VOIES D’EXECUTION - SAISIE - SAISIE-VENTE - BIENS N’APPARATENANT PAS AU DEBITEUR SAISI - ACTION EN NULLITE EXERCEE PAR LE DEBITEUR -VALIDITE DE L’ACTION (OUI)-ACTION EN DISTRACTION EXERCEE PAR LE PROPRIETAIRE-ACTION VALABLE (OUI)-DEMANDE RECONVENTIONNELLE EN IMMOBILISATION DU BIEN- DEMANDE NON FONDEE (OUI)-NULLITE DE LA SAISIE (OUI)-DISTRACTION DU BIEN SAISI (OUI)
Lorsque le bien saisi n’est pas la propriété du débiteur, celui-ci peut demander à la juridiction compétente de prononcer la nullité de la saisie. De même, le tiers dont le bien a été saisi à tort a aussi la possibilité d’exercer l’action en distraction de ce bien devant la juridiction compétente dès lors qu’il apporte la preuve de la propriété du bien et qu’aucune preuve contraire n’est rapportée. Faute pour le créancier saisissant de prouver que le véhicule objet de la saisie appartient au débiteur, sa demande reconventionnelle en immobilisation de ce véhicule ne saurait prospérer.
ARTICLE 103 AUPSRVE ARTICLE 140 AUPSRVE ARTICLE 141 AUPSRVE
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE D’EDEA, ORDONNANCE N°01/CE/TPI/010 DU 18 JANVIER 2010, SIEURS C Aa ET B Ad C/ DAME A Y MARIE MADELEINE, MAITRE MAYI JEAN JACQUES
NOUS, PRESIDENT, JUGE DU CONTENTIEUX DE L’EXECUTION
- Attendu qu’en vertu de l’ordonnance n°02 rendue le 07 janvier 2010 par le Président du Tribunal de Première Instance d’Edéa, juge des requêtes et par acte du même jour du Ministère de Maître BAYIGA Victor, Huissier de justice à Edéa, non encore enregistré, mais qui le sera en temps utile, sieurs C Aa et B Ad, ayant pour conseil Maître BETCHEM Narcisse, Avocat au Barreau du Cameroun BP : 3893 Ab ont donné assignation à dame A Y Marie Madeleine et à Maître MAYI Jean Jacques, Huissier de justice à Edéa ayant pour conseil Maître A. Jules BINYOM, Avocat au Barreau du Cameroun BP :17295 Ab d’avoir à se trouver et comparaître par devant le Président du Tribunal de Première Instance statuant en matière de contentieux de l’exécution pour est-il dit dans ledit acte :
- Constater que le véhicule saisi n’est pas la propriété de sieur C Aa ;
- Constater que ledit véhicule appartient à sieur B Ad ;
- Ordonner par conséquent la distraction dudit véhicule ;
- Constater que l’exécution querellée est fondée sur un extrait du plumitif ;
- Ordonner l’annulation de la procédure d’exécution engagée ;
- Attendu qu’au soutien de leur action, les demandeurs allèguent que le 02 mars 2009, le Tribunal de Première Instance d’Edéa, statuant en matière civile et commerciale a rendu le jugement n°11/CIV/TPI/2009 condamnant sieur C Aa à payer à dame A Y Marie Madeleine la somme de 3 074 750 francs ;
- Que ce jugement étant assorti de l’exécution provisoire, dame A Y a fait signifier au sieur C un procès-verbal de saisie-vente du 28 mai 2009 ;
- Que sieur C a initié à la Cour d’Appel du Littoral les défenses à exécution qui ont fait l’objet d’un rejet le 23 décembre 2009 ;
- Que quelques jours après, dame A Y, qui s’était précipitée à obtenir un extrait du plumitif a tenté sur la base de celui-ci, de procéder au recollement du procès-verbal du 28 mai 2009 qui avait opéré la saisie du véhicule automobile de marque Z X, immatriculé CE 4893 R ;
- Que ledit véhicule n’appartient pas à C qui, bien que l’utilisant, n’en assure que la garde ;
- Qu’il l’a du reste signalé au moment de la saisie à l’Huissier instrumentaire ;
- Qu’en effet, ce véhicule est la propriété de sieur B Ad qui l’a acquis à la suite d’une vente aux enchères ;
- Qu’ils sollicitent la distraction dudit véhicule d’une part et la nullité du procès-verbal de recollement d’autre part ;
- Attendu que pour faire échec aux prétentions des demandeurs, dame A Y Marie Madeleine, par la plume de son conseil maître BINYOM A. Jules, fait valoir que le véhicule saisi est bel et bien la propriété de sieur C, sieur B Ad dont il prétend détenir ledit véhicule à titre précaire ayant déclaré, sur procès- verbal du 03 juin 2009 du Ministère de Maître Jean Jacques MAYI, Huissier de justice à Edéa, ne lui avoir servi que de prête-nom ;
- Que bien plus, sieur B Ad a déclaré n’avoir pas été associé à la présente procédure qui est l’œuvre de C dans le seul but de tromper le juge et de se soustraire à la justice ;
- Qu’il n’a engagé aucune action en distraction, sieur C qui prétend n’être pas le propriétaire n’ayant aucun intérêt à engager la procédure ;
- Que d’autre part, le recollement étant un contrôle opéré par l’huissier de justice après une saisie afin de vérifier que le bien mis sous main de justice n’a pas été déplacé ou détourné ;
- Qu’en l’espèce, l’Huissier qui s’est présenté au domicile de sieur C a constaté que ce dernier avait fuit avec ledit véhicule ;
- Que par suite, il n’ y a pas eu recollement ;
- Qu’enfin l’usage des preuves matérielles fausses par sieur C dans le but d’induire le juge en erreur et de distraire ainsi un véhicule placé sous main de justice l’amène à solliciter reconventionnellement l’immobilisation dudit véhicule ;
- Qu’aux termes des dispositions de l’article 103 (3) de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la juridiction compétente peut ordonner l’immobilisation d’un véhicule saisi jusqu’à son enlèvement en vue de la vente par tout moyen n’entraînant aucune détérioration du véhicule ;
- Que dans le cas d’espèce, il ne souffre l’ombre d’aucun doute que les actions menées par sieur C visent manifestement à détourner le véhicule saisi ;
- Que pour sécuriser ce bien saisi, il y a lieu d’en ordonner l’immobilisation jusqu’à son enlèvement en vue de la vente ;
SUR LA RECEVABILITE DES ACTIONS
- Attendu qu’aux termes combinés des articles 140 et 141 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n’est pas propriétaire tout comme le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction ;
- Attendu que le véhicule automobile saisi n’est pas encore vendu ;
- Que l’action en distraction de sieur B Ad est recevable, l’argument suivant lequel il n’est pas partie au procès ne pouvant porter à conséquence dès lors que l’intéressé, qui a comparu en personne devant la présente juridiction, n’a pas expressément dénié cette qualité ;
- Que d’autre part, sieur C Aa est recevable en son action en annulation de la saisie en sa qualité de débiteur entre les mains de qui le véhicule automobile ne lui appartenant pas a été saisi ;
- Attendu que dame A Y Marie Madeleine est recevable en sa demande reconventionnelle, laquelle est intimement liée à la saisie querellée ;
SUR LE BIEN FOND DE L’ACTION
- Attendu que l’examen des circonstances de la cause laisse apparaître que le véhicule automobile saisi entre les mains du débiteur C Aa n’est guère la propriété de celui-ci ;
- Qu’il n’en est qu’un détenteur précaire, le véritable propriétaire étant un tiers en la personne de B Ad ainsi qu’il résulte du procès-verbal de vente aux enchères délivré le 19 août 2006 par les soins de Maître David Victor BAYIGA ;
- Que la confession faite par B Ad dans un procès-verbal de consignation des déclaration du Ministère de Maître MAYI Jean Jacques du 03 juin 2009 n’est pas suffisante pour remettre en cause l’attribution d’un bien dont la preuve de la propriété ne peut être rapportée que par un écrit ;
- Attendu qu’au regard de ce qui précède, autant l’annulation de la saisie querellée est fondée du fait que le débiteur n’est pas le propriétaire du bien saisi, autant la distraction est fondée du fait que le propriétaire du véhicule saisi est un tiers ;
- Qu’il y a lieu de déclarer la saisie pratiquée nulle et de nul effet et d’ordonner par ailleurs la distraction du véhicule automobile saisi ;
- Attendu que la demande reconventionnelle tendant à l’immobilisation du véhicule saisi apparaît non fondée ;
- Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de contentieux de l’exécution et en premier ressort, après en avoir délibéré ;
EN LA FORME
- Ac C Aa Ae en son action en nullité de la saisie ;
- Recevons B Ad en son action en distraction ;
- Recevons dame A Y Marie Madeleine en sa demande reconventionnelle en immobilisation du véhicule saisi ;
AU FOND
- Constatons que le véhicule automobile de marque DAEWOO type RAGER immatriculé CE 4993 R objet de la saisie du 28 mai 2009 n’appartient pas au débiteur C ;
- Constatons que ledit véhicule automobile appartient à un tiers, en la personne de B Ad ;
- Déclarons en conséquence la saisie pratiquée nulle et de nul effet ;
- Ordonnons la distraction du véhicule automobile saisi ;
- Disons la demande reconventionnelle non fondée ;
- Condamnons les défendeurs aux dépens ;