COMMUNITY COURT OF JUSTICE,
ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMMUNIDADE,
CEDEAO > No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT, OFF AMINU KANO CRESCENT,
7 WUSE Il, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, ABUJA
TEL/FAX:234-9-6708210/09-5240781 LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
Siégeant en audience hors siège à Abidjan en République de Côte d’Ivoire, ce jour 20 avril 2016, dans l’affaire ;
Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/08/16
Dame B Ae, épouse Y, demeurant et domiciliée à Lomé-Togo, ayant pour Avocat Me Ata Messan AJAVON, Avocat au Barreau du Togo, 1169, Avenue de Calais, Tél : +228 23 20 57 79- Mobile +228 90 33 07 63, BP : 1202, Lomé, Requérante
Contre
La République du Togo, sise à Lomé, 596, rue de l’entente, BP : 121, tel : (228) 22 21 09 75, fax : (228) 22 21 54 91, agissant poursuite et diligences de son représentant légal, le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, chargé des Relations avec les Institutions de la République, demeurant et domicilié en ses bureaux à Lomé, Rue de l’Entente, et ayant pour conseil Maître Ohini Kwao SAVEE, Avocat au Barreau du Togo, 32, rue des bergers, Nyékonakpoë ; BP : 62091 Lomé-Togo, tel : (228) 22 20 56 82/90 01 74 64 Défenderesse
COMPOSITION DE LA COUR
Honorable Juge TRAORE Jérôme : Président
Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE : Membre Honorable Juge Alioune SALL
Assistés de C Ac Af
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
: Membre
: Greffier I- PROCEDURE
Le 18 décembre 2014, Dame B Ae, épouse Y déposait au Greffe de la Cour de la Justice de la Communauté, CEDEAO, une requête pour violations des droits de l’Homme contre la République du Togo ;
Le greffe de la Cour notifiait ladite requête à l’Etat du Togo qui déposait son mémoire en défense le 27 mars 2015 ;
Le dossier a été programmé pour audition des parties le 19 janvier 2016 et renvoyé à la demande du conseil de l’Etat du Togo au 16 février 2016.
A cette date, il a été mis en délibéré pour arrêt être rendu le 16 février 2016 à l’issu des débats.
II- FAITS-PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
5. Par requête reçue au greffe de la Cour de Justice le 18 Décembre 2015, Madame B Ae a attrait la République du Togo devant ladite Cour à l’effet de voir :
- Ordonner à la République du Togo de lui payer :
e la somme de trente millions (30.000.000) FCFA pour les préjudices liés au fait de sa nomination comme institutrice stagiaire pendant plus de vingt et un (21) ans alors qu’elle a toujours exercé les fonctions de professeur de CEG dans l’enseignement secondaire et plus tard celle de professeur de lycée ;
e la somme de vingt millions (20.000.000) FCFA pour violation de ses droits à une rémunération équitable et égale ;
e la somme de cinquante millions (50.000.000) FCFA pour violation de ses droits de bénéficier d’une pension de retraite ;
Et de condamner la République togolaise aux entiers dépens ;
6- Au soutien de ses prétentions, la requérante expose qu’ elle a été engagée dans l’administration togolaise, en qualité de professeur de CEG-vacataire et affectée par note de service N°1403/DEDD en date du 23 novembre 1990 du directeur de l’enseignement du deuxième degré au CEG de Dzolo, dans la préfecture de l’Avé, en cette qualité, pour y dispenser les cours de mathématiques et de biologie avec un salaire mensuel forfaitaire de soixante mille (60.000) FCFA ; le 12 décembre 1991, elle introduisait une demande d’intégration dans la fonction publique togolaise, auprès du Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Fonction Publique ;
7- Courant année 1995, l’Etat togolais avait pris la décision d’intégrer, dans la fonction publique, quatre cent vingt-trois (423) enseignants contractuels de tous degrés confondus dont cent quarante-trois (143) provenant de l’enseignement du deuxième degré parmi lesquels, trois étaient titulaires d’un baccalauréat série D et d’un DEUG II ;
8- Cependant, elle ne s’était retrouvée sur aucune des listes publiées par les arrêtés successifs de nomination dans la Fonction Publique togolaise alors que les deux autres titulaires du DEUG II ont été insérés sur l’arrêté N°499/METFP en date du 23 mai 1995, portant nomination ; elle faisait toutefois l’objet d’un arrêté spécifique N°0783/METFP-AS du 18 juillet 1995 portant nomination, et cela, deux mois après l’édiction des autres arrêtés de nomination ;
9- Elle précisait que ses deux (02) collègues également titulaires du DEUG II ont été nommés par l’arrêté N°0449/METFP du 23 mai 1995, professeurs de CEG de troisième échelon, stagiaires (catégorie A2, indice 1100) avec un traitement Correspondant à ladite catégorie lorsqu’elle, n’était nommée que comme institutrice de deuxième classe, deuxième échelon stagiaire (catégorie B, indice 850) avec un traitement net presque égal à celui qu’elle percevait comme vacataire et comme contractuel, soit la somme de soixante-sept mille (67.000) FCFA, et affectée au CEG de Tokoin Est à Lomé ;
10- Elle relevait qu’elle a été nommée dans une catégorie inférieure à tous ses collègues mais affectée, comme eux, dans un CEG,
établissement d’enseignement secondaire, et était chargée de la même fonction et des mêmes tâches que tous ses collègues recrutés, en même temps qu’elle, et avec les même qualifications, mais avec un grade, une classification et un salaire inférieures à ceux de ses deux collègues ;
11- Poursuivant son exposé, elle ajoutait que toutes ses tentatives auprès des autorités togolaises pour obtenir la régularisation de sa situation administrative sont restées vaines en témoignent ses lettres en date du 03 septembre 1997, du 31 janvier 2000, de 2003 et de 2005, qui ont toutes reçues des réponses négatives de la part des ministres concemés ;
12- Flle souligne que depuis sa nomination dans la Fonction publique togolaise, elle est demeurée institutrice stagiaire, soit pendant plus de vingt un (21) ans ;
13- Ces faits constituent, pour elle, une violation de ses droits que sont le droit à l’égalité d’accès et de traitement dans la fonction publique, le droit d’être nommé dans un emploi permanent de l’administration togolaise, le droit à un salaire équitable et à une rémunération égale, le droit à l’avancement et à la promotion dans la fonction publique togolaise et le droit à la retraite ;
14- Au fondement de la violation de son droit à l’égalité d’accès et de traitement dans la fonction publique, elle invoque la violation des dispositions des articles 2, 11 alinéa 1, 37, alinéa 1 et 2 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1992, 3 et 15 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 27 juin 1981 et 7 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre
15- S’agissant de la violation de son droit à la nomination dans un emploi permanent de l’administration togolaise, elle soutient avoir effectivement effectué comme le prescrivent les textes, l’année de stage probatoire et qu’à l’issu, elle n’a ni été titularisée, ni licenciée, ni vu renouvelée, exceptionnellement son stage probatoire et invoque la violation des dispositions des articles 31, 62, 63 et 64 de l’ordonnance N°01 du 04 janvier 1968 portant Statut Général des fonctionnaires de la République togolaise, les stipulations de l’article 7.c du Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturel et des dispositions de l’article 83, alinéa 1 du décret N°69-113 du 28 mai 1969 portant modalités communes d’application du Statut Générale de la Fonction Publique ; elle précise en outre qu’elle aurait dû être intégrée dans la catégorie des professeurs de CEG cinq ans après son recrutement comme le dispose l’article 38 du décret N°69-113 du 28 mai 1969 ; cependant malgré ses multiples demandes en date du 03 septembre 1997, en 2003, en 2005 et le 16 avril 2011, elle n’a jamais bénéficié d’un quelconque avancement, ni d’échelon, ni de grade, depuis son recrutement dans la fonction publique en 1995 jusqu’à sa mise à la retraite et est même demeurée institutrice stagiaire autrement dit enseignante d’école primaire alors qu’elle a été effectivement affectée comme professeur des CEG ;
16- Pour ce qui est de la violation de ses droits à la retraite, la requérante, elle invoque la violation des dispositions de la loi N°91-11 du 23 mai 1991 fixant le régime des pensions civiles et militaires de la Caisse de retraite du Togo qui prescrivent que le fonctionnaire togolais, après avoir exercé ses fonctions pendant 55 ans, 58 ans, 60 as ou 65 ans, selon les statuts particuliers des corps auxquels ils appartiennent et les fonctions, les emplois et les grades qu’ils ont occupés, peuvent faire valoir leur droit à la retraite et bénéficier à cet effet d’une pension de retraite, et des dispositions du décret N°91/208 du 06 septembre 1991 fixant le régime des pensions civiles et militaires de la Caisse de retraite du Togo, qui précise que l’Administration est tenu d’opérer, sur le traitement indiciaire de base perçu par le fonctionnaire, mensuellement, une retenue de 7% destinée à être versée à la Caisse de retraite du Togo ; que l’administration togolaise n’a jamais opérer cette retenue en ce qui la concerne et elle a été admise à la retraite sans droit à pension ;
17- Dans son mémoire en défense en date du 27 mars 2015, l’Etat du Togo conclut qu’il n’a pas violé les droits de la requérante et soutient avoir agi conformément aux textes qui gouverent la fonction publique togolaise ;
18- Il précise que la requérante ne pouvait pas être nommée dans le corps des professeurs de CEG, catégorie A2 parce qu’elle ne remplissait pas les conditions fixées par la loi et ne pouvait pas non plus être intégrée dans la fonction publique pour ce même motif ; qu’en outre, ne remplissant pas les conditions fixées par la loi, elle ne pouvait prétendre à une pension de retraite ;
19- Il relève que son affirmation selon laquelle ses collègues X Ab, Aa et A Ag Ad ne disposent pas du DEUG de l’INSE, et ont été nommés dans la catégorie A2 sur la base du même DEUG qu’elle, n’est pas exacte au regard de l’examen de leur dossier respectif ; que c’est donc à tort que la requérante estime qu’elle a fait l’objet d’une injustice ou d’une discrimination ;
20- S’agissant de l’équivalence du DEUG de madame Ae B établie par le Directeur de l’enseignement du second degré dans le contrat spécial du 04 mai 1991, l’Etat du Togo précise que le fait pour ce dernier de mentionner dans ledit contrat que l’association du BAC D, du DEUG II et de l’autorisation d’enseigner équivaut au CAP-CEG n’est qu’une simple appréciation de sa part pour justifier le recrutement de la requérante et ne saurait suppléer les critères de nomination dans la fonction publique, surtout que les équivalences sont délivrées par la commission nationale de reconnaissance et d’équivalence des études, diplômes, grades et titres, seule compétence en la matière ;
II- MOTIFS DE LA DECISION En la forme
21- Attendu qu’aux termes de l’article 9-4 du Protocole additionnel (A/SP.1/01/05) portant amendement du Protocole (A/P/1/7/91) relatif à la Cour de justice de la Communauté : « La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de l'Homme dans tout Etat membre » ;
22- Attendu qu’en l’espèce, la requérante invoque la violation de ses droits par la République du Togo, dans sa requête introductive d’instance ; que l’examen de ladite requête permet effectivement de constater qu’elle expose des faits, qui pour elle, constituent une atteinte à ses droits dont le droit à l’égalité d’accès et de traitement dans la fonction publique, le droit à un salaire égale… ;
23- Qu’il échet par conséquent de déclarer sa requête recevable ;
Au fond
1. Sur la violation du droit à l'égalité d'accès et de traitement dans la fonction publique
24- Attendu que la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples dispose en son article 3 que : «
1. Toutes les personnes bénéficient d'une totale égalité devant la loi.
2. Toutes les personnes ont droit à une égale protection de la loi. » ;
25- Que l’article 15 du texte précité dispose pour sa part que : « Toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal » ;
26- Attendu que le droit à l’égalité d’accès dans la fonction publique implique que tous les citoyens doivent, au sein d’un Etat, avoir accès, dans les mêmes conditions, à la fonction publique ; que cet accès ne saurait être restreint par des mesures discriminatoires telles le statut social, la race, l’ethnie, les opinions politiques, la religion. ; que la violation du droit à l’égalité d’accès résulterait en principe de l’application d’une mesure discriminatoire à l’encontre d’un citoyen pour lui refuser l’accès à la fonction publique ;
27- Attendu qu’en l’espèce, il ressort des pièces de la procédure que la requérante est titulaire du Diplôme d’Etudes Universitaires Générales, option Economie et gestion de l’Université du Bénin de Lomé ; qu’elle n’a pas obtenu l’équivalence de son diplôme auprès des autorités compétentes de la République togolaise ; que c’est sur la base de son diplôme de DEUG II, option Economie et Gestion qu’elle a été classée dans le cadre des fonctionnaires de l’enseignement en qualité d’institutrice ,2°° classe, 2°"° échelon ( catégorie B, indice 850);
28- Que cependant, A Ag Ad a constitué son dossier d’intégration dans la fonction publique en 1991avec un DEUG II et une attestation provisoire de réussite tenant lieu de licence en mathématiques et X Ab Aa, en 1994, avec une attestation de réussite du diplôme du DEUG pour l’enseignement du deuxième degré, option Anglais-Français délivré en juin 1983 par le directeur de l’Institut National des Sciences de l’Education (INSE) ; qu’ils ont été nommés dans le cadre des fonctionnaires de l’enseignement comme professeurs de CEG de 32° classe 1° échelon stagiaire (catégorie A2-indice 1100) ;
29- Qu’en outre, il ressort également des pièces de la procédure que seul le DEUG II de l’Institut National des Sciences de l’Education est admis en équivalence du Certificat de Fin d’Etudes Normales (CFEN) de l’Ecole Normale Supérieure d’Atakpamé, lequel diplôme donne accès à la catégorie A2 dans l’enseignement ;
30- Qu’au regard des éléments ci-dessus évoqués, il y'a lieu de constater que la requérante n’a pas fait l’objet de discrimination dans l’accès à la fonction publique du Togo ; qu’elle a été nommée dans la catégorie correspondant à son diplôme ; qu’il n’y a donc pas violation de son droit à l’égalité d’accès à la fonction publique ;
31- Attendu que l’égalité de traitement dans la fonction publique implique qu’il ne saurait y avoir de discrimination entre des fonctionnaires se trouvant dans une situation identique ; qu’elle ne peut en effet être invoquée que pour des agents appartenant à un même corps ou à un même cadre d’emploi placés dans une situation identique ; que la violation de cette égalité résulterait d’une différenciation dans le traitement de fonctionnaires se trouvant dans la même situation ; qu’il peut s’agir d’une différenciation au niveau salariale ou de l’octroi d’avantages ou même dans la gestion de la carrière de l’agent ;
32- Qu’en l’espèce, la requérante a effectué son stage probatoire ; que cependant, à l’issu de son stage, elle n’a ni été titularisée, ni licenciée, ni vu renouvelée, exceptionnellement son stage probatoire ; Qu’elle est demeurée institutrice stagiaire, pendant plus de vingt un (21) ans ;
33- Attendu que l’Administration togolaise avait l’obligation de traiter la requérante de la même manière que les autres agents ; Qu’en effet, à l’issu de son stage, elle devait soit être titularisée ou licenciée si elle ne remplissait pas les conditions pour la titularisation ;
34- Qu’en la maintenant dans la position d’institutrice stagiaire alors qu’elle avait accompli son stage probatoire d’un an, l’Administration togolaise lui a réservé un traitement différent ;
35- Qu’il convient par conséquent de conclure à la violation de son droit à l’égalité de traitement dans la fonction publique ;
2- Sur la violation du droit à la nomination dans un emploi permanent de l'administration togolaise
36- Attendu qu’aux termes de l’article 7 du Pacte International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels, «
1. Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit au travail, qui comprend le droit qu'a toute personne d'obtenir la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi ou accepté, et prendront des mesures appropriées pour sauvegarder ce droit.
2. Les mesures que chacun des Etats parties au présent Pacte prendra en vue d'assurer le plein exercice de ce droit doivent inclure l'orientation et la formation techniques et professionnelles, l'élaboration de programmes, de politiques et de techniques propres à assurer un développement économique, social et culturel constant et un plein emploi productif dans des conditions qui sauvegardent aux individus la jouissance des libertés politiques et économiques fondamentales (.… ) » ;
37- Qu’il résulte de cette disposition que les Etats parties à ce Protocole ont l’obligation de garantir à leur citoyen le droit au travail mais aussi de prendre les mesures nécessaires pour la pérennisation d’un tel droit ; Qu’il s’en suit que le travailleur ne devrait pas se trouver dans une situation de précarité qui menacerait la jouissance de son droit au travail ;
38- Attendu qu’en l’espèce, la requérante invoque la violation de son droit à la nomination dans un emploi permanent par l’administration togolaise ;
39- Attendu que la permanence de l’emploi implique d’une part qu’il doit exister et, d’autre part qu’il doit être occupé de manière permanente ;
40- Attendu qu’il résulte de l’arrêté N°0789/METFP-AS du Ministre de l’Emploi, du Travail, de la Fonction Publique et des Affaires Sociales en date du 18 juillet 1995 portant nomination que la requérante a été nommée dans le cadre des fonctionnaires de l’enseignement en qualité d’institutrice ,2°"° classe, 2°"° échelon ( catégorie B, indice 850) ; qu’elle a occupé le dit emploi de façon permanente pendant vingt (un) 21 ans ; qu’il y’a lieu de constater que l’emploi d’institutrice existait au moment de la nomination de la requérante et qu’elle l’a occupé de façon permanente ; qu’elle n’a pas établi que son emploi a été, à un moment donné de sa Carrière, menacé ou interrompu momentanément ; qu’elle l’a exercé de façon permanente pendant 21 ans ;
41- Qu’au regard donc de ce qui précède, il echet de conclure que son droit à être nommé dans un emploi permanent n’a pas été violé par la République du Togo et de l’en débouter ;
3. Sur la violation du droit à un salaire équitable et à une rémunération égale 42- Attendu qu’aux termes de l’article 7 a.i du Pacte International sur les Droits Civils et Politiques, « Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables, qui assurent notamment:
a) La rémunération qui procure, au minimum, à tous les travailleurs:
i) Un salaire équitable et une rémunération égale pour un travail de valeur égale sans distinction aucune; en particulier, les femmes doivent avoir la garantie que les conditions de travail qui leur sont accordées ne sont pas inférieures à celles dont bénéficient les hommes et recevoir la même rémunération qu'eux pour un même travail… »;
43- Attendu qu’en l’espèce, il ressort des pièces de la procédure que la requérante percevait un salaire équivalent à la catégorie et à l’indice dans lesquels elle était classée dans la fonction publique togolaise ; qu’elle ne percevait pas un salaire en deçà de celui des agents classés dans la même catégorie et ayant le même indice ; que la comparaison faite avec les nommés A Ag Ad et X Ab Aa n’est pas juste dans la mesure où eux sont classés dans la categorie A2 avec l’indice 1100 ; que comme déjà évoqué plus haut, l’égalité de traitement ne peut être invoquée que pour des agents appartenant à un même corps ou à un même cadre d’emploi placés dans une situation identique ;
44- Qu’au regard de ce qui précède, il échet de conclure qu’il n’y a pas violation de son droit à un salaire équitable et à une rémunération égale ;
4. Sur la violation du droit à l'avancement, du droit à la promotion dans la fonction publique et du droit à la retraite 45- Attendu que la requérante invoque la violation de son droit à l’avancement, à la promotion et à la retraite ;
46- attendu cependant qu’elle n’apporte nullement la preuve de telles violation ;
47- Qu’il convient de déclarer cette prétention mal fondée ;
5. Sur les dommages et intérêts
48- Attendu que dans le principe général de droit « on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait mais encore celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre ou des choses que l’on a sous sa garde » ;
49- Que s’agissant de l’Etat, sa responsabilité peut être engagée pour des fautes commises par ses démembrements ou ses agents dans l’exercice de leur fonction ;
50- Attendu qu’en l’espèce, la requérante a été victime de violation de son droit à l’égalité de traitement dans la fonction publique ;
51- Que cette violation est imputable à l’Etat togolais ;
52- Attendu que la réparation de la violation des droits de l’Homme peut s’opérer par le dédommagement de la victime ; qu’en effet, si la victime ne peut pas être rétablie dans ses droits, elle peut obtenir réparation de ses droits violés par l’allocation d’une indemnisation ;
53- Que ce faisant, il convient de condamner l’Etat du Togo à payer au requérant la somme de dix millions (10.000.000) FCFA à titre de dommage et intérêts ;
6. Sur les dépens
54-Attendu qu’aux termes de l’article 66.2 du Règlement de la
Cour : « 2. Toute partie qui succombe est condamnée aux
dépens, s’il est conclu en ce sens » ;
55-Qu’en l’espèce, la République de la Togo a succombé dans la présente procédure ;
56-Qu'’il y’a lieu par conséquent de la condamner aux entiers dépens
Par ces motifs ;
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en premier et dernier ressort, en matière de violation des droits de l’Homme ;
En la forme ;
- Déclare recevable la requête de Dame Ae B
Au fond ;
- Dit que le droit de Dame B Ae à l’égalité de traitement dans la fonction publique a été violé ;
- Déclare l’Etat du Togo responsable du préjudice par elle subi ;
En conséquence ;
- Condamne l’Etat du Togo à payer à Dame B Ae la
somme de 10.000.000 CFA à titre de dommages et intérêts ;
- Déboute la requérante du surplus de ses demandes ;
- Condamne l’Etat du Togo aux entiers dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé en audience publique à Abidjan en
République de Côte d’Ivoire, par la Cour de Justice de la Communauté,
CEDEAO, les jour, mois et an susdits ;
Ont signé
- Honorable Juge TRAORE Jérôme : Président
- Honorable Juge Hamèye Founé MAHALMADANE : Membre
- Honorable Juge Alioune SALL : Membre
- C Ac Af : Greffier