COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, €
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE,
No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST,
Siégeant à ABUJA/ République Fédérale du Nigeria, en son audience du 23 avril 2015, dans l’affaire :
1- Z AL
Y AG Af AO
AP B AH
4- BOUBACAR MOSSI : Demanderesse Ayant pour Conseil Maitre BOUBACAR AMADOU, Avocat à la Cour, quartier Aa Ai, 367, Rue YN128 BP 179 Ab Ah, email: cabamadou12@yahoo.fr
Contre
La République du Niger, représentée par Monsieur le Secrétaire
Général du Gouvernement Défenderesse Assistée de la SCPA THEMIS, société d’Avocats sise 380, Avenue du Kawar, BP.12517, Ab
Rôle Général : ECW/CCJ/APP/19/14 Arrêt N° :
Composition de la Cour :
Honorable Juge Jérôme TRAORE Président
Honorable Juge Yaya BOIRO Membre
Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE Membre
Assistée de Maître Aboubacar Djibo DIAKITE Greffier
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
I- PROCEDURE
Le 23 Septembre 2014, messieurs Z AL AG Af AO, B
AH, BOUBACAR MOSSI, ont attrait la République du Niger devant la Cour de Justice de la Communauté CEDEAO pour violation des droits de l’Homme ;
Le même jour, les requérants déposaient une requête a fin de procédure accélérée ;
Le 03 octobre, les deux requêtes ont été notifiées à la République du Niger par le Greffier en Chef, qui lui a imparti un délai de quinze (15) jours pour déposer son mémoire en défense ;
Le 20 octobre 2014, la République du Niger déposait au greffe de la Cour son mémoire en défense ;
Le dossier a été programmé pour l’audience des plaidoiries le 23 février 2015 ;
Les requérants n’ont pas comparu à cette audience bien qu’ils aient reçu notification de sa date ;
La Cour a entendu l’Ftat du Niger, représenté par son conseil et le directeur du contentieux de l’Etat, et mis le dossier en délibéré.
II- FAITS-PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
8. Par requête en date du 23 septembre 2014, messieurs
Z AL AG Af AO,
B AH, BOUBACAR MOSSI, saisissaient la Cour de Justice de la Communauté afin qu’elle constate et juge que :
- le Bureau de l’Assemblée Nationale, installé courant MaiJuin 2014, n’est pas conforme à l’article 89 alinéa 1 de la
Constitution du Niger en ce sens qu’il ne reflète pas la configuration politique de l’Assemblée Nationale telle que définie par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et constitue une violation du protocole (A/SP1/12/01) ;
- la majorité parlementaire est seule responsable de cette situation qui est une violation des droits de l’opposition parlementaire à participer, par l’entremise des députés de son choix, à la gestion des affaires de l’Assemblée Nationale
- toutes les décisions prises par le Bureau non conformes sont illégales et par conséquent de nul effet ;
- le scrutin doit se poursuivre à l’effet de compléter la composition du bureau par l’élection des représentants légaux de l’opposition ;
9. Au soutien de leurs prétentions, ils exposent que le Bureau actuel de l’Assemblée National n’est pas conforme aux dispositions de l’article 89, alinéa 1 de la Constitution du 25 novembre 2010, des articles 13.1, 13.2 et 15.6 de la résolution 003/AN du 19 février 2011 portant règlement intérieur de l’Assemblée Nationale, parce qu’ayant été mis en place sans que les deux (02) postes de vice-présidents de l’opposition n’aient été pourvus ; que ce Bureau n’est pas non plus conforme aux règles de bonne gouvernance telles qu’édictées par les Etats au Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne gouvernance de la CEDEAO dont le Niger est signataire ;
10. Que cette composition incomplète du Bureau empêche toute forme d’expression de l’opposition parce que fonctionnant à sens unique ; que ce fonctionnement à sens unique vient d’avoir pour conséquence l’autorisation d’arrêter le Président de l’Assemblée Nationale avant la
levée de son immunité et sans qu’il n’ait été entendu, toute chose qui constitue une menace grave pour les droits de l’Homme ;
11. Par acte séparé en date du 23 septembre 2014, les requérants demandaient à la Cour de soumettre cette affaire à la procédure accélérée afin d’éviter un péril grave et irrémédiable au bon fonctionnement de l’Assemblée Nationale qui n’a plus de Président alors que sa prochaine session s’ouvre la première semaine du mois d’octobre ;
12. Qu’ils fondent cette demande sur les dispositions de l’article 59 du Règlement de la Cour ;
13. Dans son mémoire en défense, la République du Niger sollicite qu’il plaise à la Cour :
de déclarer recevable son mémoire en défense ;
au principal, de dire et juger qu’il n’y a pas lieu à ordonner une procédure accélérée ;
au fond : rejeter le recours de Z AL, AMADOU ALI DJIBO, B AH et AK A comme non fondé ;
14. Au soutien de sa défense, l’Etat du Niger expose que le Greffe de la Cour lui a accordé un délai de quinze (15) jours pour déposer son mémoire en défense, en se fondant sur la requête à fin de procédure accélérée;
15. Que cependant, la procédure accélérée n’a pas pour objet de réduire les délais accordés à la défense par l’article 35 du Règlement de la Cour ; qu’il estime donc que la Cour doit déclarer recevable, le mémoire en défense qu’il a déposé 20 octobre 2014;
16. Que s’agissant de la demande de procédure accélérée, il estime qu’elle n’est fondée sur aucune urgence et le motiftiré de l’absence du Président de l’Assemblée ne peut la justifier ; que la session budgétaire a d’ailleurs été ouverte à la date fixée par le Bureau, et les travaux se poursuivent avec la participation des membres élus au titre des groupes parlementaires de l’opposition ;
17. Que la Cour devra également rejeter le recours tendant à déclarer irrégulier le Bureau de l’Assemblée Nationale et illégaux les actes qu’il a posés dans la mesure où la composition dudit Bureau n’est pas en contradiction avec les dispositions de l’article 89, alinéa 1 de la Constitution du Niger et que les actes qu’il a posés sont réguliers ;
18. Que les deux (02) postes de vice-président, réservés à l’opposition sont toujours libres et ne sont pas occupés par des députés de la majorité parlementaire ; qu’ils peuvent toujours être occupés par les députés de l’opposition ; que le Bureau de l’Assemblée Nationale, contesté par les requérants, compte des membres de l’opposition dont le Président lui-même, MOUSSA ADAMOU élu comme questeur , DAOUDA JIGO et AM AI tous deux élus comme secrétaires parlementaires ; qu’il est donc inexact de dire que le Bureau de l’Assemblée Nationale est composé uniquement de députés de la majorité parlementaire ; que ce Bureau étant régulièrement constitué, ses actes sont réguliers ;
19. Qu’il n’a pas violé la constitution en autorisant l’arrestation de l’ancien Président de l’Assemblée Nationale puisqu’il a été saisi d’une requête aux fins d’arrestation de Monsieur Ae AG et y a donné une réponse ;
IN- MOTIFS DE LA DECISION 1- Sur la forme
1.1- De la demande de procédure accélérée
20. — Attendu que selon l’article 59.2 « la demande tendant à soumettre une affaire à une procédure accélérée doit être présentée par acte séparé lors du dépôt de la requête ou du mémoire en défense » ;
21. Qu'’en l’espèce, la requête à fin de procédure accélérée et la requête portant saisine de la Cour ont été déposées au greffe de la Cour le 23 septembre 2014 et par acte séparé ;
22. Qu’il convient en conséquence de la déclarer recevable pour avoir satisfait aux prescriptions de l’article 59.2 du Règlement précité ;
23. Attendu que l’article 59 du Règlement de la Cour dispose que : « À la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le président peut exceptionnellement, sur la base des faits qui lui sont présentés, l’autre partie entendue, décider de soumettre une affaire à une procédure accélérée dérogeant aux dispositions du présent règlement, lorsque l’urgence particulière de l’affaire exige que la Cour statue dans les plus brefs délais (…) » ; qu’il résulte de cette disposition que le recours à la procédure accélérée doit être fondé sur l’urgence particulière de l’affaire ;
24, Attendu que dans le cas d’espèce, les requérants ne justifient nullement l’urgence nécessitant que la Cour soumette la présente affaire à la procédure accélérée ; que l’argument tiré de l’absence du Président de l’Assemblée Nationale ne constitue pas une situation caractérisant une urgence particulière ; Qu’il ne s’agit pas là d’un péril grave et irrémédiable pouvant compromettre les droits des requérants ;
25. Que la Cour a d’ailleurs déjà affirmé dans ses arrêts ( N°ECW/CCJ/JUD/05/10 du 08/11/2010 : AG X contre République du Niger et le Général B DJIBOet N° ECW/CCJ/JUD/06/12 du
13/03/2012: AN Ac Ad Contre
République du Togo), qu’il lui appartient, au regard des faits qui lui sont présentés, d’apprécier le caractère urgent de l’affaire pour décider de la soumettre ou pas à la procédure accélérée ;
26. Qu’au surplus, la phase orale a été ouverte et l’affaire débattue et mise en délibéré ;
27. Qu’il convient en conséquence, de dire au regard de ce qui précède, qu’il n’y a pas lieu à soumettre la présente affaire à la procédure accélérée ;
1.2- De la recevabilité du mémoire en défense de la
République du Niger
28. Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 35 du Règlement de la Cour que le mémoire en défense est déposé par la défenderesse dans le mois qui suit la signification de la requête ; qu’ainsi, la défenderesse bénéficie-t-elle d’un délai d’un (01) mois pour déposer son mémoire en défense dès que la signification de la requête lui a été faite ;
29. Attendu que l’article 59 du Règlement de la Cour permet au Président de soumettre exceptionnellement une affaire à la procédure accélérée ; que cette disposition bien que dérogatoire à la procédure ordinaire devant la Cour n’a pas pour vocation de réduire les délais de dépôt du mémoire en défense tels que fixés par l’article 35;
30. — Attendu qu’en l’espèce, le Greffier en Chef de la Cour en notifiant les requêtes à la République du Niger, lui a 7 imparti un délai de quinze (15) jours pour déposer son mémoire en défense, alors qu’aucune disposition légale ne lui permet de réduire le délai d’un (01) mois prévu à l’article 35 ;
31. Que la République du Niger a reçu notification des requêtes le 03 octobre 2014 et a déposé son mémoire en défense le 20 octobre 2014 ; qu’il s’ensuit qu’entre la date de notification des requêtes et celle du dépôt du mémoire en défense, il s’est écoulé moins d’un mois ;
32. Qu’en conséquence, il convient de déclarer recevable le mémoire en défense de la République du Niger pour avoir satisfait aux délais prescrits par les dispositions de l’article 35 du Règlement ;
2- Sur le fond
33. Attendu qu’aux termes de l’article 9-4 du protocole additionnel (A/SP.1/01/05) portant amendement du Protocole (A/P.1/7/91) relatif à la Cour de Justice de la Communauté, CEDEAO, « La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme » ; que l’article 10-d du même texte dispose que : « Peuvent saisir la Cour :
d- Toute personne victime de violations des droits de l’Homme ; la demande à cet effet : i) ne sera pas anonyme ;
ii) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté, CEDEAO lorsqu’elle a déjà été portée devant une autre Cour internationale (.…) » ;
34. Qu’en vertu de ces dispositions, la Cour de Céans est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l’Homme à condition que lui soit présentée une requête respectant les conditions prévues à l’article 10-d du
Protocole précité ;
35. Que conformément à son domaine de compétence prévu à l’article 9 du Protocole, il convient de rappeler que la Cour de Justice de la Communauté ne peut apprécier la légalité des décisions rendues par les juridictions nationales des Etats membres ;
36. Qu'’elle a d’ailleurs affirmé dans plusieurs de ces décisions qu’elle n’est ni une juridiction d’appel ni une juridiction de cassation ou encore une juridiction de reformation des décisions rendues par les juridictions au plan national (affaire C AJ (Affaire ECW/CCJ/JUD/06/13 du 03/07/2013) ;
37. Que pour faire prospérer sa demande, le requérant doit indiquer les droits de l’Homme, objet de violations et prouver lesdites violations ;
38. Attendu que dans le cas d’espèce, au regard des faits exposés, les requérants ne font non seulement pas état des droits de l’Homme spécifiques qui auraient été violés par la République du Niger mais encore ne justifient nullement d’une telle violation ; que la narration des faits relatifs à la mise en place du Bureau de l’Assemblée Nationale ne démontre en rien une violation des droits de l’Homme ;
39. Qu’en conséquence, il convient de déclarer leur requête mal fondée ;
IV- Sur les dépens
40. Attendu que selon l’article 66-2 du Règlement de la Cour :
« …. Toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens » ; qu’en l’espèce, les requérants ont succombé ;
41. Qu’il y’a donc lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en matière de
violation des droits de l’Homme, en premier et dernier ressort ; En la
Forme :
- dit n’y avoir pas lieu à soumettre la présente requête à la procédure accélérée ;
- déclare recevable le mémoire en défense de la République du Niger déposé le 20 octobre 2014 ;
- reçoit la requête de Z Aj Ag et trois (03) autres ;
Au fond
- la déclare mal fondée ;
- en conséquence, les déboute de leurs prétentions ;
- condamne les requérants aux entiers dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Abuja/République Fédérale du Nigeria, par la Cour de Justice de la Communauté, CEDEAO, les jours, mois et ans susdits.
Et ont signé :
Honorable Juge Jérôme TRAORE : Président
Honorable Juge YAYA BOIRO : Membre
Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE : Membre
Maître Aboubacar Djibo DIAKITE : Greffier