COMMUNITY ECOWAS COURT OF JUSTICE, € No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT, OFF AMINU KANO CRESCENT,
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO WUSE Il, ABUJA-NIGERIA.
TRIBUNAL DE JUSTIÇA CEDEAO DA COMUNIDADE, Near” TEL: Website: PMB 09-6708210/5240781 567 www. GARKI, courtecowas.org AB Fax 09-5240780/5239425
LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE DES ETATS
DE L’AFRIQUE DE L’OUEST, siégeant à Aq en République
Fédérale du Nigeria, le 16 octobre 2017
Arrêt N° : ECW/CCJ/JUG/10/17
1. Monsieur Al Aa Ap, né le … … … à Am
Af, fils de Fadel et de feue Ao An, de nationalité
sénégalaise, Administrateur de société, domicilié à Foire à Dakar,
République du Sénégal
Ayant pour conseils :
- Maître Soyota MAIGA, Avocat à la Cour au Barreau du Mali,
Niaréla- Sud, BP 238, Téléphone (+223)
20.21.01.46/66.73.89.89, Bamako (Mali), email
hmdtra@yahoo.fr;
Maitre Sidi HAIDARA, Avocat à la Cour au Barreau du Mali,
Quartier du Fleuve, BP 189, Téléphone (+223)
44.38.57.82/76.12.76.63, Bamako (Mali), email
haidarasidimahmou@yahoo.fr;
- La SCPA JURIFIS CONSULT, Cabinet d’Avocats inscrit au
Barreau du Mali, demeurant à « Résidence 2000 », téléphone
(+223) 20.23.40.24/20.23.53.96/20.21.53.97 ; télécopie : (+223)
La SCPA BA & TANDIAN Cabinet d’Avocats inscrit au Barreau
du Sénégal, demeurant à 20, Avenue As, Téléphone (+221)
33.889.35.00, Télécopie (+221) 33.823.68.04, BP 11.148,
Dakar-Peytavin (Sénégal) ; email : mtandian@orange.sn
Contre
L’Etat du Mali, représenté par la Direction Générale du Contentieux
de l’Etat, ayant son siège social à ACI 2000, Hamdallaye, Bamako/Mali
Composition de la Cour :
Hon. Juge TRAORE Jérôme/Juge Rapporteur Président
Hon. Juge Yaya BOIRO : membre
Hon. Juge Maria Do Ceu Ab X : membre
Assistés de Maitre Aboubacar Djibo DIAKITE : Greffier
A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
I- PROCEDURE
1. Le 19 mai 2016, Monsieur Al Aa Ap, par le biais de
ses conseils, saisissait la Cour d’une requête pour violation de ses droits d’une part et, d’autre part, d’une autre requête aux fins de
sursis à exécution.
. Le 24 mai 2016, le greffe de la Cour notifiait les deux requêtes à
la Direction du Contentieux de l’Etat du Mali ;
. Le 22 juin 2016, l’Etat du Mali déposait au greffe de la Cour son
mémoire en défense ;
. Le 16 décembre 2016, le Président de la Cour se déclarait
incompétent pour ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt N°212
de la Chambre d’Accusation de la Cour d’Appel de Bamako
suivant ordonnance N°ECW/CCJ/ORD/05.
. Le dossier a été programmé pour audition des parties le 03 Mai
2017. À cette audience, le requérant n’a pas comparu. L’Etat du
Mali a, au cours de la même audience, demandé la condamnation
du requérant au remboursement de la somme de dix millions
(10.000.000) FCFA, représentant les frais de procédure qu’il a
engagés.
. Le dossier a été mis en délibéré pour arrêt être rendu le 16 octobre II- FAITS-PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
. Par requête en date du 06 mai 2016 reçue au greffe de la Cour le
19 mai 2016, Monsieur Al Aa Ap, par le biais de ses
conseils, saisissait ladite Cour à l’effet de la voir :
Constater la violation par la République du Mali de son droit au
respect de la dignité inhérente à la personne humaine prévu par
les dispositions de l’article 5 de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples 5 ( CADHP) ainsi que les Directives et
Principes sur le Droit à un procès Equitable et à l’Assistance
Judiciaire en Afrique de 2003 ;
Ordonner la cessation immédiate de la violation de ses droits ainsi
que la suspension de la procédure d’extradition le concernant ;
Condamner en outre la République du Mali aux entiers dépens
dont distraction au profit des Avocats poursuivants ;
. Au soutien de ses prétentions, il expose que suite à un mandat
d’arrêt international émis à son encontre par Monsieur Hervé
ROBERT, Vice-Président chargé de l’instruction au Tribunal de
Grande Instance de Paris, il a été arrêté par le Bureau National
Interpool du Mali le 19 février 2016, et déféré au parquet du
Tribunal de Grande Instance de la Commune III du district de
Bamako le 22 février 2016.
9. Monsieur le Procureur dudit tribunal décernait contre lui un
mandat de dépôt.
10. Il déclare avoir été détenu dans des conditions inhumaines
et que ses conseils rencontrent de sérieuses difficultés pour
communiquer librement avec lui. Que malgré une correspondance
en date du 13 avril 2016 de ses conseils attirant l’attention de
Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de
Grande Instance de la Commune III du district de Bamako sur les
conditions de sa détention, aucun changement n’a été constaté ;
11. Il relève également qu’il y a un doute sur l’identité de la
personne recherchée et qu’il ne serait pas cette personne ;
12. Pour lui, l’Etat du Mali a, à travers les agissements de
Monsieur le Procureur de la République, violé son droit au respect
de la dignité humaine.
13. Comme fondement de ses prétentions, il invoque la violation
des articles 6 (a), (b) et 7 des Directives et Principes sur le Droit
à un procès Equitable et à l’Assistance Judiciaire en Afrique de
2003 et l’article 5 de la Charte Africaine des Droits de l'Homme
et des Peuples (CADHP) ;
14. L’Etat du Mali, dans son mémoire en défense sollicite que
la Cour :
- Se déclare incompétente pour connaître de la requête aux fins de
sursis à exécution ;
- Déclare non établie la violation du droit à la dignité humaine ;
- Déboute en conséquence le requérant de ses prétentions ;
15. Il soutient, s’agissant de l’identité de la personne mise en
cause, qu’il est clairement stipulé dans le mandat d’arrêt ceci »
Ar C...alias Al Aa Y » ; Qu’il s’ensuit
que Ar C et Al Aa Ap sont une seule et
même personne ; Qu’il est aisé de comprendre que les pièces
d’identité sénégalaise et malienne ne sont que des faux établis
dans le but évident de vouloir tromper la justice et de se soustraire
de son action ;
16. Qu’en ce qui concerne la violation des droits de l’homme, le
requérant n’apporte pas les preuves de ses allégations relatives à
ces violations ;
17. Qu’enfin, relativement à la suspension de la procédure
d’extradition, le requérant s’est régulièrement pourvu en cassation
contre l’arrêt N°212 de la Chambre d’Accusation de la Co’r
d’Appel de Bamako ; Que sa saisine de la Cour vise à la cantonner
dans un rôle de juridiction d’appel alors que le dossier d’extradition a fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour Suprême
du Mali ;
III- MOTIFS DE LA DECISION
En la forme ;
1. Sur la recevabilité
18. Attendu que la requête de Monsieur Al Aa Ap est
conforme aux prescriptions de l’article 33-1 et 2 du Règlement de
la Cour ;
19. Qu’il échet en conséquence de la déclarer recevable ;
2. Sur la compétence
20. Attendu qu’aux termes de l’article 9-4 du Protocole
Additionnel (A/SP.1/01/05) du 19 janvier 2005 portant
Amendement du Protocole (A/P.1/7/91) relatif à la Cour de
Justice de la Communauté : « La Cour est compétente pour
connaître des cas de violation des droits de l’homme dans tout Etat
membre » ;
21. Qu’en l’espèce, la requête présentée par le requérant porte
sur la constatation de la violation de ses droits ; que les faits
évoqués se rapportent effectivement à des actes qu’il estime
attentatoires à ses droits ;
22. Qu’il y a lieu, par conséquent pour la Cour, de retenir sa
compétence pour examiner la requête, conformément aux
dispositions précitées ;
Au fond ;
1. Sur la violation des droits de l’homme
23. Attendu que le requérant invoque la violation de son droit au
respect de sa dignité humaine ;
24, Que cependant, il ne fonde cette violation sur aucun élément
de preuve ;
25. Que la Cour a, dans plusieurs de ces arrêts, affirmé qu’elle
ne peut constater et sanctionner la violation des droits de l’homme
que si celui qui allègue de telles violations en rapporte la preuve ;
26. Que dans l’arrêt rendu le 17 février 2010 dans l’affaire
B Ag contre la République du Bénin
(N°ECW/CCJ/APP/03/09), elle a affirmé au paragraphe 35 dudit
arrêt ceci : « Il est de règle générale en droit qu’au cours du
procès, la partie qui fait des allégations doit en apporter la
preuve. La constitution et la démonstration de la preuve
appartiennent donc aux parties en procès. Elles doivent utiliser
tous les moyens légaux et fournir les éléments de preuve tendant
à soutenir leurs prétentions. Ces preuves doivent être convaincantes pour établir un lien entre elles et les faits
allégués » ;
27. Qu’en l’absence de tout élément de preuve pouvant fonder
les allégations de violations du droit au respect de la dignité
humaine, il y a lieu de déclarer mal fondée cette prétention ;
2. Sur la demande de suspension de la procédure d’extradition
28. Attendu que le requérant sollicite que la Cour ordonne la
suspension de la procédure d’extradition engagée contre lui par
l’Etat du mali ;
29. Attendu qu’en l’espèce, la Chambre d’Accusation de la Co’r
d’Appel de Bamako a rendu l’arrêt N°212 en date du 12 avril 2016
par lequel elle a émis un avis favorable pour l’extradition du
requérant ; Que cet arrêt a fait l’objet d’un pourvoi en cassation
par ce dernier ;
30. Qu’en réalité, le requérant demande à la Cour de remettre
en cause une décision rendue par les juridictions maliennes ;
31. Attendu cependant qu’au regard de ses compétences définies
à l’article 9 du protocole (A/SP.1/01/05) portant Amendement du
Protocole (A/P.1/7/91), la Cour ne peut s’ériger en juridiction de
contrôle des décisions rendues par les juridictions nationales ;
32. Qu’elle a, dans plusieurs de ses arrêts, rappelé qu’elle n’est
pas une juridiction d’appel des décisions rendues par les juridictions nationales (Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/06/08 du 27
octobre 2008 Ac Ad Ae contre la République du
Niger ; Arrêt Avant Dire Droit N°ECW/CCJ/JUG/04/13 du 22
février 2013 : Ai Ah et autres contre la République du
Sénégal ; Arrêt N°ECW/CCJ/APP/03/07 du 22 mars 2007 :
Aj Ak A contre la République du Mali)
33. Qu’il convient de déclarer la Cour incompétente pour ordonner la mesure sollicitée ;
3. Sur la demande de remboursement des frais exposés
34. Attendu que l’Etat du mali demande à la Cour de condamner le requérant à lui payer la somme de dix millions (10.000.000) FCFA au titre des frais qu’il a engagés dans le cadre de cette procédure ;
35. Attendu cependant que l’Etat du Mali ne produit aucune pièce pouvant fonder sa demande ;
36. Qu’il échet par conséquent de le débouter de cette prétention ;
4. Sur les dépens
13.Attendu qu’aux termes de l’art 66.2 du Règlement de la Cour
de Justice de la Communauté CEDEAO : « Toute partie qui
succombe est condamnée aux dépens…»
14.Que dans le cas d’espèce, le requérant a succombé dans la
présente instance.
15.Qu’il échet de le condamner aux entiers dépens.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de
violation des droits de l’homme, en premier et dernier ressort ;
En la forme ;
- Déclare recevable la requête de Monsieur Al Aa Ap ;
- Se déclare compétente pour en connaître ;
Au fond ;
= Dit que l’Etat du Mali n’a pas violé le droit au respect de la dignité
humaine de Monsieur Al Aa Ap ;
- En conséquence le déboute de cette prétention ;
- Se déclare incompétente pour ordonner la suspension de la
procédure d’extradition ;
= Déboute l’Etat du Mali de sa demande de remboursement des frais
par lui engagés ;
- Condamne le requérant aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement en audience à Aq
en République Fédérale du Nigeria, par la Cour de Justice de la
Communauté, CEDEAO, les jour, mois et an susdits ;
Ont signé :
Hon. Juge Jérôme TRAORE : Président
Hon. Juge Yaya BOIRO : membre
Hon. Maria Do Ceu Ab X : membre
Maître Aboubacar Djibo DIAKITE : Greffier