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05/12/2023 | CEDEAO | N°ECW/CCI/JUD/50/23

CEDEAO | CEDEAO, Cour de justice de la communauté des etats de l'afrique de l'ouest, 05 décembre 2023, ECW/CCI/JUD/50/23


Texte (pseudonymisé)
“ COMMUNITY COUR DE JUSTICE COURT DE OF LA JUSTICE, COMMUNAUTE, ECOWAS CEDEAO
Se TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
AW Au BJ AUBF Au BB)
C
BM LA REPUBLIQUE DU BENIN
Affaire N° ECW/CCIJ/APP/15/22 - Arrêt N° ECW/CCI/JUD/50/23
ARRET
BC
Le 5 decembre 2023
1
Plot 1164 Ag Ac Al, Gudu District, BC C.
www.courtecowas.org AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/15/22
ARRET N° ECW/CCJ/TUD/S0/23
ENTRE
AW Au BJ

REQUERANT
(AKA SUNDAY IGBOHO)
ET
LA REPUBLIQUE DU BENIN DEFENDERESSE
COMPOSITION DE LA COUR
Ho...

“ COMMUNITY COUR DE JUSTICE COURT DE OF LA JUSTICE, COMMUNAUTE, ECOWAS CEDEAO
Se TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
DES ETATS DE L’AFRIQUE DE L’OUEST (CEDEAO)
AW Au BJ AUBF Au BB)
C
BM LA REPUBLIQUE DU BENIN
Affaire N° ECW/CCIJ/APP/15/22 - Arrêt N° ECW/CCI/JUD/50/23
ARRET
BC
Le 5 decembre 2023
1
Plot 1164 Ag Ac Al, Gudu District, BC C.
www.courtecowas.org AFFAIRE N° ECW/CCJ/APP/15/22
ARRET N° ECW/CCJ/TUD/S0/23
ENTRE
AW Au BJ REQUERANT
(AKA SUNDAY IGBOHO)
ET
LA REPUBLIQUE DU BENIN DEFENDERESSE
COMPOSITION DE LA COUR
Hon. Juge Gberi-Bè OUATTARA -Président
Hon. Juge Sengu Mohammed KOROMA - Membre
Hon. Juge Ricardo Claûdio Monteiro GONÇALVES - Rapporteur
ASSISTÉS DE :
Dr. Ab AX -Greffier en Chef
REPRESENTATION DES PARTIES
Me Tosin Ojaomo - Avocat du requérant 1. Cet arrêt de la Cour est rendu en audience publique virtuelle,
conformément à l'article 8 (1) des Instructions Pratiques sur la Gestion
Électronique des Affaires et des Audiences Virtuelles de la Cour de 2020.
II. LES PARTIES
2. Le requérant, AW Au BJ AUBF Au BBBM, est un
citoyen nigérian de la CEDEAO, mari, père, homme d'affaires, philanthrope,
activiste politique et, en fin de compte, un amoureux des AH.
3. La défenderesse est la République du Togo, État membre de la
Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et
signataire de la Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, ci-
après dénommée la Charte africaine.
4. En l'espèce, le requérant a invoqué la violation de ses droits de l'homme,
puisqu'il est militant politique plaidant en faveur de l'autodétermination des
AH, ayant tout d’abord organisé des rassemblements ; qu'il avait prévu
de culminer ses rassemblements populaires par une grande marche prévue le
lundi 5 juillet 2021 à Lagos, au C ; que le jeudi 1“ juillet 2021, un
bataillon de soldats nigérians a assailli son domicile à Ah, Ibadan, sans
mandat de perquisition ni mandat d'arrêt, plusieurs coups de feu ont été tirés
sur sa maison, qui abritait également sa famille, ses amis et associés ; il est
devenu un réfugié politique fuyant le C pour se rendre en Allemagne,
en passant par la République du Bénin voisine; le lundi 19 juillet 2021 ou
aux alentours de cette date, son voyage a été stoppé par les autorités béninoises qui l'ont arrêté, lui et sa femme, à l'aéroport de Cadjehoun à
As ; il est depuis lors retenu prisonnier au Bénin sans qu’aucune
accusation pénale ou procédure régulière ne soit en cours dans ce pays.
IV. PROCÉDURE DEVANT LA COUR
5. La requête introductive d'instance (Doc.1), accompagnée d'une demande
de procédure accélérée (Doc. 2), ont été enregistrées au Greffe de cette Cour
le 11 février 2022.
6. Le 16 février 2022, l'Etat défendeur, le Bénin, a été dûment notifié mais il
n’a pas répondu.
7. Le 15 décembre 2022, le requérant a déposé une requête demandant un
arrêt par défaut (Doc. 3), qui a été notifiée à la défenderesse, qui n'a pas
répondu.
8. Le 29 septembre 2023 fixé pour l'audition des parties, seul le représentant
du requérant a comparu à l'audience, au cours de laquelle il a déclaré que son
client avait été libéré le 7 mars 2023 et que son passeport lui avait été restitué
il y a environ deux mois. Le représentant du requérant a ensuite formulé ses
observations orales.
9. Le procès a été reporté au 5 decembre 2023.
V. LES ARGUMENTS DU REQUERANT
a. Résumé des faits
10. Le requérant, AW BJ, est un citoyen nigérian de la CEDEAO,
mari, père, homme d'affaires, philanthrope, activiste politique et, en fin de
compte, un amoureux des AH. 4 12 11. Invoquant l'insécurité, le génocide et les crimes contre l'humanité
perpétrés à l'encontre du peuple AH au C, AW Au BJ
est devenu un militant politique plaidant en faveur de l'autodétermination des
AH, conformément à :
i. L'article 20 (1) de la Charte de Banjul,
ii. L'article 1°" du Pacte Internationale relative aux droits économiques,
sociaux et culturels, et
iii. L'article 1 du Pacte Internationale des Droits Civils et Politiques, pour
assurer la sécurité du peuple par le biais de l'indépendance vis-à-vis du
C, le gouvernement ayant démontré qu'on ne pouvait lui faire
confiance à cet égard.
12. Le C étant membre de la CEDEAO, le fait d'être citoyen nigérian
fait de AW BJ un « citoyen de la communauté », conformément à
l'article 1(1)(a) du Protocole A/P3/5/83 de la CEDEAO.
13. La défenderesse est un État membre de la Communauté Économique des
États de l'Afrique de l'Ouest.
14. AW BJ est une voix de premier plan qui condamne le terrorisme
dont sont victimes les agriculteurs et les autres habitants des zones rurales de
la région du sud-ouest du C, dans laquelle nombre des victimes qui ont
survécu ont identifié leurs assaillants comme étant d'origine fulani.
15. Au cours de son plaidoyer, AW BJ a signé une pétition pressante
adressée à la Cour pénale internationale (CPI) au titre du Statut de Rome,
jointe à la présente demande en tant que pièce A, mais consultable et
téléchargeable depuis le cloud de Ae Ay AK ce lien:
16. La requête à la CPI fait état d’une collusion entre des fonctionnaires du
gouvernement nigérian pour commettre un génocide et des crimes contre
l'humanité, perpétrés contre le peuple AH, afin de lui arracher ses terres
ancestrales (pièce à conviction A, requête à la Cour pénale internationale,
Alliance pour la stratégie AH, datée du 8 juillet 2021).
17. Estimant inutile que les AH soient une nation au sein de l'État
nigérian, M. BJ a tout d’abord organisé des rassemblements
pacifiques pour sensibiliser ce peuple AH à l'autodétermination et à la
nécessité d'avoir un pays indépendant de l'entité actuelle que constitue le.C.
18. À chaque rassemblement, AW BJ menait une marche à travers
la ville, prononçait un discours devant la foule, puis s’arrêtait devant le palais
du monarque local pour lui rendre hommage.
19. Alors que AW BJ poursuivait sa tournée de rassemblements
pacifiques à travers les Aa AH, ceux-ci prenaient de l'ampleur ; chaque
rassemblement était plus important que les précédents.
20. AW BJ a suscité l'attention du public et a attiré des milliers de
personnes, comme on peut le voir sur ce lien YouTube, https://youtu.be/-
O6L2bzhU-E ; la vidéo peut également être visionnée et téléchargée sur le
cloud de Ae Ay Ai AK ce lien :
Oa&authuser=ade %40oapc.law&usp=drive_fs (Pièce à conviction B, une
clé USB contenant la vidéo YouTube de la marche de AW Au
BJ).
21. AW BJ avait prévu de faire culminer ses rassemblements
populaires par une grande marche prévue lundi S juillet 2021 à Lagos, au 22. Lagos étant la ville la plus peuplée et la plus métropolitaine du C,
le succès du rassemblement de Lagos avait pour but de propulser le
mouvement d'autodétermination des AH, afin d'accroître l’élan politique
nécessaire à l'indépendance du peuple AH vis-à-vis du.C.
23. Le jeudi 1“ juillet 2021, un bataillon de soldats nigérians a assailli le
domicile de AW BJ à Ah, Ibadan, où plusieurs coups de feu ont
été tirés sur sa maison qui abritait Chief, sa famille, ses amis et ses associés.
24. Au cours de l'assaut contre AW BJ, exécuté sans mandat de
perquisition ni mandat d'arrêt, les soldats ont commis des meurtres et arrêté
plusieurs visiteurs de AW BJ, notamment la personnalité médiatique
populaire, Mme. Ar Av, également connue sous le nom de
« Lady K ».
25. Pendant l'attaque de la maison de AW BJ, avant que les soldats
ne découvrent l'emplacement de « Lady K » et ne l'arrêtent, celle-ci a réalisé
une diffusion en direct documentant l'évènement
26. Le lien YouTube ci-dessous mène à une vidéo de la diffusion en direct
de Lady K pendant l'attaque de la maison de AW BJ ; des coups de
feu interrompent la diffusion de Lady K, qui alterne entre le AH et
l'anglais : https://www.youtube.com/watch?v=aZHvObZtMow
27. La vidéo peut également être visualisée et téléchargée depuis le cloud de
Ae Ay AK ce lien :
ii. Pièce à conviction C, une clé USB contenant la vidéo YouTube de la
diffusion en direct de Mme. Ar Av, également connue sous le
nom de « Lady K », concernant l'attaque des soldats nigérians sur la maison 28. Sans la retransmission en direct de Lady K pendant l'attaque du
gouvernement nigérian, l'attaque des soldats au domicile de AW BJ
aurait, comme d'habitude, été attribuée à des « tireurs inconnus » . Voir la
pièce à conviction D, la Déclaration de Mademoiselle Ar Av,
également connue sous le nom de « Lady K », datée du 20 janvier 2022).
29. Lorsque les soldats nigérians ont assailli la maison de AW BJ, il
s’est caché.
30. AW BJ est finalement devenu un réfugié politique fuyant le
C pour se rendre en Allemagne, en passant par la République du Bénin
voisine.
31. Le lundi 19 juillet 2021 ou aux environs de cette date, le voyage de AW
BJ a été stoppé par les autorités béninoises qui l'ont arrêté, lui et sa
femme, à l'aéroport Cadjehoun de As ; il est depuis lors retenu
prisonnier au Bénin, sans qu'aucune accusation pénale ou procédure
régulière ne soit en cours et son passeport a également été saisi.
32. Durant son incarcération au Bénin, l'avocat de AW BJ a intenté
un procès en son nom devant la Haute Cour de l'État d'Oyo, demandant des
dommages et intérêts contre le procureur général du C, Am
Af, les services de sécurité de l'État (SSS) et la Banque centrale du
C (CBN).
33. En date du 17 septembre 2021, la Haute Cour de l'État d'Oyo a confirmé
le droit du AW BJ à l'activité politique dans le cadre de
l'autodétermination du peuple AH et a ordonné le paiement de 20
millions de dollars de dommages et intérêts au AW BJ AUvoir pièce
E, jugement de la Cour Haute de Justice, État d'Oyo du C : le AW
Au BJ c. Procureur général de la Fédération, et al, affaire N° 34. Au moment du dépôt de cette demande, le Bénin détient le AW
BJ prisonnier, sans procédure régulière.
b. Moyens de droit
35. Le requérant a fondé ses allégations sur les articles :
i. 3 (2) (d) (iii), 56 (2) et 57(1) du Traité Révisé de la Communauté
Économique des États de l'Afrique de l'Ouest ;
ii. 12, 4, 5, 6, 7 (1), 12 (1) à 12 (3) et 17 (2) de la Charte africaine ;
iii. 26 de la Convention sur les Réfugiés ;
iv. 5 (2) du Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et
Culturels (PIDESC) ;
v. 9, 12 et 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques
(PIDCP) ;
vi. 3, 5, 9, 12, 13 et 14 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme
(DUDH).
36. Il a également invoqué la jurisprudence de la Cour de céans.
c. Conclusions de le requérant
37. Le requérant demande à cette Cour :
i. Une déclaration que les actions du Bénin concernant le AW BJ
sont illégales, pour :
a) L'arrestation et la détention arbitraires,
b) la violation de sa liberté de mouvement, ‘ { a c) la violation de son droit à un procès impartial dans un délai raisonnable,
et
d) la violation de sa dignité de personne humaine.
ii. Une ordonnance pour la libération immédiate et inconditionnelle du AW
BJ, ainsi que de la restitution de son nigérian, dans l'attente de son
procès et de la détermination des dommages et intérêts ;
iii. Une ordonnance accordant des dommages-intérêts généraux au AW
BJ, d'un montant équivalent à 1 000 000 $ ( US), pour chaque jour
d'incarcération du AW BJ au Bénin, jusqu'à la date de sa libération
et de la restitution de son passeport nigérian, et
iv. TOUTES AUTRES DECISIONS que cette honorable Cour pourra juger
appropriées.
VI. LES ARGUMENTS DE LA DEFENDERESSE
38. La défenderesse, bien que dûment notifiée, n'a pas répondu.
VII. PROCEDURE DEVANT LA COUR
1. Sur la procédure accélérée
39. Par requête (Doc. 2) introduite conformément à l'article 59 du Règlement
de la Cour, le requérant ont déposé une demande de procédure accélérée,
faisant valoir qu'en raison des faits susmentionnés et qui constituent des
violations de leurs droits humains, il est nécessaire de mettre fin, d'urgence,
à ces violations et d'en assurer la réparation.
40. La défenderesse ne s’est pas prononcé sur cette demande.
41. Toutefois, la Cour considère que l'ouverture de la phase orale avec la
fixation de la date d'audition des parties a privé cette requête de son objet et
la déclare donc comme telle.
2. Sur la demande d'un arrêt par défaut
42. La défenderesse, dûment notifiée, n'ayant pas répondu dans le délai
imparti, le requérant a, conformément à l'article 90 du Règlement de la Cour,
introduit une requête, visant à obtenir en sa faveur, un arrêt par défaut.
43. Cette requête a été notifiée à la défenderesse, qui ne s'est pas non plus
prononcée.
44 L'audience pour entendre les parties a été fixée le 29 septembre 2023,
ledéfendeur qui a été dûment notifié, n'a pas comparu ni représenté devant la
Cour.
45. L'article 90 du Règlement de la Cour prévoit un arrêt par défaut si le
défendeur, régulièrement mis en cause, ne répond pas à la requête dans les
formes et le délai prescrits.
46. Cet article dispose que:
1. « Si le défendeur, régulièrement mis en cause, ne répond pas à la requête
dans les formes et le délai prescrits, le requérant peut demander à la Cour
de lui adjuger ses conclusions ».
2. Cette requête a été notifiée à la défenderesse.
3. La Cour peut décider d'ouvrir la procédure orale sur la demande.
4. Avant de rendre l'arrêt par défaut, la Cour:
a) examine la recevabilité de la requête; :
b) vérifie si les formalités ont été régulièrement accomplies; et É c) vérifie si les conclusions du requérant paraissent fondées.
5. Elle peut ordonner des mesures d'instruction. »
47. Conformément à l’article 90 (4) susmentionné, avant de rendre l’arrêt par
défaut, la Cour examine la recevabilité de la requête, vérifie si les formalités
ont été régulièrement accomplies et si les conclusions du requérant paraissent
fondées.
48. La Cour va donc examiner les conditions suivantes :
(1) Sur la recevabilité de la requête introductive d'instance
49. Pour examiner la recevabilité de la requête, la Cour doit s'assurer qu'elle
est compétente pour connaître du litige, que les parties ont la qualité pour
agir et qu'elles peuvent lui soumettre la demande.
(2) Sur l'accomplissement des formalités procédurales
50. La Cour vérifie si le principe du contradictoire a été respecté.
51. À cet égard, et conformément aux informations contenues dans le
« Dossier » de l'affaire, et après avoir vérifié les dispositions des articles 33,
34 et 35 de son Règlement, la Cour confirme que, du Greffe, la citation et
toutes les notifications ont été faites à la défenderesse et que, malgré cela,
cette dernière n'a pas comparu ni présenté une quelconque forme
d'opposition à cette requête.
52. Au vu de ce qui précède, après avoir examiné les documents déposés par
le requérant, la Cour est convaincu que la requête est conforme aux
formalités légales et conclut en ce sens.
(3) Sur le bien-fondé de la requête introductive d'instance 53. La dernière question à examiner est de savoir si les faits et les preuves
produits par le requérant sont suffisants pour motiver un jugement en sa
faveur.
54. En d'autres termes, la Cour doit examiner l'ensemble des éléments de
preuve présentés par le requérant pour déterminer s'il existe une cause d'ac-
tion et si la demande a été prouvée de manière satisfaisante (voir VISION
KAM JAY INVESTMENT LIMITED C. LE PESIDENT DE LA COMMIS-
SION & AUTRE, Arrêt N° ECW/CCI/JUD/01/18. (2016) CCJELR, PAGE
605).
55. Et c'est ce que la Cour vérifie en analysant le fond de l'affaire.
VII. SUR LA COMPÉTENCE
56. En l'espèce, les allégations du requérant sont fondées sur la violation de
ses droits de l'homme, contraire aux dispositions pertinentes de la Charte
africaine et d'autres instruments internationaux de protection des droits de
l'homme, notamment le Pacte International relatif aux Droits Civils et
Politiques et la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, tels
qu'invoqués.
57. En ce sens, le présent recours relève de la compétence conférée à cette
Cour, en vertu de l'article 9 (4) du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour de
justice de la CEDEAO, portant amendement du Protocole Additionnel
A/SP.1/01/05, pour connaître des cas de violations des droits de l'homme
dans tout État membre (voir BH c. RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU
C ET 4 AUTRES, Arrêt N° ECW/CCI/TUD/16/14, ($72) et Ak
AR Aj c. RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL, Arrêt N° 58. Ainsi, la Cour se déclare compétente pour connaître de la présente
affaire.
IX. SUR LA RECEVABILITÉ
59. La recevabilité de la requête introductive d'instance est régie par les
dispositions de l'article 10 d) du Protocole A/P1/7/91, relatif à la Cour,
portant amendement du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05.
60. Par conséquent, le requérant s'étant identifié comme victime de violation
des droits de l'homme, la Cour constate que la requête n'est ni manifestement
infondée, au sens de l'article précité, ni irrecevable pour tout autre motif.
61. En conséquence, cette action doit être déclarée recevable.
X. AU FOND
62. La Cour procède ainsi à l'examen de chacun des droits humains
prétendument violés par l'Etat défendeur, en tenant compte des questions que
le requérant a soumises à l'examen de la Cour.
a) Sur la prétendue violation du droit à la liberté et à la sécurité
63. Le requérant soutient, en résumé, qu'à la suite de l'attaque des soldats
nigérians décrite ci-dessus, il s'est caché ; qu'il est devenu un réfugié fuyant
le C pour se rendre en Allemagne, en passant par la République du
Bénin voisine; que le lundi 19 juillet 2021 ou aux alentours de cette date, son
voyage a été stoppé par les autorités béninoises qui l'ont arrêté, lui et sa
femme, à l'aéroport de Cadjehoun à As ; qu’il est depuis lors retenu prisonnier au Bénin sans qu'aucune accusation pénale ou procédure régulière
ne soit en cours dans ce pays.
Analyse de la Cour
64. L'article 6 de la Charte africaine dispose que :
« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne
peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi; en particulier nul ne peut être arrêté
ou détenu arbitrairement ».
65. Ce droit est également garanti par les articles 3 et 9 de la DUDH et 9 (1)
du PIDCP.
66. De même, les articles 7 de la Convention Américaine des Droits de
l'Homme et 5 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme
garantissent le droit à la liberté et à la sécurité des personnes, cette dernière
étant la seule à énumérer spécifiquement, aux paragraphes (a) à (f), les motifs
pouvant légalement justifier la privation de liberté.
67.11 y a détention ou privation de liberté dès qu'un individu est détenu de
force dans un commissariat ou une prison ou qu'une autorité lui ordonne de
rester dans un lieu déterminé.
68. Tous les instruments de protection des droits de l'homme susmentionnés
garantissent aux individus le droit à la liberté et à la sécurité de la personne,
stipulant que la privation de liberté doit, dans tous les cas, se produire pour
des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi (c'est-
à-dire la législation nationale des Etats parties), à savoir dans le respect du
principe de la légalité (voir Comité des Droits de l'Homme, Observation
générale N° 35 $22). 15 9 le 69. À cet égard, la Cour a écrit dans l'affaire AJ AZ BI c.
REPUBLIQUE DU BENIN, Arrët N° ECW/CCI/JUD/05/15 que : « Les
traités relatifs aux droits de l’homme susmentionnés disposent que la
privation de liberté dans un État doit dans tous les cas être exécutée
conformément à la loi. » (pag.16) (voir également l'affaire CHIEF
EBRIMAH MANNEH c. RÉPUBLIQUE DE GAMBIE, Arêt N°
ECW/CCI/JUD/03/08, LR 2004-2009, ($15).
70. En outre, la Cour a défini la détention arbitraire comme : « toute forme
de restriction de la liberté individuelle qui se produit sans motif légitime ou
raisonnable et en violation des conditions prévues par la loi.» (voir l'affaire
BG AQ c. RÉPUBLIQUE DU BURKINA FASO, Arrêt N°
ECW/CCI/JUD/13/12 - et a déclaré dans l'affaire DAME AT Ap
AL c. REPUBLIQUE DU NIGER, Arrêt N° ECW/CCI/TUD/06/08,
« qu’une détention est dite arbitraire lorsqu'elle ne repose sur aucune base
légale. » (891).
71. La Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP), dans
l'arrêt rendu dans l'affaire ONYACHI ET NJOKA c. TANZANIE (Requête n°
003/2015, du 28 septembre 2017) a souligné les trois critères établis par la
jurisprudence internationale en matière de droits de l'homme pour déterminer
si une privation de liberté est ou non arbitraire, comme suit :
« (...) la légalité de la privation, l'existence de motifs clairs et raisonnables
et la disponibilité de garanties procédurales contre l’arbitraire », ayant
conclu que : « Ces conditions sont cumulatives et le non-respect d’une seule
d’entre elles rend la privation de liberté arbitraire » (voir aussi « Principes
et Lignes Directrices sur le Droit à un Procès Équitable et l’Assistance
Judiciaire en Afrique », adoptés par la Commission africaine, Principe M.
72. Ainsi, la détention ou l’emprisonnement est considérée comme arbitraire
lorsqu'elle est contraire à la législation nationale ou internationale, et ce,
chaque fois qu'il y a un manque de légitimité ou de motifs raisonnables pour
la décréter ou la maintenir (Voir Arrêt N° ECW/CCI/JUD/05/17, rendu dans
l'affaire AJ AZ BI c. République du Bénin (pag.16) et Arrêt N°
ECW/CCI/JUD/04/09, rendu dans l'affaire AMOUZO HENRI ET AUTRES
c. RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE, $ 88).
73. Cette Cour a également réitéré dans l'affaire MARTIN GEGENHEIMER
& 4 AUTRES c. LA RÉPUBLIQUE DU C & UN AUTRE, Arrêt N°
ECW/CCI/JUD/03/21 du 4 mars 2021, $ 104 que: « le maître mot pour la
validité de toute arrestation est la légalité et le caractère raisonnable. I
s'ensuit donc que les pouvoirs d'arrestation ne doivent pas seulement être
prévus par la loi mais que les motifs sur lesquels ils s'exercent doivent être
raisonnables, sinon ce qui pourrait être initialement licite devient arbitraire
et illégal » (voir également l'affaire BA Ax At Ad c.
LA RÉPUBLIQUE DE CÔTE D'IVOIRE, Arrêt N° ECW/CCI/JUD/09/21
74. En l'espèce, le requérant a invoqué sa détention par l'État défendeur et a
également versé au dossier les éléments de preuve suivants :
i. Pièce à conviction A : Une requête introductive d'instance adressée à la
Cour Pénale Internationale ;
ii. Pièce à conviction B : Vidéo du rassemblement de AW BJ,
disponible sur YouTube :
(https://youtu.be/-O06L2bzhU-E) et téléchargeable sur Ae Ay
CloudLink :
iii. Pièce à x conviction . C : la vidéo de la diffusion en direct de Mme.
Ar Av, également connue comme « Lady K », concernant
l'attaque des soldats nigérians sur la maison du AW BJ, disponible
sur YouTube (https://Www.youtube.com/watch?v=aZHvObZtMow), et peut
être téléchargé à partir de Ae Ay Ai Az:
iv. Pièce à conviction D: Déclaration de Mademoiselle Ar
Av, également connue sous le nom de « Lady K », datée du 20 janvier
2022, dont le contenu est intégralement reproduit.
v. Pièce à conviction E : jugement de la Cour Haute de Justice, État d'Oyo
du C : AW Au BJ c. Procureur général de la Fédération et
Autre, Affaire N° M/435/2021, dont le contenu est entièrement reproduit ici.
75. La Cour accepte la validité des documents déposés par le requérant,
d'autant plus que la défenderesse ne s'est pas opposé ou n’a pas fait objection
à ces documents et n'a pas remis en cause leur authenticité ou leur véracité.
[(Voir Cour interaméricaine, VELASQUEZ RODRIQUEZ c. HONDURAS
(Exceptions préliminaires) (1987), par. 140) ; M. Z AP AV
c. RÉPUBLIQUE TOGOLAISE, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/28/23, par. 80].
76. Or, en l'espèce, conformément au principe de la nécessité de la
contestation circonstanciée, il incombe à la défenderesse de déclarer dans
son mémoire en défense s'il accepte les faits allégués et les prétentions du
requérant ou s'il les contredit, et la Cour peut considérer comme admis les
faits qui n'ont pas été expressément contestés ainsi que les prétentions qui
n'ont pas été expressément contestées. (À cet égard, voir l'Arrêt de la Cour
interaméricaine dans l'affaire, Villagram Morales et Autres c/ Guatemala, 19 ç novembre 1999, où la Cour « a considéré, comme elle l'a fait dans d'autres affaires, que lorsque l'État ne conteste pas expressément la requête, les faits
sur lesquels il garde le silence sont présumés vrais, pour autant que les
éléments de preuve existants conduisent à des conclusions conformes à ces
faits [...]. »
Voir aussi, dans le même sens, la Commission Africaine dans l'affaire,
GABRIEL SHUMBA c. ZIMBABWE, Communication N° 288/04, $152, où
elle a écrit « Ce principe est conforme à la pratique d'autres organes
juridictionnels internationaux en matière de droits de l'homme et au devoir
de la Commission de protéger les droits de l'homme. Étant donné que l'État
défendeur n'a pas pleinement répondu à toutes les allégations, la
Commission africaine doit, malheureusement, parvenir à une conclusion
basée sur les faits et les opinions présentés par le requérant. »
78. Cela signifie que la défenderesse ne peut pas se contenter de se taire face
aux faits qui lui sont reprochés par le requérant. Il doit prendre une position
définitive sur tous les faits allégués, en les acceptant ou en les réfutant, faute
de quoi la Cour pourra présumer vrais ceux sur lesquels il a gardé le silence,
dès lors qu'il est possible de tirer des conclusions cohérentes à leur sujet à
partir des éléments de preuve existants.
79. Par conséquent, il incombait à la défenderesse de prouver que la
détention du requérant n'était pas arbitraire, en démontrant les circonstances
concrètes qui l'ont déterminée, conformément à la loi, mais elle ne l’a pas
fait (voir BK BL AN AY c. LA
RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU C, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/11/21,
par. 128, AS X et la SOCIÉTÉ COMMERCIALE
POLYVALENTE (SCP) SARL-U c. L'ETAT DE LA REPUBLIQUE
TOGOLAISE; Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/38/2022, par. 222).
par 80. Ainsi, la défenderesse, compte tenu pour de l'absence justifier de | que contestation la détention et d'éléments du requérant de preuves, A était conforme au droit national ou international, la Cour conclut que la
défenderesse a violé le droit du requérant à la liberté en vertu des articles 9
(1) et (2) du Pacte, 3 et 9 de la DUDH et 6 de la Charte africaine.
b) Sur la prétendue violation du droit à la liberté de circulation
81. Pour étayer la violation de ce droit, le requérant a invoqué les mêmes
faits que ceux mentionnés ci-dessus.
Analyse de la Cour
82. Le droit à la libre circulation est prévu dans plusieurs instruments
internationaux et régionaux de protection des droits de l'homme, à savoir
l'article 4 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des
Citoyens de 1789, l'article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de
l'Homme de 1948, les articles 12 et 2 du Pacte International relatif aux Droits
Civils et Politiques de 1966 et l'article 12 de la Charte africaine (voir l'affaire
SUNDAY CHARLES UGWUABA c. ETAT DU SÉNÉGAL, ARRET N°
ECW/CCI/JUD/25/19, p. 17).
83. Le droit à la libre circulation a été caractérisé comme un droit à
l'autodétermination personnelle (voir l'Observation générale N° 27 du
Comité des droits de l'homme : Article 12 (Liberté de circulation), par. 1) ;
Cour africaine, Observation générale n° 5 sur la Charte Africaine des Droits
de l'Homme : Le droit à la liberté de circulation et le droit de choisir
librement sa résidence (article 12 (1)), par. 7).
84. LA Cour note donc que le droit à la liberté de circulation énoncé à l'article
12 de la Charte est garanti à « toute personne » légalement présente sur le
territoire de l'État, quel que soit son statut national, c'est-à-dire qu'il/elle soit citoyen(ne) de ce pays ou non (voir Cour africaine, affaire ROBERT
JOHNPENESSIS c. RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE, Requête N°
013/201S, parag. 123).
85. Dans le même ordre d'idées, la Commission africaine a estimé que « La
liberté de circulation est un droit humain fondamental pour tous les
individus à l'intérieur des Etats » (SUDAN HUMAN RIGHTS
ORGANISATION & CENTRE FOR HOUSING RIGHTS AND EVICTIONS
c. SOUDAN (CADHP), Comm. N° 79/03-296/05, para. 187).
86. De même, en vertu de l'article 12 équivalent du PIDCP, le Comité des
Droits de l'Homme a noté que « Quiconque se trouve légalement sur le
territoire d'un État a le droit d'y circuler librement et d'y choisir librement
sa résidence. » (Comité des droits de l'homme, Observation générale n° 27 :
Article 12 du PIDCP [Liberté de circulation], paragraphe 4).
87. La Cour souligne que le ressortissant d'un État, en raison de sa
citoyenneté, est présumé se trouver « légalement sur le territoire » de cet
État.
88. Toutefois, en ce qui concerne les non ressortissants, « La question de
savoir si un étranger se trouve "légalement" sur le territoire d'un État est
régie par la législation nationale, qui peut soumettre l'entrée d'un étranger
sur le territoire d'un État à des restrictions, pour autant qu'elles soient
compatibles avec les obligations internationales de l'État. » (voir Comité des
droits de l'homme des Aq Ao, Observation générale N° 27: article 12
(Liberté de circulation); voir également Communication N° 456/1991,
An c. Suède, g 9.2.).
89. La Cour estime nécessaire de souligner que, bien que la privation de
liberté représente une restriction plus sévère à la circulation ou l'isolement
d'un individu dans un espace plus étroit, toute interférence déraisonnable ou injustifiable dans les déplacements d'une personne peut constituer une
violation de la liberté de circulation (voir Comité des droits de l'homme,
Observation générale n ° 35 : Article 9 du PIDCP (Liberté et sécurité de la
personne), paragraphe 5).
90. En outre, la Cour considère que l'objectif de la liberté de circulation est
de garantir la liberté d'une personne de se déplacer non seulement à l'intérieur
d'un pays, mais aussi d'entrer et de sortir du pays pour voyager à l'étranger
(voir Observation générale n° 27: Article 12 du PIDCP (Liberté de
circulation), paragraphe 8).
91.Et « Étant donné que, pour voyager à l'étranger, il faut habituellement
des documents valables, en particulier un passeport, le droit de quitter un
pays comporte nécessairement celui d'obtenir les documents nécessaires
pour voyager». (Ibid, para 9).
92. Par conséquent, la Cour considère qu'il y a violation de la liberté de
circulation non seulement lorsqu'une personne est physiquement détenue ou
retenue pour limiter ses mouvements, mais aussi lorsque les documents de
voyage dont la personne a besoin pour voyager, en particulier pour les
voyages internationaux, sont saisis ou retenus de manière injustifiée, la
privant ainsi de la possibilité de voyager (voir GREGORY J. TODD, SERGE
INFRASTRUCTURE C LTD. v. REPUBLIQUE FEDERALE DU
C, PROCUREUR GENERAL ET MINISTRE DE LA JUSTICE,
ARRET N.° ECW/CCJ/JUD/41/23, parâg. 63).
93. La Cour constate toutefois que la liberté de circulation peut être soumise
à des restrictions raisonnables si ces restrictions : (a) sont préalablement
établies par la loi ; (b) servent un objectif légitime nécessaire dans une
société démocratique ; et (c) sont proportionnées et constituent le moyen le
moins restrictif pour atteindre l'objectif de la restriction (voir BD c.
BURKINA FASO (fond) [2006-2016] 1 RICA 314, par. 125.
94. La Cour rappelle qu'en l'espèce, il n'y a pas de preuve dans le dossier que
le requérant, en tant que ressortissant nigérian, ne remplissait pas les
conditions légales prévues par la législation interne pour qu'un étranger
puisse entrer sur le territoire de la défenderesse.
95. Il est donc considéré que le requérant était légalement présent sur le
territoire de l'État défendeur et qu'il avait et a, par conséquent, le droit
d'exercer son droit à la liberté de circulation.
96. Cependant, comme indiqué ci-dessus, le requérant a été arbitrairement
détenu et son passeport a été saisi par les agents de la défenderesse.
97. L' État défendeur n'a fourni aucune justification pour des restrictions qui
relèveraient de la disposition de l'article 12 (2) de la Charte, telles que la
protection de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé publique ou
de la moralité, justifiant la restriction des droits du requérant à la liberté de
circulation.
98. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que la détention du requérant
constitue une violation de l'article 12 de la Charte africaine.
c) Sur la prétendue violation du droit d'être jugé dans un délai
raisonnable par un tribunal impartial et la violation du droit à la dignité
de la personne humaine
99. Pour étayer la violation de ces droits, le requérant n'a ni prétendu ni réussi
à prouver un fait qui permettrait à la Cour de conclure que la défenderesse a
violé les droits en question.
100. Un tel fardeau incombait au requérant et il ne l'a pas fait.
101. Or, il est constant que la partie qui allègue le fait à la charge de le prouver. La charge de la preuve de la violation de ses droits incombe donc $,
au requérant, qui doit prouver les prétendues violations. En soulignant
l'importance de la preuve, la Cour a, dans l'affaire FEMI FALANA & AUTRE
c. LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN & 2AUTRES (2012) CCJELR 1, déclaré
que : « Comme à l’accoutumée, la charge de la preuve incombe à une partie
qui affirme un fait et qui échouera si ce fait ne parvient pas à atteindre le
niveau de preuve qui convaincra le tribunal de croire en la demande ».
102. Toujours dans l'affaire DAOUDA GARBA C. BE Y AJ
(2010) CCJELR, para. 34 & 35, la Cour a déclaré que : « les cas de violation
des droits de l’homme doivent être étayés par des éléments de preuve qui
permettent à la Cour de les constater et d’en sanctionner la violation s’il y
a lieu».
103. En l'espèce, le requérant n'a allégué aucun fait pour démontrer qu'il a
une procédure pendante devant les tribunaux de la défenderesse et que ces
derniers n'ont pas statué dans le délai raisonnable (voir AM AO c.
ETAT DE GUINÉE, Arrêt N° ECW/CCJ/JUD/21/2021, para. 163 à 169).
104. Il n'a pas non plus allégué avoir subi des souffrances personnelles ou
indignes pendant sa détention (voir l'affaire précitée MARTIN
GEGENHEIMER & 4 AUTRES C. LA REPUBLIQUE DU C &
AUTRE, 2021, $119 et 120 ; voir aussi la Commission africaine, JOHN Aw
B AG A, Comm. N° 97/93 (2000), par. 91).
105. Il ne suffit donc pas pour le requérant de se contenter simplement de
rappeler des dispositions normatives contenues dans des conventions
internationales auxquelles la défenderesse est partie, sans alléguer des faits
matériels et concrets qui, une fois prouvés, permettraient à la Cour de tirer
ses conclusions (voir l'affaire précitée GREGORY J. TODD, SERGE
INFRASTRUCTURE C LTD. v. REPUBLIQUE FEDERALE DU
C, PROCUREUR GENERAL ET MINISTRE DE LA JUSTICE,
106. Ainsi, la Cour déclare que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable
par un tribunal impartial, prévu aux articles 7 (d) de la Charte africaine, 9 (3)
et 14 (3) (c) et (5) du PIDCP et le droit du requérant à la dignité inhérente à
son être humain, prévu à l'article 5 de la Charte africaine, n'ont pas été violés
par la défenderesse.
XI. SUR LA REPARATION
107. Le requérant demande à la Cour de condamner la défenderesse à lui
verser un montant équivalent à $ 1 000 000 (US), à titre d'indemnisation,
pour chaque jour de son incarcération au Bénin, jusqu'à la date de sa
libération et de la restitution de son passeport nigérian.
108. C’est un principe du droit international que « Toute personne victime
d'une violation de ses droits de l'homme a droit à un recours juste et
équitable », considérant qu'en matière de violation des droits de l'homme,
une réparation intégrale est, en règle générale, impossible (voir l'Arrêt N°
ECW/CCI/JUD/01/06, rendu dans l'affaire DIOT BAYI TALBIA & AUTRES
c. LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE DU C & AUTRES, CCJ ELR
(2004-2009).
109. En l'espèce, comme nous l'avons vu, il a été démontré que l'État
défendeur, par le truchement de ses agents, a violé les droits du requérant à
la liberté et à la sécurité, ainsi que le droit à la liberté de circulation, comme
expliqué ci-dessus, ce qui confère au requérant le droit à la réparation.
110. Maintenant, compte tenu de la gravité des droits violés et de leurs
conséquences pour le requérant, en procédant à une appréciation globale et
équitable, la Cour octroie au requérant, à titre d'indemnisation pour les
dommages immatériels subis, le montant de 20.000.000 (vingt millions) XIT. SUR LES DEPENS
111. Le requérant n'a rien dit sur le paiement des frais de procédure.
112. L'article 66 (1) du Règlement de la Cour dispose que « // est statué sur
les dépens dans l'arrêt ou l'ordonnance qui met fin à l'instance ».
113. Le paragraphe 2 du même article dispose que : « Toute personne qui
succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu dans ce sens » ;
114. Par conséquent, à la lumière des dispositions précitées, la Cour
condamne la défenderesse, en tant que partie succombante, à supporter les
frais de procédure, qui seront évalués par le Greffier en Chief.
XIII. DISPOSITIF
115. Par ces motifs, la Cour, statuant publiquement, contradictoirement,
après en avoir délibéré :
Sur la compétence :
i. Se déclare compétente pour connaître du litige.
Sur la recevabilité:
ii. Déclare la requête recevable
Sur le fond :
iii. Constate que le droit à la liberté et à la sécurité a été violé.
iv. Constate que le droit à la liberté de circulation a été violé .
v. Constate que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable par un tribunal
impartial n'a pas été violé.
vi, Constate que le droit à la dignité humaine n’a pas été violé,
XIV. SUR LA RÉPARATION
v. Condamne la défenderesse à verser au requérant la somme de 20.000.000
(vingt millions) FCFA, à titre de réparation du préjudice moral subi pour la
violation de ses droits.
XV. EXECUTION ET FOURNITURE DE RAPPORTS
ix. Ordonne à l'État défendeur de soumettre à la Cour, dans un délai de trois
(3) mois, à compter de la date de la notification du présent arrêt, un rapport
sur les mesures prises pour exécuter les ordonnances qui y sont énoncées.
XVI. SUR LES DÉPENS
x. Conformément à l'article 66 (2) du Règlement de la Cour, la défenderesse
supportera les frais de procédure, qui doivent être évalués par le Greffier en
Chief.
Ont signé : a+ 7 A
Hon. Juge Sengu Mohammed KOROMA -Membre-------5<{-44 00m
Hon. Juge Ricardo C.M. GONÇALVES -Rapporteur--<--->-<--=<---= --
Dr. Ab OURO-SAMA-Greffier en Chef
116. Fait à BC, le 5 decembre 2023, en Portugai Français et
en Anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : ECW/CCI/JUD/50/23
Date de la décision : 05/12/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 08/11/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;cedeao;cour.justice.communaute.etats.afrique.ouest;arret;2023-12-05;ecw.cci.jud.50.23 ?
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