COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ee.
ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMMUNIDADE, SeouA4 CEDEAO No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, C
TEL/FAX:234-9-6708210/09-5240781 ARRET
LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE DES ETATS
DE L'AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)
RÔLE GENERAL : N° ECW/CC]/APP/25/12
ARRÊT N° ECW/CC]/JUD/14/15
A, 30 juin 2015
La Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l’ouest,
(CEDEAO) siégeant à C BAb) le A 30 juin 2015 en formation ordinaire,
composée de :
- Honorable Juge Jérôme TRAORE Président
- Honorable Juge Yaya BOIRO Membre
- Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE Membre
Assistés de maitre Athanase ATANNON Greffier
A rendu l'arrêt dont la teneur suit :
Entre L'Association des travailleurs partants volontaires à la retraite, dite ATVR, groupement doté de la personnalité juridique agissant es-qualité de représentant légal de ses membres (402 membres), agissant aux poursuites et diligences du président du bureau exécutif, M. Mohamed El Béchir Abdallah, siège social sis à la bourse du travail de Bamako ;
Ayant pour conseil, maitre Mariam Diawara avocate à la Cour à Darsalam, rue 603, porte II6, BP: 696 Bamako, République du Mali,
Demanderesse d'une part ;
ET
La République du Mali représentée par la Direction générale du contentieux de l'Etat malien ayant son siège à Bamako, République du Mali ; Défenderesse d'autre part ;
La Cour,
Vu le Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(CEDEAO) du 24 juillet 1993 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ;
Vu la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 juin 1981 ;
Vu le Protocole du 06 juillet 1991 et le protocole additionnel A/P.1/7/91 du 19 janvier
2005 relatifs à la Cour de justice de la CEDEAO ;
Vu le Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO en date du 03 juin 2002 ; Vu les
requêtes dites aux fins de violation des droits de l'homme présentées par l'Association des
travailleurs partants volontaires à la retraite, dite ATVR du Mali à savoir :
- la requête en date du 04 avril 2012 enregistrée au greffe de la Cour de Justice le 20
décembre 2012, tendant à constater que l'Etat malien a violé les droits des membres
de l'ATVR ;
- la requête en date du 06 février 2013 enregistrée au greffe de la Cour de justice le
IS février 2013, tendant à ordonner une procédure accélérée et une expertise pour
établir les droits pécuniaires et avantages prévus à l’accord-cadre litigieux qui doit
être, selon la requérante, produit aux débats par la République du Mali;
Vu les pièces et conclusions produites par les parties et jointes au dossier de la procédure
Oui, les parties en leurs observations ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Présentation des faits et de la procédure
Considérant qu’il est constant comme résultant des pièces de la procédure, qu’au courant
de l’année 1985, l'Etat malien, avec le concours financier de la Banque mondiale, avait
initié un programme de départ volontaire de fonctionnaires en vue de réduire les charges
de la fonction publique ; à cette fin, la loi N°91-002/ANRM du 24 janvier 1991
instituant un système de départ volontaire de la fonction publique fut votée à l'intention
des agents de l'Etat relevant du Statut général des fonctionnaires, du Statut de la
magistrature et du Code du travail ;
Pour inciter lesdits fonctionnaires à adhérer audit programme, l'Etat malien prenait certains
engagements notamment :
- le reversement des cotisations sociales des partants volontaires n'ayant pas totalisé
IS ans de service au moment du départ ;
- le paiement de la pension de retraite à partir de l’âge limite légal ;
- le paiement de montants supplémentaires au profit des cadres de la hiérarchie A , B
et C au titre des mesures d'accompagnement dans le cadre de la solidarité nationale
;
En 2000, l'Association des travailleurs partants volontaires à la retraite (ATVR) assignait
successivement l'Etat du Mali devant le tribunal du travail, et la Cour d'appel de Bamako.
Chacune de ces juridictions ordonnait en vain à l'Etat malien la production de l'Accord-
cadre signé entre la Banque mondiale et celui-ci.
Le 20 décembre 2012, face à la lenteur des procédures internes, ladite Association saisissait
la Cour de justice de la CEDEAO d’une requête en date du 04 avril 2012 en vue de faire
constater la violation de ses droits notamment le droit à l'égalité devant la loi et le droit à
l'information par l'Etat malien en ce que ce dernier n'aurait pas honoré ses engagements
contenus dans l'Accord-cadre conclu avec la Banque mondiale.
Par ses requêtes susvisées, l'Association (ATVR) sollicitait de la Cour de bien vouloir :
En la forme
- retenir sa compétence pour connaître de la violation des droits de l'homme invoqués
par la requérante ;
- commettre, par décision avant dire droit, un expert national ou international pour
déterminer les droits et privilèges revenant à ses adhérents (mandants) en vertu de
l’Accord-cadre signé par l'Etat malien et la Banque mondiale ;
- Ordonner à l'Etat malien de verser au dossier de la procédure ledit Accord-cadre
et ordonner des mesures d'instruction ; Au fond
- constater que l'Etat du Mali a violé les droits de l'homme invoqués par la
requérante, notamment le droit à l'égalité devant la loi tel que garanti par l’article 3
de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples ;
- ordonner à l'Etat du Mali de faire cesser la violation des droits des membres de
l'ATVR, notamment en leur faisant bénéficier des avantages prévus par
l’Accordcadre signé avec la Banque mondiale ;
- accorder à chaque membre de l'ATVR la somme de 10 000 000 FCFA pour toutes
causes de préjudices confondues ;
- liquider les dépens de la procédure et les mettre à la charge de l'Etat du Mali ;
Par requête additive en date du O6 février 2013 adressée à la Cour de céans, l'ATVR
sollicitait en outre une procédure accélérée quant à l'examen du litige, et ce, en application
des dispositions de l’article 59 du Règlement, compte tenu de la précarité de la situation
financière de ses membres ;
Pour sa part, l'Etat malien sollicite de la Cour de déclarer irrecevable l’action de l'ATVR
en raison de la transaction intervenue entre les paries ;
Subsidiairement, dire que l'Etat malien a respecté tous ses engagements et débouter les
requérants de toutes leurs prétentions ;
En la forme
I- Sur la compétence
Avant toute défense au fond, l'Etat malien excipe de l'incompétence de la Cour de
céans à connaître de l'affaire en tirant argument de ce que cette juridiction ne peut
connaître des litiges relatifs à « la violation de l'homme » comme il en est mentionné dans la requête susvisée en date du 04 avril 2012, mais plutôt de la « violation des
droits de l’homme » ;
L'ATVR. conclut, par l'organe de son conseil, maitre Mariam Diawara, avocate au barreau
de Bamako, à l'inanité du moyen en faisant valoir que la requête par elle présentée a bien
pour objet de constater la violation des droits de l'homme et qu’ainsi, elle laisse à la Cour
le soin d’ apprécier sa propre compétence ;
La Cour relève que par l'expression « violation de l'homme » contenue sur ladite requête,
l’'ATVR a voulu dire « violation des droits de l'homme » comme cela résulte des
développements subséquents ;
Au demeurant, il s’agit d’un lapsus calami qui est sans incidence sur la compétence de la
Cour à connaître de l'affaire à elle soumise en vertu des dispositions de l'article 9.4 du
Protocole additionnel de 2005 qui prévoient que « la Cour est compétente pour connaître
des cas de violation des droits de l’homme dans tout Etat membre » ;
Que dès lors, il y a lieu de rejeter comme non fondée l'exception soulevée ;
2- Sur la requête tendant à accélérer la procédure
La Cour estime que l'affaire qui lui est soumise ne revêt plus aucune urgence particulière
au sens de l’article 59 du Règlement de la Cour, et qu’en tout état de cause, elle est mise
en délibéré au fond sur l’ensemble des points objet du litige ;
Dès lors, cette requête q est devenue sans objet J et q qu’il convient de la rejeter J ;
3- Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir des requérants
Considérant que l’Etat malien soulève une fin de non-recevoir tirée de la transaction
intervenue entre les parties ; qu’en effet, selon lui, à l'issue de longues négociations entre
l’'ATVR, à travers l'Union nationale des travailleurs du Mali (UNTM) et lui, il a été décidé
d’un commun accord de mettre un terme au litige suivant protocole d'accord en date du
I8 juillet 2007 signé des parties ; à son avis, ce protocole atteste que l'Etat malien a pris
en compte les revendications des travailleurs concernés en procédant au règlement de leurs
droits et ce, conformément à ses engagements vis-à-vis de la Banque mondiale qui lui avait
accordé dans ce cadre, 35.1 milliards de FCFA comme cela ressort de la lettre de cette dernière en date du 20 décembre 2006 jointe au dossier et non 310 milliards de FCFA
comme le prétend la requérante ; qu’ainsi, il y a lieu de faire application des dispositions
du Code civil malien qui considèrent la transaction comme un mode d'extinction des
obligations ;
Considérant que l'ATVR_ objecte en faisant valoir que le protocole d'accord invoqué par
l’Etat malien en date du IS juillet 2007 ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n’a pas été
invitée ni représentée à la négociation ayant abouti à la signature dudit document ; qu’en
tant qu'association de retraités de la fonction publique, elle n’a aucun lien avec l'Union
nationale des travailleurs du Mali (l'UNTM) comme le prétend l'Etat malien ; que pour
cette raison, il ne saurait y avoir d’amalgame ni de diversion ;
La Cour relève tout d'abord qu’il est acquis aux débats que le protocole en date du 18
juillet 2007, signé dans le cadre de l'exécution de la loi N°91-002/ANRM du 24 janvier
1991 instituant un système de départ volontaire de la fonction publique, est le fruit d’une
négociation menée à la fois entre le Gouvernement malien, le Conseil national du patronat
du Mali et l'Union nationale des travailleurs du Mali agissant es-qualité de représentante
de l’ATVR, dans le but de mettre un terme aux revendications de cette dernière .
Il ressort de ce protocole que les partants volontaires à la retraite remplissant les conditions,
jouiront et continueront de jouir de leurs droits à la pension.
En outre, dans le cadre de la solidarité nationale et des mesures d'accompagnement
entreprises, il devrait être payé à ces partants volontaires deux milliards cinq cent millions
FCFA (2.500.000 000 FCFA) en 2007 et 2008 ;
En l'espèce, il est acquis aux débats qu’en exécution de ce protocole d'accord, l'Etat malien
a effectivement exécuté ses obligations au profit d'abord de 1073 partants volontaires à la
retraite en remboursant intégralement les cotisations sociales, notamment 4% pour la part
salariale et 8% pour la part patronale comme le prévoit la loi N°91-002
ANRM du 24 janvier 1991 instituant le système de départ volontaire à la retraite ;
S'agissant du paiement de la pension de retraite à partir de l’âge limite légal, il résulte des
débats et des pièces de la procédure, notamment des lettres de désistement des conseils de
l’'ATVR en date du 31 janvier 2007, que l'Etat malien a exécuté ses engagements et que 1206 partants volontaires civils et militaires ont bénéficié de la liquidation de leur
pension, soit au total 1.208.227.572 FCFA ;
La Cour relève également, en ce qui concerne les mesures d'accompagnement prévues dans
ledit protocole dans le cadre de la solidarité nationale, que l'Etat malien a effectivement
déboursé le montant convenu d’une valeur totale de 2.500.000.000.FCFA en deux
tranches, soit un milliard le 19 novembre 2007 et un milliard et demi le I2 avril 2008, le
tout entre les mains de maitre Tidiani Dem, notaire désigné par la commission formée par
l’ancien bureau des partants volontaires ;
Que d’ailleurs, le paiement de ce montant est confirmé par la plainte pour détournement
de fonds en date du 27 janvier 2010 formulée par Mohamed El Béchir Ben Abdallah,
président du bureau exécutif de l'ATVR, adressée au Procureur de la République contre
ledit notaire et autres ;
Que ce constat est conforté par le fait que même dans sa plainte dûment signée par lui,
Aa El Béchir, mentionnait clairement ce qui suit : « Le 19 novembre, un milliard
FCFA a été délégué au ministère de l'emploi et de la fonction publique au titre de l'exercice
de l’année 2007 au compte des partants volontaires. Le 12 avril 2008, un milliard et demi
a été délégué au ministère de la fonction publique au titre de l’année 2008 au compte des
partants volontaires, Ces sommes ont été régulièrement versées au notaire maitre Tidiani
Dem unilatéralement désigné ainsi que la commission composée par l'ancien bureau chargé
de gérer les fonds de solidarité donnés aux partants volontaires par le Gouvernement de la
République du Mali et le ministère de la fonction publique… » ;
Qu'au surplus, la Cour observe que le notaire susnommé a été volontairement désigné par
les partants volontaires pour percevoir le montant indiqué ci-haut et que l'Etat malien n’y
a pas été associé ;
Que compte tenu de ce qui précède, la Cour estime qu'il y a eu transaction entre les parties
et qu’ainsi l’action des requérants doit être déclarée irrecevable pour défaut de droit d'agir
4- Sur la demande reconventionnelle
Considérant que l'Etat malien estime que la procédure engagée contre lui par la requérante,
outre qu’elle est abusive et vexatoire, est constitutive de faute au sens de l’article 127 du régime général des obligations du Mali et qu’à ce titre, il sollicite la condamnation de cette
dernière à lui payer 10 000 000 FCFA au titre de la réparation de l’ensemble des préjudices
par lui éprouvés ;
Considérant que les requérants sollicitent le rejet de cette demande, faute de justification,
selon eux ;
Considérant que la Cour, eu égard aux circonstances de la cause, estime que l'action de la
requérante, même si elle fait l’objet d’un rejet, n’est ni abusive, ni vexatoire et ne saurait être
considérée comme constitutive de faute de nature à justifier les dommages-intérêts réclamés
par le défendeur ;
Que dès lors, il y a lieu de débouter l'Etat malien de sa demande ;
5- Sur les dépens
Considérant que la requérante a succombé en qu’en application des dispositions de l'article
66 du règlement de la Cour, il convient de la condamner aux dépens comme le sollicite
l’Etat malien ;
Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de violation de droits de l'homme,
en premier et dernier ressort ;
En la forme
Se déclare compétente pour connaitre de l'affaire ;
Dit que la demande de procédure accélérée est sans objet ;
Reçoit et déclare fondée la fin de non-recevoir soulevée par le défendeur, tirée du défaut
de droit d'agir de la requérante ;
Déclare en conséquence irrecevable l’action de l'AT.V.R ; Déboute
l’Etat malien de sa demande de dommages-intérêts ; Condamne la
requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à C ce jour 30 Juin 2015
Ont signé :
Hon. Juge Jérôme TRAORE Président
Hon. Juge Yaya BOIRO Membre
Hon. Juge Hamèye Founé MAHALMADANE Membre
Me. Athanase ATANNON Greffier