COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE DA CEDEAO 10, DAR ES SALAAM CRESCENT,
OFF AMINU KANO CRESCENT
WUSE Il, B — NIGERIA
TEL/FAX: 234-9-6708210/09-5240781 ARRET
DE LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE DES ETATS DE
L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
Affaire N° : ECW/CCJ/APP/10/16 Mardi 24 janvier 2017
«Au nom de la Communauté »
La Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO) siégeant à B AAe) le mardi 24 janvier 2017 en formation ordinaire composée de :
-Honorable Juge Jérôme TRAORE Président-Rapporteur
-Honorable Juge Yaya BOIRO Membre
-Honorable Juge Alioune SALL Membre
Assistés de Maitre Athanase ATANNON Greffier
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Entre
I Les Parties
La société anonyme « Maseda Industrie SA » ayant son siège social Avenue de l’'OUA, immeuble Aa, Faladié, BP 2768, Bamako, représentée par son Président directeur général et ayant pour conseil Maitre Cheick Oumar Konaté, avocat à la Cour, Rue 822, porte 611, Bamako, République du Mali, en l’étude duquel domicile est élu pour la présente,
Demanderesse d’une part,
Contre
La République du Mali représentée par la direction générale du Contentieux de l’Etat ayant son siège à Bamako, République du Mali prise en la personne de M. Seydou Sanogo, magistrat,
Défenderesse d’autre part ;
La Cour,
Vu le Traité instituant la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO) du 24 juillet 1993 ;
Vu le Protocole du 06 juillet 1991 et le protocole additionnel A/P.1/7/91 du 19
janvier 2005 relatifs à la Cour de justice de la CEDEAO ;
Vu le Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO en date du 03 juin 2002 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 ;
Vu la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 ;
Vu la requête en date du 07 mars 2016 enregistrée au greffe de la Cour de Justice
le 06 avril 2016, présentée par la société anonyme Maseda Industrie SA ;
Vu le mémoire en défense de l’Etat malien en date du 05 mai 2016 enregistré au
greffe de la Cour le 10 mai 2016 ;
Vu le mémoire en duplique de la requérante en date du 06 juin 2016 enregistré au
greffe de la Cour de céans le 14 juin 2016 ;
IL- Faits et procédure
1- Le 15 septembre 2011, l’Etat malien représenté par le ministère de l'Industrie, des Investissements et du Commerce concluait avec la société Maseda Industrie SA un contrat de performance d’une durée de sept (7) ans couvrant la période de 2011 à 2017.
2- Par cette convention, l’Etat malien s’engageait à accomplir les obligations ci- après :
- Accorder à la requérante une décote dégressive sur le prix du coton-fibre vendu par l’entreprise d’Etat dite CMDT ;
Assurer à la requérante un approvisionnement régulier en matière première (coton-fibre) auprès de la CMDT ;
Renforcer la lutte contre les produits frauduleux qui concurrenceraient ceux produits par la requérante.
3- Quatorze mois environ après la signature dudit contrat, la requérante adressait à la défenderesse un recours gracieux en lui demandant le paiement des sommes de 5 063 972 000 FCFA représentant son manque à gagner et 500 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts.
4- Le 16 octobre 2012, la requérante saisissait la section administrative de la Cour suprême du Mali aux fins de voir condamné le défendeur à lui payer les montants réclamés ci-haut.
5- Par lettre en date du 20 novembre 2012, la requérante se désistait et le Président de la section administrative de ladite Cour suprême lui en donnait acte suivant ordonnance n° 009-2012/CS-PSA en date du 18 décembre 2012.
6- Le 11 avril 2013, la requérante saisissait de nouveau la Cour suprême d’un recours en réparation des préjudices indiqués ci-dessus. À ce titre, elle réclamait la somme de 5.063.972.000 FCFA en principal et celle de 500 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts pour toutes causes de préjudices confondus ainsi que la condamnation du défendeur aux entiers dépens.
7- Le 13 juin 2013, l’affaire fut enrôlée pour l’audience du 23 janvier 2014. Cette date advenue, l'affaire fut mise en délibéré pour décision être rendue le 06 février 2014.
8- Le 06 février 2014 l’affaire fut renvoyée au 08 octobre 2015. Le 08 octobre 2015, la Cour a décidé à nouveau le renvoi sine die de l'affaire selon l'extrait du plumitif de son greffe en date du 01 février 2016 joint au dossier.
9- Le 06 avril 2016 la société Maseda Industrie saisissait la Cour de justice de la CEDEAO par requête en date du 07 mars 2016 d’un recours en indemnisation contre l’Etat du Mali.
10- La Cour suprême du Mali rendait l’arrêt N° 358 en date du 30 Juin 2016 par lequel il déboutait la société Maseda- Industrie de toutes ses prétentions comme étant mal fondées. Cette décision fut signifiée à cette dernière par exploit en date du 16 novembre 2016 signé de Maître Moussa Berthe, huissier de justice, avant d’être produite par le défendeur à l’audience du 06 décembre 2016 de la Cour de céans.
Ill-Arguments et moyens des parties
11- La requérante estime que sa requête est recevable pour avoir rempli toutes les conditions de forme exigées par la loi. Qu'’ainsi, la lettre de désistement N°76-12- BT en date du 20 novembre 2012 par elle adressée à la Cour suprême du Mali mettait juste fin à l’instance (non à l’action) et l’ordonnance susvisée rendue à cet effet par le Président de ladite juridiction n’a, nulle part, fait état d’un désistement d'action comme le prétend la défenderesse.
12- Sur le fond, la requérante invoque deux bases légales, à savoir :
- l’article 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948 qui dispose que « Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la loi » ;
- L'article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin 1981 qui dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend…le droit d’être jugé dans un délai
13- Au regard de ces textes, la requérante estime que l’Etat du Mali a manqué à ses engagements internationaux et à sa propre Constitution à travers la durée exceptionnellement longue de la procédure par elle soumise à la section administrative de la Cour suprême du Mali. Pour elle, cette inertie de la Cour suprême est une négation de son droit à la justice.
14- Au titre de la réparation, elle se fonde sur le rapport d’évaluation des manques à gagner de la société Interafricaine d’Audit et d’Expertise pour solliciter à titre principale la somme de 5.063. 972. 000 FCFA et 500. 000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts.
15- Dans ses écritures, la requérante rappelle que dans l’arrêt rendu dans l'affaire Af C contre l’Etat du Burkina, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rappelé et soutenu une jurisprudence constante de la Cour permanente de Justice internationale selon laquelle « C’est un principe général de droit international que la violation d’un engagement entraine l’obligation de réparer dans une forme adéquate. La réparation est donc le complément indispensable d’un manquement à l’application d’une convention, sans qu’il soit nécessaire que cela inscrit dans la convention même ».
16- Dans la même affaire, la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a rappelé, selon la requérante, que « L’Etat responsable est tenu de réparer intégralement le préjudice causé par le fait internationalement illicite…cette réparation prend la forme de restitution, d'indemnisation et de satisfaction ».
17- Enfin, la requérante rappelle qu’il est de principe que la responsabilité emporte l’obligation de réparer le préjudice subi dès lors que le lien de causalité entre la faute et le dommage est établi in concreto.
18- L’Etat du Mali expose pour sa part, que la requête est irrecevable en la forme dès lors qu’elle a été introduite après désistement de la requérante formellement constaté par l’Ordonnance n°009-2012/CS-PSA en date du 18/12/2012.
19- Selon le défendeur, la requérante, outre qu’elle n’a pas épuisé les recours juridictionnels internes, s’est désistée de son action et ne peut plus porter la même affaire devant une autre juridiction, même sous régionale. Ainsi, l’invocation de la violation des droits de l’homme et du déni de justice de la Cour suprême du Mali ne sont que des prétextes pour contourner la fin de non-recevoir soulevée contre la seconde requête de la Société MASEDA.
20- Sur le fond, contrairement aux allégations de la requérante, l’Etat du Mali soutient n’avoir commis aucun manquement à sa Constitution et à ses engagements internationaux. Qu’en effet, depuis l’introduction de l’instance devant la Cour suprême, les droits des parties à la défense et les échanges de mémoires et de pièces entre les parties ont été correctement menés.
21- Quant au renvoi de l’affaire du 8 octobre 2015, il s’explique par le départ à la retraite de certains conseillers de la Cour suprême et les nouvelles nominations au sein de ladite juridiction.
22- Que d’ailleurs, cette procédure a connu un terme étant donné que la Cour suprême du Mali a définitivement tranché l'affaire opposant les parties suivant l’arrêt N°358 du 30 juin 2016 signifié à la requérante le 16 novembre 2016 joint au dossier de la procédure.
23- Qu’en tout état de cause, selon le défendeur, il n'appartient pas à la Cour de justice de la CEDEAO d'apprécier la conduite de la procédure au niveau national. Il invoque, à cet effet, une jurisprudence constante de ladite juridiction, selon laquelle « La Cour de Justice de la CEDEAO n’est pas une juridiction d’appel des décisions nationales ».
24- En ce qui concerne la réparation sollicitée par la requérante, le défendeur estime qu’il n’a commis aucun fait illicite justifiant une réparation et que la requérante n’établit aucune preuve de l’inexécution par l’Etat malien de ses obligations contractuelles.
25- Au contraire, l’Etat malien estime que les diverses rencontres qu’il a organisées entre les entreprises et les services techniques, les propositions formulées pour prendre en compte les réalités économiques de la CMDT, ainsi que la révision des besoins des entreprises qui furent ramenés de 10.000 tonnes à 4.925 tonnes, dont 500 tonnes pour la requérante, sont autant de preuve d’efforts par lui déployés dans le cadre de l’exécution de ses obligations contractuelles.
26- Compte tenu de ce qui précède, l’Etat du Mali conclut à l’irrecevabilité de la requête et, subsidiairement, au rejet de toutes les demandes de la requérante comme étant mal fondées. Le défendeur sollicite, en outre, la condamnation de la requérante aux entiers dépens.
TV - Analyse de la Cour
27- La Cour doit au prime abord se prononcer sur la demande de rabattement du délibéré (1) puis sur l’exception d’irrecevabilité de la requête soulevée par le défendeur (2), avant d'apprécier, éventuellement, le bien-fondé de ladite requête (3).
En la forme
1- Sur la demande de rabattement du délibéré
28- Considérant que par lettre en date du 05 janvier 2017 enregistrée au greffe de la Cour de céans le 18 janvier 2017, l’Etat du Mali a sollicité le rabat du délibéré de l’affaire au motif que le recours en révision exercé devant la Cour suprême du Mali par la requérante contre l’arrêt N° 358 du 30 juin 2016 devra être examiné à Bamako au courant du mois de janvier 2017 ; qu’à cette occasion des éléments nouveaux susceptibles d’avoir une influence sur la décision de la Cour de céans sont apparus, d’où l'intérêt de rabattre ledit délibéré.
29- Considérant cependant que la Cour estime que cette procédure de révision engagée devant la Cour suprême du Mali ne peut avoir aucune incidence sur la décision susceptible d’être rendue par elle ;
30- Qu'il s’ensuit que la demande formulée par l’Etat du Mali doit être rejetée.
2- Sur la recevabilité de la requête
31- Considérant que la Cour relève tout d’abord que la requête qui lui est soumise fait état de violations de droits de l’homme, notamment le droit de toute personne lésée à un recours effectif devant un juge ainsi que le droit à un procès dans un délai raisonnable. La Cour note également que cette requête invoque au moins deux normes internationales qui lient le défendeur, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
32- Conformément donc à sa jurisprudence, elle estime que ces éléments suffisent à eux seuls pour justifier sa compétence ratione materiae.
33- Qu’au surplus, l’argument de la défenderesse selon lequel, la requérante s’étant désistée de son action, ne peut plus porter la même affaire devant une autre juridiction, même sous régionale, ne saurait prospérer dès lors que dans le cas de l’espèce, au regard des pièces de la procédure, notamment de la lettre de désistement susvisée de la requérante et de l’ordonnance présidentielle qui s’est ensuivie, il s’agit d’un simple désistement d'instance et non d'action.
34- En ce qui concerne le non épuisement des recours juridictionnels internes invoqué par le défendeur, la Cour de céans reste fidèle à sa jurisprudence traditionnelle par laquelle elle a toujours rappelé qu’il est loisible à toute partie victime de violations de droits de l’homme de la saisir sans qu’il soit besoin d’épuiser les voies de recours internes.
35- Qu'il s’ensuit que la requête présentée est recevable en la forme.
AU FOND
1- Sur la violation des droits de l’homme
36- Considérant que pour obtenir le débouté de la requérante, le défendeur s'appuie sur une jurisprudence de la Cour de céans selon laquelle celle-ci n’est pas juge de la régularité formelle d’acte juridiques nationaux, ni juge de réformation ou de cassation des décisions judiciaires nationales.
37- Sur ce point, la Cour, toujours guidée par les principes qui gouvernent sa jurisprudence, a rappelé dans nombre de ses décisions, notamment celle rendue le 06 octobre 2015 dans l’affaire Général Ad Ac Ab et autres contre l’Etat du Mali, que « s’il est de principe qu’elle n’apprécie pas les motifs d’une décision judiciaire rendue au sein d’un Etat, dans la mesure où elle n’est ni_un juge de la légalité nationale au sens large, ni juge d'appel ou de cassation, il n’en demeure pas moins qu’elle a le droit de tirer toutes les conséquences d’une décision nationale sur le terrain des droits de l’homme ».
38- En l’espèce, la question est d’ailleurs moins d'apprécier le bien-fondé sinon la légalité de la décision susvisée de la Cour suprême du Mali rendue entre les parties, que d'examiner si en principe et de façon générale, le droit du requérant de recourir à un juge et celui de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable, ont été respectés.
39- S’agissant du droit de recours à un juge, la Cour estime que le moyen présenté par la requérante manque de pertinence dès lors qu’il appert des débats et des pièces du dossier que cette dernière a pu, sans difficulté, saisir par voie de requête la Cour suprême du Mali pour examiner le litige qui l’oppose au défendeur et qu’il y a eu échange régulier de conclusions entre les parties avant que l'affaire soit mise en délibéré pour décision être rendue le 06 février 2014, même si ce délibéré fut, à un moment donné, rabattu et prorogé sine die.
40- Quant au second point articulé autour du droit de faire entendre sa cause dans un délai raisonnable, la Cour observe que la Cour suprême du Mali a été saisie par la requérante depuis le 11 avril 2013, pour une réparation des préjudices ci-devant indiqués. Le 13 juin 2013, l’affaire fut enrôlée pour l’audience du 23 janvier 2014. Cette date advenue, le dossier fut mis en délibéré pour décision être rendue le 06 février 2014.
41- Le 06 février 2014 l’affaire fut renvoyée au 08 octobre 2015. Inquiète de ces lenteurs inexplicables, la requérante avait, entre temps, adressé au Président de la section administrative de la Cour suprême du Mali une lettre jointe au dossier en date du 24 juin 2015 afin de solliciter le jugement de l'affaire. Cette lettre est restée sans suite.
42- Le 08 octobre 2015, la Cour décidait à nouveau et sans motif le renvoi sine die de l’affaire selon l’extrait du plumitif de son greffe joint au dossier.
43- Face à ces données factuelles, la Cour estime opportun de rappeler à ce stade la raison d’être de l’exigence du « délai raisonnable » avant de la restituer dans son contexte : les anciens adages tant français (« justice rétive, justice fautive ») qu’anglais (« justice delayed, justice denied ») expriment de manière frappante la raison d’être de l’exigence de célérité dans les procédures judiciaires tant nationales
44- La Cour rappelle à cet égard qu’il est de doctrine et de jurisprudence constantes que le caractère raisonnable d’une procédure s’apprécie de manière globale suivant les circonstances de la cause, en considérant certains critères, en particulier la complexité de l'affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes, ainsi que l’enjeu du litige pour les parties.
45- Aussi, la Cour considère-t-elle que la notion du « délai raisonnable » telle qu’elle est inscrite notamment dans l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et consacrée dans l’article 10 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, comme étant un droit d’une importance majeure.
46- L'importance de ce droit oblige chaque Etat concerné d'aménager son système judiciaire de manière à répondre à l’exigence d’une justice prompte sous peine d’engager sa propre responsabilité.
47- Or, dans le cas de l’espèce, il est acquis que l’affaire en cause a connu, sur le plan procédurale, des péripéties incompréhensibles qui frisent le déni de justice pour avoir fait l’objet de renvois intempestifs sinon injustifiés pendant plus de trois ans avant d’être, dans un premier temps, renvoyée sine die sans aucun motif, puis, dans un second temps, examinée par le juge national, après que la Cour de céans en a déjà été saisie par la requérante pour violation de son droit de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.
48- La Cour relève qu’après examen de tous les éléments qui lui ont été soumis, l’Etat du Mali n’a exposé aucun fait ni moyen pouvant mener à une conclusion différente dans le présent cas. Elle se borne à soutenir que relativement au litige opposant les parties, un arrêt est définitivement rendu par la Cour suprême du Mali sans aucune pression et que le retard accusé dans la procédure est lié à l’intervention de la Compagnie malienne du développement des textiles (CMDT). Or, cette intervention ne ressort pas de l'arrêt produit aux débats, et à l’affectation de certains juges de ladite Cour suprême.
49- Dès lors, la Cour estime en l’espèce que la durée et le blocage de la procédure sont excessifs et ne répondent pas à l'exigence du « délai raisonnable » tel que prévu par les Conventions internationales ci-devant référencées et dûment ratifiées par l’Etat du Mali.
50- Qu'il s’ensuit que ce dysfonctionnement du service public de la justice est imputable à l’Etat du Mali.
2- Sur la réparation 51- Considérant que la requérante sollicite la somme de 5.063.972.000 FCFA en principal et celle de 500 000 000 FCFA à titre de réparation des préjudices par elle éprouvés.
52- Considérant qu’à ce stade, la Cour rappelle qu’elle n’est pas juge des contrats et qu’à ce titre, contrairement aux juridictions de droit commun, elle ne saurait tirer aucune conséquence quant à l’exécution ou l’inexécution du contrat liant les parties.
53- Toutefois, cette position de principe ne lui ôte pas le droit de se prononcer sur toute question de réparation lorsqu’il s’agit d’une violation par un Etat d’un droit de l’homme au sens de l’article 10 du Protocole additionnel en date du 19 janvier 2005 relatif à la Cour de justice de la CEDEAO.
54- Qu'ainsi, étant donné qu’il est acquis que le droit de la requérante n’a pas été examiné dans un délai raisonnable par la Cour suprême du Mali, la Cour de céans estime raisonnable de lui allouer, à ce titre, la somme de 10 000 000 de francs CFA pour réparer les préjudices par elle éprouvés.
3- Sur les dépens
55- Considérant que l’Etat malien a succombé et qu’en application des dispositions de l’article 66 du Règlement de la Cour, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de violations des droits de l’homme, en premier et dernier ressort ;
En la forme
Dit qu’il n’y a pas lieu de rabattre le délibéré ;
Recoit l’Etat du Mali en sa fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la requête présentée par la société anonyme Maseda Industrie SA ;
Rejette comme non fondée ladite fin de non-recevoir;
Au fond
Dit que la Cour de céans n’est pas juge des contrats ;
Dit également que la requérante ne rapporte pas la preuve de la violation de son droit à un recours effectif devant les juridictions maliennes ;
Dit cependant que le droit de la requérante de voir sa cause entendue dans un délai raisonnable a été violé ;
Dit que l’Etat malien en est responsable ;
En conséquence, condamne L'Etat du Mali à payer à la requérante la somme de 10 000 000 de francs CFA à titre de réparation des préjudices par elle éprouvés ;
Déboute la requérante du surplus de ses demandes ;
Met les dépens à la charge du défendeur.
Ainsi fait et jugé à B les jour, mois et an que dessus,
Et ont signé :
- Honorable Juge Jérôme Traoré Président-Rapporteur
-Honorable Juge Yaya BOIRO Membre
- Honorable Juge Alioune Sall Membre
Maitre Athanase ATANNON Greffier.