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21/05/2018 | CEDEAO | N°ECW/CCJ/JUD/13/18

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 21 mai 2018, ECW/CCJ/JUD/13/18


Texte (pseudonymisé)
COMMUNITY COURT OF JUSTICE,
ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE,
CEDEAO
DE LA COUR DE
ECONOMIQUE DES No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT, € OFF AG AH CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, AB
Nan” TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425 Website: www. courtecowas.ora
ARRET
JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
(CEDEAO) AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/31/16
C B
CONTRE
REPUBLIQUE DU

MALI
ARRÊT N° ECW/CCJ/JUD/13/18
Lundi 21 Mai 2018
« Au nom de la Communauté »
La Cour de ju...

COMMUNITY COURT OF JUSTICE,
ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE,
CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTIÇA DA COMUNIDADE,
CEDEAO
DE LA COUR DE
ECONOMIQUE DES No. 10 DAR ES SALAAM CRESCENT, € OFF AG AH CRESCENT,
WUSE II, ABUJA-NIGERIA.
PMB 567 GARKI, AB
Nan” TEL: 09-6708210/5240781 Fax 09-5240780/5239425 Website: www. courtecowas.ora
ARRET
JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
(CEDEAO) AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/31/16
C B
CONTRE
REPUBLIQUE DU MALI
ARRÊT N° ECW/CCJ/JUD/13/18
Lundi 21 Mai 2018
« Au nom de la Communauté »
La Cour de justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, (CEDEAO) siégeant à Am YAk) le Lundi 21 Mai 2018 en formation ordinaire, composée de :
-Honorable Juge Jérôme TRAORE Président
-Honorable Juge Yaya BOIRO Juge Rapporteur
-Honorable Juge Alioune SALL Membre
Assistés de Maître Diakité Aboubacar Greffier A rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Entre
I LES PARTIES
1- Monsieur C B, de nationalité malienne, Directeur de société domicilié à Faladié (Bamako), ayant pour conseils la SCP CAMARA-TRAORE BPE 1604, Rue 543 Porte N° 66 Quinzambougou- Bamako et élisant domicile … Greffe de la Cour de Justice de la CEDEAO à 10, Dar Es Salam crescent off AG AH crescent Wuse 2, Am, République Fédérale du Nigeria.
Requérant principal ;
2- La Société Tiger Indusrie Mali (et autres), dite TIM SARL au capital de 5 000 000 FCFA, inscrite au RCCM du tribunal de commerce de Bamako sous le N°Ma.Bko.2015.B. 6133 du 11/09/2015, ayant pour siège Ad Para/Bamako, représentée par son gérant M. Ab Aa et ayant pour conseil la SCP Camara-Traoré, BPE 1604, Bamako, Mali, Intervenants volontaires, d’une part ;
Et
La République du Mali, représentée par son excellence Monsieur Ibrahim Babacar Keita, Président de la République sis au palais de la présidence de la République à Koulouba-Bamako, pris en la personne du Garde des Sceaux, ministre de la justice dont le cabinet est situé à la cité administrative de Bamako, bâtiment 12, 3°" étage,
Défenderesse d'autre part ;
AU NOM DE LA COMMUNAUTE
Vu le Traité révisé instituant la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 24 juillet 1993 ;
Vu la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre
1948 ;
Vu la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples du 27 juin
1981 ;
Vu la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du 10 décembre 1984 ; Vu le Protocole du 06 juillet 1991 et le protocole additionnel du 19
janvier 2005 relatifs à la Cour de justice de la CEDEAO ;
Vu le Règlement de la Cour de justice de la CEDEAO en date du 03 juin 2002 ;
Vu la Requête en date du 21 juillet 2016 du demandeur susnommé ;
Vu le mémoire en défense en date du 07 Septembre 2016 de l’Etat du Mali ;
Vu l’intervention volontaire en date du 10 novembre 2016 et les
observations en date du 26 Janvier 2017 de la Société Tiger Industrie Mali dite TIM SARL et autres ;
Oui les parties en leur plaidoirie à l’audience de la Cour tenue à Bamako le 24 avril 2018 ;
Vu les pièces du dossier ;
I- PRESENTATION DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
1- Suite à une poursuite judiciaire diligentée par le Procureur de la République près le tribunal de 1“ instance de la Commune 3 de Bamako
sur plainte de la Banque de l’Habitat du Mali (BHM SA), les sieurs Al An Z et B C ont été respectivement
condamnés par deux arrêts en date du 17 juillet 2008 de la Cour d'assises de Bamako à la réclusion criminelle à perpétuité et à 15 ans de réclusion criminelle pour atteinte aux biens publics et détournement de fonds
publics.
2- Sur pourvois respectifs des condamnés, la section judiciaire de la Cour suprême du Mali a par arrêt N°53 du 27 Mai 2009, cassé et annulé sans renvoi les arrêts déférés avant d’ordonner la mise en liberté des accusés.
3- Le sieur B C fut immédiatement libéré de la prison de
Ségou le 02 juin 2009, alors même que son coaccusé Al An Z était toujours détenu à la maison centrale de Bamako. Entre temps, le ministre de la justice, par l’organe du Procureur général près la
Cour suprême, exerçait un recours en révision contre l’arrêt susvisé et la BHM SA introduisait parallèlement un recours en rabat de ladite décision.
4- Par arrêt en date du 18 décembre 2009, la section judiciaire de la Cour suprême rabattait l’arrêt N° 53 du 27 mai 2009 tout en renvoyant la cause et les parties devant ladite Cour pour être statué sur les pourvois respectifs introduits contre les arrêts de condamnation criminelle et civile de la Cour d'assises de Bamako.
5- Par arrêt en date du 17 octobre 2011, la section judiciaire de la Cour suprême du Mali rejetait lesdits pourvois formés par le requérant et le sieur Al An Z. Pour avoir fait libérer le requérant au vu de l’ordre de mise en liberté signé du Procureur général près la Cour suprême, le régisseur de la prison de Ségou fut poursuivi pour complicité d’évasion et condamné le 04 mai 2010 par jugement correctionnel rendu par le Tribunal de 1° instance de la Commune 3 de Bamako. Cette décision fut objet d'appel avant d’être infirmée par arrêt en date du 27 août 2012 de la Cour d’appel de Bamako.
6- Dans le même temps, le Procureur général et l’avocat général près ladite Cour suprême qui ont suivi le dossier du pourvoi objet de l’arrêt N°53 du 27 mai 2009, ont été démis de leur fonction par décrets présidentiels en date du 15 juin 2009 pour faute lourde. Ces décrets furent annulés le 13 septembre 2012 par la section administrative de la Cour suprême du Mali.
7- À la suite d’un changement de pouvoir consécutif à la chute de l’ex- président Amadou Toumani Touré, ladite Cour suprême, statuant en révision sur la base d’un rapport d’expertise disponible depuis 2010, cassait et annulait définitivement les arrêts de condamnation d’assises
querellés par décision N° 1 en date du 19 janvier 2015.
8- Saisie par Al An Z depuis le 19 février 2013 d’un recours en constat de détention arbitraire et en réclamation de
dommages-intérêts, la Cour de justice de la CEDEAO a par arrêt N° ECW/CC]J/ JUD/ 22/15 du 23 octobre 2015 accueilli ledit recours tout en allouant des indemnités au requérant, soit 35 millions de FCFA, à titre de dommages-intérêts ;
9- Le 10 août 2016 le sieur B C déposait une demande en
date du 21 juillet 2016 devant la Cour de céans pour solliciter ce qui suit :
- Déclarer sa requête recevable ;
- Constater qu’il a été arbitrairement détenu ;
- En conséquence, condamner l’Etat malien à lui payer la somme de
10 milliards de francs CFA pour toutes causes de préjudices
confondues ;
- Mettre les dépens à la charge de l’Etat du Mali.
10- Dans leur intervention volontaire en date du 10 novembre 2016
enregistrée le 29 novembre 2016 au greffe de la Cour de céans, la Société
Tiger Industrie Mali SARL et autres sollicitent ce qui suit :
Déclarer recevable leur requête en intervention volontaire ;
L’y dire bien fondée ;
Constater que Monsieur B C a été arbitrairement
détenu ;
Constater leur qualité de victimes de cette détention arbitraire ;
Condamner en conséquence l’Etat du Mali à payer les montants ci-après,
toutes causes de préjudices confondus, comme suit :
- 26.000.000.000 Francs CFA à la Société TIM SARL ;
- 3.000.000.000 francs CFA chacun à B C, Ah
Af, Ag Ac, Aj AI et Ae
Ai;
Condamner en outre l’Etat du Mali aux dépens.
11- Pour sa part, l’Etat du Mali oppose une fin de non-recevoir à
l’intervention volontaire de la Société TIM-SARL et autres pour défaut
de qualité et sollicite une condamnation de ces derniers à titre
reconventionnelle, à lui payer 100.000.000 francs CFA pour procédure
abusive ;
L'Etat du Mali sollicite en outre le débouté du requérant principal
B C de toutes ses prétentions.
II- MOYENS ET ARGUMENTS DES PARTIES
12- Pour justifier la recevabilité de ses demandes, le requérant principal
invoque les dispositions de l’article 10 nouveau du Protocole additionnel
du 19 janvier 2005 qui énonce que « peuvent saisir la Cour (... ), toute
victime de violations de droits de l’homme …;».
13- Sur le fond, le requérant estime qu’il a fait l’objet de privation
arbitraire de liberté entre le 07 juin 2007 (date du mandat de dépôt
décerné contre lui) et 02 juin 2009 (date de sa libération), soit 735 jours
de détention arbitraire de la part de l’Etat malien et ce, au mépris des
dispositions ci-après :
L'article 9 alinéa 1 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques (PIDCP) qui énonce que « Tout individu a droit à la liberté et
à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation
ou d’une détention arbitraires. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce
n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. »
L'article 6 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
(CADLP) qui dispose que « Tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des
motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en
particulier, nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. »
14- Le requérant estime en outre que la privation de liberté dont il a été
victime de la part du défendeur, répond à tous les critères caractéristiques
de détention arbitraire tels que dégagés par la Commission des droits de l’homme de l’ONU à savoir :
- Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un fondement
juridique quelconque qui justifie la privation de liberté ;
- Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice par les
personnes concernées des droits proclamés par les instruments
juridiques internationaux relatifs aux droits de l’homme
notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme pour
autant que les Etats concernés en soient parties ;
- En ca d’inobservation totale ou partielle des normes
internationales relatives au droit à un procès équitable au sens des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de
15- Le requérant rappelle enfin que dans son arrêt en date du 23 octobre
2015 relatif à l’affaire Al An Z contre l’Etat du Mali, la
Cour de céans avait déclaré que « le caractère arbitraire d’une détention ne se
résume pas à la question de savoir si l’emprisonnement repose ou non sur une
décision judiciaire de privation de liberté, mais bien de savoir si cette privation de liberté se justifiait par une culpabilité. » Qu’ainsi, la seule vérité à prendre en
compte dans le cas de l’espèce est celle de l’arrêt de révision pénale N°01
du 19 janvier 2015 de la Cour suprême
du Mali pour établir qu’il a été victime de détention arbitraire.
16- Dans son mémoire en défense en date du 07 septembre 2016 recu au greffe de la Cour le 14 septembre 2016 et à l’audience de plaidoirie tenue
à Bamako le 24 avril 2018, le défendeur (l’Etat du Mali) fait valoir par
l’entremise de son conseil que les arguments présentés par le requérant
sont dénués de fondement ; qu’en effet, contrairement à ses déclarations,
le requérant n’a été victime d'aucune arrestation arbitraire mais il a
plutôt été régulièrement inculpé et placé sous mandat de dépôt pour
complicité de détournement de biens publics comme le sieur Al An.Z.
17- L'Etat malien rappelle à cet effet qu’il est actionnaire majoritaire de
la Banque de l’Habitat du Mali (BHM-SA) dont les biens ont été
détournés et que le requérant a été poursuivi et condamné le 17 juillet
2008 par la Cour d’assises de Bamako siégeant en audience foraine à
Ségou.
18- Le défendeur fait observer enfin que le cas de Al An
Z ne saurait servir de base jurisprudentielle à la Cour de céans
pour prendre en compte les réclamations du requérant. Selon lui, le sieur
An Z fut gardé en prison en dépit de l’arrêt du 27 mai 2009 de
la Cour suprême du Mali qui avait cassé et annulé sans renvoi lesdits
arrêts de la Cour d’assises contrairement au requérant qui en fut libéré
aussitôt après ladite décision.
19- Quant à la société TIM-SARL et autres, l’Etat du Mali estime que leur intervention volontaire est irrecevable pour défaut de qualité ; qu’en
effet, selon le défendeur, les intervenants volontaires ne démontrent pas en quoi ils ont éprouvé un préjudice quelconque du fait de l'arrestation du nommé B C ex-PDG de la société WAIC qui ne fut
absorbée par TIM-SARL, que le 26 avril 2016.
20- La société TIM-SARL et autres rétorquent en faisant valoir que, contrairement aux déclarations de l’Etat du Mali, leur intervention
volontaire est recevable dès lors qu’il n’est pas contesté que la société WAIC- SA fut absorbée par la société TIM-SARL en application des dispositions des articles 189 et 192 de l’acte uniforme de l'OHADA relatif aux sociétés commerciales.
21- Selon les intervenants volontaires, l’effet juridique de cette absorption est la subrogation de la TIM-SARL dans les droits et
obligations de la WAIC-SA qui était dirigée par le sieur B C. Or, nul ne doute que l'arrestation et la détention arbitraire de ce dernier ont porté un coup fatal sur les activités de la WAIC-SA dont le chiffre d'affaire était estimé à des dizaines de milliards. Selon les intervenants
volontaires, la jurisprudence internationale, notamment celle de la Cour interaméricaine des droits de l’homme, admet le principe de
l’indemnisation de victimes indirectes comme les ayants droit ou les membres des familles des victimes directes.
22- Compte tenu de ce qui précède, les intervenants volontaires estiment
qu’ils ont le droit d’exiger une juste réparation en vertu du principe selon lequel, il appartient à celui qui cause un préjudice à autrui, de le réparer.
IV- ANALYSE DE LA COUR
23- La Cour doit d'emblée se pencher sur la recevabilité de la requête
présentée par le sieur B C et de l’intervention volontaire de la Société TIM-SARL, avant d'examiner éventuellement le bien-fondé des demandes formulées par ceux-ci.
En la forme
1- Sur la recevabilité de la requête
24- La Cour relève que la requête du sieur B C a été
introduite conformément aux dispositions des articles 33 et suivants du
Règlement qui la régissent. Dès lors, il y a lieu de déclarer ladite requête recevable.
2- Sur la recevabilité de l’intervention volontaire
25- La Cour relève, ainsi qu’il ressort de l’arrêt N°01 du 19 janvier 2015
de la Cour suprême du Mali, que suite à une information judiciaire ouverte en 2005 par le Parquet du Tribunal de 1“° instance de la
Commune II de Bamako, la chambre d’accusation de la Cour d’appel de
Bamako avait mis en accusation les nommés An Z (ex-PDG de
la société BHM-SA) et B C (ex-PDG de la société WAIC-SA)
et prononcé le renvoi de ces derniers devant la Cour d’assises pour
atteinte aux biens publics et complicité.
26- La Cour relève également que selon le Procès-verbal de l’Assemblée
générale des associés de la société dénommée TIM-SARL, la société TIM-
SARL n’a été créée et enregistrée au Registre du commerce et du crédit immobilier (RCCM) que le 11 septembre 2015.
27- Ainsi, s’il est acquis que la société TIM-SARL a absorbé la société
WAIC- SA, il va sans dire que cette dernière a survécu en dépit de
l’arrestation et de la poursuite de B C son PDG.
28- Qu'il s’ensuit que, d’une part, la société TIM-SARL ne peut, en aucun
cas, éprouver un préjudice résultant d’un fait qui s’est produit avant sa création et que, d'autre part, les autres intervenants volontaires dont les
noms sont portés sur la requête aux fins d'intervention volontaires, ne
rapportent aucune preuve quant à l’existence d’un préjudice né de l’arrestation de B C ou d’une faute de la défenderesse, ni un
lien de causalité entre ces deux constantes de la responsabilité civile.
29- À ce stade, la Cour, toujours fidèle aux principes qui gouvernent sa
in concreto. Autrement dit, il ne saurait être pris en compte s’il ne repose
pas sur des éléments objectivement vérifiables, comme c’est le cas.
30 - Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que les intervenants
volontaires ne justifient d'aucune qualité ni d'aucun intérêt à agir.
31- Qu'il s'ensuit que leur action doit être rejetée comme irrecevable.
Au fond
1- Sur l’arrestation et la détention arbitraires
32- Considérant qu’il ressort des pièces de la procédure qu’à l’issue d’une
longue procédure, le sieur B C a été finalement innocenté de
toutes les charges à lui reprochées par arrêt N°01 en date du 19 janvier
2015 de la Cour suprême du Mali.
33- Par cette décision, cette haute juridiction du Mali a d’abord estimé
que les faits d'atteinte aux biens publics et complicité reprochés
respectivement au sieur Al An Z et B C ne
sont pas établis, avant d'annuler ensuite l’arrêt de condamnation pénale
N° 211 du 17 juillet 2008 ainsi que l’arrêt civil N° 221 rendu le même
jour par la Cour d’assises de Bamako.
34- Qu'’ainsi, même si la Cour se garde toujours d'apprécier les
motivations des décisions judiciaires nationales rendues dans l’espace
CEDEAO, il n’en demeure pas moins qu’elle a le droit sinon le devoir
de tirer toutes les conséquences desdites décisions sur le terrain des droits
35- Dans le cadre d’espèce, il ne fait l'ombre d’aucun doute que le
requérant a été définitivement innocenté, ce qui implique que
l’arrestation et la détention dont il a été victime pour la période allant
du 07 juin 2007 au 02 juin 2007, ), sont injustifiées, donc arbitraires au sens des articles 9 alinéa 1 du PIDCP et 6 de la CADLP sus référencés.
36- Contrairement aux prétentions de l’Etat du Mali, la question n’est
pas de savoir si l’arrestation et la détention du requérant reposaient sur
une inculpation quelconque ou une décision judiciaire, mais de savoir si, en principe et de facon générale, cette privation de liberté se justifiait
par une culpabilité.
37- Or, au regard des faits de la cause, l’arrêt N°1 du 19 janvier 2015 de
la Cour suprême du Mali a clairement admis les erreurs judiciaires du
passé en décidant que le requérant est innocent étant donné que les faits
à lui reprochés sont non caractérisés, donc erronés.
38- Il va sans dire que la Cour de céans, toujours guidée par les principes
traditionnels qui gouvernent sa jurisprudence, ne peut qu’en prendre acte et en tirer les conséquences de droit, notamment en déclarant le
défendeur responsable de la violation des droits invoqués par le
requérant, comme elle en avait décidé dans l’affaire opposant Al An Z à l’Etat du Mali.
2- Sur la réparation
39- Considérant que sur le fondement des dispositions de l’article 9
alinéa 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le
requérant réclame 10 000 000 000 FCFA à titre de dommages-intérêts
pour toutes causes de préjudices confondus tout en précisant que les
détails et justificatifs seraient soutenus dans un mémoire additif qui n’est
cependant pas produit à ce jour.
40- Considérant que le défendeur conclut au rejet de cette demande en faisant valoir que, contrairement à Al An Z, le requérant
ne justifie pas sa demande de réparation dès lors qu’il a été libéré
immédiatement dès l’arrêt susvisé de la Cour suprême du Mali.
41- Considérant que la Cour observe que même si le requérant a été
libéré aussitôt que ledit arrêt de la Cour suprême du Mali est intervenu,
il n’en demeure pas moins que cette libération n’efface pas, sinon ne
justifie en rien, le caractère arbitraire de l’arrestation et de la détention constatées.
42- Qu’au surplus, il est acquis que suite à la révision de l’arrêt susvisé
N°53 du 27 mai 2009 de la Cour suprême du mali par lequel le sieur An Z et le requérant ont été libérés, ce dernier fut menacé
d’arrestation avant de réussir à s’exiler pendant au moins cinq (5) ans.
43- Qu'’ainsi, en l’absence de données concrètes permettant de justifier
le montant réclamé, la Cour estime qu’elle dispose d’éléments
d'appréciation suffisants pour fixer le montant de la réparation à
20.000.000 FCFA, toutes causes de préjudice confondues.
44- Qu'il convient de condamner le défendeur à lui payer ce montant en
application de l’article 9 du Pacte susvisé ;
3- Sur les dépens
45- Considérant que le défendeur a succombé et qu’il y a lieu de le
condamner aux dépens en application des dispositions de l’article 66 du
Règlement de la Cour.
Par ces motifs,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de violation des
droits de l’homme, en premier et dernier ressort,
En la forme
Recoit l’Etat du Mali en sa fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité
et d’intérêt des intervenants volontaires à agir ;
Rejette comme irrecevable l’action desdits intervenants volontaires ;
Recoit par contre le sieur C B en sa requête ;
Au fond
Dit que le requérant a été victime d’arrestation et de détention arbitraires
pour la période allant du 07 juin 2007 au 02 Juin 2009 ;
Dit que cette privation de liberté est imputable au défendeur ;
Condamne en conséquence le défendeur à verser au requérant la somme
de 20.000.000 francs CFA à titre de réparation de l’ensemble des
préjudices éprouvés par le requérant ;
Met les dépens à la charge de l’Etat du Mali.
Ainsi fait et jugé à Am les jour, mois et an que dessus,
Et ont signé :
- Honorable Juge Jérôme TRAORE Président
- Honorable Juge Yaya BOIRO Juge Rapporteur
- Honorable Juge Alioune SALL Membre
- Maitre Diakité Aboubacar Greffier.


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCJ/JUD/13/18
Date de la décision : 21/05/2018

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2018-05-21;ecw.ccj.jud.13.18 ?
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