COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, €
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE,
No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, AB
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425
Website: www. courtecowas.org COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
SIEGEANT A ABUJA AU NIGERIA
CE 23 avril 2015
AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/26/14 N° ECW/CCJ/JUD/03/15
Convention As et Sociale At B
CONTRE
République du NIGER DEFENDERESSE
COMPOSITION DE LA COUR
- Hon. Juge Jérôme TRAORE Président
- Hon. Juge Yaya BOIRO Membre
- Hon. Juge Alioune SALL Membre
ASSISTES DE Athanase ATANNON Greffier I- Les parties et leur représentation
1. La requête, reçue au Greffe de la Cour le 24 octobre 2014, a été présentée par le parti politique nigérien « Convention As et Sociale
« Rahama » (CDS Rahama), dont le siège est à Ac, … de l’OUA. Il est représenté par son Président, M. Mahamane Ousmane, ainsi que des avocats Maîtres Ar Aa et Aq Am, tous deux avocats au barreau de Ac (Niger).
2. Le défendeur est l’Etat du Niger, représenté légalement par le Secrétaire Général du Gouvernement, établi au Palais de la Présidence de la République à Niamey.
IT — Présentation des faits et de la procédure
3. L’affaire soumise à la Cour prend ses racines dans diverses procédures judiciaires nationales initiées par le requérant.
4. A la suite de dissensions internes, le parti CDS Rahama a été assigné devant le Tribunal civil de Niamey le 30 mars 2011, par un groupe de militants désireux d’obtenir l’annulation de réunions du parti au cours desquelles ils avaient été sanctionnés. L’audience du tribunal a été tenue le 29 juin 2011, et le délibéré rendu en définitive le 27 juillet, en dépit, d’une part d’une demande de renvoi pour absence sollicitée par le conseil de la CDS Rahama, d’autre part d’une demande de rabat de délibéré également formulée par ce dernier, le 19 juillet.
5. Une seconde procédure a également été engagée le 22 septembre 2011 par d’autres membres de la CDS Rahama, tendant également à l’annulation de certaines délibérations d’instances dirigeantes du parti. Le 25 janvier 2012, le Tribunal civil de Niamey y a fait droit. Sur appel de la CDS Rahama, ce jugement est infirmé par la Cour d’appel. Peu de temps après, (arrêt du 19 août 2012), la même Cour déclare sans objet les demandes des appelants du jugement rendu par défaut dans la première procédure dont il a été question plus haut, du fait que les mandats confiés aux demandeurs étaient expirés, et que les sanctions contestées avaient déjà été purgées.
6. L'arrêt rendu par la Cour d’appel va faire l’objet d’un pourvoi en cassation. La Cour d’Etat, saisie, va rejeter le pourvoi par un arrêt du 6 juin 2013. Le recours en rétraction, formé par la CDS Rahama sera également rejeté par un arrêt du 25 février 2014. Au cours de l’instance en cassation, le requérant fait grief aux juridictions intervenues d’avoir systématiquement repris les conclusions du juge rapporteur et les réquisitions du Parquet.
7. Ayant ainsi épuisé toutes les ressources que la procédure nationale lui offrait, le parti CDS Rahama a décidé de saisir la Cour de justice de la CEDEAO en assignant devant celle-ci l’Etat du Niger.
8. Devant la Cour, la CDS Rahama a déposé trois requêtes :
- ‘une requête principale alléguant la violation d’une série de droits de l’homme, reçue au Greffe de la Cour le 24 octobre 2014 ;
- une requête aux fins de soumettre l’affaire à une procédure accélérée, reçue le même jour, et
- une requête datée du même jour à fin d’ordonner le sursis à exécution de l’arrêt civil du 6 juin 2013 rendu par la Cour d’Etat du Niger
9. Les deux dernières requêtes consistent ainsi en une demande de mesures
conservatoires, eu égard, selon la CDS Rahama, à l’urgence qu’il y a à
éviter une exécution de l’arrêt du 6 juin 2013. Par ordonnance, la Cour a
rejeté ces demandes avant d’inviter les parties à aborder le fond du litige.
IT — Les arguments des parties
10.Dans sa requête principale, la CDS Rahama fait valoir que l’Etat du Niger aurait violé les instruments ou dispositions suivants :
- Protocole AP1/7/9/ du 1“ juillet 1991 ;
- Protocole APS/1/05 du 1°" janvier 2005 ;
- Articles 2, 7, 8, 10, 28 et 30 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 ;
- Articles 2,5.2 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 ;
- Articles 3,7 et 26 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples de 1981 ;
- Articles 8,116 al 1, 117 al 1 et 118 de la Constitution de la 7°" République
- Principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la Magistrature édictés par les Résolutions 40/32 du 29 septembre 1985 et 40/146 du 31 décembre 1985 des Nations Unies (XXIV) ;
- Article 3 de la Loi Organique du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions du Niger.
11. Selon la requête, ces dispositions portent sur les droits suivants : -
égalité devant la loi ;
- droit d’être jugé par une juridiction indépendante et impartiale ; -
respect des droits de la défense
12. Plus spécifiquement, et relativement aux procédures qui ont été initiées devant les juridictions nationales du Niger, le requérant se plaint de ce qu’en dépit de la demande de renvoi présentée par son conseil devant le Tribunal civil de Niamey le 27 juin 2011, cette juridiction n’ait tenu aucun compte de cette requête et ait rendu un jugement par défaut, ce qui, selon la CDS Rahama, « constitue une violation des droits de l’homme » (p.3 de la requête principale).
13. La CDS Rahama estime également qu’en reprenant systématiquement les conclusions du juge rapporteur ainsi que les réquisitions du Parquet, l’arrêt rendu par la Cour d’Etat le 6 juin 2013 ainsi que l’arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2014 ont violé les droits du requérant.
14. Enfin, la CDS Rahama invoque la méconnaissance des droits de la défense et du principe du contradictoire dans la mesure où « aucune des écritures (conclusions du juge rapporteur et réquisitions du Parquet général) n’a été communiquée ni portée à la connaissance de la CDS Rahama » (p.5 de la requête principale).
15. L’Etat du Niger, défendeur, a déposé un mémoire en défense reçu au Greffe de la Cour le 8 janvier 2015. Dans ses écritures, il fait tout d’abord valoir, sur la base du droit constitutionnel nigérien (art 117 de la Constitution de la 78° République) et de la loi organique n° 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l’organisation et la compétence des juridictions en République du Niger (art 1“) que la République du Niger se conforme parfaitement aux critères d’une justice indépendante et fonctionnelle, et ce conformément aux engagements internationaux qu’il a souscrits en la matière.
16. Dans un deuxième point, il a développé toute une argumentation relative à
« la régularité de l'arrêt civil n°13-156/CIV du 6 juin 2013 », et au terme de laquelle il demande à la Cour de la CEDEAO de « reconnaître que l’arrêt n° 13-156/CIV du 6 juin 2013 de la Cour d'Etat est régulier à la lumière des dispositions des articles 22,27, 59 et 62 de la loi organique n°20106-16 du 16 avril 2010 déterminant l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour d'Etat et ne viole aucun instrument régional ou international relatif aux droits de l’homme ».
17. Sur le troisième et dernier point de son argumentation, l’Etat du Niger soutient « la légalité des injonctions du ministre de tutelle des partis politiques » en ce que, notamment, ce ministre aurait demandé à la CDS Rahama, suite aux décisions judiciaires intervenues et en vertu de la Charte des partis politiques du Niger, de tenir un congrès ordinaire pour le renouvellement de ses instances dirigeantes. En agissant comme il l’a fait, soutient le défendeur, le ministre n’aurait exercé que les attributions qu’il tient de la Charte des partis. Aucune violation des droits du requérant ne saurait être déduite de cette démarche de l’autorité de tutelle des partis politiques au Niger.
18. En conclusion, l’Etat du Niger, qui ne conteste pas la recevabilité de la demande, sollicite de la Cour qu’elle déboute la CDS Rahama de « tous ses moyens, fins et conclusions ».
III — Analyse de la Cour
19. Le débat posé devant la Cour porte sur plusieurs points, qu’il importe d’examiner un à un. Ces points touchent la forme (A) et le fond (B).
Sur la forme,
20. En la forme, il s’agit de s’interroger sur la compétence de la Cour relativement à la demande principale (1) et sur la pertinence d’une indication de mesures conservatoires par la Cour (2).
1. La compétence de la Cour relativement à la demande principale
21. La requête principale soumise à la Cour fait état de violations de droits de l’homme sur le territoire du Niger, Etat membre de la CEDEAO et partie à divers instruments juridiques relatifs aux droits de l’homme. Elle se fonde sur les articles 9.4 et 10 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 relatif à la Cour, ce qui, conformément à une jurisprudence constante, suffit à établir la compétence de la Cour.
Sur le fond,
22. Le fond du débat porte sur les griefs soulevés par le requérant, qu’il s’agisse du refus de la juridiction nationale d’accéder à la demande de renvoi du requérant (1), de la non communication de pièces alléguée par le requérant (2), de la dimension politique prétendue du dossier (3) et enfin de l’infirmation ou de la neutralisation des décisions judiciaires nationales (4).
1. Le refus de la juridiction nationale d’accéder à la demande de renvoi et de rabat du requérant
23. Dans ses écritures, la CDS Rahama a dénoncé le refus du Tribunal civil de Niamey de procéder à un renvoi pour l’examen du litige qui opposait le parti politique à certains de ses militants. Ce renvoi avait été demandé par le conseil de la CDS Rahama par lettre datée du 27 juin 2011. L’audience s’est malgré tout tenue à la date du 29 juin 2011. L'avocat conseil a alors formulé une nouvelle requête de rabat du délibéré, mais le Tribunal civil finit par rendre un jugement par défaut. Pour le requérant, ce refus persistant est constitutif d’une violation des droits de la défense.
24, La Cour estime qu’il est courant, dans le cadre de procédures engagées devant une juridiction, que celle-ci procède à un ou plusieurs renvois d’ audience, d’office ou à la demande d’une partie. Ces renvois peuvent effectivement apparaître comme relevant du droit des plaideurs. Mais ils ne sont pas que cela. Ils constituent en effet, aussi, des mesures d’administration judiciaire, qui s’insèrent dans le pilotage de la procédure et de la mise en état des causes. Dans cette perspective, le bénéfice d’un renvoi et du rabat d’un délibéré relève de l’appréciation souveraine du juge qui a en charge le dossier. Il en résulte qu’il n’appartient pas à une juridiction internationale comme la Cour de la CEDEAO d’évaluer la pertinence du renvoi d’une affaire, ou de se substituer au juge national pour juger de l’opportunité de telle ou telle mesure d’administration judiciaire. L’expérience des juridictions nationales montre au demeurant, que ni le renvoi des audiences, ni le rabat de délibéré ne constituent des droits acquis pour les plaideurs. L’on ne pourrait parler de violation des droits de la défense ou du droit à un procès équitable qu’en présence d’une série de mesures d’une certaine gravité, et dont l’accumulation aurait précisément eu pour conséquence de défavoriser le justiciable ou de rompre de manière significative l’égalité des armes dans le procès. Rien n’indique que tel est le cas ici.
25. Au surplus, si la Cour de la CEDEAO s’engageait dans l’appréciation de telles mesures, elle pourrait vite se trouver en porte-à-faux avec son refus, évoqué plus haut, de se comporter en juridiction d’appel ou de cassation des juridictions nationales, pour la simple raison que lesdites mesures peuvent prendre la forme de décisions judiciaires, notamment d’ « ordonnances ».
26. Pour toutes ces raisons, la Cour retient que ni le bénéfice d’un renvoi d’audience, ni celui d’un rabat de délibéré, n’est un droit acquis aux justiciables. En conséquence, le refus d’y faire ponctuellement droit ne constitue pas une violation de « droits de l’homme ».
27. La prétention de la CDS Rahama sur ce point doit donc être rejetée.
2. La non communication de pièces alléguée par le requérant
28.La CDS Rahama se prévaut également de ce que ni les conclusions du juge rapporteur, ni les réquisitions du Parquet, ne lui ont été communiquées.
Pour elle, il s’agirait là d’une « violation des droits de la défense et du principe du contradictoire ».
29.La Cour relève cependant, d’une part, que le requérant ne cite aucun texte obligeant les membres de la Cour à transmettre les écritures en cause. Il est même possible, compte tenu de la spécificité d’une organisation judiciaire donnée et des principes de la procédure, que de telles pièces ne soient pas soumises à la règle de la communication, contrairement aux pièces détenues par les parties, au sens strict du terme. En d’autres termes, il n’est pas dit que c’est l’ensemble des documents relatifs à une procédure judiciaire qui doit faire l’objet d’une transmission. Quoiqu’il en soit, il n’est pas démontré, en l’état actuel du dossier, ni qu’il s’agit, là encore, d’un droit acquis d’une ou des parties au procès, ni que cette non communication aurait eu des effets décisifs sur la condition de la CDS Rahama. La Cour ne peut donc, sur la foi du seul défaut de communication du rapport et des réquisitions du Parquet, conclure à la violation d’un droit de l’homme.
30.Sur ce point, elle doit également rejeter la prétention de la CDS Rahama. 3.
La dimension politique prétendue du dossier
31.Dans la requête principale soumise à la Cour, la CDS Rahama avance ou suggère à plusieurs reprises que le pouvoir politique serait fortement impliqué dans le traitement du dossier judiciaire de la CDS Rahama, et qu’il apparaîtrait ainsi que la justice nigérienne n’aurait pas fait preuve de l’impartialité attendue d’elle. Dès lors, estime —t-elle, les divers procès dont elle a été partie ne seraient pas équitables.
32.Ainsi, le requérant rappelle le contexte politique nigérien actuel, et son statut de « parti politique ancré dans l'opposition », alors que « ses adversaires soutiennent le camp présidentiel, en violation de la Charte des partis politiques et du Statut de l'opposition ». Le requérant rappelle également que parmi ces adversaires, « deux occupent ou ont occupé des postes de ministres d’Etat au sein du Gouvernement et plusieurs autres occupent des postes de conseillers à la Présidence » (p. 8 de la requête principale). Plus loin, le requérant avance que « le ministère public passe lui-même pour un adversaire d’une des parties » (p 10 de la requête principale) et qu’ « il résulte des relevés de notes d'audience que la CDS Rahama a demandé au Président de la Cour de ne pas connaître de l'affaire en raison de sa proximité avec le Président de la République qui est au centre du dossier » (p 11 de la requête principale).
33.On trouve également, aussi bien dans la requête à fin de soumettre l’affaire à une procédure accélérée que dans la requête à fin d’ordonner le sursis à exécution, des références au caractère éminemment politique du dossier. On lit ainsi dans la première que « pour récompenser cette dissidence au sein du parti (la CDS Rahama), certains ont été nommés ministres et conseillers à la présidence pour services rendus » (p 1), et dans la seconde requête qu’il ya « un risque sérieux que le fonctionnement du parti soit compromis » (p 2).
34.Dans ses écritures, la CDS Rahama invoque également, au soutien de sa thèse d’un procès non équitable et d’une justice non impartiale, l’ajournement, par le Conseil Supérieur de la Magistrature, de l’avancement de deux conseillers composant la Cour de cassation, motif pris de ce qu’ils seraient « de moralité douteuse ». Le requérant évoque enfin le fait que le conseiller rapporteur de la première décision de cassation a été « relevé de ses fonctions et affecté au ministère de la Justice pour assurer des fonctions administratives ».
35.La Cour a bien conscience qu’étant saisie par une formation politique, cette saisine comporte nécessairement un arrière —plan politique. Elle doit cependant rappeler, comme elle l’a fait dans d’autres décisions, que les motivations ou déclarations d’ordre politique des uns et des autres n’ont aucune incidence sur sa juridiction. Plus précisément, elle a pour mission, dans le cadre d’un contentieux relatif à la violation de droits de l’homme, de se limiter à examiner s’il a été réellement, concrètement porté atteinte à des droits définis, et ne pas s’attacher outre mesure auxdites motivations ou déclarations.
36.Dans son arrêt du 23 mars 2012, « Ap Ah contre République du Sénégal », la Cour a en effet clairement indiqué que « les propos tenus par les autorités politiques de l'Etat du Sénégal, sur les faits à la base des poursuites suivies contre le requérant, sont des opinions personnelles qui n'engagent que leurs auteurs (…). La Cour est d’avis que de telles opinions, même émanant d’autorités de premier plan comme c'est le cas en l'espèce, ne sont pas de nature à compromettre l'indépendance et l’impartialité du Juge en charge du dossier du requérant … ».
37.En d’autres termes, l’office et la démarche de la Cour ne sont nullement remis en cause par le fait qu’elle est saisie par un parti politique, la CDS Rahama, ou par le fait que son arrêt pourrait objectivement produire des conséquences sur la scène politique nigérienne. Elle ne saurait tirer une quelconque conséquence du fait même que l’exercice de sa mission, dans la présente affaire, pourrait avoir des répercussions dans le champ politique ou électoral.
38.11 en résulte qu’elle ne peut pas entrer dans les considérations que soulève à ce stade la CDS Rahama, et qu’elle ne peut en tenir compte pour voir si des violations de droits de l’homme ont été commises.
39.La Cour observe au surplus qu’en ce qui concerne les actes pris par le ministre en charge des partis politiques, le requérant se borne à indiquer que celui-ci, « se prévalant de cette décision de la juridiction de cassation, a adressé deux lettres comminatoires au président de CDS Rahama à l'effet d'exécuter l'arrêt de cassation, faute de quoi il procédera à la suspension du parti ». Aucune violation d’un droit précis n’est articulée à l’encontre du ministre. Tout semble indiquer, au demeurant, que celui-ci a agi dans le cadre des attributions qui sont les siennes et qui sont définies par la Charte des partis politiques.
40.Fn conséquence, la Cour est d’avis qu’aucune violation d’un droit ne peut être imputée au ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique du Niger.
4. L’infirmation ou la neutralisation des décisions du juge nigérien 41.La Cour considère qu’il ne fait aucun doute, à la lecture des divers documents produits devant elle par le requérant, que celui-ci lui demande, en dernière analyse, de faire échec à l’exécution de jugements ou d’arrêts qui ont été rendus par les juridictions du Niger.
42.Déjà dans la requête à fin d’ordonner le sursis à exécution, la CDS Rahama demande à la Cour d’ « ordonner le sursis à exécution de l'arrêt civil
n°13156/CIV du 6 juin 2013 rendu par la Cour d’Etat du Niger jusqu’au prononcé de la décision de la Cour qui met fin à l'instance pendante devant (sa) juridiction ». Dans la même requête, la CDS Rahama ne fait aucun mystère sur le fait que sa demande « porte la critique sur les conditions dans lesquelles la décision querellée a été rendue ».
43.Dans la requête principale, la CDS Rahama indique qu’elle « verse au dossier plusieurs arrêts qui prouvent que la Cour de cassation du Niger a violé sa propre jurisprudence sur la recevabilité des recours en cassation »
(p 11) avant de demander expressément que « la décision à intervenir se substitue » aux décisions judiciaires nationales qu’elle a critiquées (p 14).
44.La Cour a évoqué plus haut, lorsqu’il s’est agi de statuer sur la requête en procédure accélérée, sa position par rapport à des décisions judiciaires rendues par les juges nationaux des Etats membres de la CEDEAO. Elle doit le refaire à ce stade, tant les différentes requêtes qui lui sont soumises ont tendance à toujours poser le problème de la réformation des décisions déjà rendues par le juge nigérien.
45.Dans l’arrêt Al Aj c/ Nigeria du 7 octobre 2005, la Cour a déclaré que « les recours contre les décisions des juridictions nationales des Etats membres ne font pas partie des compétences de la Cour » (832).
46.Dans l’arrêt « Ao Af Au c/ Etat du Mali » rendu le 22 mars 2007, la Cour « se déclare incompétente pour statuer sur la décision rendue par la Cour suprême du Mali » (8 39).
47.Dans l’arrêt « AI Ad Av An c/ République fédérale du Nigéria et autres » du 28 juin 2007, la Cour estime que « recevoir cette requête reviendrait à s’immiscer dans la compétence des tribunaux nigérians en matière pénale sans justification » (845).
48.Enfin dans l’arrêt « Monsieur Aw Ae c/ République fédérale du Nigéria » du 28 janvier 2014, la Cour rappelle qu’ « il est constant que dans les affaires où l’objet du différend portait fondamentalement sur le réexamen des décisions déjà rendues par les juridictions nationales, la Cour des céans a conclu au rejet des requêtes introduites » (8 42).
49.La doctrine que voilà ne doit pas seulement être rappelée lorsqu’il est expressément demandé à la Cour d’invalider ou de paralyser des décisions judiciaires nationales déjà prononcées. Elle s’impose toutes les fois où, sans le dire expressément, une requête aboutit implicitement à une réformation ou une neutralisation d’une décision rendue par un juge national. Il reste loisible aux parties, devant la Cour, de ne pas poser les problèmes en termes de mise en échec d’un jugement ou d’un arrêt rendu par le juge national, et de se situer exclusivement sur le terrain de la violation des droits de l’homme.
50.Sur ce point également, le rappel de deux arrêts rendus par la Cour s’impose.
51.Dans l’affaire « Ag Ak et 28 autres c. République du Mali », la Cour a estimé « qu’il ressort de l'analyse de la requête introduite par Monsieur Ag Ak et 28 autres contre l'Etat du Mali que ladite requête tend substantiellement à obtenir de la Cour de justice de la CEDEAO, la réformation des arrêts n°188 et 116 rendus par la Cour suprême du Mali et tend à ériger la première en une juridiction de cassation de la seconde. Entendu dans ce sens, la Cour des céans se déclare incompétente » (arrêt du 17 mars 2011, $ 31).
52.Puis dans la jurisprudence « Mme Ab Ai A c. l’Etat Togolais », la Cour a considéré que « la demande de réintégration s'apparente à un recours contre la Décision n°E018/10 du 22 novembre 2010 de la Cour constitutionnelle de la République Togolaise qui est une juridiction nationale d’un Etat membre, juridiction pour laquelle la Cour, suivant sa jurisprudence constante, n’est ni une juridiction d’appel ni de cassation et dont la décision par conséquent ne peut être révoquée par elle » (arrêt du 13 mars 2012, 8 17).
53.11 résulte de cette position de principe que les demandes de la CDS Rahama relatives aux décisions des juridictions nigériennes ne peuvent être satisfaites par la Cour, celle-ci n’ayant ni à les apprécier, ni, plus généralement et a fortiori, à porter une appréciation sur le respect par ces juridictions de leur propre jurisprudence ou du droit nigérien plus globalement.
54.FEn conséquence, la Cour se déclare incompétente pour connaître de toutes les demandes de cette nature formulées par le requérant.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort en matière de violations des droits de l’homme,
En la forme
- Déclare l’action recevable ;
- Dit que la Cour n’est pas une juridiction de réformation des décisions des juridictions nationales ;
- Dit qu’il n y a pas eu de violation des droits du requérant ;
- Le déboute en conséquence de ses prétentions
Met les dépens à la charge du requérant
ET ONT SIGNE :
1. Hon. Juge Jérôme TRAORE
2. Hon. Juge Yaya BOIRO
3. Hon. Juge Alioune SALL
Assistés de Maître Athanase ATANNON Greffier