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04/03/2021 | CEDEAO | N°ECW/CCJ/JUD/03/21

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 04 mars 2021, ECW/CCJ/JUD/03/21


Texte (pseudonymisé)
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
Dans l’Affaire
Am C & 4 AUTRES contre REPUBLIQUE
FEDERALE DU Aq & 1 AUTRE.
Requête No: ECW/CCJ/APP/23/20 Arrêt No. ECW/CCJ/JUD/03/21
ARRET
AS
4 MARS 2021
TRADUIT PAR H. ISSAKA zæz_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_— COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO) AFFAIRE NO: ECW/CCJ/APP/23/20
ARRET NO. ECW/CCJ/JUD/03/21
Am C
Ar C
Al C
Ae

C
BG AN BE Aq LTD. REQUERANTS
CONTRE
1. REPUBLIQUE FEDERALE DU Aq
2. SERVICE D’IMMIGRATION DU Aq DEFENDEURS COMPOSITION D...

COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
Dans l’Affaire
Am C & 4 AUTRES contre REPUBLIQUE
FEDERALE DU Aq & 1 AUTRE.
Requête No: ECW/CCJ/APP/23/20 Arrêt No. ECW/CCJ/JUD/03/21
ARRET
AS
4 MARS 2021
TRADUIT PAR H. ISSAKA zæz_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_— COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE
ECONOMIQUE DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO) AFFAIRE NO: ECW/CCJ/APP/23/20
ARRET NO. ECW/CCJ/JUD/03/21
Am C
Ar C
Al C
Ae C
BG AN BE Aq LTD. REQUERANTS
CONTRE
1. REPUBLIQUE FEDERALE DU Aq
2. SERVICE D’IMMIGRATION DU Aq DEFENDEURS COMPOSITION DE LA COUR:
Hon. Juge Edward Amoako ASANTE - Président/Juge Rapporteur Hon. Juge Dupe ATOKI - Membre
Hon. Juge Januaria T. Silva Moreira COSTA - Membre
ASSISTES DE:
Mr. Tony ANANE-MAIDOH - Greffier en chef
REPRESENTATION DES PARTIES:
Avocats du Requérant:
Ap An AR Esq.
Dr. DB. D. BC Esdq.
TRADUIT PAR H. ISSAKA Avocat des Défendeurs:
Mallam J.A. ADAMU Esq.
Directeur Adjoint/Conseiller juridique
Siège du Service d’Immigration du Aq.
I. ARRET:
1. L’Arrêt a été prononcé virtuellement conformément à l’Article 8 (1) des
Directives Pratiques sur la Gestion Flectronique des Dossiers et les Sessions
Virtuelles de la Cour de 2020.
II. DESCRIPTION DES PARTIES:
2. Le 1” Requérant qui vit au Aq et en dehors depuis 1990, est un ressortissant
allemand marié à la 2°"° requérante, une nigériane, le 4 juin 1999.
3. Les 3%" et 4ême Requérants sont les enfants issus du couple décrit au paragraphe
2 et citoyens de la Communauté CEDEAO, de la République Fédérale du
Aq, qui demandent justice pour Mr. Am C, le 1 Requérant
et qui vivent avec leurs familles et leurs enfants à As AUAqAH et en Suisse.
4. Le 5°" requérant est une entreprise citoyenne de la Communauté CEDEAO. Une
entité juridique contribuable ayant son siège à AS, qui a invité le 1“ requérant
à venir au Aq pour aider à négocier et conclure une transaction commerciale.
5. Le 1” Défendeur est le Gouvernement de la République Fédérale du Aq, un
Etat membre de la CEDEAO et signataire de la Charte Africaine des Droits de
l’Homme et des Peuples (ci-après dénommée “Charte””).
6. Le 2%" Défendeur est un agent officiel du 1“ Défendeur, responsable des
Services d’immigration au sein de la Fédération du Aq.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 3 7. Les Requérants demandent l’application des droits humains fondamentaux suite
à l’arrestation et la détention illégales du 1” Requérant et la saisie de son
passeport allemand.
8. Les Requérants soutiennent que, le 1” Requérant qui est entré légalement au
Aq en voyages d’affaires, pendant qu’il retournait au Kenya où il vivait, a
été illégalement arrêté et détenu et que ses droits à un procès équitable, à la liberté
de mouvement, à la dignité de sa personne humaine ont été violés. Ils demandent
en conséquence que son passeport lui soit restitué et qu’une compensation pour
divers violations de ses droits lui soit accordée.
IV. PROCEDURE DEVANT LA COUR:
9. La demande introductive d’instance a été déposée le 5 juin 2020 au Greffe de la
Cour en même temps que deux demandes d’intérim notamment: la demande de
procédure accélérée et la demande des mesures provisoires. Toutes les trois
demandes ont été signifiées aux Défendeurs, le 22 juin 2020.
10.Le Requérant a encore déposée, le 22 septembre 2020, une demande de jugement
par défaut qui a été également signifiée aux défendeurs, le 24 septembre 2020.
11.Avant que la demande de jugement par défaut ne soit entendue, les défendeurs
ont, le 9 novembre 2020, déposé une demande en prorogation de délai en vue de
soulever une exception préliminaire et présenter un mémoire en défense. L'avis
d’exception préliminaire et le mémoire en défense ont été servis aux Requérants
le même jour.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 4 12.A la session virtuelle de la Cour, tenue le 10 novembre 2020, toutes les parties
étaient représentées par leurs avocats. L’avocat des requérants a confirmé
réception des pièces de procédures déposées par les défendeurs et requis
l’indulgence de la Cour pour qu’elle examine la demande de procédure accélérée
et celle des mesures provisoires introduites par les requérants. La demande de
jugement par défaut a été rejetée par la Cour au regard de la non objection de
l’avocat des requérants au sujet de la régularisation du mémoire en défense
présenté par les défendeurs. La demande de procédure accélérée a été accordée
par la Cour.
13.Le 23 novembre 2020, les requérants ont déposé leurs réponses à l’exception
préliminaire et au mémoire en défense des défendeurs qui ont été signifiées à ces
derniers, le même jour.
14.Le 26 novembre 2020, les défendeurs ont déposé un Affidavit et des observations
écrites en opposition de la demande des mesures provisoires des requérants. Ces
documents ont été signifiés aux requérants, le même jour.
15.A la seconde session virtuelle de la Cour, les deux parties étaient représentées par
leurs avocats. L’Avocat des requérants a retiré la demande des mesures
provisoires et l’affaire a été renvoyée au 2 décembre 2020 pour audition. Le 2
décembre 2020, toutes les parties étaient représentées par leurs avocats.
L’exception préliminaire a été entendue et renvoyée pour être examinée dans le
cadre du jugement au fond de l’affaire.
V. EXPOSE DES FAITS PRESENTES PAR LES REQUERANTS:
a. Résumé des faits
16.Le 1“ requérant, un aviateur professionnel, est de nationalité allemande. Il est
spécialisé dans la création des start-up dans le domaine des transports aériens des
TRADUIT PAR H. ISSAKA 5 passagers et du fret, mondialement connu pour son expertise. En raison des
faibles activités commerciales de transports aériens au Aq et en Afrique de
l'Ouest, il a délocalisé du Aq en 2015/2016 pour s'installer en Allemagne,
puis en Suisse et vit actuellement au Kenya avec sa famille.
17. Selon le 1°" requérant, il avait été sollicité pour se rendre au Aq aux fins de
négociations et il a obtenu l’approbation nécessaire pour la délivrance d’un visa
à son arrivée afin d'entrer légalement au Aq.
18. Pendant son séjour au Aq, il a été invité à participer à des négociations
commerciales à Istanbul en Turquie pour la finalisation d’un contrat de
consultation dont une copie a été annexée à ses documents en “Pièce 16”.
19.Le 1“ requérant est arrivé à l'Aéroport international Ax Aff
(AJAH Aj, Lagos par vol numéro KQ 532 de la compagnie Ab Aw
le 9 février 2020 où les agents du 2°"° défendeur lui ont délivrés à son entrée à
l’aéroport un Visa d'affaires numéro E0014938 d'une durée de validité d'un mois.
20.Lors de son voyage retour au Kenya le 23 février 2020, après avoir complété les
formalités nécessaires de départ, il fut arrêté à la porte de l’appareil de la
Compagnie Ab Aw et son passeport saisi avant d’être placé dans une
cellule de détention bondée du 23 février au 4 mars 2020 malgré l’effet de la
pandémie de Covid-19 sur l’humanité, sans nourriture acceptable, sans soins
médicaux.
21.Le 1” requérant allègue qu’il n’a été informé d’une quelconque circonstance
justificative reconnue par la loi; aucun mandat d'arrêt ni aucune décision de
justice n’a été présenté comme base de son arrestation ou détention. Il ne lui a
pas été donné l’opportunité de bénéficier d’un procès équitable devant une
autorité légale impartiale depuis lors, jusqu'à ce jour.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 6 22.Ce n’est que le 4 mars 2020 qu’une caution administrative a été obtenue pour lui
à la faveur du confinement à AS à cause de la pandémie de la Covid-19, sous
des conditions strictes de se présenter, périodiquement, au centre de détention;
de rétention de son passeport allemand qui se trouvait avec le Contrôleur Général
des Services d’immigration du Aq.
23.Les requérants soutiennent que la saisie du passeport du 1“ requérant a pour effet
de le garder perpétuellement en détention au Aq. Le 1“ requérant ne peut pas
poursuivre ses transactions commerciales ni retourner au Kenya dans sa famille.
I] ne connait pas non plus la nature des accusations portées contre lui puisqu’il
n’en a pas été informé officiellement ni informé des infractions qu’il aurait
commises.
24.Selon les requérants, le droit du 1° requérant à la dignité de sa personne humaine
a été violé dans l'impunité. En l'espèce, il a été soumis à la torture physique,
mentale, émotionnelle, psychologique et à des peines et traitements cruels,
inhumains et dégradants, ce qui est contraire à l'UNDUDH et à la Charte et à
d'autres conventions et traités dont le 1°" défendeur est signataire.
25.Le 5è"° requérant qui l'a invité au Aq et a donné une acceptation écrite
officielle de sa responsabilité en matière d'immigration (RI) une fois au Aq,
n'a reçu aucune communication officielle de la part des agents du 2°"° défendeur
qui a accepté de lui délivrer un visa d'affaires à son arrivée au Aq
conformément à son calendrier de séjour. Il a reçu l'approbation en Angola avec
laquelle il est monté à bord du vol Ab Aw KQ 532, le 09 février 2020.
26.Ni les membres de sa famille au Aq, au Kenya et en Allemagne ni
l'Ambassade de la République fédérale d'Allemagne à AS n'ont été informés
de l'endroit où il se trouvait. Il a été obligé de dormir sur le sol nu pendant sa
détention pendant des jours, ce qui est déshumanisant. Il n'était pas autorisé,
TRADUIT PAR H. ISSAKA 7 même sur demande, à consulter un médecin ou à être pris en charge par un
médecin de son choix ou un médecin tout court.
27.Le 1“ requérant a pu joindre, de sa cellule, le Management du 5°"° requérant
après des jours passés au secret dans la cellule sombre. Le 5°"° requérant a
rapidement pris contact avec le 28" défendeur par le biais d'un consultant
professionnel en immigration qui a été employé pour obtenir sa libération et
après avoir dépensé plus de (US$20 000) vingt mille dollars américains en
employant différents avocats et dépensé beaucoup, désespérément par ces
différents canaux pour obtenir la libération du 1“ requérant.
28.Depuis lors, le 1 requérant était confiné à AS indéfiniment contre sa volonté
au détriment de ses activités commerciales. Se présentant périodiquement au
Siège du 2°" défendeur jusqu'au confinement décrété par le gouvernement
d'Abuja à la suite de la pandémie de Covid-19. Il est toujours détenu illégalement
par le 22° défendeur au Aq et vit dans l’hôtel Ag Av à AS à des
coûts très élevés (voir factures en annexe marquée Pièce 28) et dans un suspense
et un traumatisme émotionnel, sans savoir ce qui va lui arriver prochainement.
29.Les requérants allèguent que, globalement, toutes les activités du 1” requérant
connaissent actuellement de lourdes pertes, car l'un des principaux contrats pour
lesquels il travaillait a été résilié et un nouveau contrat à signer en Turquie n'a
pas abouti en raison de son incapacité de se rendre en Turquie dans les délais
prévus, ce qui lui a valu une demande des réparations en conséquence. Il joint en
Pièce 15, son programme de vol à destination de la Turquie pour la poursuite de
son voyage d'affaires et un contrat en cours de négociation d'une valeur minimale
de (US$1 032 000) un Million et Trente-deux mille dollars américains par an
avec le 5°" requérant.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 8 b. Moyens de droit:
30. Les requérants citent les Articles 5, 6, 7, 12 de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et des Peuples à l’appui de leurs arguments: Articles 3, 4, 5 & 9
de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme; Articles 8, 9(2 & 3), 10
&14 (3) du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques; Articles
4 et12 de la Troisième Convention de Genève et Article 29 de la Quatrième
Convention de Genève; Articles 34, 43 & 78 de la Quatrième Convention de
Genève et Article 75 du Protocole Additionnel 1 de 1977; Articles 14 & 15 de
la Convention des Nations Unies contre la Torture.
c. Conclusions des Requérants:
31. Les requérants sollicitent de la Cour les mesures de réparations suivantes:
a. Dire et juger que le 1” requérant a le droit d'être "immédiatement" informé
de l'accusation portée contre lui et de jouir d'un procès équitable et public
par un tribunal compétent, indépendant et impartial établi par la loi.
b. Dire et juger que l'arrestation du 1” requérant sans mandat ou toute autre
communication officielle pour son arrestation et sa détention depuis le 23
février 2020 à l'Aéroport MMIA Aj à Lagos est illicite et son transport
ultérieur à AS contre son gré et sa détention à AS BH'à cette date,
sont arbitraires.
c. Dire et juger que le droit du 1” requérant à la liberté de mouvement et à la
dignité de sa personne humaine a été violé au cours du processus.
d. Dire et juger que le droit du requérant d'être présenté dans les meilleurs
délais devant un juge ou d'autres officiers autorisés par la loi à exercer le
TRADUIT PAR H. ISSAKA 9 pouvoir judiciaire, et son droit à un procès impartial dans un délai
raisonnable ou à être libéré sans délai injustifié, ont été violés.
e. Dire et juger que l'arrestation, l'intimidation, le harcèlement et la détention
du 1” requérant dans des circonstances très angoissantes et dans des
conditions inhumaines atroces depuis le 23 février 2020 violent les
dispositions de la loi du 1” défendeur contre la torture ; la loi sur la violence
contre les personnes et la Convention des Nations Unies contre la Torture et
autres Peines ou Traitements cruels, inhumains et dégradants adoptée par
l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984 et entrée en
vigueur le 26 juin 1987.
f. Dire et juger que la rétention continue du passeport allemand du requérant
par les défendeurs depuis le 23 février 2020 sans reçu officiel, est illégale et
équivaut à une détention continue du requérant par les défendeurs.
g. Enjoindre aux défendeurs de remettre immédiatement et sans condition au 1”
requérant, son passeport allemand numéro C93X6CA4L6 illégalement saisi
par les agents des défendeurs et de retirer son nom de la liste de surveillance.
h. Une ordonnance obligeant le défendeur à délivrer au requérant un visa
d'affaires à multiples entrées à titre gratuit d’une durée de validité de deux
ans au Aq pour lui permettre d'assister personnellement aux accusations
portées contre lui.
i. Condamner les défendeurs à payer la somme de N25 000 000 (Vingt Cinq
Millions AkAH à tire de dommages-intérêts spéciaux pour compenser les
diverses pertes et dépenses que le requérant a subies et encourues pendant sa
détention forcée au Aq.
j. Condamner les défendeurs au paiement, au profit du 1” requérant, de la
somme de Quatre millions de dollars américains (US$4 000 000) à titre de
TRADUIT PAR H. AQ 10 dommages-intérêts généraux pour l'arrestation illégale, la perte d'entreprise
et les traitements inhumains et cruels subis et pour détention injustifiée par
les défendeurs au Aq.
VI. EXPOSE DES FAITS PRESENTES PAR LES DEFENDEURS:
a. Résumé des faits:
32. Les défendeurs déclarent que le 1” requérant est un citoyen allemand et n'a pas
démontré qu'il a acquis la citoyenneté d'un Etat, pays membre de la Communauté
Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, et par conséquent, n'a pas la qualité
pour ester en justice devant la Cour.
33.Les défendeurs déclarent que le mariage du 1“ requérant avec une citoyenne
nigériane ne pouvait et ne lui a pas conféré la citoyenneté nigériane sans une
demande appropriée et approuvée. Bien que la Constitution nigériane autorise la
double nationalité, la loi allemande sur l'immigration ne permet pas à un
Allemand d'acquérir la nationalité d'un autre pays sans avoir, d’abord, renoncé à
la nationalité allemande.
34.Les défendeurs déclarent que les passeports internationaux nigérians ne sont
jamais délivrés par procuration car seuls les véritables détenteurs de ces
passeports ont leur photo, leurs données biométriques et autres informations
personnelles, capturées par le 2°" défendeur. Il n'y a aucune preuve au dossier
indiquant que le 1°" requérant a approché les Services compétents pour demander
un passeport international nigérian, mais il a plutôt un dossier dans lequel il a
demandé et obtenu un CERPAC dans les années passées.
35.Les défendeurs déclarent que l'interception, l'arrestation et le transfert du 1“
requérant vers le bureau du 2°"° défendeur à AS étaient dus au fait qu'en sortant
TRADUIT PAR H. AQ 11 du Aq, il a présenté un passeport international standard nigérian numéro
AO3685413 portant sa photo et d'autres informations, mais qui, une fois scanné,
a révélé le nom, la photo d'identité et les informations concemant une nommée
Au Ac, de nationalité nigériane.
36.Sur la base des faits ci-dessus, il y a une irrégularité majeure prouvant que le
passeport en possession du 1“ requérant (numéro de passeport: (AO3685413)
indiquant que la photo du passeport et d'autres détails ne correspondaient pas aux
documents sources utilisés pour l'établissement dudit passeport et que ses
coordonnées ont été superposées sur les informations figurant sur le passeport
existant du demandeur initial qui a reçu ledit numéro de passeport A03685413.
37.Les défendeurs affirment que les faits énoncés au paragraphes précédents
révèlent que l'allégation de soupçon de falsification d'un passeport standard
nigérian numéro AO03685413 contre le 1” requérant a nécessité une enquête plus
approfondie de la part de l'Unité anti-fraude chargée de la documentation du 28°
défendeur à son siège sis à AS, la capitale de la fédération.
38.Le 1“ requérant a été transféré à AS le 24 février 2020 sur le vol disponible et
soumis aux procédures d'enquête habituelles du 2°"° défendeur et que ses avocats
ont demandé sa mise en liberté sous caution, qui lui a été accordée après avoir
satisfait aux conditions de mise en liberté sous caution fixées par le 2ë°
défendeur. Cependant, les passeports nigérian et allemand ont été conservés pour
s'assurer qu'il reste disponible pour son procès probable, au cas où il est inculpé.
39 Les défendeurs affirment en outre que tout au long de cette période, le 1“
requérant était pleinement conscient de la raison de son arrestation et cela lui a
été clairement notifié, et souhaitent y apporter un démenti en disant que le centre
de dépistage du 2°" défendeur situé dans les locaux de son siège à AS n'est
TRADUIT PAR H. ISSAKA 12 pas un centre de détention et ne consiste certainement pas en une « cellule de
détention bondée ».
40.Fn réponse spécifique auxdites allégations de mauvais traitements infligés au 1°”
requérant dans leurs locaux, les défendeurs déclarent que le centre de filtrage est
l'endroit où les voyageurs ou les demandeurs qui enfreignent les lois sur
l'immigration du Aq sont emmenés par le 2°"° défendeur pour vérification
ou contrôle en attendant leur libération ou leur procès s'ils sont inculpés.
41.Les défendeurs affirment qu'ils n'ont aucune obligation statutaire ou autre de
communiquer officiellement avec la famille du 1” requérant au sujet de son
arrestation d'autant plus que son téléphone portable ne lui a jamais été retiré et
qu'il n'a en aucune façon été empêché de communiquer avec sa famille ou ses
avocats pendant toute la durée de son séjour auprès du 2°"° défendeur.
42.Fn outre, les défendeurs affirment que le 1" requérant, qui se trouve parmi tant
d'autres personnes, au centre de dépistage a été bien traité et a reçu de la
nourriture et tout le confort nécessaire pendant son séjour et réfutent toutes les
autres allégations de violation des droits du 1°" requérant faites par les requérants.
43 Les défendeurs soutiennent qu’après la conclusion de l'enquête sur le passeport
nigérian numéro A03685413 soumis par le 1” requérant, une plainte au pénal a
été déposée à la Haute Cour Fédérale, Division judiciaire d'Abuja, sous le
numéro FHC/ABJ/CR/152/2020 - République fédérale du Aq c. Am
C que le 2*"° défendeur est en train de suivre pour obtenir une date
de procès. La plainte est ci-jointe en tant que Pièce NIS 1. Ladite accusation
figure en Pièce NIS 1 et contient les infractions suivantes :
(a) Modification, falsification et manipulation illégales d'un passeport
nigérian standard no. AO03685413 contrairement à la Section 10 (1) (b)
TRADUIT PAR H. AQ 13 de la Loi sur l'immigration de 2015 et punissable en vertu de la Section
10 (1) (h) de la Loi sur l'immigration de 2015,
(b) Fabrication et détention d'un faux passeport, sachant que celui-ci a été
falsifié contrairement à la Section 10 (1) (g) et puni en vertu de la
Section 10 (1) (h) de la même loi.
(c) Falsification ou trafic de passeport et possession d'un passeport
standard nigérian en sachant parfaitement qu'il est un citoyen
allemand contrairement à la Section 12 (1) et punissable en vertu de la
Section 12 (3) de la même loi.
b. Conclusions des Défendeurs:
44. Les défendeurs demandent les réparations suivantes à la Cour:
1. Une décision de rejet de la demande des requérants aux motifs:
0) Que ce procès est un effort pour pervertir le cours de la justice
et y échapper.
(ii) Que toutes les pièces de procédure produites par le 1” requérant
sont étayées par des faits déformés contre le Aq en tant que
nation.
(iii) Que le 1” requérant tente de revendiquer la citoyenneté de la
CEDEAO afin de conférer compétence à cette Cour là où elle
n'en a pas.
(iv) Que cette demande est frivole, non fondée et constitue un simple
exercice académique et ne peut être appuyée par aucune preuve
crédible déposée devant la Cour par le 1” requérant;
TRADUIT PAR H. ISSAKA 14 2. Toute autre ordonnance qu'il plaise à la Cour de rendre dans les
circonstances.
VII. COMPETENCE:
45. Les requérants se sont appuyés sur des dispositions juridiques conférant à la
Cour la compétence en matière de droits de l'homme pour fonder leur
argumentation en citant l'article 9 (4) du Protocole de 2005 relatif à la Cour
qui définit la compétence de la Cour en matière des droits de l'homme dans
les Etats membres comme suit:
« La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des droits de
l’homme dans tout Etat membre ».
46. Cependant, les défendeurs ont soulevé une exception à la compétence de la
Cour au motif que le 1” requérant n'étant pas un citoyen de la communauté
CEDEAO mais un citoyen allemand, ne devrait pas avoir accès à la Cour.
47. Dans l’affaire MOUSSA LEO KEITA c. REPUBLIQUE DU MALI (2004-
2009) CCJERL 63, la Cour a conclu que:
«Elle a compétence pour connaitre des cas de violation des droits de l'homme
dans son Etat membre, La Cour a également jugé que le requérant doit
apporter la preuve d'une violation caractéristique d'un droit fondamental de
l'homme: «et en absence d'une telle violation, la requête doit être déclarée
irrecevable ».
48. Voir également B c. Aq & 4 AUTRES, (2014) (non publié), où la
Cour a encore jugé que:
TRADUIT PAR H. ISSAKA 15 « La simple allégation d'une violation des droits de l'homme sur le
territoire d'un Etat membre est suffisante prima facie pour justifier la
compétence de la Cour sur le litige, sans préjudice du fond et du bien-
fondé de la plainte qui ne doit être déterminé qu'après que les parties
ont eu la possibilité de présenter leurs propres moyens, avec toutes les
garanties d'un procès équitable ». (Nous avons souligné)
49. D'après la jurisprudence de la Cour soigneusement élaborée à partir de ses
textes constitutifs et autres statuts pertinents, il ne fait aucun doute que sa
compétence territoriale couvre la compétence matérielle de tout acte de
violation des droits de l'homme qui se produit dans tout Etat membre de la
CEDEAO sans chercher à savoir si la victime est un citoyen de la communauté
ou un étranger.
50. Il est important de noter que tout traitement par la Cour des victimes de
violations des droits de l'homme à l'intérieur des frontières territoriales des
Etats membres de la CEDEAO sur la base de leur nationalité, équivaudra à un
manquement à la responsabilité sacrée de l'intervention de la Cour pour
rétablir la confiance et regagner l'adhésion des citoyens de la Communauté et
de tous les peuples du monde sur le territoire des Etats membres parties aux
traités et protocoles de la CEDEAO en termes de promotion et de protection
de leurs droits humains fondamentaux.
51. La condition sine qua non pour faire assumer à la Cour sa compétence est que
«l'acte de violation se produise sur le territoire d'un Etat membre» et que le
demandeur soit victime de la violation.
52. Etant donné que les violations alléguées en l'espèce se sont produites sur le
territoire du 1” défendeur, la Cour considère qu'elle est compétente et que les
TRADUIT PAR H. AQ 16 requérants ont qualité pour ester en justice en tant que victimes des violations
alléguées et la Cour en décidera ainsi.
VII. RECEVABILITÉ:
53. Les 2ème à 4m requérants soutiennent qu'ils demandent justice pour le 1°"
requérant, qui a été invité par le 5*" requérant à venir au Aq pour aider à
négocier et conclure une transaction commerciale. Le 5°"° requérant soutient
qu'ayant assumé les responsabilités en matière d'immigration pour le compte
du 1“ requérant, elle a le plein droit d'être informée par les agents du 2ê°
défendeur de l’exécution des conditions du contrat pour l'approbation du visa
à délivrer au 1” requérant.
54. Le 5*"° requérant estime qu'en ne l'informant pas de l'arrestation et de la
détention du 1” requérant, les défendeurs n'ont pas respecté son droit à un
procès équitable et violent les conditions contractuelles d'octroi du visa
d'affaires pour l'entrée au Aq du 1° requérant.
55. Selon une juridiction constante, le critère de validité de l'action en justice, en
ce qui concerne la qualité d'agir de la partie, consiste à déterminer si la partie
est autorisée à saisir la Cour en vertu des textes constitutifs de cette dernière.
Voir l'affaire TAAKOR TROPICAL HARDWOOD COMPANY LTD c.
REPUBLIQUE DE SIERRA LEONE 92019) ECW/ CCI / JUD / 02/19 @ Pa.
15 (non publié).
56. Conformément à ses textes constitutifs, bien que les individus soient autorisés
à intenter une action pour violation de leurs droits humains, les textes
prévoient à l'article 10 du Protocole de 1991 relatif à la Cour (tel que modifié),
le contexte dans lequel les individus peuvent accéder à la Cour. Il a été établi
TRADUIT PAR H. ISSAKA 17 que « personnes » dans le contexte de l'article 10 du Protocole se réfèrent aux
personnes physiques et rien d'autre. En ouvrant de manière expresse la
saisine de la Cour aux seules personnes, le Protocole additionnel cherche à
conférer exclusivement ce droit aux personnes physiques en excluant les
autres ». VOIR Ao Ad Aq AL c. REPUBLIQUE DU
SENEGAL(2011) CCJELR 139 @ pg. 156
57. En ce qui concerne les personnes morales engageant une action pour violation
des droits de l'homme, la Cour a déclaré que: «Afin de rajuster la décision
incohérente antérieure de la Cour, citée ci-dessus, la Cour, dans l’exercice
de son pouvoir, se détourne de toute décision portant sur les personnes
morales l'ayant saisie en vertu de l’article 10 d) du Protocole de 1991 relatif
à la Cour, tel que modifié par le Protocole Additionnel 2005 et affirme que
seules les personnes physiques peuvent la saisir pour violation de leurs droits
humains, sauf dans les conditions internationalement reconnues». VOIR
DEXTER OIL LIMITED c. REPUBLIQUE DU LIBERIA (2019) ECW / CCI
/ JUD / 03/19 @ Pg. 21 (non publié).
58. La Cour constate que la qualité des 2°"° à 4°" requérants sur la base de
laquelle ils ont approché la Cour souffre d'un défi majeur pour sa recevabilité.
En prétendant demander justice en l'espèce, pour le 1°" requérant, cela signifie
qu'ils ne sont pas eux-mêmes, victimes de la violation alléguée. Dans cette
perspective, la Cour estime que les 2%"° à 4°m° requérants sont totalement
dépourvus de capacité juridique requise pour intenter une action devant la
Cour pour violation des droits de l'homme. Par conséquent, les 22° à 4ème
requérants ne sont pas qualifiés pour instituer la présente action.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 18 59. Le 5*"° requérant qui semble relever de l'exception établie selon laquelle les
personnes morales ont droit d'accéder à la Cour, subit également un sort
similaire d'absence de locus standi dans cette action. « Les dérogations
établies, en vertu desquelles les personnes morales peuvent intenter une
action en justice, sont les suivantes : les droits fondamentaux qui ne
dépendent pas des droits de l’homme et qui comprennent le droit à un procès
équitable, le droit à la propriété et le droit à la liberté d'expression ». Voir
DEXTER OIL LIMITED c. REPUBLIC OF LIBERIA (Supra) @ Pg. 21
60. Cependant, nonobstant ses allégations de violation du droit à un procès
équitable, le 5*"° requérant n'a présenté aucun élément de preuve établissant
qu'il existe une cause d'action entre elle et le défendeur justifiant ainsi son
allégation de violation du droit à un procès équitable. Le droit à un procès
équitable exige que les individus ne soient pas pénalisés par des décisions
affectant leurs droits ou leurs attentes légitimes, à moins d'avoir été notifié au
préalable d'une affaire, d'avoir eu la possibilité équitable d'y répondre et la
possibilité de se défendre.
61. L'affirmation du 5°" requérant selon laquelle les responsabilités en matière
d'immigration qu'elle a assumées à l'égard du 1” requérant couvrent toute
infraction en matière d'immigration présumée avoir été commise par le 1°"
requérant, n'est pas juridiquement viable. Les infractions présumées en
matière d'immigration à l'encontre du 1” requérant sont personnelles et
incessibles. La Cour estime que le 5*"° requérant n'a donc pas la capacité
juridique requise de partie au procès pour faire valoir un droit fondamental et
est par la présente, disqualifié.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 19 62. Le requérant a attrait le Service d'immigration du Aq, un agent du 1“
défendeur responsable des services d'immigration en tant que 2°" défendeur.
Dans l'affaire AG AT c. SIERRA LEONE (2016) CCI /
JUD / 17/16 (non publié) à la page 11, la Cour a conclu que:
«… (Elle) a toujours considéré que la protection des droits de l'homme
est la prérogative exclusive des Etats, et la Cour a ainsi exprimé cette
position dans de nombreuses décisions qu'elle a dû rendre, dont celle
rendue le 8 novembre 2010 dans l'affaire X Y c.
RÉPUBLIQUE OF NIGER (2010) CCJELR 109, où elle a déclaré qu’il
est de général admis que les procédures de violation des droits de
l'homme sont engagées contre des Etats et non contre les individus. En
effet, l'obligation de respecter et de protéger les droits de l’homme
incombent aux Etats ».
63. Conformément à la jurisprudence énoncée ci-dessus, la Cour est d'avis que le
2°me défendeur étant une agence du 1“ défendeur, ne peut pas être poursuivi
devant la Cour de justice de la Communauté, CEDEAO. La requête n'est donc
pas recevable contre le 2°" défendeur. Par conséquent, la Cour suo muto
annule l'action des requérants contre le 2%" défendeur. Le 2%" défendeur est
par conséquent disjoint de l'affaire.
IX. PROCEDURE DEVANT LA COUR :
a. Demande de procédure accélérée
64. Comme déjà indiqué au paragraphe 11 du présent arrêt, la demande initiale a
été déposée en même temps que deux autres demandes interlocutoires, à savoir:
« Demande de procédure accélérée et demande de mesures provisoires ».
TRADUIT PAR H. ISSAKA 20 65. Lors de la première session de la Cour, le 10 novembre 2020, la demande de
procédure accélérée du requérant a été entendue par la Cour. Le requérant, dans
ladite demande, a fait valoir qu'après sa libération sous caution, il était toujours
détenu à AS, séjournant dans un hôtel accumulant des factures, y vivant
dans une attente prolongée et manquant de fonds pour régler ses factures et ses
activités commerciales au niveau mondial, sont bloquées, d'où la demande de
procédure accélérée pour examiner en urgence l'affaire au fond afin de le
protéger de tout embarras potentiel et contre la ruine continue de sa fortune
commerciale.
66. En l'absence d'opposition de la part du défendeur et, surtout, après avoir
respecté et établi de manière convaincante l'urgence nécessitant une procédure
accélérée conformément aux articles 59 et 79 du Règlement de la Cour de
justice de la Communauté, la Cour a admis la demande de procédure accélérée
de l'affaire au principal.
b. Avis d'exception préliminaire:
67. Le défendeur, dans son avis d'exception préliminaire, a soutenu que le requérant
est un citoyen allemand et n'a pas démontré qu'il est citoyen d'un des Etats
membres de la CEDEAO, et qu'à ce titre, la Cour communautaire n'est pas
compétente pour statuer sur l'affaire. Le requérant s'est opposé à l'exception en
faisant valoir que, du moment où la violation alléguée s'est produite sur le
territoire d'un Etat membre, la Cour est compétente pour connaître de l'affaire.
68. Le 2 décembre 2020, lors d'une audience où toutes les parties étaient
représentées, la Cour a entendu et reçu des observations juridiques des parties
et décidé que la décision sur l'exception préliminaire qui a été traitée aux
TRADUIT PAR H. ISSAKA 21 paragraphes 43-57 sous la rubrique compétence, sera incorporée dans le
jugement définitif. En somme, la Cour rejette par la présente, l'exception
préliminaire soulevée par le défendeur relative à la compétence la Cour à
connaître de cette action au motif que le premier requérant n'est pas un citoyen
de la communauté.
X. L'AFFAIRE AU FOND:
a. Allégation d'arrestation et de détention illégales:
69. Le requérant, qui séjournait au Aq avec un visa d'affaires numéro
E0014938, affirme qu'il voyageait avec un passeport allemand no. C93X6CAL6;
avait déjà rempli les formalités de départ à l'aéroport international Ax
Af AUAJAH, Aj, Lagos, prêt à l'embarquement dans l'avion Ab
Aw AV 532 le 9 février 2020, lorsqu'il a été intercepté par les agents du
Service d'immigration, arrêté et détenu au bureau de l'aéroport par les agents
d'immigration qui n'ont pas révélé la raison de son arrestation et de sa détention
subséquente.
70. Le défendeur soutient que le requérant voyageait avec un faux passeport nigérian
qui serait faux, numéro A03685413 portant sa photo et d'autres détails, mais
lorsqu'il a été scanné, a révélé le nom, la photo d'identité et les détails d'une
nommée Au Ac, de nationalité nigériane. Cette affirmation du défendeur
a été réfutée avec véhémence par le requérant qui a expressément déclaré qu'il
n'avait ni demandé ni utilisé de passeport nigérian pour voyager ni aux fins
d'entrée ni de sortie des frontières nigérianes, le jour en question.
71. Le défendeur nie avoir violé les droits du requérant et déclare que, sur la base
de soupçon de contrefaçon du passeport standard nigérian no. A03685413 par
le requérant au MMIA, celui-ci a été arrêté et transféré à AS le 24 février
TRADUIT PAR H. ISSAKA 22 2020 et soumis aux procédures d'enquête de routine du service d'immigration
nigérian où des contrôles / enquêtes de son Unité Anti-fraude documentaire sont
effectués.
72. Après la conclusion des enquêtes, une plainte a été déposée devant la Haute
Cour fédérale d'Abuja contre le requérant en attendant une date à donner pour
l'audience.
73. Le requérant allègue notamment la violation de l'article 6 de la Charte et de
l'article 9 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH), qui
traitent tous deux d'arrestations arbitraires. L’article 6 de la Charte est ainsi
libellé: «Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des
conditions préalablement déterminés par la loi».
74 . Il est constant en droit que celui qui allègue doit prouver. La charge de la preuve
de la violation de ses droits incombe donc à celui qui doit établir les violations
telles qu'elles sont alléguées. En soulignant l’importance de la preuve, la Cour
dans FEMI FALANA & UN AUTRE. c. REPUBLIQUE DU BÉNIN & 2
AUTRES (2012) CCJELR 1 a conclu que: « Comme à l’accoutumée, la charge
de la preuve incombe à une partie qui affirme un fait et qui échouera si ce fait
ne parvient pas à atteindre le niveau de preuve qui convaincra le tribunal de
croire en la demande ».
75. En outre dans l’affaire DAOUDA GARBA c. REPUBLIQUE DU BÉNIN (2010)
CCJELR 1 au para. 34 & 35, la Cour a estimé que: « les cas de violation des
droits de l’homme doivent être étayés par des éléments de preuves qui
permettent à la Cour de les constater et de sanctionner ces violations s’il y a
lieu ».
TRADUIT PAR H. ISSAKA 23 76. La Cour a eu l'occasion de se prononcer sur l'arrestation et la détention illégales
dans l’affaire CHUDE MBA c. REPUBLIQUE DU GHANA (2013) CCJELR
335. Le requérant en l'espèce a été invité à un interrogatoire par une agence
gouvernementale qui l'a accusé de blanchiment d'argent, l'agence ne lui a pas
donné les détails du crime et ne l'a pas traduit devant un tribunal, il a été arrêté
et détenu pendant des heures mais plus tard libéré sous des conditions de mise
en liberté sous caution rigoureuses, il a été jugé que: « L'arrestation et la
détention du requérant ne sont pas_fondées sur des motifs raisonnables de
soupçon et constituent donc une violation du droit du requérant à ne pas être
arrêté ni détenu arbitrairement ».
77. En l'espèce, il a été établi en fait, que le requérant a été arrêté et détenu pendant
plusieurs jours par le Service de l'immigration du Aq sans être informé des
raisons de son arrestation et de sa détention. La question qui se pose est alors la
suivante: pourquoi n’a-t-il pas été informé des raisons de son arrestation et
pourquoi son arrestation et sa détention n’étaient-elles pas fondées sur des
motifs raisonnables de soupçon afin de la déclarer illégale ?
78. Sur la question du droit d'être immédiatement informé des raisons de son
arrestation, l'article 9 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques dispose que : « Tout individu arrêté sera informé, au moment de son
arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus
court délai, de toute accusation portée contre lui ».
79. Le Comité des droits de l'homme, dans son Observation générale n° 35 sur
l'article 9 du PIDCP (Liberté et sécurité de la personne), a reconnu que « non
seulement la privation de liberté doit être conforme aux lois établies, mais elle
doit également être accompagnée de garanties procédurales pour s’assurer
TRADUIT PAR H. ISSAKA 24 qu'une telle privation ne soit pas arbitraire. L'une de ces garanties procédurales
est qu'une personne arrêtée doit être immédiatement informée, au moment de
l'arrestation, des raisons de son arrestation et des charges retenues contre elle».
Voir la décision de la Cour africaine dans la REQUETE NO. 005/2013, ALEX
THOMAS c. REPUBLIQUE UNIE DE TANZANIE.
80. Dans l'affaire AY AO Z c. REPUBLIQUE DE GAMBIE
(2004-2008) CCJELR 181 @ pg. 197, cette Cour a jugé que: « L'arrestation du
requérant le 11 juillet 2006 par la police gambienne et sa détention au secret
sans avoir été inculpé ni informé de la raison de son arrestation, ni preuve que
l'acte était conforme à une loi précédemment établie, sont contraires aux règles
garanties par les articles 2, 6 et 7 (1) de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples ».
81. Bien que les agents du Service de l'immigration du Aq aient le droit inscrit
dans l'exercice de leur pouvoir discrétionnaire, d'arrêter ou de détenir toute
personne soupçonnée d'avoir commis une infraction relative à l'immigration, le
droit de toute personne arrêtée d'être informée du motif de son arrestation à
l'heure et sur le lieu de son arrestation n'est pas négociable et ne peut en aucune
circonstance, être dérogé.
82. Sur la base de la jurisprudence analysée sur le sujet ci-dessus, et du fait que le
requérant n'a pas été informé dans les délais les plus brefs des raisons de son
arrestation rend son arrestation manifestement contraire aux dispositions de
l'article 6 de la Charte et la Cour en conclut ainsi.
83. En ce qui concerne le caractère raisonnable du soupçon d’arrestation, l’affaire
Aa Ay AW At c. ROYAUME-UNI (1990) CEDH 12244/86; la
Cour européenne a estimé que: « Ce qui est raisonnable dépend de toutes les
TRADUIT PAR H. AQ 25 circonstances, mais l’on doit fournir à la Cour au moins certains faits ou
informations susceptibles de prouver que la personne arrêtée était
raisonnablement soupçonnée d’avoir commis l'infraction alléguée et non des
éléments de preuve de soupçons contre le requérant qui n’entreront pas dans
le but pour lequel le requérant a été arrêté ».
84. Il va donc de soi que l'expression «soupçon raisonnable» s'entend de l'existence
de faits ou d'informations qui convaincraient un observateur objectif qu'une
personne concernée aurait pu commettre l'infraction. En plus, il est
généralement admis en droit international que le respect des voies légales en cas
d'arrestation et de détention présuppose que le déni d'une liberté doit avoir une
base légale dans le droit interne de l'Etat.
85. La position ci-dessus exprimée dans le paragraphe précédent a été réitérée par
la Cour dans l’affarre X Y c. AZ BB AX &
UN AUTRE. (2010) CCJELR 109, le requérant qui était un ancien président de
la République du Niger a allégué que sa détention et son arrestation après le
renversement de son régime par un coup d'Etat étaient arbitraires, la Cour a
estimé que: « L'arrestation et la détention doivent avoir une base légale, qu'en
l'espèce, l'Etat du Niger n'a invoqué aucune base légale pour l'arrestation et la
détention de M. X Y ».
86. La Cour estime qu'il est impératif d'établir la véracité des affirmations des
parties quant au passeport avec lequel le requérant voyageait le jour en question
afin de déterminer si son arrestation et sa détention, sur la base du soupçon de
contrefaçon, étaient raisonnablement fondées. En effet, pour fonder un tel
soupçon, il doit d'abord et avant tout exister le passeport allégué et,
TRADUIT PAR H. ISSAKA 26 deuxièmement, le requérant doit en avoir été en possession au moment et à la
date de son arrestation.
87. Sous l’autorité de l'affaire FEMI FALANA & UN AUTRE c. REPUBLIQUE DU
BÉNIN & 2 AUTRES (supra), et dans les circonstances de l’espèce, aucune des
parties n’est seule à supporter la charge de la preuve et la détermination de la
charge de la preuve dépend du type de faits qu’il est nécessaire d'établir aux fins
de l'adjudication de l’affaire. Puisqu'il appartient à la Cour d'évaluer toutes les
circonstances de l'affaire en vue d'établir les faits, les parties aux présentes
porteront, chacune en ce qui la concerne, la charge de leurs allégations.
88. Dans cette perspective, le requérant, sur la prépondérance de la probabilité, a
produit des preuves irréfutables pour s'acquitter de la charge qui pèse sur lui
selon laquelle il est effectivement entré au Aq avec son passeport allemand
no. C93X6CAL6 ayant obtenu le numéro de visa d'affaires E0014938 pour entrer
au Aq. En effet, il a produit la preuve du visa numéro E0014938 dans son
passeport allemand et du cachet à son arrivée et en observant les formalités de
départ au MMIA, Lagos avant d'être appréhendé.
89. Il est également important de noter que la condition préalable à l'octroi d'un visa
aux demandeurs potentiels de visa est la vérification et l'authentification de la
validité de leur passeport par l'autorité chargée de la délivrance des passeports.
Cela signifie que le demandeur n'aurait pas pu obtenir un visa valide du Service
d'immigration du Aq s'il utilisait effectivement un faux passeport nigérian
comme le prétend le défendeur.
90. Ayant nié catégoriquement qu'il voyageait le 23 février 2020 avec un passeport
nigérian et qu'il n'était pas en possession d'un tel passeport avant son arrestation,
le prétend le défendeur à ladite date, la charge de prouver ces faits incombe au
TRADUIT PAR H. ISSAKA 27 défendeur. Cependant, le défendeur n'a malheureusement pas produit de preuve
crédible pour établir son allégation selon laquelle le requérant voyageait avec
un passeport nigérian qui aurait été falsifié, n°A03685413 portant sa photo et
d'autres détails, mais une fois scanné, a révélé le nom, la photo de passeport et
les détails d'une nommée Au Ac, de nationalité nigériane.
91. Dans le but d'étayer ses allégations de faux passeport standard nigérian No.
A03685413 par le requérant, le défendeur a annexé à son mémoire en défense,
le dossier/classeur contenant ledit passeport en possession du Service
d’immigration du Aq, marqué comme Pièce « NIS-2 ». Ce dossier/classeur
contient la déclaration de l’âge du détendeur du passeport, le reçu du paiement
des frais d’établissement du passeport, deux (2) formulaires à remplir par les
garants du passeport et une page des données biométriques du passeport qui
aurait été falsifié.
92. Tous les documents de la demande susmentionnés relatifs au prétendu passeport
falsifié faisaient référence à une certaine Ac Au demandeur du passeport
et datés du 3 octobre 2017, tandis que la page des données biométriques porte
la date de délivrance au 28 octobre 2018 d'une durée de validité de cinq ans
expirant le 28 octobre 2023. Cet élément de preuve présenté par le défendeur
donne clairement l'impression que le faux passeport allégué a été délivré à ladite
Ac Au, le 28 octobre 2018.
93. Le défendeur soutient que le passeport standard nigérian No. A03685413, qui
aurait été demandé, garanti et payé le 3 octobre 2017 mais étrangement délivré
le 28 octobre 2018, était le passeport que le requérant a modifié en y superposant
ses coordonnées.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 28 94. Ce qui est plus intriguant, c'est le fait que la prétendue fiche d’accusation du
requérant qui aurait été déposée devant la Haute Cour fédérale d’AS dans le
cadre de l’examen et des enquêtes pour usage de faux dirigées contre lui indique
que le requérant a « le 29 octobre 2016 ou après, au Service chargé des
passeports d’AS relevant du Service d'immigration nigérian… illégalement
altéré, modifié et falsifié un passeport nigérian standard no. A03685413, délivré
à l'origine à Au Ac ».
95. En supposant sans admettre l'allégation du défendeur sur la falsification du
passeport no. A03685413, la question à laquelle il faut répondre est de savoir
comment un passeport pourrait-il être falsifié en 2016, deux ans avant sa
délivrance en 2018? Encore une fois, croire les allégations du défendeur telles
que présentées dans cette poursuite suggère que le Service d'immigration du
Aq a délivré au requérant un visa d'affaires en utilisant un faux passeport
nigérian pour entrer au Aq. De l'avis de la Cour, cela est impossible compte
tenu des caractéristiques de sécurité détaillées dans les processus de
dédouanement à la disposition du défendeur et dans les divers aéroports
internationaux et les compagnies aériennes auxquels le requérant a accédé /
utilisé avant d'entrer au Aq.
96. Encore une fois, si le requérant s'est effectivement rendu au Aq et en est
sorti avec ledit passeport nigérian prétendument falsifié, il aurait dû y avoir des
preuves documentaires de l'estampillage au point de départ vers le Aq, au
point d'entrée au Aq et même pendant ses formalités de départ présumées
au lieu où il a été arrêté.
97. Contrairement au requérant qui a présenté une preuve de l'utilisation de son
passeport allemand à l'entrée et à la sortie du Aq, rien de cela n'a été
TRADUIT PAR H. AQ 29 présenté en preuve par le défendeur pour donner foi à son allégation selon
laquelle le requérant utilisait un faux passeport nigérian pour quitter le Aq.
98. Le défendeur a également présenté une feuille d'interrogatoire du Service
d'immigration du Aq qui comprend une déclaration présumée faite
volontairement par le requérant en date du 25 février 2020. Toutes les
informations contenues dans ce document se rapportent à une question
différente survenue en 2019 que celle dont la Cour est saisie. La Cour n'est pas
en mesure d'attribuer une valeur probante à de tels éléments de preuve au motif
qu'ils ne sont ni importants ni pertinents par rapport à la question en cause.
99. Dans une plus large mesure, la Cour considère que le témoignage du requérant
est cohérent et crédible et reste largement incontesté à l'effet qu'il était entré au
et sorti du Aq avec son passeport allemand no. C93X6C4L6 le 23 février
2020, lorsqu'il a été arrêté, détenu et ledit passeport confisqué par les agents du
défendeur.
100.Cependant, contrairement à ce que prétend le requérant, l'opportunité ou non de
son arrestation et de sa détention et la saisie de son passeport dans les
circonstances de l'espèce ne peuvent être fondées sur l'existence ou non d'un
mandat d'arrêt ou d'une ordonnance judiciaire autorisant son arrestation. Les lois
sur l'immigration du défendeur, comme celles de toute nation civilisée, donnent
à l'autorité de l'immigration un large pouvoir discrétionnaire pour arrêter et
détenir tout immigrant ainsi que la conservation de tout document trouvé sur lui,
sur le soupçon d'avoir commis une infraction d'immigration.
101.Ce qui rendrait illégale l'arrestation, la détention et la saisie de tout document
du requérant c'est lorsque le soupçon sur lequel il a été arrêté n'était pas
raisonnablement fondé sur le droit ou les faits (c'est-à-dire le ratio dans l'affaire
TRADUIT PAR H. AQ 30 Chude Mba précitée) ou toute action donnant lieu à l'arrestation qui a dépassé
le délai prescrit pour l'exercice dudit pouvoir discrétionnaire. Voir la LOI SUR
L'IMMIGRATION de 2015, (loi n° 8 de 2015) du Aq.
102.Lorsque la «légalité» de l’arrestation, de la détention et de la rétention de tout
document est en cause, y compris la question de savoir si « une procédure
prescrite par la loi » a été suivie, la Charte se réfère essentiellement aux lois
nationales et énonce l'obligation de se conformer à ses règles de fond et de
procédure. L'article 15 (4) de la loi sur l'immigration de 2015 du défendeur (loi
n° 8 de 2015) est instructif pour la présente affaire et stipule que: « Un agent
d'immigration peut examiner et détenir pendant la durée qu'il juge approprié,
aux fins d'un examen ne dépassant pas sept jours, tous les documents produits
ou trouvés lors d'une recherche en vertu du présent article ».
103. Il a été jugé que «le maître mot pour la validité de toute arrestation est la
légalité et le caractère raisonnable. Il s'ensuit donc que les pouvoirs
d'arrestation ne doivent pas seulement être prévus par la loi mais que les motifs
sur lesquels ils s'exercent doivent être raisonnables, sinon ce qui pourrait être
initialement licite devient arbitraire et illégal » Voir le cas MR. BF
Ah A c. REPUBLIQUE FEDERALE DU Aq (2016) ECW /
CCI / JUD / 26/16, page 17 (non publié).
104. La question de savoir quand l'arrestation et la détention sont ou deviennent
arbitraires ne trouve pas de réponse définitive dans les instruments
internationaux. La Déclaration universelle des droits de l’homme dispose
simplement à l’article 9 que: « Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni
exilé ». L'article 9 (1) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques
n’est guère plus clair: «Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa
TRADUIT PAR H. AQ 31 personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs, et
conformément à la procédure prévus par la loi».
105. La Cour a jugé que « La détention arbitraire, par contre, est une détention non
conforme au droit national ou international et qui se produit sans motif légitime
ou raisonnable ». Voir BENSON OLUA OKOMBA c. REPUBLIQUE DU
BÉNIN ECW/CCJ/JUD/05/17 PAGE 16. Non publié.
106. Malgré l'absence de définition précise, le droit intemational coutumier
considère comme arbitraires les privations de liberté qui, pour une raison ou une
autre, sont contraires aux dispositions intemationales pertinentes énoncées dans
la Déclaration universelle des droits de l'homme ou dans les instruments
internationaux pertinents ratifiés par les Etats. Un principe général établi dans
la jurisprudence est que la détention sera «arbitraire» lorsque, malgré le respect
de la lettre du droit national, il y a eu un élément de mauvaise foi ou de tromperie
de la part des autorités.
107. Dans l'esprit de la Cour, le cas d'espèce du requérant sent un élément de
mauvaise foi ou de tromperie de la part du Service d'immigration du Aq
qui, pour des raisons non divulguées, n'a pu présenter aucune preuve crédible
pour fonder la soupçon de faux ayant conduit à l'arrestation et la détention du
requérant. En effet, de la totalité des preuves présentées jusqu'à présent par les
deux parties, il n'y a aucun faisceau de preuves établissant un lien incriminant
entre le requérant et ledit passeport falsifié.
108. Compte tenu de l'analyse qui précède, la Cour estime que le soupçon sur
lequel le requérant a été arrêté et détenu n'était pas raisonnablement fondé sur
le droit ou les faits. Par conséquent, en l'absence de toute base légale pour son
TRADUIT PAR H. AQ 32 arrestation et sa détention, la Cour estime que l'arrestation, la détention et la
saisie du passeport allemand du requérant étaient non seulement arbitraires et
illégales, mais aussi une atteinte à ses libertés individuelles et un affront à la
dignité de sa personne humaine qui équivaut à une violation manifeste de ses
droits en vertu des articles 5 et 6 de la Charte.
b. Violation alléguée du procès équitable:
109. Le requérant affirme qu'à la suite de son arrestation illégale, il a été
initialement conduit au bureau du Service d'immigration du Aq de l'aéroport
MMIA. Il y a été gardé jusqu'à 14 heures le lendemain et embarqué du MMIA
via un vol Max Air vers un centre de détention à AS sans avoir été informé
des raisons de son arrestation et de sa détention, et il n'a pas non plus été présenté
à un juge ou libéré sous caution. Il allègue une violation de son droit d'être
traduit devant une juridiction compétente dans un délai raisonnable.
110. Tout en admettant que le requérant a été arrêté le 23 février 2020 au MMIA
et transféré à l'Unité Anti-fraude documentaire du centre de détention du Service
de l'immigration du Aq à AS le 24 février 2020, le défendeur affirme
qu'une plainte a été déposée devant la Haute Cour fédérale, Division judiciaire
d'Abuja, numéro d'accusation FHC / ABJ / CR / 152/2020 - République
fédérale du Aq c. Am C que le défendeur était en train de
traiter pour obtenir une date pour la mise en accusation.
111. L'article 7 (1) de la Charte prévoit et confère au requérant «le droit à ce que
sa cause soit entendue et d'être jugé dans un délai raisonnable par une
juridiction impartiale » après avoir été arrêté et détenu sur le soupçon d'avoir
commis un crime. En effet, comme indiqué dans une affaire relativement récente
de MR. BI BD c. REPUBLIQUE DU SENEGAL (2020) (non publié)
TRADUIT PAR H. ISSAKA 33 « Cette Cour a jugé dans une pléthore d'affaires que le droit à un procès
équitable garanti par l'article 7 de la Charte africaine est sacro-saint et n'admet
aucune dérogation. «L'article 7 (1) dispose clairement que toute personne a
droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend:
entre autres le droit à la présomption d'innocence, jusqu'à ce que sa culpabilité
soit établie par un tribunal compétent, le droit à la défense, y compris celui de
se faire assister par un défenseur de son choix et le droit d'être jugé dans un
délai raisonnable par un tribunal impartial » - (VOIR AY AO
Z c. REPUBLIQUE DE GAMBIE, CCJELR (2004-2008), p. 191, 8
21)».
112. L'objet de la détention aux fins d'interrogatoire du requérant était de
poursuivre une enquête pénale en confirmant ou en levant les soupçons relatifs
à son arrestation, qui a déjà été jugée déraisonnable. Sans avoir recours à la
détermination de la question de savoir si le soupçon de son arrestation était
fondé ou non, l'autorité chargée de l'arrestation en l'espèce était tenue par la loi
en vigueur du défendeur et ses obligations conventionnelles, de traduire le
requérant devant un tribunal dans un délai raisonnable ne dépassant pas deux
jours. VOIR LA SECTION 35 DE LA CONSTITUTION NIGERIANE DE 1999.
113. Le requérant a été arrêté le 23 février 2020 alors que la prétendue mise en
accusation a été déposée à la Haute Cour fédérale d'Abuja est datée du 4 août
2020. Une fois encore, aucune date n'a été fixée pour l'audition de l'accusation
présumée contre le requérant. Comment peut-on interpréter que le simple dépôt
d'une feuille d'accusation au greffe d'un tribunal sans date d'audience précise
équivaut à traduire en justice une personne arrêtée devant le tribunal? Dans l'état
actuel des choses, le requérant qui a été arrêté sans mandat d'arrêt ni ordonnance
du tribunal n'a reçu aucune date pour comparaître en justice.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 34 114. C'est sur la base de ce qui précède, et en l'absence de toute raison supérieure
invoquée par le défendeur nécessitant son défaut ou son incapacité à traduire le
requérant devant le tribunal depuis son arrestation le 23 février 2020, que la
Cour juge le défendeur en violation du droit du requérant à un procès équitable,
en particulier « le droit à ce que sa cause soit entendue et d'être jugé dans un
délai raisonnable par une juridiction impartiale » énoncé à l'article 7 (1) de la
Charte.
c. Sur la prétendue violation de la Liberté de mouvement
115. Le requérant soutient que depuis son arrestation et sa détention illégales le 23
février 2020, il a été confiné indéfiniment à AS contre sa volonté et aux
dépens de ses activités professionnelles. Son passeport allemand qui lui a été
confisqué est toujours sous la garde du Service d'immigration du Aq.
Aucun reçu de rétention de passeport ne lui a été délivré. Sa demande d'être
autorisé à prendre des dispositions pour quitter le Aq avec le vol secours
affrété par l'Allemagne et l'Union européenne au plus fort de la prévalence du
Covid-19 a été rejetée.
116. L'article 12 de la Charte dispose que «Toute personne a le droit de circuler
librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, sous réserve de se
conformer aux règles édictées par la loi. Toute personne a le droit de quitter
tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ».
117. La Cour fait remarquer qu'il ne fait aucun doute que la saisie du passeport
allemand du requérant et les conditions strictes de mise en liberté provisoire
l'ont empêché de quitter le Aq. Ayant jugé son arrestation et sa détention
TRADUIT PAR H. AQ 35 arbitraires et illégales, les restrictions imposées à la circulation du requérant
par les agents du défendeur constituent prima facie une violation de son droit
à la liberté de mouvement prévu à l'article 12 de la Charte et la Cour en conclut
ainsi.
d. Violation alléguée du droit à la dignité de la personne humaine et
torture:
118. Le requérant déclare qu'après son arrestation illégale, il a été initialement
conduit au bureau du Service d'immigration du Aq de l'aéroport MMIA
vers 10h00 du matin où il a été gardé sur un banc métallique jusqu'au départ
de son vol à 12 h 40 sans qu'aucun fonctionnaire ne s'occupe de lui. Il soutient
en outre qu'il a été obligé de dormir dans ce bureau sur le banc métallique sans
nourriture ni aucune courtoisie jusqu'à 14 heures le lendemain, date à laquelle
il a été embarqué du MMIA de Lagos vers un centre de détention d'Abuja sans
qu'on lui dise les raisons de son arrestation et de sa détention.
119. Il a été mis dans la dernière des cellules faite de barreaux métalliques qui était
bondée avec plus de quarante (40) autres détenus pendant plusieurs jours avec
une chemise sans tenir compte des conséquences sanitaires et malgré la
propagation répandue du Covid-19, sans installations sanitaires nécessaires,
ni une alimentation propre ou des soins médicaux et sans tenir compte de son
âge d'un homme de plus de soixante-cinq ans. Cela constitue pour lui une
torture, un traitement inhumain et dégradant qui lui a causé un traumatisme
psychologique. Aucun de ses associés ou membres de sa famille n'a été
informé de son incarcération.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 36 120. Sur la base de ces faits, le requérant sollicite une déclaration selon laquelle
son arrestation, son intimidation, son harcèlement et sa détention dans ce qu'il
décrit « des circonstances très douloureuses et dans des conditions aussi
atroces qu’inhumaines » du 23 février au 4 mars 2020 lorsqu'il a été libéré
sous caution, des actes qui enfreignent les dispositions de la loi anti-torture du
défendeur, de la loi sur la violence contre les personnes et de la convention
des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains et dégradants adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies
le 10 décembre 1984, entrée en vigueur le 26 juin 1987.
121. Tout en niant la détention du requérant dans une cellule bondée, le défendeur
déclare que la cellule de détention était bien meublée et qu'il n'avait aucune
obligation statutaire ou autre de communiquer officiellement avec la famille
du requérant au sujet de l’arrestation de celui-ci.
122. Réitérant sa position sur la question de la preuve, la Cour, dans l'affaire MUSA
SAIDYKHAN c. REPUBLIQUE DE GAMBIE (2010) CCJELR 139, a estimé
que « En acceptant la charge de la preuve, ceci veut dire qu’en fin de compte
le requérant n'a pas produit de preuve pour se débarrasser du fardeau qui
l’accule, il doit perdre la décision sur le point en question. Cependant, ceci
étant une affaire civile, le fardeau que la charge qui repose sur le requérant,
c’est la preuve selon le critère de la plus grande probabilité appelée parfois
probabilité raisonnable ».
123. L'article 5 de la Charte dispose que «Tout individu a droit au respect de la
dignité inhérente à la personne humaine et à la reconnaissance de sa
personnalité juridique. Toutes formes d'exploitation et d'avilissement de
TRADUIT PAR H. AQ 37 l'homme notamment l'esclavage, la traite des personnes, la torture physique
ou morale, et les peines ou les traitements cruels, inhumains ou dégradants
sont interdites ».
124. Après avoir étudié attentivement l'ensemble des éléments de preuve du
requérant, en particulier ceux présentés à l'appui de son allégation de torture
contre le défendeur, la Cour estime qu'il n'y a aucune raison de se livrer à une
analyse judiciaire de la question de savoir si un cas de torture peut être retenu
contre le défendeur. La raison en est que les faits présentés par le requérant et
les observations juridiques ultérieures sur le sujet ne justifient pas prima facie
un cas de torture qui nécessite l'analyse de la Cour. Dans ces conditions, la
Cour considère que, nonobstant les insuffisances regrettables évoquées aux
paragraphes 118 et 119 ci-dessus, le traitement incriminé ne peut être
considéré comme ayant fait souffrir le requérant au seuil de la torture. Par
conséquent, la réclamation du requérant concernant la violation du droit à la
torture est rejetée.
125. Cependant, l'allégation de violation du droit du requérant à sa dignité humaine
est soutenable sur la base des preuves disponibles dans les dossiers. La Cour
considère, sous cette rubrique, que les autorités, qui étaient dans l'obligation
de protéger la dignité et le bien-être du requérant, ont manqué à cette
obligation d'autant plus qu'aucun abri convenable n'était fourni au requérant,
le laissant passer une nuit entière sur un banc métallique, le 23 février 2020
dans l'enceinte de l'aéroport MMIA, Lagos.
126. La plainte du requérant selon laquelle il a été placé dans une cellule surpeuplée
vêtu d'une seule chemise où il a dormi sur le sol nu pendant des jours, associée
à l'absence d'installations sanitaires nécessaires en période de la pandémie
TRADUIT PAR H. AQ 38 hautement contagieuse de Covid-19, est une preuve évidente de traitements
inhumains et dégradants qui ont conduit au traumatisme psychologique qu'il
y a vécu. Il est incontestable que ces facteurs et d'autres entourant son
arrestation ont eu un effet négatif sur la dignité inhérente à sa personne
humaine, en particulier à un âge avancé de soixante-cinq (65) ans.
127. C'est pour ces motifs que, comme déjà indiqué, la Cour considère et conclut
que le droit du requérant à la dignité inhérente à sa personne, prévu à l'article
5 de la Charte, a été violé par le défendeur lors de son arrestation et détention
à la fois au bureau du MMIA à Lagos et au siège du Service d'immigration du
Aq à AS.
XI. SUR LA REPARATION
128. La Cour ayant jugé son arrestation et sa détention ainsi que la saisie du
passeport allemand du requérant comme illégales et constitutifs d’une
violation de ses droits, procédera à l'examen des réparations sollicitées par le
requérant pour déterminer l'étendue de la réparation / indemnisation pour
violation desdits droits.
129. A cette fin, les prétentions du requérant contenues dans les paragraphes «g»,
«h» ,« i » et « j » sont instructives et se présentent comme:
g- Une ordonnance obligeant le défendeur à remettre immédiatement et
sans condition au demandeur son passeport allemand numéro
C93X6CAL6 illégalement saisi par les agents du défendeur et à retirer
son nom de la liste de personnes à surveiller.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 39 h. Une ordonnance obligeant le défendeur à délivrer au requérant un visa
d'affaires à multiples entrées à titre gratuit d’une durée de validité de
deux ans au Aq pour lui permettre d'assister personnellement aux
accusations portées contre lui.
i. Condamner les défendeurs à payer la somme de N25 000 000 (Vingt
Cinq Millions AkAH à tire de dommages-intérêts spéciaux pour
compenser les diverses pertes et dépenses que le requérant a subies et
encourues pendant sa détention forcée au Aq.
j- Condamner les défendeurs au paiement au profit du 1” requérant la
somme de quatre millions de dollars américains (US$4 000 000) à titre
de dommages-intérêts généraux pour l'arrestation illégale, la perte
d'entreprise et les traitements inhumains et cruels subis alors qu'il était
placé en détention injustifiée par les défendeurs au Aq.
130. Il est de juridiction constante que le droit international dispose d'un droit à un
recours effectif en cas de violation des droits de toute personne mis en cause,
comme l'indique l'article 2 (3) a) du PIDCP qui prévoit:
Les Etats parties au présent Pacte s'engagent à: a) Garantir que toute
personne dont les droits et libertés reconnus dans le présent Pacte
auront été violés disposera d'un recours utile, alors même que la
violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice
de leurs fonctions officielles; b) Garantir que l'autorité compétente,
judiciaire, administrative ou législative, ou toute autre autorité
compétente selon la législation de l'Etat, statuera sur les droits de la
personne qui forme le recours et développer les possibilités de recours
juridictionnel; c) Garantir la bonne suite donnée par les autorités
TRADUIT PAR H. AQ 40 compétentes à tout recours qui aura été reconnu justifié». VOIR
RÉSOLUTION 60/147 DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE (PRINCIPES
FONDAMENTAUX ET DIRECTIVES CONCERNANT LE DROIT À
UN RECOURS ET À RÉPARATION DES VICTIMES DE VIOLATIONS
FLAGRANTES DU DROIT INTERNATIONAL DES DROITS DE
L'HOMME ET DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT
INTERNATIONAL HUMANITAIRE).
131. A cet égard, le PIDCP envisage spécifiquement l'indemnisation comme un
recours approprié dans certaines circonstances, comme dans le cas du
requérant, dont l'arrestation et la détention ont été jugées illégales, qui ont
conduit à une violation de son droit à la dignité de sa personne, au procès
équitable, à la liberté de mouvement et à la saisie de son passeport allemand.
132. La question demeure, cependant, de savoir s'il convient pour la Cour
d’accorder les réparations au titre de ces rubriques comme le demandait le
requérant, en particulier l'octroi d'une compensation financière, dans le cadre
de la réparation des violations de ses droits. La jurisprudence de la Cour
montre que la nature et la forme de tout recours utile devraient être
proportionnelles à la gravité du préjudice subi. Voir le cas MR. BA
AM & AUTRES c. REPUBLIQUE DU TOGO (2013) CCJELR 141
où il a été jugé que:
« La Cour de Justice de la CEDEAO n’a pas prévu un tel mécanisme
dans les textes régissant son mode de fonctionnement qui lui permet de
fixer précisément les indemnités à allouer aux requérants victimes de
violations des droits de l'homme. A défaut d’un système d'appréciation,
de calcul et de détermination des conditions de dépôt des demandes de
TRADUIT PAR H. AQ 41 satisfaction équitable, la Cour a opté pour une indemnisation des
dommages tant matériels que moraux basée sur une évaluation
forfaitaire des préjudices subis par le requérant ».
133. Un autre cas révélateur est l’affaire AK BJ & UN AUTRE c.
REPUBLIQUE DU GHANA (2014) ECW / CCJ / JUD / 11/14 (non publié)
@ page 17, où il a été jugé que « la réparation est un « recours axé sur la
victime » qui vise à réparer les griefs causés par des actes répréhensibles.
Outre le fait d’y remédier, la réparation tend également à dédommager les
victimes pour les pertes subies ».
134. Des mesures demandées par le requérant à titre de réparation, outre la
demande de restitution de son passeport allemand, les deux autres concernent
des dommages-intérêts spéciaux et généraux. Il convient de traiter ces trois
rubriques l'une après l'autre.
a. Restitution du passeport allemand au requérant:
135. Le requérant demande la restitution de son passeport allemand saisi qui est
sous la garde du défendeur depuis son arrestation et sa détention le 23 février
2020. Il soutient que la détention continue de son passeport par le défendeur
a pour effet de prolonger sa détention indirecte à AS, restreignant ainsi sa
liberté de mouvement.
136. La Cour ayant jugé la saisie du passeport allemand du requérant illégale et
dénuée de fondement en droit, rien ne justifie le maintien de celui-ci sous la
garde du défendeur. L'objectif visé par la Cour était de restaurer à toute
personne victime de violation sa situation d'antan lorsqu'elle a conclu que:
«la Cour… affirme que la réparation devrait autant que possible ramener les
requérants dans la situation où ils se trouvaient avant la violation de leurs
TRADUIT PAR H. AQ 42 droits et cette situation doit être proportionnée aux violations constatées,
selon les circonstances de chaque cas ». Voir LA SOCIETE BEDIR SARL c.
REPUBLIQUE DU NIGER, (2020) ECW / CCI / JUD / 11/20, (non publié).
137. Tout retard dans la remise dudit passeport au requérant pourrait exacerber
davantage la situation déjà instable dans laquelle se trouve le requérant plutôt
que de le rétablir dans sa situation d'antan. La Cour ne constate donc aucun
obstacle à l’ordonnance via restituto integrum, la restitution immédiate du
passeport allemand no. C93X6C4L6 et la Cour ordonne par la présente au
défendeur de remettre immédiatement ledit passeport au requérant.
b. Réparation sous forme de dommages spéciaux:
138. La réparation peut également prendre la forme d'une compensation pécuniaire
à titre de dommages-intérêts spéciaux. Lorsque la réparation prend la forme
de dommages-intérêts spéciaux, la Cour a estimé qu’elles « doivent être
spécifiquement excipés et prouvées avant d'être accordées. Il s'agit d’une
indemnisation pour des pertes qui peuvent facilement être quantifiées et
prouvées ». Voir CHEF EBRIMAH MANNEH c. REPUBLIQUE DE GAMBIE
(2004-2009) CCJELR 181 @ pg. 194 par. 29.
1439 Le requérant allègue que lors de son arrestation, un consultant en immigration
a été engagé pour obtenir sa libération et une somme importante de vingt mille
dollars américains (20 000 USD) a été dépensée dans le processus. Il a
présenté trois demandes de mise en liberté sous caution (PIECES 26 et 27
annexées à la demande initiale du requérant) adressées au défendeur par ces
consultants. Cependant, les frais réels de ces consultants n’étaient ni détaillés
ni spécifiées et aucun reçu de paiement n’a été présenté.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 43 140. Le fait que le requérant n'ait pas énuméré les charges des consultants avec des
preuves de paiement, bien que cela ne soit pas fatal pour cette réclamation
particulière, permet à la Cour d'accorder la réparation en recourant à sa
discrétion quant au montant. La Cour exercera donc son pouvoir
discrétionnaire et accordera au requérant la moitié de la somme sollicitée dans
sa demande, soit dix mille dollars américains ($10 000 US).
141. En plus, sous cette rubrique, le requérant allègue qu'à sa libération sous
caution le 4 mars 2020, il a été empêché de sortir d'Abuja au regard des
conditions de mise en liberté sous caution rigoureuses. Il a été contraint de
résider dans Ag Av, AS, où ses factures accumulées, couvrant
environ deux mois, du 4 février au 30 mars 2020, s'élevaient à 10 730 185
NGN (Dix millions, Sept cent quatre-vingt-cinq mille) Ak.
142. Le requérant affirme que ses factures de l'hôtel (Ag Av) continuent de
s’accumuler jusqu'à ce qu'il soit en mesure de quitter les lieux. Le requérant a
annexé à sa demande initiale une preuve du paiement des frais d'hôtel
(Ag Av) sous la forme d'un compte de rapprochement des clients
couvrant les deux mois pendant lesquels il a séjourné à l'hôtel. Les frais d'hôtel
projetés sur la base des frais de deux mois fournis par le requérant s'élèveront
à Cinquante-trois millions, Six cent cinquante mille nairas et neuf cent vingt-
cinq Kobo (53 650 925,00 NGN) pour la période de mars 2020 à février 2021.
143. La prétention du requérant sur le paiement de dommages-intérêts spéciaux,
même s'il cite « des dommages spéciaux de 25 000 000 NGN (Vingt Cinq
Millions de AkAH étant la réparation de diverses pertes et frais encourus par
le requérant pendant sa détention forcée au Aq, il a laissé entendre que
TRADUIT PAR H. AQ 44 le coût de la vie au Aq en raison des restrictions que lui a imposées le
défendeur ne cesse d'augmenter pour lui, jusqu'à ce qu'il obtienne sa liberté ».
144. La Cour estime qu'en tant que tribunal des droits de l'homme de la
Communauté, elle a compétence pour rendre toute sentence justifiée lorsque
les circonstances de l'affaire l'exigent et accorder toute réparation qui pourrait
être justifiée par une bonne justice. La Cour accordera donc les dépenses
projetées du requérant sur la base du coût de la vie prouvé de 10 730 185,00
NGN (Dix millions, Sept cent quatre-vingt-cinq mille AkAH dans son hôtel
actuel, Ag Av, pendant deux mois.
d. Réparation sous forme de dommages généraux:
145. La réparation peut également prendre la forme d'une compensation pécuniaire
à titre de dommages-intérêts généraux. Lorsque la réparation prend la forme
de dommages-intérêts généraux, la Cour a jugé que « les dommages-intérêts
généraux sont des éléments de préjudice ou de perte subis, auxquels ne peut
être attachée qu’une valeur subjective. Il peut s'agir par exemple, de la
douleur, de la souffrance physique, des souffrances et traumatismes
émotionnels, de la perte d’un compagnon, la perte de consortium, la
défiguration, la perte de réputation, la perte ou la détérioration des capacités
mentales ou physiques, la perte de la joie de vivre, etc. ». Voir CHEF
EBRIMAH MANNEH c. REPUBLIQUE DE GAMBIE (supra).
146. Dans l’affaire MR. BF Ah A c. REPUBLIQUE
FEDERALE DU Aq (2016) ECW/ CCI / JUD / 26/16 @ page 22 (non
publiée), la Cour a jugé que « ayant conclu que l'arrestation et la détention
du demandeur étaient illégales, accorde par la présente des dommages-
TRADUIT PAR H. ISSAKA 45 intérêts au demandeur pour toute la douleur et la souffrance, l'humiliation, la
gêne et les inconvénients qu'il a subis du fait de son arrestation et de sa
détention ».
147. Le requérant est un aviateur professionnel qui était en voyage d'affaires de sa
base au KENYA à Luanda en ANGOLA. Billet aller-retour pour l’Angola
plus factures d’hôtel (Pièces 9, 10 et 11). Durant le voyage, il a été invité à
changer son plan de vol pour se rendre au Aq pour des négociations
commerciales. Pendant son séjour au Aq, il a été invité à participer à des
négociations commerciales à Istanbul en Turquie. (Les ressortissants
allemands sont exemptés de visa pour se rendre en Turquie). (Les Pièces 15
et 16 représentent, respectivement, les billets et le projet de contrat à finaliser
lors de la visite en Turquie.
148. Globalement, toutes ses activités professionnelles s’opèrent avec de lourdes
pertes, l'un des principaux contrats pour lesquels il travaillait a été résilié et
un nouveau contrat devant être signé en Turquie n'a pas abouti en raison de
son incapacité à se rendre en Turquie à temps et il doit être perçu avec des
réparations pour son manquement. Ci-joint en Pièce n°15, son programme de
vol à destination de la Turquie pour la poursuite de son voyage d'affaires et
un contrat en cours de négociation d'une valeur minimale de US$1 032 000
(un Million et Trente-deux mille dollars américains par an) avec le 5°"
requérant.
149. La Cour a jugé plus haut, que l'arrestation et la détention du requérant étaient
illégales. La Cour fait remarquer qu'en tant qu'homme d'affaires de renommée
mondiale, son arrestation et sa détention ont eu un impact négatif considérable
sur ses affaires. Il a présenté des éléments de preuve à l'appui de certaines des
TRADUIT PAR H. AQ 46 pertes subies et des pertes potentielles qu'il risque de subir à l'avenir en raison
de son incarcération. Il doit à nouveau être surtaxé pour violation de certaines
obligations contractuelles. I] devra peut-être renoncer à certains billets d'avion
car il ne pouvait pas informer ses partenaires de son incapacité à voyager aux
dates prévues.
150. La Cour ayant raisonnablement tenu compte de tous les dommages subis dont
le requérant se plaint, à savoir: la douleur qu'il a subie; l'effet de l'incarcération
sur sa santé; les dépenses accessoires aux tentatives d'obtention de sa liberté;
la perte pécuniaire subie due à l'incapacité de s'occuper de sa profession ou de
son entreprise; le traumatisme moral et psychologique qu'il a subi, décide
d'accorder au requérant une somme forfaitaire de Dix millions de nairas (NGN
10 000 000) à titre de dommages-intérêts généraux contre le défendeur.
DISPOSITIF
151. Par ces motifs, la Cour, statuant en audience publique, après avoir entendu les
deux parties, et leurs conclusions dûment examinées à la lumière de la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples et d'autres instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme, ainsi que du Protocole relatif à
la Cour tel que modifié et le Règlement de la Cour, déclare ce qui suit:
Sur la compétence:
a. Dit qu'elle est compétente pour connaître de l’affaire.
Sur la recevabilité
b. Dit que les 28° à 5è"° requérants sont mis hors cause.
c. Déclare irrecevable, la requête contre le 2°"° défendeur.
d. Déclare recevable, la requête contre le 1” défendeur.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 47 Quant au respect du Règlement de la Cour.
e. Constate que le requérant a respecté l'Article 28, paragraphe 3, du Règlement
de la Cour.
f. Constate le respect par le requérant de l'Article 33, paragraphe 2, du
Règlement de la Cour.
Sur le fond
a. Dit que l'arrestation et la détention du requérant et la saisie de son passeport
allemand par le défendeur sont arbitraires et illégales.
b. Constate une violation du droit du requérant à un procès équitable par le
défendeur.
c. Constate une violation du droit du requérant à la liberté de mouvement par le
défendeur.
d. Constate une violation de la dignité du requérant par le défendeur.
e. Constate qu'il n'y a pas eu violation du droit du requérant contre la torture par
le défendeur.
f. Rejette toutes les demandes du défendeur.
SUR LA REPARATION.
De la restitution du passeport du requérant:
Ordonne au défendeur de remettre immédiatement et sans condition au
requérant son passeport allemand numéro C93X6C4L6 et de retirer son nom
de la liste des personnes à surveiller.
Des dommages-intérêts spéciaux
Ordonne au défendeur de payer au requérant la somme de cinquante-trois
millions, six cent cinquante mille nairas et neuf cent vingt-cinq Kobo (NGN
53 650 925,00) à titre d'indemnité pour dommages-intérêts spéciaux pour
TRADUIT PAR H. ISSAKA 48 diverses pertes et frais encourus par le requérant pendant sa détention forcée
par le défendeur à AS.
Ordonne en outre au défendeur de payer au requérant la somme de dix mille
dollars américains (10 000 $ US) correspondant aux dépenses encourues par
le requérant pour obtenir sa liberté sous caution.
Des dommages généraux
Ordonne au défendeur de payer au requérant la somme de Dix millions de
nairas (NGN10 000 000) en réparation de toutes les violations de ses droits et
préjudice moral subis.
XIII. CONFORMITE ET RAPPORT:
Ordonne au défendeur de soumettre à la Cour, dans les deux (2) mois à compter de
la date de notification du présent arrêt, un rapport sur les mesures prises pour mettre
en œuvre les ordonnances énoncées dans les présentes, sauf la délivrance du
passeport allemand du requérant, qui sera sans délai.
SUR LES DEPENS:
Chaque partie supporte ses propres dépens.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 49 zæz_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_— Et ont Signé:
Hon. Juge Edward Amoako ASANTE - Président / Juge Rapporteur Hon. Juge Dupe ATOKI - Membre
Hon. Juge Januaria T. Silva Moreira COSTA - Membre
Assistés de :
M. Ai AP - Greffier en Chef
Fait à AS, le 4 mars 2020 en anglais et traduit en français et en portugais.
TRADUIT PAR H. ISSAKA 50


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCJ/JUD/03/21
Date de la décision : 04/03/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2021-03-04;ecw.ccj.jud.03.21 ?
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