COMMUNITY COURT OF JUSTICE, € ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE,
B No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL: 09-6708210/5240781
Fax 09-5240780/5239425
Website:www. courtecowas.org COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNATE, B
ABUJA —- NIGERIA
Rôle Général : ECW/CCJ/APP /19 /13/
Arrêt n° ECEW/CCJ/JUD/04/15 du 23 avril 2015
Monsieur Ab C DEMANDEUR
CONTRE
L'ETAT DU NIGER DEFENDEUR
COMPOSITION DE LA COUR
Hon. Juge Jérôme TRAORE ; Président
Hon. Juge Hamèye F. MAHALMADANE, Juge Rapporteur
Hon. Juge Alioune SALL, Membre
Assisté Me Atanase ATANNON, Greffier LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
a rendu, dans l'affaire : Monsieur Ab C contre l'Etat du Niger, en constatation de violation des droits de l'Homme et en
indemnisation, la décision dont la teneur suit :
I - PARTIES
I.1- DEMANDEUR Monsieur Ab C ex contrôleur des douanes, numéro matricule 26.807, assisté par Maître Mazet Patrick, Avocat au barreau du Niger, BP : 20, Rue Ad Ae à Ac, tel :
0022796975561/92703181;
I.2- DEFENDEUR : L'Etat du Niger, pris en la personne du Secrétaire Général du Gouvernement (SGG) en ses bureaux sis à la Présidence de la République du Niger, assisté par Maitre Mahaman Hamissou, Avocat au barreau du Niger, tel : 0022796991499/ 20344480
II - FAITS ET PROCEDURE
II.1- Monsieur Ab C a attrait la République du Niger devant la cour de céans par requête en date du 27 septembre 2013, enregistrée au greffe le 7 octobre 2013, en violation de ses droits de l'Homme, notamment :
- son droit à l'emploi ;
- son droit à l'intégrité morale ;
II.2- Monsieur C a été un fonctionnaire des Douanes du Niger du 05 septembre 1977 au 28 mars 1985 ;
Il a été révoqué du cadre de ce corps sur dénonciation du Directeur Général des Douanes ;
II.3- En effet, par rapport en date du 21 juin 1984, le Directeur Général des Douanes a exposé au Ministre des Finances et du Plan, son autorité de tutelle, les comportements qu’il reprochait à Ab C à savoir ivresse, scandale sur la voie publique et conduite sans permis ;
II a qualifié ces comportements d'absolument incompatibles avec ses fonctions;
II.4- S'inspirant de ce rapport, le Ministre des Finances et du Plan a saisi son homologue de la Fonction Publique et du Travail qui, par Décision n°1892/MFP/T du 27 août 1984, a suspendu Monsieur C avant de le déférer devant le conseil de discipline par Arrêté n° 1842/MFP/T du 19 novembre 1984;
II.5- Le conseil de discipline, après enquête, a décidé de proposer à l'autorité administrative la sanction d'avertissement écrit à l’encontre de Monsieur C ;
II.6- Le Ministre de la Fonction Publique et du Travail, par Arrêté n°814/MFP/T en date du 14 mai 1985, a passé outre la proposition du conseil de discipline et lui a infligé la sanction de « révocation sans suspension des droits à pension » ;
II.7- Monsieur C n’a cessé de demander le réexamen de son dossier à différents responsables notamment le Ministre de la Fonction Publique et du Travail, le Ministre de l'Economie et des Finances, le Président de la Commission des Crimes et Abus
Politiques, Sociaux et Culturels, le Président du Haut Conseil de la République, le Président de la Commission Nationale des Droits de l'Homme et des
République, le Premier ministre et même le Président de la République ;
De guerre lasse, il a saisi le Tribunal de Grande Instance de Ac statuant en matière administrative
II.8- Toutes ces démarches ont été peine perdue puisqu’aucune n’a abouti et même l'ultime intervention du Médiateur de la République qui a saisi le Président de la République d’une demande de grâce n’a connu un meilleur sort;
II.9- Ainsi, il a décidé de saisir la Cour de céans d’une requête contre l’Etat du Niger aux fins, pour elle, de constater le caractère arbitraire de la sanction prise à son encontre par l'Etat du Niger constitutive de violation de ses droits de l'Homme ;
II.10- La requête introductive a été notifiée au défendeur le 07/10/2013 ;
Le mémoire en défense de l’Etat du Niger, en date du 15 novembre 2013, a été reçu au greffe de la cour le 5 décembre 2013 ;
Le requérant a produit sous la plume de son conseil un mémoire en réplique en date du 1“ février 2014, enregistré au greffe de céans le 06 février 2014 ;
L'Etat du Niger n’y a pas répondu ;
II.11- La cause a été retenue et débattue à l'audience du 23 février 2015 ;
Toutes les parties étaient présentes ;
II.12- — L'affaire a été mise en délibéré pour la décision rendue le 23 avril 2015 ;
III - MOYENS ET PRETENTIONS
III.1- Monsieur C a estimé qu'il a été injustement sanctionné, que la décision de révocation prise à son encontre n’a pas respecté les prescriptions légales en la matière, qu’il a été arbitrairement révoqué par le régime du Président KOUNTCHE, qu'en effet en dépit des conclusions du conseil de discipline il a été décidé de le révoquer, que cette décision de révocation constitue une violation de ses droits de l'Homme notamment son droit à l'emploi et celui de son intégrité morale, qu'il est passé par toutes les voies internes ;
III.2- Pour appuyer ses arguments, il a insisté sur l'inexistence de fautes reprochées, l'absence de bases
légales des fautes retenues, sur la violation de la loi n°59-6 du 03 décembre 1959 relative au Statut Général de la Fonction Publique et du Travail en ses articles 17,45 et 46 et le décret 75-158/PCMS/MFPT du 11 septembre 1975 portant statut particulier du personnel des Douanes ;
III.3- Il a rappelé que l’acte posé par l’Etat du Niger à son encontre viole les instruments juridiques internationaux de protection des Droits de l'Homme notamment le Pacte International relatif aux Droits économiques, sociaux et culturels, article 6, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, article 5 et la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples en son article 4 ;
III.4- Enfin, le requérant a affirmé que l'Etat du Niger a signé et ratifié tous ces instruments juridiques internationaux de promotion et de protection des Droits de l'Homme ;
III.5- Il à sollicité qu'il plaise à la Cour de :
- recevoir sa requête régulière en la forme ;
- statuer sur la violation des droits à l'emploi et à l'intégrité morale de sa personne en se fondant sur la compétence de la Cour et les textes invoqués ;
- déclarer que les fautes sur la base desquelles la sanction a été infligée ne sont pas constituées en application des articles 17, 45 et 46 alinéa 1 de la loi 59-6 du 8 décembre 1959 ;
- constater que l'arrêté n° 0814/MFP/T du 14 mai 1985 prononçant sa révocation, pris hors délai sans motif, sans base légale, en violation de la loi 59-6, sans publication des motifs, est sans effet juridique ;
- déclarer que sa révocation est arbitraire et constitue une violation de son droit à l'emploi et de son intégrité morale ;
- condamner l'Etat du Niger à lui verser, à titre d'indemnisation pour cette violation, l’équivalent de ses salaires et accessoires de salaires qui seront évalués de la date de sa suspension jusqu'à sa retraite à 60 ans, majoré des dommages intérêts pour les préjudices moraux, le tout ne pouvant être inférieur à quatre cent millions (400.000.000) francs CFA ; - condamner l’Etat du Niger aux dépens ;
III.6- En réponse, l'Etat du Niger a rétorqué que
l'arrêté de révocation de Monsieur C ne souffre d'aucune illégalité ;
III.7- Il a soutenu que le requérant l’a attaqué le 25 juin 2012 devant les juridictions nationales et l'affaire est encore pendante, que le requérant a par la suite saisi la Cour de céans, qu’il n’a jamais eu la patience d'attendre les suites de ses procédures ;
III.8- Il a reproché au requérant d’avoir attendu 26 ans pour saisir les autorités d'une demande de salaires ;
Qu'or, l'exercice d’un recours pour excès de pouvoir est prescrit dans des délais précis ;
III.9- A l'appui de ses prétentions, il a invoqué l'ordonnance n° 2010-16 du 15 avril 2010 qui détermine l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour d'Etat ;
III.10- II a souligné que ce texte précise en son article 89 al 1°en substance que le recours administratif doit être préalablement formé dans le délai d’un mois à compter de la publication ou de la notification de la décision attaquée, qu’ainsi, le recours en annulation de Monsieur C pour excès de pouvoir n'est pas intervenu dans le délai car adressé au Premier Ministre le 09 février 2012 alors que la décision attaquée date du 14 mai 1985;
III.11- II a conclu au dépassement du délai imparti pour ester en justice et au rejet pur et simple des prétentions du requérant ;
IV - MOTIVATION - Sur la
forclusion demandée par le conseil du
requérant
IV.1- Le conseil du requérant a soutenu dans le mémoire en réplique en date du 1“ février 2014 que l'Etat du Niger a déposé son mémoire en défense hors délais ;
Il a conclu à son rejet pour forclusion en évoquant l’article 11 du Protocole (A/P1/7/91) relatif à la Cour de Justice de la Communauté ;
IV.2- L'article 11 invoqué renvoie au Règlement de la Cour de Justice de la Communauté B;
Le Règlement, en son article 35, impartit, au défendeur, le délai d’un mois à compter de la signification de la requête, pour présenter son mémoire en défense ;
IV.3- En l'espèce, la notification de la requête introductive à l’Etat du Niger a, certes, été effectuée le 07 octobre 2013, mais l'examen des pièces du dossier notamment l’accusé de réception produit par la société 7 DHL fait ressortir que le défendeur n’a reçu les documents que le 09 octobre 2013 ;
Il s'ensuit, alors, que le défendeur avait, en prenant en compte les délais de distance prévus à l’article 76.2 du Règlement, jusqu’au 20 novembre 2013 pour produire son mémoire en défense ;
Or, le mémoire en défense de l’Etat du Niger n'est parvenu au cabinet de la Présidence de la Cour que le 28 novembre 2013 ;
IV.4- II apparait alors que le mémoire en défense n’est pas intervenu dans les délais prescrits ;
Mais, les écritures du défendeur ont été déposées bien avant l’enrôlement de la cause et n’ont point retardé son examen par la Cour ;
Il s'ensuit, alors, que le dépôt tardif des écritures du défendeur n'a manifestement causé aucun préjudice au requérant ;
Dans ces conditions la demande de Monsieur C tendant à rejeter le mémoire en défense de l'Etat du Niger pour forclusion ne peut être accueillie
Il y a lieu donc de ne pas y faire droit ;
- Sur les violations des droits du requérant
IV.5- Dans sa requête, Monsieur Ab C a allégué la violation de son droit à l'emploi et de son droit à l'intégrité morale ;
IV.6- L'Etat du Niger a soutenu que l'arrêté de révocation de Monsieur C ne souffre
d'aucune illégalité ;
Il s’est barricadé derrière les textes nationaux pour invoquer le dépassement du délai imparti pour ester en justice contre l'arrêté de révocation ;
IV.7- Il ressort des dispositions de l’article 1°" h) du Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance que « les droits contenus dans la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples et les instruments internationaux sont garantis dans chacun des Etats membres de la B... » ;
Il s'ensuit donc que les faits invoqués par le requérant doivent être appréciés conformément à la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples et les instruments internationaux et non par rapport aux dispositions nationales comme semble le soutenir le défendeur ;
Dans ces conditions l’invocation des textes nationaux par le défendeur pour dénier au requérant le droit de saisir la Cour de céans ne saurait prospérer ;
IV.8- L'autorité administrative nigérienne s'est fondée sur des faits d'ivresse, scandale sur la voie publique et conduite sans permis pour initier une procédure disciplinaire contre le requérant ;
IV.9- La procédure engagée contre Monsieur
C n’a pas permis d'établir que les faits qui lui sont reprochés ont été commis dans l'exercice ou à l’occasion de l'exercice de ses fonctions, pour être constitutifs de fautes professionnelles et donc passibles d’une sanction disciplinaire ;
IV.10- L'article 17 de la loi 59-6 du 03 décembre 1959 relative au statut général de la Fonction Publique et du Travail au Niger ne prévoit de procédure disciplinaire qu'en cas de commission de faute professionnelle ;
En effet, il dispose que : « Toute faute commise par un agent dans l'exercice de ces fonctions ou à l’occasion de l'exercice de ses fonctions l’expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale » ;
IV.11- Au contraire, les faits reprochés à Monsieur C sortent du cadre professionnel ;
En effet, l'ivresse, le scandale sur la voie publique et la conduite sans permis n’ont pu être commis, s'ils ont été, qu’en dehors du cadre professionnel ;
En outre, l'enquête à laquelle il a été procédé par le Conseil de discipline est largement favorable au requérant ;
IV.12- L'enquête a révélé que Monsieur C avait de très bonnes notes sur ses bulletins de notation et bénéficiait d'appréciations élogieuses de ses différents chefs hiérarchiques sous l'autorité desquels il a eu à servir ;
D'ailleurs, son supérieur hiérarchique, au moment de la dénonciation du Directeur Général des Douanes, le Chef de Bureau de Niamey-Route, a conclu sa déposition de témoignage en ces termes : « j'ignorai même que Eli prenait de l'alcool, tellement son comportement au bureau était exemplaire. Je pense en toute sincérité que quel que soit son comportement en ville, ce n'est pas un agent à sacrifier > ;
IV.13- Les faits reprochés à Monsieur C semblent tous relever du droit commun du droit pénal; Or, l'autorité administrative n'a jamais pu invoquer une décision judiciaire établissant sans équivoque que le requérant a été coupable des faits qui lui sont reprochés ;
IV.14- Malgré tout, par Arrêté n°814/MFP/T en date du 14 mai 1984, le Ministre de la Fonction Publique et du Travail a prononcé la sanction de révocation sans suspension des droits à pension de Monsieur Ab C et cela alors même que le Conseil de discipline a proposé un avertissement écrit ;
IV.15- Il convient, dans ces conditions, d'examiner les faits à la lumière des instruments internationaux invoqués par le requérant à savoir la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, le Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels de 1966 et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948;
IV.16- Le droit à l'emploi encore appelé droit au travail est un droit fondamental consacré dans plusieurs instruments juridiques internationaux des Droits Humains ;
Il en est ainsi de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples (article 15), de même que de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 et du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 (article 6);
IV.17- L'article 15 de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples stipule que « toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal » ;
IV.18- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dispose en son article 13 que :
« Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires publiques de leur pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis, ce, conformément aux règles
édictées par la loi ;
Tous les citoyens ont également le droit d'accéder aux fonctions publiques de leurs pays ;
Toute personne a le droit d’user des biens et services publics dans la stricte égalité de tous devant la loi. »
IV.19- Le Pacte International relatif aux Droits
Economiques, Sociaux et Culturels prévoit en son
article 6 que « les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le Droit au Travail, qui comprend le
droit qu'à toute personne d'obtenir la possibilité de
gagner sa vie par un travail librement choisi ou
accepté et prendront des mesures appropriées pour
sauvegarder ce droit » ;
IV.20- Le droit à l'intégrité morale aussi est protégé par des instruments juridiques internationaux des Droits Humains ;
Il s'agit notamment de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples (article 4) et de la
Déclaration Universelle des droits de l'Homme de
1948 (article 5) ;
IV.21- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples dispose en son article 4: « La personne humaine est inviolable. Tout être humain à droit au respect de sa vie privée et à l'intégrité physique et morale de sa personne. Nul ne peut être privé arbitrairement de ce droit » ;
L'article 5 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 surenchérit en ces termes : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ;
IV.22- Il ressort des pièces du dossier, que l'Etat du
Niger a ratifié les instruments internationaux
notamment la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples et le Pacte International Relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels et a adhéré à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ;
Tous ces instruments prônent la promotion et la
protection des droits fondamentaux que sont les
droits de l'Homme ;
IV.23- Le droit international des Droits de l'Homme détermine les obligations que les Etats sont tenus de respecter ;
En effet, lorsqu'un Etat devient partie à un traité, il s’oblige à respecter les droits édictés par l'instrument, 1 à protéger ses citoyens et tous ceux qui vivent sur son territoire et à instaurer les conditions pour la jouissance desdits droits ;
IV.24- Ainsi donc l'Etat s'engage à adopter des mesures protectrices des personnes contre les violations des droits de l'Homme ;
Ensuite il s'interdit toute manœuvre tendant à entraver l'exercice des droits ;
Enfin, il met en place les initiatives nécessaires pour faciliter l'exercice desdits droits ;
IV.25- Au regard de ce qui précède, l’Etat du Niger, partie à la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, avait l'obligation de garantir l'application sur son territoire des droits énoncés par ladite charte ;
En l'espèce, il se devait de préserver et de protéger le droit à l'emploi de Monsieur C ;
IV.26- Mais, l'Etat du Niger a privé Monsieur C de son emploi sur des fondements erronés
Ainsi, a-t-il compromis son emploi ;
Ce faisant, il a violé son droit à l'emploi ;
IV.27- Dans ces conditions, l’Arrêté de révocation n°814/MFP/T en date du 14 mai 1984 du Ministre de la Fonction Publique et du Travail est constitutif de violation des Droits de l'Homme ;
IV.28- Les prétentions de Monsieur C tendant à constater la violation de son droit à l'emploi sont fondées ;
Il y a lieu alors de dire que son droit à l'emploi a été violé par l’Etat du Niger ;
IV.29- Le requérant a soutenu que son droit à l'intégrité morale a été violé mais il n'a jamais pu indiquer en quoi consiste cette violation ;
En effet, aucune preuve de la violation caractérisée de ce droit fondamental n’est rapportée ;
En l’absence d’une telle preuve, les prétentions du requérant, sur ce point, ne peuvent être accueillies ;
- Sur les réparations
IV.30- Monsieur C a sollicité à titre de réparation un montant ne pouvant être inférieur à quatre cent millions de (400.000.000) francs CFA pour toutes causes confondues ;
IV.31- II est indéniable que la violation de son droit à l'emploi a compromis le déroulement normal de sa carrière ;
Il s'ensuit alors que la demande du requérant tendant à obtenir la condamnation de l’Etat du Niger à l'indemniser est légitime ;
Pour la réparation, il convient de faire bénéficier au requérant de tous les avantages qu'il aurait tiré du déroulement normal de sa carrière ;
Dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'Etat du Niger à lui verser l'équivalent de ses salaires et accessoires de la date d'effet de sa suspension à la date à laquelle il devait faire valoir ses droits à la retraite ;
IV.32- Il est évident que le comportement de l'Etat du Niger vis-à-vis de Monsieur C a causé à ce dernier des dommages tant physiques que moraux
Mais, le requérant n'a pas produit des éléments pour apprécier et évaluer les dommages subis ;
La Cour, en pareille situation, s'est toujours fondée sur l'équité pour allouer une réparation (Arrêt n° ECW/CCJ/JUD/06/13 du O3 juillet 2013 —- Affaire Aa A et autres contre la République Togolaise) ;
Il importe, alors, de condamner l'Etat du Niger à payer au requérant le montant de trois millions (3.000.000) francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
- Sur les dépens
IV.33- L'article 66.2 du Règlement de la Cour de Justice de la Communauté B dispose que « toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu dans ce sens » ;
En l'espèce, le défendeur va succomber ;
En outre, le requérant a expressément sollicité la condamnation de l’Etat du Niger aux dépens ;
Il y a lieu donc de mettre les dépens à sa charge ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de violation des Droits de l'Homme, en premier et dernier ressort ;
En la forme : Rejette la demande de forclusion de l’Etat du Niger formulée par le requérant ;
Au fond : Reçoit la demande de Monsieur C, la déclare bien fondée partiellement
Dit que son droit à l'emploi a été violé par l'Etat du Niger ;
Déclare par contre non établie la violation du droit à l'intégrité morale ;
Condamne l'Etat du Niger à lui verser l’équivalent de ses salaires et accessoires, avec reconstitution de carrière, de la date d'effet de sa suspension à la date à laquelle il devrait faire valoir ses droits à la retraite ;
Le condamne, en outre, à lui payer le montant de trois millions (3.000.000) francs CFA à titre de dommages-intérêts ;
Met les dépens à sa charge ;
AINSI FAIT, JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE
PUBLIQUE, AU SIEGE DE LA COUR, A ABUJA, CE JOUR 23 AVRIL 2015 ;
Y ONT PRIS PART :
- Honorable Juge Jérôme TRAORE, Président,
- Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE, Juge Rapporteur,
- Honorable Juge Alioune SALL, Membre ;
Assisté de Maître Athanase ATANNON, Greffier.