COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, € pu S 2e
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA CEDEAO DA COMUNIDADE, Na”
Siégeant à ABUJA/ Ao Af
jour 01 décembre 2015
Affaire N.2 ECW/CCI/APP/03/13
Jugement N.2 ECW/CCJ/JUD/27/15
Ak A & Anor
Contre
République de Côte d'Ivoire,
No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT,
WUSE Il, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425 Website: www. courtecowas.org
du Nigeria, ce
(Requérant)
(Défenderesse) Composition de la Cour :
Honorable Juge Yaya BOIRO — Président Honorable Juge Maria do Céu SILVA
MONTEIRO — Membre Honorable Juge Micah Wilkins WRIGHT —- Membre
Assistés de Me Aboubakar Djibo DIAKITÉ — Greffier I.LES PARTIES ET LEURS REPRESENTANTS
e Le Requérant: Ak A, de la nationalité ivoirienne, Administrateur de la Société - SITEX-CI -— résident Rue du commerce, résidence Nabil, Côte d'Ivoire,
représenté par AQUEREBURU & PARTNERS, Société d'Avocats Juridique et fiscal, Immeuble Alice 777, Avenue Al AL, BP 8989.
e Intervenant volontaire: Société - SITEX-CI SARL, dont le siège social est à Vridi,
Abidjan 15 BP 635, Abidjan 15, représenté par Ibraima NIANG, Avocat inscrit aux barreaux de Côte d'Ivoire, immeuble R`` "FADIKA», Avenue du Général de
GAULLE, ancienne rue du Commerce, prolongement du Plateau, Abidjan 06 BP 6131.
e Défendeur: Etat de Côte d'Ivoire, représenté par Jean-Chrysostome BLESSY,
Avocat auprès de la Cour Suprême, adresse professionnelle située à An, … des
Majorettes, immeubles «le BIMBOIS», Abidjan.
Il PROCÉDURE
A l’origine il s'agit d’une requête présentée contre la République de Côte d'Ivoire,
par le Sieur Ak A, Administrateur de la Société - SITEX-CI et la
société elle-même - SITEX-CI SARL, enregistrée au Greffe de la Cour le 15 Février 2013.
Le demandeur a introduit une procédure accélérée enregistré au Greffe de la Cour le 15 Février 2013.
Le 21 Février 2013, le Sieur Ak A a déposé auprès du Greffe de la
Cour, une requête additionnelle.
Le 27 Février 2013, la Société SITEX-CI s’est désistée de l’instance.
La Société ivoirienne de textile - SITEX-CI SARL, a requis l'intervention volontaire,
enregistrée au Greffe de la Cour le 12 Mars 2013.
6. La République de Côte d'Ivoire, a déposé son mémoire en défense, enregistré au
Greffe de la Cour, le 22 Avril 2013.
7. L'Etat de Côte d'Ivoire, ayant été notifié de la demande d’intervention volontaire
de la SITEX SARL, par le Greffe de la Cour le 26 Mars 2013, a répondu qu’il ne
ferait aucune observation écrite, mais qu’il fera des observations orales à
l’audience de plaidoiries.
8. Le Sieur Ak A, Administrateur de la Société, a produit un mémoire
en réplique le 3 mai 2013.
9. la Société ivoirienne de Textile - SITEX-CI, a produit un mémoire en réplique le 9 mai 2013.
10. le 3 Octobre 2013, conformément au procès-verbal de l’audience, la cour a
admis la requête aux fins d'intervention volontaire.
11. Le 13 Novembre 2013, la République de Côte d'Ivoire a produit un mémoire
en duplique.
Ill. LES CIRCONSTANCES DE L’AFFAIRE
> Les Faits invoqués par le requérant
12. Dans le cadre de ses relations commerciales, la Société ivoirienne de textile -
SITEX-CI a ouvert un compte bancaire dans les livres de la Société Générale de
la Banque de Côte d'Ivoire (SGBCI) SA;
13. Qu’au cour du mois de Février 1995, la Société Générale de la Banque de Côte
d'Ivoire (SGBCI) SA, a informé la société SITEX - CI SARL de la clôture unilatérale
de son compte, en mettant celle-ci en demeure de payer une somme s’élevant
à 561 048 .810 (cinq cent soixante et un millions quarante-huit mille huit cent
dix francs cfa), représentant le solde débiteur du compte, ainsi que la somme
de 282,009.779 (deux cent quatre-vingt-deux millions neuf mille sept cent
soixante-dix-neuf francs cfa);
14. Que, par notification en date du 29 Juin 1997, la Société SITEX - CI SARL fut mise
en demeure de payer le solde débiteur, et le requérant, en sa qualité de
caution, de verser la sommes de 282,009.779 (deux cent quatre-vingt-deux
millions neuf mille sept cent soixante-dix-neuf francs Cfa);
15. Ne s’estimant pas être débiteurs des sommes réclamées, la Société SITEX-CI a
assigné la Banque de Côte d'Ivoire (SGBCI) SA, en reddition de compte. Action
qui toutefois fut régulièrement délaissée ;
16. Que malgré cela, la société SGBCI SA, a requis et obtenu deux ordonnances
d'injonction de payer contre les requérants;
17. Que les requérants formèrent opposition contre les deux ordonnances
d’injonction de payé qui furent rétractées;
18. Que la SGBCI Société SA a attrait la société SITEX SARL et le Sieur Ak
A devant le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, requérant le
paiement de diverses sommes, pour un total s’élevant à de 845 058 589 (huit
cent quarante-cinq millions, cinquante-huit mille, cinq cent quatre-vingt-neuf
francs CFA);
19. Qu’après avoir joint les deux procédures, le Tribunal de Première Instance
d'Abidjan, par décision avant dire droit n ° 731 du 20 Novembre 1996, a
ordonné une expertise comptable en vue de répertorié les comptes ayants
existé entre les parties et d'arrêter le solde définitif;
20. Que ce jugement avant-dire droit fut notifié à la Société SITEX-CI SARL, et au
Sieur Ak A, seulement en 2000, soit quatre ans après son prononcé;
21. Que les demandeurs considérant alors l'instance périmé ont par requête en
date du 08 Octobre 2000, demandé au Tribunal de Première Instance d'Abidjan, de constaté la péremption ce celle-ci, et que par décision n ° 126/2001 du 31
Mai 2001, le Tribunal a rejeté leur demande et condamné les requérants à
payer à la Société SGBCI SA, la somme de 505 323 169 ( 22. Qu'ils ont interjeté appel et que par Arrêt n ° 635/03, en date du 23 Mai 2003,
la Chambre Civile et Commercial de la Cour d'appel d'Abidjan a infirmé le
jugement du Tribunal statuant en première instance et statuant à nouveau
constaté la péremption de l'instance;
23. Que la SGBCI s’est pourvu en cassation contre l'Arrêt de la Cour d'appel
d'Abidjan, et que la Chambre Judicaire de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, par
Arrêt n ° 659/98 du 11/12/2008, a cassé l’Arrêt de la Cour d’appel d’Ag et
évoquant a confirmé le Jugement n ° 126/01 du 31 mai 2001;
24. À leur tour, les requérants ont introduit deux recours contre l’Arrêt n °
659/2008, sur la base de l'article 28 de la loi ivoirienne n ° 97-243 d’Avril 1997
réglementant la composition, l’organisation, l’attribution et fonctionnement de
la Cour Suprême en matière de recours en cassation, ainsi que les articles 20,
24 et 25 du Code de procédure civile, en matière de recours en rétraction;
25. Que par courrier du 19 Février 2008, l’avocat de la Société SGBCI s’est déporté
de la procédure de cassation contre l'Arrêt du 23 Mai 2003, sollicitant à la Cour
suprême de la Côte d'Ivoire que soit accordé un délai qui permettra à sa cliente
de constituer un nouveau Conseil;
26. Qu'ils constatent que le nom de Me ACKA Félix, Avocat inscrit au Barreaux de
Côte d'Ivoire est apparue dans l’Arrêt, comme si il avait été régulièrement
constitué conseil de la SGBCI;
27. Que les requérants ont sollicité du Président de la Chambre Judicaire de la Cour
Suprême de Côte d'Ivoire, l’autorisation de procéder à un compulsoire au
Greffe de la Cour Suprême;
28. Que, selon le procès-verbal de compulsoire transmis par l’Huissier de justice, il
n’existait aucun pièce établissant la constitution régulière du conseil Me Felix
ACKA dans le dossier de procédure ;
29. Que le recours en rétractation contre l’arrêt 659/2008 du 11 Décembre 2008
étant pendant, les requérants ont introduit, le 08 Juillet 2009, une requête au
fin de récusation de certains Magistrats de la formation devant examiné la
requête en rétractation au motif que ces derniers ont eu à connaitre du litige en première instance, ayant également siégé au sein de la formation qui a rendu le Jugement n° 659/08 du 11 Décembre 2008;
30. Que par courrier datant du 15 Février 2009, le Président de la Cour Suprême de
Côte d'Ivoire, a transmis la requête en récusation au Président de la Chambre Judiciaire, demandant à celui-ci de surseoir à statuer, conformément à l'article
130 Code de Procédure Civile, Commerciale et Administrative, jusqu'à
aboutissement de la procédure de récusation;
31. Que, malgré cette exigence légale et l'injonction du Président de la Cour
Suprême, la Chambre composée des Magistrats qui avaient eu à connaitre du
litige a rejeté le recours en rétractation le 11 Novembre 2010;
32. Que dans l’affaire qui oppose la SITEX SARL et le Sieur Ak A à la
Société SGBCI SA, le Conseiller DIETAI Marcel avait présidé la formation qui a rendu le Jugement n° 126/2001 du 31 mai 2001, en tant que Président du
Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
33. Que ce Conseiller ainsi que les Conseillers VE-BOUA et GNAGO DACOURY, qui
faisaient partie de la formation qui a rendu l'Arrêt de cassation du 11 Décembre
2008, faisaient également partie de la formation qui a rejeté le recours en rétractation initié par les requérants (cf. Jugement n ° 126/2001 du 31 mai
2001; Arrêt de Cassation n ° 659/08 du 11 Décembre 2008, Arrêt de rejet n °
654/10 du 11 Novembre 2011);
34. Que les répercussions économiques sur l’activité la SITEX-CI SARL ont pour
origine dans la procédure de saisie initiées par la société SGBCI SA, qui a eu pour
conséquence la fermeture et la cessation d'activité de la société, entrainant
ainsi le chômage de ses employés et la dévaluation des actions de son Gérant,
requérant dans présente affaire;
35. En conséquence, il requiert ce qui suit :
° Que la Cour déclare que l'Etat de Côte d'Ivoire a violé leurs droits,
notamment le droit à une Justice impartial et équitable, tel qu'énoncé par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte Africaine des Droits de Constitution ivoirienne;
° Que la Cour déclare que cette violation a causé un grave préjudice
économique au requérant;
° Que la Cour condamne l'Etat de Côte d'Ivoire à payer 1.000.000.000 de francs
CFA (un milliard de francs CFA), représentant le montant indument retenu par la
Société SGBCI, SA, ainsi que 7.000.000.000 CFA (sept milliards de francs CFA) a titre
de dommages et intérêts pour toute cause et préjudices confondus;
° Que la Cour condamne la République de Côte d'Ivoire aux dépens, dont
distraction au profit de la Société d'avocat Aquerrebus Partners.
> Les faits invoqués par l'intervenant volontaire
Dans sa requête aux fins d'intervention volontaire, la société SITEX-CI SARL adhère
et reprend les faits invoqués dans la requête introductive d’instance, à laquelle elle
avait souscrit, qui sont ici intégralement transcris et repris
Ainsi, Il demande à ce que l'Etat de Côte d'Ivoire soit condamné à payer la somme
de 6.700.000.000.00 CFA (six milliards sept cents millions de francs CFA).
> Les faits invoqués par le défendeur
36. au soutient de sa demande, le défendeur fait valoir que le nom du Magistrat
DIETAL Marcel figure parmi les membres de la formation qui a jugé l’affaire en
première instance ;
37. Qu'’au sein de la formation des Juges ayants composé la deuxième formation
civile de la Chambre Judicaire de la Cour Suprême, ont siégé les Magistrats suivants:
- Monsieur ADAM Séka Julien, Président ;
- Monsieur SIOBLO Doual Jules, Conseiller rapporteur ;
- Monsieur VE BOUA, Conseiller ;
- Monsieur GNAGO Dacoury Conseiller ;
- Monsieur OUAKA Adon, Conseiller ;
38. Que la Société Générale des Banques de Côte d'Ivoire Z AG, dès la Première
Instance avait constitué comme conseil les Ah X AJ, F.
X, C. AS et A. ANTHONY DIOMANDE, Avocats à la Cour, dont les
bureaux sont situés boulevard Carde, Avenue Docteur Jarnot, Immeuble
Ad, 01 BP 297 Abidjan 01;
39. Que ce conseil par exploit daté du 21 Septembre 2005, a initié un pourvoi en
cassation contre l’Arrêt n° 635 du 23 Mai 2003 de la Cour d'appel d’Abidjan,
réitéré par un avenir d'audience en date du 22 Novembre 2005.
40.Que le Cabinet FADIKA DELAFOSSE, F. X, C. AS et
ANTHONYDIOMANDE - FDKA, s'est déporté au cours du moi en Février 2008;
41. Que la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême saisie du recours, dans la
composition susmentionnée, a rendu son Arrêt n° 659/08 le 11 Décembre 2008;
42. Que la société SITEX-CI et le Sieur Ak A, ont déféré cet Arrêt de
cassation n° 659/08 du 11 Décembre 2008, dont ils ont obtenu sursis à
l’exécution par ordonnance n° 55 du 15 Juin 2009, avec les mêmes moyens,
devant la formation réunies de la Cour Suprême, sur le fondement de l'article
28 de la loi n° 97-243 du 25 Avril 1997 ;
43. le 23 Novembre 2012, la formation réunie de la Chambre Judiciaire de la Cour
Suprême a déclaré irrecevable le recours présenté par la société SITEX-CI et le Sieur Ak A.
44. Que les requérants introduit un recours en rétractation contre le dit Arrêt,
estimant que la SGBCI n’avait pas pourvu au remplacement de son Conseil, qui
de façon unilatérale s’était déporté de l'affaire, ce qui aurait conduit à
l’irrecevabilité du recours formé par elle, en raison du caractère exclusif de la
représentation des parties devant la Cour Suprême;
45. Parallèlement, la Société SITEX-CI et le Sieur Ak A ont adressé au
Président de la Cour Suprême une requête en récusation à l’encontre des cinq
Magistrats de la deuxième formation de la Chambre Civile de la Chambre Judicaire de la Cour Suprême, qui a rendu l'Arrêt n° 659/08 du 11 Décembre
2008, à savoir : les Conseillers ADAM Séka Julien - Président, SIOBOLO Doual
Jules, JugeRapporteur, VE BOUA, GNAGO Dacoury et OUAKA Adon;
46. Que le président de la Cour Suprême par courrier en date du 15 Août 2009, adressée au Président de la Chambre Judiciaire, lui demandant de surseoir à
statuer, jusqu’à ce qu’une décision soit prise sur la récusation des Magistrats susmentionnés;
47. Que après plus d’un an, soit le 11 Novembre 2010, la deuxième formation civile
de la Chambre Judiciaire a rendu son arrêt n° 654, en dépit de la requête en
récusation et des instructions du Président de la Cour Suprême, ce qui a conduit
une fois de plus les requérants à introduire un recours en rétractation;
48. que par ordonnance n ° 012/2012 du 24 Janvier 2012, le Président de la Cour
Suprême a ordonné le sursis à exécution de l’Arrêt n° 654 du 11 Novembre
2010, jusqu’à les Formations réunies vident sa saisine;
49. Que jusqu’à présent, le recours en rétractation de l’Arrêt n° 654 du 11 Novembre 2012 initié devant les Formations réunies de la Chambre Judicaire
de la Cour Suprême demeure pendant;
50. Le défendeur termine en demandant à la Cour de déclarer ce qui suit:
° Que le principe d’impartialité et le droit à un procès équitable n’ont
aucunement fait l’objet d’une violation;
° Le rejet pure et simple de toutes les prétentions du requérant comme étant sans fondement.
> Les questions de droits soulevées par les parties
“Le requérant, Ak A, fait valoir une violation pure et simple du
principe d'impartialité inhérent au Juge et du droit à un procès équitable. En
effet, il invoque certaines normes internationales, d’autres nationales, ainsi
que de nombreuses jurisprudences:
- Article 4 du Traité révisé, article 9, al. 4 et 10 al. d) du Protocole additionnel
A / SP. 01/01/05 de la CEDEAO;
- L'article 10 et 22 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;
- L'article 14 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques;
- Préambule et de l'article 3, 7 et 45 de la Charte africaine des Droits de
l'Homme et des Peuples;
- L'article 6-1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme;
- L'article 20 de la Constitution et article 28 de la loi n ° 97-243 du 25 Avril
1997, modifiée et complétée par la loi n ° 94-440 du 16 Août, 1997, de la
République de Côte d'Ivoire ;
- Arrêt Cubler contre la Belgique du 26 Octobre 1984, Arrêt Perote Pellon
contre l’Espagne du 25 Juillet 2002, etc.
L’intervenant volontaire dans les pièces, a reproduit exactement les points
de droit et les dispositions juridiques invoquées par la requérante principale.
v Que le requérant considère qu’il incombe à la Cour Suprême de déterminé
de façon souveraine, si la situation dénoncée compromet suffisamment
l'impartialité des Magistrats et ainsi justifie leur remplacement ;
Que l'Etat de Côte d'Ivoire considère que cette notion d’impartialité se
reflète dans les dispositions des conventions internationales qu’il invoque,
ainsi que dans sa Constitution;
Il souligne que la doctrine et la jurisprudence sont unanimes et que le
principe d’impartialité doit être apprécié objectivement, c’est-à-dire, selon
les fonctions et les actes accomplis antérieurement par les Magistrats qui
composent la juridiction;
IV. ANALYSE DE LA COUR
Sur la demande de procédure accélérée :
Le 15 Février 2013, le requérant, a présenté devant la Cour, une procédure accélérée, sur la base de l'article 59 de RTIC.
Qui dispose que "A la demande soit de la partie requérante, soit de la partie
défenderesse, le Président peut exceptionnellement, sur la base des faits qui lui sont
présentés, l'autre partie entendu, décider de soumettre une affaire à une procédure accéléré dérogeant aux dispositions du présent règlement, lorsque l'urgence
particulière de l'affaire exige que la Cour statue dans les plus brefs délais”.
Toutefois, il ressort du texte que la recevabilité ou non d'une telle pétition doit être
est un préalable à toute poursuite de la procédure.
Considérant que dans le cas d'espèce, toutes les phases processuelles ont été épuisées sans que soit appréciée la demande de procédure accélérée, celle-ci n’a dès lors plus d’objet.
THEMA DECIDENDUN
L’appréciation du cas sub Judice pose trois questions fondamentales:
a) La demande de condamnation résultant de l'intervention volontaire suscitée par la société SITEX-CI SARL.
b)La demande de condamnation de la République de Côte-d'Ivoire présentée par le Sieur Ak A;
c) Demande de condamnation aux dépens.
a) Sur la requête aux fins d’intervention volontaire suscité par la Société
SITEX-CI SARL.
La société SITEX-CI SARL, dans sa requête aux fins d'intervention volontaire a manifesté son adhésion aux faits invoqués par la requête introductive d’instance et demandé que l'Etat de Côte d'Ivoire soit condamné à payer la somme de
6.700.000.000.00 xofs ( six milliards sept cents millions de francs CFA).
Dés à présent, il importe de rappeler que la demande d'intervention volontaire initiée par la Société SITEX-CI, a été admise par la Cour lors de l’audience du 3 Octobre 2014, comme le détermine le procès-verbal versé au dossier.
En effet, le concept d'intervention volontaire était à l’origine, une prérogative exclusive des Etats Membres, comme le prévoit l'article 21 du Protocole (A/P1/ 7/91), modifié par les articles 3, 4 et 9 du Protocole (A / SP1 / 01/05), qui confère également aux personnes physiques ou morales la possibilité de saisir la Cour de Justice de la CEDEAO.
Ainsi, l'article 89 du Règlement de la Cour de Justice énonce les conditions de forme de cette demande incidente.
Il est certain que le mécanisme de l'intervention volontaire, naturellement ne peut prospérer si l’intervenant s'oppose aux intérêts substantiels ou de processuels de la partie au côté de laquelle, elle prétend intervenir. Par conséquent, l'intervenant doit faire valoir un droit qui lui est propre, et parallèle à celui du requérant. En cela, l'intervention doit être le fait d’une personne qui n’est pas partie dans l’affaire, c’est-à-dire, un tiers.
Ors, en l'espèce, la société SITEX-CI SARL, comme susmentionné, a été l'un des requérants à l’origine de la saisine de la Cour, s'étant par la suite désisté le 27 Février 2013.
En outre, l'un des associé majoritaires de la société SITEX-CI se trouve être le Sieur Ak A (voir doc. 1, contrat social), Administrateur de la société et requérant dans la présente affaire.
Dans cette perspective, l’on ne peut que difficilement dissocier les intérêts de la société SITEX-CI, SARL, en sa qualité d’intervenant volontaire, des intérêts du Sieur Ak A, gérant et représentant de celle-ci.
Par ces motifs, la demande de la condamnation formulée par la société intervenante est rejetée.
b) Sur la demande de condamnation de la République de Côte d'Ivoire
formulée par le Sieur Ak A.
En ce qui concerne cette demande, la Cour se fonde essentiellement sur la requête
initiale et autres documents versés au dossier par le requérant, le Sieur Ak
A, gérant de la société SITEX-CI, SARL, qui formule les demandes suivantes:
° Que la Cour de Justice déclare que l'Etat de Côte d'Ivoire a violé ses droits,
notamment le droit à un procès impartial et équitable, tel qu'énoncé dans la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Charte Africaine des Droits de
l'Homme et la Constitution ivoirienne;
° Que la Cour déclare que cette violation a créé un grave préjudice
économique au requérant;
° Que la Cour condamne l'Etat de Côte d'Ivoire à payer la somme de
1.000.000.000 de francs CFA (un milliard de francs CFA), représentant les sommes
indument prélevées à la Société SGBCI, SA, ainsi que 7 000 000 000 de Francs cfa
(sept milliards de francs CFA) à titre de dommages et intérêts en réparation pour
toutes causes et préjudice confondus;
Pour le requérant, la violation de ses droits résulte du dysfonctionnement du
service public de la justice, procédant du refus de la Chambre Judiciaire de se
conformer aux injonctions du Président de la Cour Suprême qui avait ordonné le sursois à statuer dans l’attente d’une décision sur la demande de récusation.
Il estime également qu’en ignorant cette injonction et en appréciant le recours de
rétractation, avec une composition comptant en son sein un Magistrat qui faisait
partie de la formation qui avait statué en première instance, dans ce cas précis, le
Conseiller Marcel DIETA ( Arrêt n ° 654/10 du 11 Novembre 2010 et la décision n °
126/2001 du 31 mai 2001), les Conseillers VE-BOUA, GNAGO DACOUPY (Affaire n °
659/08 du 11 Décembre 2008 et n ° 654/10 du 11 Novembre 2010) cela viole le
principe d'impartialité, garanti par la voie de récusation. En effet, il s'appuie sur l'article 128, paragraphe 5 du Code de Procédure Civile, Commerciale et
Administrative pour fonder sa demande de récusation.
Au soutien de son argumentation, il invoque l'arrêt de la Cour Européenne des
Droits de l'Homme du 6 mai 2003, affaire Kleny et autres contre les Pays-Bas, qui
fait référence aux conditions d’impartialité telles que prévues par l'article 6
paragraphe 1 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme.
D'autre part, la requête additionnelle, soulève la question de la compatibilité de
l'article 28 de la loi n ° 97-243 du 25 Avril 1997 avec les obligations internationales
de la Côte d'Ivoire. Le requérant estime que le texte de cet article constitue un
obstacle à l'exercice de son droit de recours devant la Cour Suprême. Il Soulève
également la question de la violation de son droit à l'égalité des armes et à un
procès équitable.
Pour sa part, l'Etat de Côte d'Ivoire ne réfute pas les allégations du requérant quant
au sursis à statuer ordonné par le Président de la Cour Suprême. Pour le défendeur,
ce qui importe c’est la preuve de l'impartialité des Magistrats mis en cause et non
le recours en récusation présenté devant la juridiction nationale.
Il affirme que c’est à la Juridiction qui a été saisie, qu’il revient déterminer
souverainement si la situation dénoncée compromet suffisamment l'impartialité
du ou des Juges et ainsi de justifier leurs remplacement. Par conséquent, dans tous
les cas, il appartient à la partie qui l’invoque d'apporter la preuve que le juge a
violé le principe d'impartialité.
En la matière, la position de cette Juridiction communautaire est constante. Il ne
relève pas de sa compétence de contrôler la conformité des législations nationales avec les obligations internationales des États Membres, ni d'apprécier les décisions de leurs tribunaux.
- Affaire Ab Ac Ae contre la République du Niger du 27 Octobre
2008, la Cour affirme qu'elle n’a pas pour mission d'examiner les législations des États membres.
Page 15 / 20 - Affaire Ai Aj Aa contre la République du Mali, la Cour de Justice de
la Communauté détermine qu’elle n’est pas une Juridiction d’appel ni de cassation
des décisions des juridictions nationales. La Cour se borne à apprécier, si dans le
cas concret, il y eu violation des droits humains et à sanctionner lorsqu'elle le juge nécessaire.
À la lumière des exigences d’impartialité énoncées à l'article 6 de la Convention
Européenne des Droits de l'Homme, un juge ayant statué sur une affaire en
première instance, ne peut pas faire partie de la formation qui apprécie le recours
en appel ou en cassation.
Le paragraphe 1 de cet article dispose que, « Toute personne a droit à ce que sa
cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des
contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de
toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
L’impartialité du Juge peut également avoir pour fondement l'article 10 de la
Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui stipule que «Toute personne a
le droit, à ce que sa cause soit entendue, équitablement et publiquement et dans un
délais raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit
du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre lui ».
De même, l'article 14 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques
dispose que «Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute
personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement
par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera
soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit
des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil »…
Dans le cas présent, la Cour est d’avis que c’est à juste raison que l'Etat de Côte
d'Ivoire observe que la question pour laquelle la formation de la Chambre Judiciaire a été appelée à statuer, n'est pas en lien avec les questions de fond que le Conseiller
DIETAI Marcel a eu appréciées. Par conséquent, le requérant ne saurait
valablement prétendre que ce Juge représentait un risque de partialité de nature
à justifier son remplacement.
Qu'il est acquis que les magistrats ayant fait partie des formations qui ont connu de l’affaire sont entre autre :
-Tribunal de Première Instance d'Abidjan, Jugement n2 126/2001 du 31 mai 2001,
figure les noms des Sieurs DIETAI MARCEL (Président de la Cour), DANIOGO n'GOLO
KOFFI KOUADIO, SANSAN KAMBILE et Mme N'DRI BERTINE, Juge assistant;
- Cour d'Appel (Cour d'Appel d'Abidjan), arrêt 653 du 23 mai 2003, ont statués
les Sieur SEKA ADON JEAN-BATISTE (Premier Président), les Conseillers, KOUAME
YAO AUGUSINE et KOUASSI BROU BERTIN;
- Cour Suprême, chambre Judiciaire, Arrêt de cassation n2 659/08 du 11
Décembre 2008 ne contenait que le nom de ADAM SEKA Julien (Président) et des
Conseillers SIOBLO DOUAI JULES (Rapporteur); VE BOUA, GNAGO DACOURY,
OUAKA ADON;
- Cour Suprême, Chambre Judicaire, Arrêt n ° 654/10 du 1er Novembre 2010,
recours en rétractation de l’Arrêt n2 659/08, ADAM SEKA JULIEN (Président),
Conseillers GNAGO DACOURY (Rapporteur) VE BOUA, DIETAI MARCEL EZOUEHU B. PAULETTE.
- Cour suprême, Chambre Judiciaire, Arrêt n ° 754/12 du 23 Novembre 2012
(cassation de l’Arrêt n2 659/08 du 11 Décembre 2008), Les conseillers CHANTAL
CAMARA (Présidente de la Chambre Judiciaire, Présidente), Conseiller BOGA
TAGRO, VE BOUA (Rapporteur), Mme AK Am, MM. AI AN, AQ AP, Y AR, AO AH, GNAGO DACOURY,
OUAKA ADON, B AM, YAPI N'KONOND, C B PATRICE;
Considérant qu’en accord avec les éléments ci-dessus, le conseiller DIETAI MARCEL, ne faisait pas partie de la formation qui a rendu l'Arrêt de cassation ne
659/08 du 11 Décembre 2008, ce qui entre en contradiction avec les allégations
du requérant, qui ne peut dès lors, aucunement invoquer la violation du principe
d'impartialité.
Ainsi, conformément à l'article 6 de la CEDH déjà cité et à l'interprétation donnée
par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, il n'existe aucun élément dans
dossier, de nature à justifier la violation du principe d'impartialité, ni aucun élément
probatoire établissant de façon objective quelconque manquement au principe.
Au contraire, il ressort du dossier, que les Conseillers mis en cause, ont seulement
intégré le collège qui a statué sur les recours initiés devant la Chambre Civile de la Cour Suprême et vidé par deux Arrêts : (Arrêt n ° 654/10 du 01 Novembre 2010, Recours en rétractation et l’Arrêt n ° 754/12 du 23 Novembre 2012, cassation de
l’Arrêt n2 659/08 du 11 Décembre 2008) qui n'ont pas de lien avec l'objet du litige
initialement jugé en première instance et la décision rendue en cassation.
En conséquence, la demande du requérant ne peut prospérer.
c) Sur la demande de condamnation aux dépens.
Tant la société intervenante, SITEX-CI SARL, que le Sieur Ak A,
requièrent que l'Etat de Côte d'Ivoire soit condamné aux dépens dont distraction
au profit de leurs avocats.
Le régime de condamnation aux dépens est prévu par l'article 66 du RC), et en
l’espèce, nous intéresse les normes suivantes :
1. Il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l'ordonnance qui met fin à l’instance.
2. Toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce
sens.
Ainsi, les parties ayant succombé, devront conformément aux dispositions légales
susvisées, être condamnés solidairement aux dépens.
Par ces motifs
La Cour statuant publiquement et dans respect du principe du contradictoire en
premier et dernier ressort, en matière des droits de l’homme.
En la forme
- Déclare recevable la requête du Sieur Ak A, Administrateur de la
société SITEX-CI, SARL;
- Déclare recevable la requête aux fins d'intervention volontaire de la société
SITEXCI, SARL;
- Rejette la demande de procédure accélérée pour défaut d’objet.
Au fond
- Déclare non fondée l'intervention volontaire de la société SITEX-CI SARL ;
- Dit également non fondée la demande du Sieur Ak A pour manque
de preuves ;
-Déboute en conséquence le requérant et l’intervenant volontaire de leurs
prétentions ;
- Met les dépens à leur charge.
Ont signé :
Honorable Juge Yaya BOIRO - Président
Honorable Juge Maria do Céu SILVA MONTEIRO — Membre
Honorable Juge Micah Wilkins WRIGHT — Membre
Assistés de Me Aboubacar Djibo DIAKITÉ — Greffier