre
précision ;
« Que les requérants ne sauraient tirer avantage de ces constatations non équivoques ;
« Attendu qu’en tout état de cause, la liste du RDPC est donnée largement victorieuse
dans la circonscription électorale du MAYO REY avec un important écart de plus de
12.000 (douze) mille voix sur celle de l’UNDP ;
« Que les prétendus griefs allégués ne sauraient avoir incidence sur cette volonté
majoritaire librement exprimée des électeurs du MAYO RFY ;
« Qu'il y a lieu de rejeter le recours Monsieur B At et l'UNDP comme étant
non fondé ;
« Par ces motifs
« Au principal « Voir déclarer irrecevable le recours de Monsieur B At et
l’UNDP comme étant non fondé ;
« Subsidiairement
« Voir rejeter le recours de Monsieur B At ET l'UNDP comme étant non
fondé ;
« Sous toutes réserves
« Profond respect
« Yaoundé, le 15 février 2020
SUR LA RECEVABILITE DE LA REQUETE
---Attendu que le contentieux de l’élection des Députés à L’Assemblée Nationale relève
plutôt du Code Electoral et non de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 portant organisation
et fonctionnement du Conseil Constitutionnel, telle que modifiée et complétée par celle n°
2012/015 du 21 décembre 2012 ;
---Qu’en effet, contrairement à ce que soutiennent les parties défenderesses, l’article 45 de
cette loi, dite « organique », renvoie lui-même de façon explicite le règlement du
contentieux de l’élection présidentielle aux lois électorales en vigueur, désormais, les
articles 132 et 133 du Code Electoral, auxquels l’article 168 suivant renvoie à son tour
pour l’élection parlementaire, au détriment des dispositions de la loi organique invoquées ;
---Attendu à cet égard, qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 132 sus indiqué, le Conseil
Constitutionnel « statue sur toute requête en annulation totale ou partielle des
opérations électorales introduite par tout candidat, tout parti politique ayant pris part à
Pélection, ou toute personne ayant qualité d’agent du Gouvernement pour cette
élection. » ;
---Que l’article 133 suivant dispose quant à lui :
« (1) Toute contestation formulée en application des dispositions de l’article 132 ci-
dessus doit parvenir au Conseil Constitutionnel dans un délai maximum de soixante-
douze (72) heures à compter de la date de clôture du scrutin… » ;
« (3) Sous peine d’irrecevabilité, la requête doit préciser les faits et les moyens
allégués… » ;
---Qu’il résulte de l’ensemble de ces textes que la recevabilité de la requête obéit à trois
(03) conditions seulement en l’occurrence, avoir la qualité, de la part de son auteur,
respecter les délais prescrits et préciser les faits et les moyens de droits allégués ;
---Qu’en l’espèce, la requête introduite est conforme à ces prescriptions ;
---Qu’il convient de la déclarer recevable ;
AU FOND
---Attendu que sieur B At sollicite du Conseil Constitutionnel, l’annulation
partielle des opérations électorales dans la circonscription du Mayo-Rey en invoquant les
griefs suivants :
1- La quasi-totalité des représentants de l’UNDP ont été interdits d’accès dans les
bureaux de vote par les « dogari » ;
2- Les urnes ont été bourrées en l’absence des représentants de l’UNDP ;
3-Les bureaux des commissions ne comportaient que deux (02) membres au lieu
de trois (03) en violation de l’article 51(1) du Code électoral ;
---Que s’agissant de l’interdiction de l’entrée des représentants de l’UNDP dans les
bureaux de vote par les « dogari », en violation des articles 102 alinéas 1 et 2 du Code
électoral relatifs respectivement à l’inscription sur les listes électorales du bureau de vote
concerné et à l’autorisation accordée au président et aux membres de la Commission
locale de vote à voter sur présentation de leur carte nationale d’identité, il n’a été signalé
aucune obstruction au scrutin et aucun acte de violence sur les représentants de l’UNDP ;
---Qu’au demeurant, cette absence de preuve concerne aussi les opérations de
dépouillement prévues à l’article 111 du Code Electoral que le requérant voudrait à tout
prix imputer à la présence des « dogari » et à l’absence des membres de l’UNDP dans la
commission ;
---Que lors du dépouillement prévu à l’article 55 du Code électoral, le président de la
commission locale de vote a le pouvoir de désigner quatre (04) scrutateurs parmi les
électeurs pris dans tous les partis politiques en compétition ;
---Qu’il n’est pas rapporté que les électeurs pris au sein de l’UNDP aient été victimes
d’une quelconque discrimination ;
---Attendu que sur la violation de l’article 57 alinéa 1 du Code Electoral relatif à la
composition des bureaux de vote ne comprenant que deux (02) membres au lieu de trois
(03), il y a lieu d’inviter le requérant à se référer à l’alinéa 2 du même article qui permet
au Président de la Commission de déroger à la règle de trois (03) membres obligatoires, en
cas de force majeure en ces termes :
«cependant, s’il éprouve des difficultés insurmontables pour constituer la
commission, le président peut ouvrir le bureau de vote à heure d’ouverture du
scrutin » ;
---Qu’en ouvrant le bureau de vote avec deux (02) membres sur trois (03), le président de
la commission n’a pas violé la loi ;
---Attendu que sur la violation de l’article 56 qui prescrit au président du bureau de vote
de compléter celui-ci par des électeurs sachant lire et écrire le français ou l’anglais à
l’ouverture du scrutin en cas d’absence d’un mandataire de liste ou de partis, il y a lieu de
relever que le souci du législateur a toujours été de faire démarrer le vote à l’heure
indiquée dans le respect de la loi à l’effet d’offrir leur chance à tous les candidats et de
préserver leurs droits à tous les électeurs ;
---Que l’article 57 alinéa 2 que le requérant prend soin de ne pas citer, complète à souhait
l’article 56 de la même loi ;
---Qu’en tout état de cause et s’agissant du grief relatif au non-respect du nombre des
membres de la commission, deux (02) au lieu de trois (03), dans l’objectif selon le
requérant, de pénaliser l’'UNDP, la preuve n’est pas rapportée de ce que ce manquement
serait imputable aux « dogari » ou à ELECAM ;
---Que sur le prétendu bourrage des urnes, il est à signaler que la preuve n’en a pas été
rapportée ;
---Qu’en conséquence, les faits allégués par sieur B At n’étant pas appuyés
par des preuves irréfutables, il y a lieu de rejeter sa requête comme non justifiée ;
---Attendu que la procédure devant le Conseil Constitutionnel étant gratuite en vertu de
l’article 57 de la loi n° 2004/004 du 21 avril 2004 modifiée, portant organisation et
fonctionnement du Conseil Constitutionnel, il convient de laisser les dépens à la charge du
Trésor Public ;
---Qu’en application des dispositions de l’article 15(2) de ladite loi et celles de l’article
131(3) du Code Electoral, il y a lieu d’ordonner la notification immédiate de la présente
décision au Conseil Electoral et aux autres parties intéressées, ainsi que sa publication au
Aa An ;
PAR CES MOTIFS
---Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, à l’unanimité des
membres et en dernier ressort ;
---Déclare la requête de sieur B At recevable en la forme ;
AU FOND
---La rejette comme non justifiée ;
---Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
---Ordonne la notification immédiate de la présente décision à ELECAM et aux autres
parties intéressées, ainsi que sa publication au Aa An en français et en anglais ;
---Ainsi jugé et prononcé en audience publique par le Conseil Constitutionnel, les jour,
mois et an que dessus, en la salle des audiences dudit Conseil ;
---En foi de quoi la présente décision a été signée par le Président et le Secrétaire Général,
puis contresignée par le Greffier en chef suppléant. /-
LE PRESIDENT LE AV AR
Clément ATANGANA MALEGHO Joseph ASEH
LE GREFFIER EN CHEF SUPPLEANT
HAMADJODA