ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 24 février 2022
Recours : n° 137/2021/PC du 14/04/2021
Affaire : Société KOREAN NATIONAL INSURANCE CORPORATION
(KNIC)
(Conseil : Maître Éric BABLY, Avocat à la Cour)
Contre
Société AVENI-RE
(Conseils : Cabinet AMADOU FADIKA & Associés, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 051/2022 du 24 février 2022
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 24 février 2022 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président, Rapporteur
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur la requête enregistrée au greffe de la Cour de céans le 14 avril 2021 sous le n°137/2021/PC et formée par Maître Éric BABLY, Avocat à la Cour, demeurant à Ac Ak, Val Doyen, Avenue Ad Af, agissant au nom et pour le compte de la Société KOREAN NATIONAL INSURANCE CORPORATION dite KNIC, société anonyme de droit coréen dont le siège social à Ae Aj, Central District, Pyongyang, Ag Ab de Corée, dans la cause qui l’oppose à la Société AVENI-RE SA enregistrée sous le numéro RCCM CI-ABJ-2004-B6513 dont le siège est à Ac Aa et ayant pour conseils Cabinet AMADOU FADIKA & Associés, Avocats à la Cour, sis à Ac Aa, Avenue Ah Ai, Cité Esculape,
en annulation de l’arrêt n°218/21 du 12 mars 2021 rendu par la Cour de cassation de Côte d’Ivoire et dont le dispositif est le suivant :
« Casse l’arrêt n°18 com/19 rendu le 01/02/2019 par la Cour d’Appel d’Ac ;
Renvoie la cause et les parties devant la même cour autrement composée ; Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’appel d’Ac en marge ou à la suite de l’arrêt cassé. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique d’annulation tel qu’il figure au recours annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Mahamadou BERTE, second Vice-Président ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu qu’il ressort des éléments du dossier de la procédure, que courant 2012, la société KOREAN NATIONAL INSURANCE CORPORATION dite KNIC a souscrit avec la société de réassurance AVENI-RE, un contrat d’assurance couvrant des produits alimentaires et qui incluait une clause d’arbitrage ; que suite à un sinistre survenu aux produits, la société KNIC estimant que sa contractante a refusé de payer la totalité du montant dû, a sollicité et obtenu de la juridiction présidentielle du tribunal de commerce d’Ac, l’ordonnance d’injonction de payer n°2579 du 20 juillet 2017 portant sur la somme de 375.199.756 F CFA ; que sur opposition de la société AVENI-RE, cette ordonnance a été retractée par jugement RG n°3180/2017 du 15 juillet 2017 du Tribunal de commerce d’Ac ; qu’infirmant ce jugement, la Cour d’appel d’Ac a, par arrêt n°18 Com/19 rendu le 1“ février 2019, condamné la société AVENI-RE à payer à KNIC la somme de 375.199.756 F CFA ; que sur pourvoi de la société d’assurance, la Cour de cassation de Côte d’Ivoire a rendu le 12 mars 2021, l’arrêt n°218 objet du présent recours en annulation ;
Sur la recevabilité du recours en annulation
Attendu que dans ses écritures déposées au greffe de la Cour de céans le 14 septembre 2021, la société AVENI-RE a soulevé l’irrecevabilité du recours en annulation initié par la société KNIC, aux motifs d’une part, que celle-ci n’a pas,
en application des dispositions de l’article 28, alinéa 1 a) et b) du Règlement de procédure de la CCJA, mentionné dans ledit recours, le domicile des parties et n’a pas produit, conformément à l’article 28, alinéa 5 du Règlement précité, un extrait récent de son registre de commerce, celui produit datant de l’année 2005 ; que d’autre part, la demanderesse en annulation n’a pas fait la preuve qu’elle avait, en application de l’article 18 du Traité instituant l'OHADA, soulevé devant la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, l’incompétence de celle-ci ;
Attendu, de première part, que s’il ressort de l’article 28 du Règlement de procédure de la CCJA que le recours doit contenir les noms et domicile du requérant, les noms et domiciles des autres parties à la procédure devant la juridiction nationale et de leur avocat et qu’il doit y être joint, s’agissant d’une personne morale, ses statuts ou un extrait récent du registre de commerce et du crédit mobilier, ou toute autre preuve de l’existence juridique, il reste cependant, que le même article 28 en son point 6, permet la régularisation du recours ou la production de pièces en cours de procédure ;
Attendu, en l’espèce, qu’il ressort des éléments du dossier que la société KNIC a procédé à la régularisation de son recours en mentionnant dans son mémoire en réplique reçu au greffe de la Cour de céans le 15 octobre 2021, le siège social des parties et en produisant, en plus du document de 2005, la « licence d’affaire » datant du 10 décembre 2020 ;
Attendu, de seconde part, qu’aux termes de l’article 18, alinéa 1 du Traité instituant l’OHADA : « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.» ; que la preuve du déclinatoire de compétence peut s’établir aussi bien par sa mention dans l’arrêt querellé que par sa mention dans un mémoire enregistré au niveau du greffe de la juridiction nationale de cassation dont la compétence est contestée ;
qu’en l’espèce, il ressort du "mémoire en cassation" en date du 06 novembre 2019, enregistré à la Cour Suprême le 11 novembre 2019 sous le n°241/19, que la demanderesse en annulation a soulevé in limine litis le moyen tiré de l’incompétence de la Cour Suprême ; que bien que ce déclinatoire de compétence ait été éludé par ladite cour, sa preuve est suffisamment rapportée par le mémoire susvisé ; qu’il y a lieu de dire que le recours satisfait aux conditions de recevabilité édictées par l’article 18 du Traité et l’article 28 du Règlement de procédure ; qu’en conséquence, il échet de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par AVENI-RE ;
Sur l’annulation de l’arrêt n°218/21 du 12 mars 2021
Attendu que la requérante demande à la Cour de céans de déclarer nul et non avenu l’arrêt n°218/21 du 12 mars 2021 de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire sur le fondement des articles 14, 15 et 18 du Traité susvisé au motif que, passant outre l’exception d’incompétence qu’elle a soulevée devant ladite Cour, celle-ci a rendu la décision attaquée ; que selon elle, les juridictions étatiques ayant été saisies d’une procédure d’injonction de payer régie par l’Acte uniforme portant Organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le recours en cassation est de la compétence exclusive de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage conformément à l’article 14 du Traité susvisé ;
Attendu qu’aux termes de l’article 18 du Traité susvisé, « toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu’elle notifie tant aux parties qu’à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s’est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est nulle et non avenue. » ;
Attendu, en l’espèce, qu’il ressort du dossier de la procédure que, bien que l’Arrêt n°218/21 du 12 mars 2021 de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, n’ait pas fait état de l’exception d’incompétence soulevée par la société KNIC, celle-ci avait, par mémoire en date du 06 novembre 2019, reçu le 11 novembre 2019 à ladite Cour sous le n°241/19, soulevé l’incompétence de la Cour de cassation de Côte d’Ivoire, à connaître du pourvoi exercé devant elle par la société AVENI-
Attendu par ailleurs qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure et notamment de la requête en date du 14 juillet 2017, que les juridictions étatiques étaient saisies d’une procédure aux fins d’injonction de payer, régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il ressort de ce qui précède, que l’affaire qui a donné lieu à l’Arrêt attaqué soulève bien des questions relatives à l’application d’un Acte uniforme ; que la Cour de cassation de Côte d’Ivoire s’étant déclarée compétente à tort pour connaitre du pourvoi en cassation exercé par la société AVENI-RE contre l’arrêt n°18 Com/19 de la Cour d’appel de commerce d’Ac, sa décision est réputée nulle et non avenue en application des dispositions sus énoncées du Traité instituant l’'OHADA ;
Sur les dépens
Attendu que la société AVENI-RE, ayant succombé, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare le recours recevable ;
Dit que la Cour de cassation de Côte d’Ivoire s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi en cassation formé par la société AVENI-RE ;
Déclare en conséquence nul et non avenu l’arrêt n°218/21 du 12 mars 2021 rendu par la Cour Suprême de Côte d’Ivoire ;
Condamne la société AVENI-RE au dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier