COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ECOWAS
COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
À LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE
DES ÉTATS D'AFRIQUE DE L'OUEST
(CEDEAO)
Dans l’Affaire
AK TRAORE MOUSSA c. ETAT- COTE D'IVOIRE
Affaire N. ° ECW/CCJ/APP/28/22 -Arrêt N. ° ECW/CCJ/JUD/52/23
ARRET
Le 07 décembre 2023
1
Plot 1164 Ak Ai Ao, Gudu District, At Af.
AFFAIRE N. °"ECW/CCJ/APP/28/22
ARRET N. ECW/CCVIUDA2/S
ENTRE :
MAITRE TRAORE MOUSSA DEMANDEUR
ET
L'ETAT DE LA COTE D'IVOIRE DEFENDERESSE
COMPOSITION DU PANEL
Hon. Juge Edward Amoako ASANTE -Président
Hon. Juge Sengu Mohamed KOROMA -Membre
Hon. Juge Ricardo Claûdio Monteiro GONÇALVES-Membre/Rapporteur
ASSISTÉ PAR :
Sr. Athanase ATANNON -Greffier en chef adjoint
REPRÉSENTATION DES PARTIES
Ad AL et Associes - Avocat du demandeur
L’Agent Judiciaire du Trésor - Par le défendeur 1. Il s'agit de l'arrêt de la Cour lu e
n audience publique virtuelle, conformément à l'article 8, paragraphe 1, des
Instructions pratiques sur la gestion électronique des affaires et les audiences
virtuelles de la Cour de 2020.
II. DESCRIPTION DES PARTIES
2. Le demandeur est Maître TRAORE Moussa, avocat au barreau de Côte
d'Ivoire, de nationalité ivoirienne, né le … … … à Bouaké (RCI),
actuellement en détention provisoire à la Maison d'Arrêt et de Correction
d'Abidjan (MACA).
3. La partie défenderesse est l'État de la République de COTE D'IVOIRE,
État membre de la Communauté économique des États de l'Afrique de
l'Ouest (CEDEAO) et signataire de la Charte africaine des droits de l'homme
et des peuples, ci-après dénommée "la Charte africaine".
4. En cette affaire, le demandeur invoque la violation de ses droits de
l'homme, puisque le 23 mars 2021, le Tribunal de première instance
d'Abidjan, par décision dans l'affaire correctionnelle n° 1273/2021, l'a
déclaré coupable d'avoir commis des actes d'abus de confiance et de biens
sociaux ; allègue que dans le cadre de l'appel de cette décision en matière
correctionnelle, la 1ère Chambre correctionnelle B de la Cour d'appel
d'Abidjan, en attendant sa décision sur le fond, à la demande du demandeur,
lui a accordé la liberté provisoire ; que néanmoins le Procureur général de
ladite Cour, sous prétexte d'avoir introduit un pourvoi en cassation contre ledit jugement de mise en liberté provisoire, a maintenu le demandeur en
prison jusqu'à ce jour, en invoquant l'effet suspensif de l'appel prévu à
l'article 605 du Code de procédure pénale de Côte d'Ivoire.
IV. LA PROCÉDURE
5. La requête initiale (doc.1), accompagnée de deux (2) documents et d'une
demande de procédure accélérée, a été enregistrée au greffe du tribunal le 17
juin 2022.
6. L'Etat défendeur, la République de Côte d'Ivoire, dûment notifié le 20 juin
2022, a soumis son "Statement of Defence to the Applicant's Application for
Expedit Procedure" (doc. 3) et son "Mémoire en défense au Fond" (doc.4) le
8 août 2022, qui ont été notifiés au requérant le 13 septembre 2022.
7. Le 4 octobre 2022, le demandeur a soumis sa réponse (doc. 5), qui a été
notifiée à la défenderesse à la même date.
8. Le 4 novembre 2022, le défendeur a présenté sa duplique (doc. 6), qui a
été notifiée au demandeur à la même date, et il n'a rien dit.
9. Les parties ont été entendues lors d'une audience virtuelle tenue le 8
novembre 2023, au cours de laquelle elles ont présenté leurs arguments oraux
sur le fond de l'affaire.
10. Le procès a été reporté au 7 décembre 2023.
V. LE CAS DU DEMANDEUR
a. Résumé des faits
11. Le demandeur, de nationalité ivoirienne, est un avocat inscrit au barreau
d'Abidjan, Côte d'Ivoire. Le 23 mars 2021, le tribunal de première instance d'Abidjan, par décision dans la procédure correctionnelle n°1273/2021, l'a
déclaré coupable d'avoir commis des faits d'abus de confiance et de biens
sociaux prévus et réprimés par les articles 401 et 420 de l'ancien code pénal,
44 de l'ordonnance n° 2013-660 du 20 septembre 2013 relative à la
prévention et à la lutte contre la corruption et les infractions assimilées,
modifié par les ordonnances n° 2013-805 du 22 novembre 2013 relative à la
prévention et à la lutte contre la corruption, n° 2015-176 du 24 mars 2015,
n° 2018-25 et 2018-477 du 16 mai 2018.
12. En appel de cette décision en matière correctionnelle, la 1ère Chambre
correctionnelle B de la Cour d'appel d'Abidjan, en attendant sa décision sur
le fond, à la demande du demandeur, lui a accordé la liberté provisoire, selon
l'arrêt n° 1199/2021 du 29 décembre 2021.
13. Contre toute attente, le Procureur Général dudit Tribunal, sous prétexte
d'avoir interjeté appel du jugement de mise en liberté provisoire précité, a
maintenu le demandeur en prison jusqu'à ce jour, invoquant, selon lui, l'effet
suspensif de l'appel prévu à l'article 605 du Code de Procédure Pénale de
Côte d'Ivoire (CPP) ; considérant que cette Cour, dans son arrêt n° ECW/CCI
du 26/04/2021 (M. AP Ap Aa c. l'Etat de Côte d'Ivoire), a constaté
l'incompatibilité dudit article avec les normes internationales liant l'Etat de
Côte d'Ivoire, et a par conséquent ordonné sa suppression pure et simple du
Code de Procédure Pénale de Côte d'Ivoire.
b. Principes fondamentaux du droit
14. Le demandeur a cité les articles :
i. 606 du code de procédure pénale de la partie défenderesse ;
ii. Articles 6 et 7 (1) (b) de la Charte africaine ;
iii. Article 9, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques, ci-après dénommé £ "le Pacte".
15.11 a également cité la jurisprudence de cette Cour.
c. Les demandes formulées
16. Le demandeur demande au tribunal de constater que :
i. La violation du droit à la liberté et à la sécurité et du droit de ne pas être
détenu arbitrairement (article 6 de la CADLP, article 9 (1) du PIDCP), et
ii. Violation du droit à la présomption d'innocence (article 7, paragraphe 1,
point h), de la CADLP).
Par conséquent,
iii. Ordonner à la République de Côte d'Ivoire de mettre fin à ces violations
persistantes des droits de l'homme en libérant immédiatement le demandeur;
iv. Déclarer fondée la demande de dommages-intérêts du demandeur ;
v. Condamner l'Etat de Côte d'Ivoire à verser au requérant la somme de huit
cent cinquante millions (850.000.000) de francs CFA en réparation de ses
préjudices ;
vi. Accorder à l'État de Côte d'Ivoire un délai de 30 jours à compter de la date
de notification pour exécuter l'arrêt à rendre.
vii. Déclarer que l'État de Côte d'Ivoire doit faire parvenir à la Cour un
rapport sur l'exécution de l'arrêt à l'issue de la période de 30 jours.
VI. LE CAS DE LA PARTIE DÉFENDERESSE
a. Résumé des faits
17. Le demandeur a été reconnu coupable d'abus de confiance et d'abus de
biens sociaux le 23 mars 2021 par le tribunal de première instance d'Abidjan
et condamné à cinq (5) ans d'emprisonnement et à une amende de 500 000
FCFA.
18. En outre, le tribunal l'a condamné, ainsi que M. Y Aq, à
verser à la partie civile la somme de six cents millions (600 000 000) de
francs CFA à titre de dommages et intérêts.
19. Le demandeur a fait appel de ce jugement devant la Cour d'appel
d'Abidjan.
20.En appel, le demandeur a demandé une mise en liberté provisoire et le 29
décembre 2021, la Cour d'appel a rendu un arrêt lui accordant la mise en
liberté provisoire.
21. Le procureur général de la cour d'appel forma un pourvoi en cassation
contre le jugement de mise en liberté provisoire et plaça le demandeur en
détention provisoire, conformément à l'article 605 du code de procédure
pénale, qui dispose que : "Pendant les délais du pourvoi en cassation et, s'il
y a lieu, jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à
l'exécution du jugement attaqué, sauf en ce qui concerne les condamnations
civiles".
b. Principes fondamentaux du droit
22. Le défendeur a fondé sa demande sur des articles :
i. 606 du code de procédure pénale de la partie défenderesse ;
ii. Articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits
de l'homme (DUDH) ;
iii. Articles 6 et 7 (1.b) de la Charte africaine ;
iv. Articles 9 (1) (3), 12, 18, 19, 21, 22, 25, 26 et 27 du Pacte.
b. Les demandes formulées
23. La partie défenderesse demande à la Cour de déclarer qu'elle n'a pas violé
la loi :
i. Le droit à la liberté et à la sécurité et le droit de ne pas être détenu
arbitrairement, consacrés par les articles 6 de la CADHP et 9 (1) du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques ;
ii. Le droit à la présomption d'innocence.
En conséquence,
24. Déclarer les prétentions du requérant non fondées et rejeter la demande.
VII. RÉPONSE DU DEMANDEUR
25. Le demandeur a brièvement soutenu qu'une détention peut être conforme
au droit interne et, en revanche, être irrégulière lorsque le texte qui sert de
base juridique à cette détention ou à ce maintien en détention est contraire
au droit international.
26. En l'espèce, le demandeur reproche à l'Etat défendeur d'avoir maintenu
l'article 605 du CPP et de l'avoir utilisé pour le maintenir en détention, suite
à un pourvoi en cassation introduit par le Procureur général contre l'arrêt de
la Cour d'appel d'Abidjan ordonnant la mise en liberté provisoire, malgré
l'arrêt de la Cour de Justice de la Communauté du 26 avril 2021 dans l'affaire Ap AP Aa contre l'Etat de Côte d'Ivoire, qui avait ordonné "à la
partie défenderesse de retirer de sa législation l'article 605 du Code de
Procédure Pénale".
27. Que le jugement d'Alain AP Ac implique une obligation
internationale pour l'Etat de Côte d'Ivoire de supprimer l'article 605 du Code
de Procédure Pénale (CPP) de son système juridique.
VIII. RÉPLIQUE DE LA PARTIE DÉFENDERESSE
28. La partie défenderesse a réitéré les mêmes motifs que ceux invoqués dans
son mémoire en défense.
IX. JURIDICTION
29. En l'espèce, les allégations du demandeur sont fondées sur la violation de
ses droits de l'homme en violation des dispositions pertinentes de la Charte
africaine et des autres instruments internationaux de protection des droits de
l'homme, à savoir le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
et la Déclaration universelle des droits de l'homme, tels qu'ils ont été
invoqués.
30. À cet égard, le présent recours relève de la compétence conférée à cette
Cour, conformément à l'article 9(4) du Protocole A/P1/7/91 relatif à la Cour
de justice de la CEDEAO, tel qu'amendé par le Protocole additionnel A/SP.1
/01/05, pour connaître des violations des droits de l'homme commises dans
tout Etat membre (voir les affaires AO c. REPUBLIQUE FEDERALE
DU NIGERIA ET 4 AUTRES, arrêt n° ECW/CCI/JUD/16/14, (872) et
An AU Al c. RÉPUBLIQUE DU SENEGAL, arrêt n° 31. La Cour estime donc qu'elle est compétente pour connaître de cette
affaire.
32. La recevabilité de la requête est régie par les dispositions de l'article 10
(d) du Protocole A/P1/7/91 sur le Tribunal, amendé par le Protocole
additionnel A/SP.1/01/05, qui stipule que :
"La Cour peut être consultée par (...) d) toute personne victime de violations
des droits de l'homme. La requête présentée à cet effet :
1) Il ne devrait pas être anonyme ;
ii) Elle n'est portée devant la Cour de justice de la Communauté que si elle
n'a pas été portée devant une autre juridiction internationale compétente
33. Maintenant que le demandeur a été identifié comme victime d'une
violation des droits de l'homme, le Tribunal estime que la demande n'est pas
manifestement infondée au sens de l'article susmentionné et qu'elle n'est pas
non plus irrecevable pour tout autre motif.
34. Elle déclare donc le recours recevable.
XI. PROCÉDURES JUDICIAIRES
35. Comme il a déjà été mentionné au paragraphe 5 du présent arrêt, dans la
demande, le demandeur a également déduit :
Demande de procédure accélérée
36. Le requérant, sur la base de l'arrêt ECW/CCJI/JUD/05/10 rendu le
08/11/2010 (Aj Ah c. République du Niger) dans lequel la Cour a déclaré que "La seule évocation des problèmes de santé de M. Aj
Ah justifie donc l'application de la procédure accélérée et la Cour fait
droit à la demande", a demandé que la demande soit soumise à la procédure
accélérée et a joint les certificats médicaux dont le contenu démontre son état
de santé actuel.
37. Pour sa part, la défenderesse indique que le rapport médical que le
réclamant a joint au dossier et qui fait état d'un traitement pour hypertension,
hypercholestérolémie et hypokaliémie, n'est accompagné d'aucun examen
paraclinique prouvant le diagnostic médical susmentionné, de sorte que le
motif de santé n'est pas certifié.
38. La demande de soumettre l'affaire à une procédure accélérée est régie par
les dispositions de l'article 59 du règlement de la Cour, qui exige que les
motifs d'urgence soient indiqués dans une requête distincte, exigences
auxquelles le demandeur s'est également conformé.
39. Malgré cela, le Tribunal considère que cette demande du demandeur a
perdu son utilité dès l'ouverture de la phase orale de la procédure.
40. La Cour procède donc à l'évaluation de chacun des droits de l'homme
prétendument violés par l'État défendeur, en tenant compte des questions
soulevées par le requérant devant elle.
a) La violation alléguée du droit à la liberté et à la sécurité, à savoir
l'interdiction de la détention arbitraire
41. Pour justifier la violation du droit susmentionné, le demandeur fait valoir,
en résumé, qu'il a bénéficié d'un arrêt de mise en liberté provisoire rendu le 29 décembre 2021 par la 1ère Chambre correctionnelle B de la Cour d'appel
d'Abidjan. Cependant, contre toute attente, il est toujours en prison, sur la
base (selon le Procureur Général de ladite Cour) de l'effet suspensif de
l'article 605 du Code de Procédure Pénale, considéré comme incompatible
avec les engagements internationaux de l'Etat défendeur et ayant fait l'objet
d'une décision de suppression (Arrêt n° ECW/CCIJ du 26/04/2021, M.
AP Ap Aa c. Etat de Côte d'Ivoire).
42. En effet, l'effet contraignant des décisions des juridictions
communautaires a été affirmé avec force dans l'affaire Ar Ag contre
la République fédérale du Nigeria, jugée le 7 octobre 2005, ce qui implique
que l'obligation d'exécuter les décisions de cette Cour incombe aux
juridictions nationales des États membres, sur la base d'un ordre
communautaire intégré.
43. La force contraignante et exécutoire des arrêts de la Cour de justice de la
CEDEAO est essentielle pour la pénétration du droit communautaire dans
les systèmes juridiques nationaux.
44. C'est pourquoi l'arrêt n° ECW/CCI/JUD, rendu le 26 avril 2021 par la
Cour de Justice de la CEDEAO, a imposé à l'Etat de Côte d'Ivoire une
obligation de résultat, celle de supprimer l'article 605 du CPP. Il est donc
indéniable que le refus du Procureur Général près la Cour d'Appel d'Abidjan
d'exécuter le jugement relaxant le requérant dans cette affaire viole les
dispositions du Traité Révisé et du Protocole sur la Cour de Justice et l'article
15(4) du Traité de la CEDEAO.
45. Ainsi, le maintien en détention du réclamant sur la base de l'article 605
du CPP, déclaré contraire aux normes et principes internationaux en matière
de droits de l'homme, viole son droit à la liberté et à la sécurité.
12 Æ y,
46. Le défendeur réfute les moyens ci-dessus en faisant valoir, en résumé,
qu'en l'espèce, pour des infractions antérieurement définies par le droit pénal
ivoirien, le Tribunal de première instance a condamné le demandeur, dans
les conditions fixées par le Code de procédure pénale ivoirien, à une peine
d'emprisonnement de cinq (05) ans ; qu'il a interjeté appel de cette décision
et que la Cour d'appel lui a accordé la mise en liberté provisoire ; qu'en raison
du pourvoi du procureur général, l'exécution du jugement, qui lui accordait
la liberté provisoire, était suspendue en vertu de l'article 605 du code de
procédure pénale, qui pose le principe de l'effet suspensif du pourvoi en
cassation.
47. Que pour convaincre la Cour, le demandeur se réfère à l'arrêt rendu le 26
avril 2021 par la Cour dans l'affaire AP Aa c. l'Etat de Côte d'Ivoire,
mais c'est à tort qu'il invoque cet arrêt.
L'analyse de la Cour
48. L'article 6 de la Charte africaine stipule que :
“Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut
être privé de sa liberté, si ce n'est pour des motifs et dans des conditions
préalablement déterminés par la loi. En particulier, nul ne peut être
arbitrairement arrêté ou détenu".
49.11 en va de même pour la DUDH dans ses articles 3 et 9 et pour le PIDCP
dans son article 9 (1).
50. De même, l'article 7 de la Convention américaine des droits de l'homme
et l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme garantissent
le droit à la liberté et à la sécurité des individus, ce dernier étant le seul à
énumérer spécifiquement, dans les paragraphes (a) à (f), les motifs qui
peuvent légalement justifier la privation de liberté.
51.11 y a détention ou privation de liberté dès qu'une personne est détenue
de force dans un poste de police ou une prison, ou qu'une autorité lui ordonne
de rester dans un certain lieu.
52. Tous les instruments de protection des droits de l'homme susmentionnés
garantissent aux individus le droit à la liberté et à la sécurité de la personne,
établissant que la privation de liberté doit, dans tous les cas, avoir lieu pour
des raisons et dans des conditions préalablement déterminées par la loi (c'est-
à-dire le droit interne ou national des Etats parties), c'est-à-dire en conformité
avec le principe de légalité (voir Comité des droits de l'homme, Observation
générale n° 35 822).
53. À cet égard, la Cour a écrit dans l'affaire BENSON OLUA OKOMBA c.
REPUBLIQUE DU BENIM, arrêt n° ECW/CCI/JUD/05/15 que : “The above
mentioned human rights treaties, provides that deprivation of liberty within
a State must in all cases be carried out in accordance with the law.’(pag.16)
(voir également l'affaire CHIEF EBRIMAH MANNEH c. RÉPUBLIQUE DE
GAMBIE, arrêt n° ECW/CCI/JUD/03/08 dans LR 2004-2009, ($15).
54. La Cour a également défini la détention arbitraire comme : "toute forme
de restriction de la liberté individuelle qui survient sans motif légitime ou
raisonnable et en violation des conditions prévues par la loi." (voir l'affaire
B AS c. RÉPUBLIQUE DU BURKINA FASO, arrêt n°
CCEJ/JUD/13/12) (voir l'affaire B AS c. RÉPUBLIQUE DU
BURKINA FASO, arrêt n° ECW/CCI/JUD/13/12) et a déclaré dans l'affaire
DAME A Ae AR c. RÉPUBLIQUE DU NIGER, arrêt n°
ECW/CCI/JUD/06/08, qu'une détention est dite arbitraire lorqu'elle ne
repose sur aucune base légale." ($91).
55. La Cour africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP), dans
son arrêt dans l'affaire ONYACHI ET NJOKA c. TANZANIE (Requête n°
003/2015 du 28 septembre 2017) a mis en exergue les trois critères établis par la jurisprudence internationale en matière de droits de l'homme pour
déterminer si une privation de liberté est arbitraire ou non, à savoir :
“(…) the lawfulness of the deprivation, the existence of clear and
reasonable grounds and the availability of procedural safeguards against
arbitrariness.” ayant conclu que:” These are cumulative conditions and
non-compliance with one makes the deprivation of liberty arbitrary” (voir
“Principles and Guidelines on the Right to a Fair trial and Legal Assistance
in Africa” adoptée par la Commission africaine, Principle M. [1.(b)}).
56. Ainsi, une détention ou un emprisonnement est considéré comme
arbitraire lorsqu'il n'est pas conforme au droit national ou international, et ce
dès lors qu'il n'y a pas de légitimité ou de motifs raisonnables pour sa
promulgation ou son maintien (voir l'arrêt de la Cour ECW/CCI/JUD/05/17,
dans l'affaire BENSON OLUA OKOMBA c. REPUBLIQUE DU BENIM
(page 16) et l'arrêt ECW/CCI/JUD/04/09 dans l'affaire AMOUZO HENRI ET
OUTRES c. REPUBLIQUE DU CÔTE D'IVOIRE, $ 88).
57. Cette Cour a également réitéré dans l'affaire MARTIN GEGENHEIMER
& 4 ORS.c. THE REPUBLIC OF NIGERIA & ANOR, dans son arrêt n°
ECW/CCI/JUD/03/21, du 4 mars 2021, $104, que “The watch word for the
validity of any arrest is lawfulness and reasonableness. It follows therefore
that powers of arrest must not only be provided for under the law but the
grounds upon which it is exercised must be reasonable, otherwise what might
be initially lawful becomes arbitrary and illegal (...)” (voir aussi l'affaire
AP Ap Aa Ab c. LA RÉPUBLIQUE DE CÔTE
D'IVOIRE, arrêt n° ECW/CCIJ/TUD/09/21$53).
58. En ce qui concerne le cas particulier, il convient de noter qu'il a été
convenu que :
i. Le demandeur a été reconnu coupable d'abus de confiance et d'abus de
biens sociaux le 23 mars 2021 par le Tribunal de première instance d'Abidjan
et condamné à cinq (5) ans d'emprisonnement et à une amende de 500.000
FCFA (voir le jugement n° 1273/2021 rendu par le Tribunal de première
instance d'Abidjan, annexé à la requête, dont le contenu est ici intégralement
reproduit).
ii. En outre, le tribunal l'a condamné, ainsi que M. Y Aq, à
verser à la partie civile la somme de six cents millions (600 000 000) de
francs CFA à titre de dommages et intérêts.
iii. Le demandeur a fait appel de ce jugement devant la Cour d'appel
d'Abidjan.
iv. En appel, le demandeur a demandé une mise en liberté provisoire et la
Cour d'appel a rendu un arrêt le 29 décembre 2021 lui accordant cette mise
en liberté (voir l"" Attestation du bordereau de l'arrêt n° 1199/2021 de mise
en liberté provisoire rendu le 29 décembre 2021 par la Cour d'appel
d'Abidjan ", jointe à la requête initiale, dont le contenu est ici intégralement
reproduit).
v. Le procureur général de la cour d'appel s'est pourvu en cassation contre le
jugement de mise en liberté provisoire et a maintenu le réclamant en
détention, en application de l'article 605 du code de procédure pénale.
59. L'article 605 stipule que
" Pendant la durée du pourvoi en cassation et, s'il y a lieu, jusqu'au prononcé
de l'arrêt de la Cour de cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt attaqué,
sauf en ce qui concerne les condamnations civiles".
60. En ce qui concerne cet article, la Cour a jugé dans l'affaire AP
Ap Aa Ab c. RÉPUBLIQUE DE COTE D'IVOIRE, arrêt n°
ECW/CCI/JUD/09/21, paragraphes 72 à 76, que :
“72. En outre, la ligne directrice 16 des LIGNES DIRECTRICES SUR LES
APPELS ET PROCÉDURES RELATIVES AU DROIT DE TOUTE
PERSONNE DÉPRISÉE DE SA LIBERTÉ prévoit que “ Lorsque l'ordre
judiciaire de mise en liberté prend effet, il doit être respecté immédiatement,
car la poursuite de la détention serait considérée comme arbitraire". Cette
ligne directrice confère au pouvoir judiciaire la responsabilité de superviser
les décisions relatives à la détention et à la libération des personnes
soupçonnées d'infractions pénales. Cette responsabilité n'est pas attribuée à
l'exécutif, qui dans ce cas est le ministère public, et ne devrait pas être
partagée par lui.
73. En conclusion, la Cour résume l'analyse faite dans les paragraphes
précédents et conclut que ;
a) L'article 605 du CPP suspend la période de détention prévue à l'article
166 et permet ainsi une période de détention indéfinie qui n'a aucun
fondement dans les principes des normes internationales pour la
protection du droit à la liberté d'un individu et qui est donc arbitraire.
b) L'article 605 est en contradiction avec l'article 166, qui prévoit la
libération immédiate de l'accusé à l'expiration de la période de détention.
c) L'article 605, sur la base duquel une décision judiciaire de libération a
été désobéie, n'est pas conforme à la ligne directrice 16 des principes
directeurs des Nations unies, qui prévoit l'exécution immédiate d'une
décision judiciaire de libération, car le maintien en détention serait
considéré comme arbitraire.
d) En outre, l'article 605 n'a pas été jugé nécessaire dans une société
démocratique pour répondre au besoin pressant de prévenir le désordre et
la criminalité.
74. À cet égard, la Cour considère que, bien que la détention soit légale
comme le permet l'article 605, elle est néanmoins arbitraire pour toutes les
raisons mentionnées ici. La Cour considère donc que le maintien en
détention du requérant par le défendeur à la suite d'une ordonnance de
mise en liberté rendue par la cour d'appel est arbitraire et constitue une
violation de son droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.
75. La Cour considère également que l'article 605 du CPP n'est pas
conforme aux principes des traités internationaux sur le droit à la liberté
et à la sécurité des personnes, puisqu'il peut être utilisé comme un outil
pour la détention désordonnée des prévenus. Ceci est d'autant plus vrai
que ces personnes sont en attente de jugement. Conformément à sa
jurisprudence et aux précédents qui en découlent, l'article 605 devrait être
révisé afin d'inclure les décisions d'un tribunal en matière de détention
dans les exceptions prévues par la loi. Voir FEDERATION OF AFRICAN
JOURNALISTS & 4 OTHERS AGAINST THE REPUBLIC OF GAMBIA
ECW/CCJ/JUD/04/18 et THE INCORPORATED TRUSTEES OF LAWS
AND RIGHTS AWARENESS INITIATIVE AGAINST THE FEDERAL
REPUBLIC OF NIGERIA ECW/CCJ/JUD/16/20.
76. La Cour considère donc que l'article 605 devrait être abrogé dans la loi
de la partie défenderesse". (soulignement ajouté)
61. Toujours dans ce jugement, la Cour a ordonné à la partie défenderesse
d'abroger l'article 605 du code de procédure pénale.
62. En appliquant la jurisprudence susmentionnée à la présente affaire, il
convient de noter que la Cour considère que le maintien en détention du
requérant par le défendeur après une ordonnance de mise en liberté rendue
par la 1ère Chambre correctionnelle B de la Cour d'appel d'Abidjan est
arbitraire, puisque, comme indiqué ci-dessus, l'article 605 susmentionné
prévoit une période de détention indéterminée, qui ne trouve aucun fondement dans les principes des normes internationales protégeant le droit
à la liberté d'un individu.
63. À cet égard, la Cour estime que le défendeur a violé le droit à la liberté
du demandeur en vertu des articles 9(1) et (2) du Pacte, des articles 3 et 9 de
la DUDH et de l'article 6 de la Charte africaine.
b) La violation alléguée du droit à la présomption d'innocence
64. A l'appui de la violation du droit susmentionné, le demandeur affirme, en
résumé, que sa détention prolongée, malgré un ordre légal de libération, n'est
plus nécessaire par rapport aux objectifs énoncés dans le code de procédure
pénale ; qu'il s'agit d'une pratique qui vise simplement à le punir, d'autant
plus que, selon la loi de l'Etat de Côte d'Ivoire, chaque fois qu'une décision
est prise de libérer un détenu, le recours n'a pas d'effet suspensif sur la
décision en question.
65. Pour sa part, la défenderesse a soutenu, en résumé, que le fait que, en
raison de l'effet suspensif de l'appel, le requérant soit maintenu en détention
ne constitue pas une violation de la présomption d'innocence ; que l'article
606 du Code de procédure pénale de Côte d'Ivoire, cette disposition ne peut
être invoquée par le demandeur pour soutenir que sa détention porte atteinte
à la présomption d'innocence.
L'analyse de la Cour
66. Le droit à la présomption d'innocence jusqu'à ce que la culpabilité soit
prouvée est un droit humain fondamental et un autre principe qui conditionne
le traitement auquel un accusé doit être soumis, au cours de l'enquête pénale
et du procès, jusqu'à l'appel final.
67. L'essence du droit à la présomption d'innocence réside dans sa
prescription selon laquelle tout suspect dans un procès pénal est considéré
comme innocent à tous les stades du procès, de l'enquête préliminaire au
prononcé de la sentence. Et ce, jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement
établie.
68. La détention provisoire est un moyen procédural de limitation de la
liberté individuelle des prévenus, dont l'objectif est d'assurer l'efficacité de
la procédure, tant au niveau de son déroulement que de l'exécution des
décisions de condamnation.
69. Son objectif est d'assurer le bon déroulement de la procédure. Parce qu'il
s'agit d'une mesure restrictive des droits fondamentaux, elle ne doit être
appliquée que dans un cas précis, dans le respect des paramètres légaux,
lorsqu'il existe un besoin dûment justifié.
70. Le but de la détention provisoire est d'empêcher la personne détenue de
ne pas assister à des événements procéduraux essentiels, d'empêcher les
tentatives de destruction de preuves, d'empêcher les menaces à l'encontre des
témoins ou d'empêcher le déroulement normal de l'affaire de quelque
manière que ce soit.
71.11 s'agit donc d'une mesure d'exception, utilisée en dernier recours, qui
doit toujours être interprétée de manière restrictive afin d'être compatible
avec le principe de la présomption d'innocence.
72. Son application, dans le respect des circonstances exceptionnelles
prévues par la loi et puisqu'il s'agit d'une mesure visant à sauvegarder des
objectifs purement procéduraux, ne peut être considérée comme une
anticipation d'une condamnation ou comme un moyen de contraindre le
suspect à collaborer activement à la procédure, c'est-à-dire de le forcer à
avouer les faits qui font l'objet du soupçon.
73.11 découle de l'article 7 (1) (b) de la Charte africaine que :
“I. Toute personne a le droit de faire entendre sa cause. Ce droit comprend:
(b) "le droit d'être présumé innocent jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
établie par un tribunal compétent ;"
74, De même, ce droit est inscrit dans d'autres instruments internationaux, à
savoir les articles 14(2) du PIDCP, 8(2) de la Convention américaine des
droits de l'homme, 6(2) de la Convention européenne des droits de l'homme
et 11(1) de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
75. La Commission des droits de l'homme a noté dans son Observation
générale n° 13, $7, que “(..)By reason of the presumption of innocence, the
burden of proof of the charge is on the prosecution and the accused has the
benefit of doubt. No guilt can be presumed until the charge has been proved
beyond reasonable doubt. Further, the presumption of innocence implies a
right to be treated in accordance with this principle. It is, therefore, a duty
for all public authorities to refrain from prejudging the outcome of a trial.”
76. La Cour a déclaré dans l'affaire AN Am As AV c.
BURKINA FASO, arrêt n° ECW/CCI/JUD/14/12, LRCCI (2012), p. 310 832
que “The Court observes that the presumption of innocence implies that
every person is supposed to be innocent as long as a competent court has not
decided on his guilt and has not convicted of the offense that he is charged
with; it prohibits all statements, all events, attitudes or behavior likely to
believe that a person is guilty before that person is declared as such by the
competent court in the context of a judicial proceeding”
77. La Cour africaine a également écrit dans cette affaire AQ
C Aa v. REPUBLIC OF RWANDA, Application n. °
03.14 du 24 novembre 2017 que, parâg 84 “The essence of the right to
presumption of innocence lies in its prescription that any suspect in a criminal trial is considered innocent throughout all the phases of the
proceedings, from preliminary investigation to the delivery of judgment and
until his guilt is legally established”.
78.11 a déclaré dans l'affaire OSGAR JOSIAH v. UNITED REPUBLIC AI
AH, Application No. 053/2016, 28 mars 2019, page 51 que “The
Court observes that the right to a fair trial and specifically, the right to
presumption of innocence requires that a person's conviction on a criminal
offence which results in a severe penalty and in particular to a heavy prison
sentence, should be based on solid and credible evidence.”
79. Pour sa part, la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré dans
l'affaire BARBERA, MESSEGUÉ ET JABARDO c. ESPAGNE, 6 décembre
1988, $ 77 que "le principe de la présomption d'innocence (...) exige
notamment que, dans l'exercice de leurs fonctions, les membres d'un tribunal
ne partent pas de l'idée préconçue que l'accusé a commis le crime qui lui est
reproché ; la charge de la preuve incombe à l'accusation, et tout doute doit
profiter à l'accusé".
80.11 a souligné que ce droit " n'interdit pas nécessairement les présomptions
de droit ou de fait, mais toute règle qui modifie la charge de la preuve ou
applique une présomption jouant en défaveur de l'accusé doit être enfermée
dans des " limites raisonnables qui tiennent compte de l'importance de
l'enjeu et préservent les droits de la défense " (voir Z c. FRANCE,
7 octobre 1988, $ 28).
81. En l'espèce, les allégations du requérant ne peuvent être retenues, car il
ne dispose d'aucun argument conforme au sens du droit à la présomption
d'innocence, tel qu'expliqué ci-dessus.
82. Même si le demandeur est en détention provisoire - dans l'attente du
jugement final - cela ne signifie pas que son droit à la présomption d'innocence a été violé, puisqu'il n'a ni allégué ni prouvé aucun fait qui
démontrerait qu'il a été déclaré coupable par les agents du défendeur, avant
que sa culpabilité n'ait été prouvée conformément à la loi au-delà de tout
doute raisonnable.
83. En outre, le requérant n'allègue ni ne prouve qu'il a été privé d'une
défense pleine et entière ; il n'allègue ni ne prouve que les autorités de l'Etat
défendeur ont exprimé publiquement un jugement sur sa culpabilité avant sa
condamnation par la Cour (voir l'affaire AT AM AG X
c. REPUBLIQUE DU NIGER, arrêt n° ECW/CCI/JUD/17/2021, par. 200).
84. À cet égard, la Cour conclut que le défendeur n'a pas violé le droit du
requérant à la présomption d'innocence, prévu aux articles 7 (1) (b) de la
Charte africaine, 14 (2) du PIDCP et 11 (1) de la DUDH.
XII. RÉPARATION
85. En raison de la violation de ses droits de l'homme, le demandeur sollicite
la condamnation de l'Etat défendeur à lui verser la somme de huit cent
cinquante millions (850.000.000) de francs CFA au titre des dommages
moraux et matériels.
86. Pour sa part, la partie défenderesse a fait valoir qu'il n'existait aucune
preuve justifiant le paiement de la somme susmentionnée, si ce n'est pour
couvrir les dommages et intérêts de six cents millions (600 000 000) de
francs CFA auxquels elle a été condamnée par le tribunal de première
instance d'Abidjan.
87. En l'espèce, le demandeur n'a ni allégué ni réussi à prouver qu'il avait
subi un dommage matériel.
88. Il convient toutefois de noter qu'un principe de droit international veut
que "toute personne victime d'une violation de ses droits de l'homme a droit
à une réparation juste et équitable" (voir l'affaire DJOT BAYI TALBIA &
AUTRES c. REPUBLIQUE FEDERALE DU NIGERIA & AUTRES, arrêt n°
ECW/CCI/JUD/01/06, in CCI ELR (2004 -2009).
89. En l'espèce, comme nous l'avons vu, il a été démontré que l'État
défendeur, par l'intermédiaire de ses agents, a violé le droit à la liberté et à la
sûreté du requérant, tel qu'il est énoncé ci-dessus, ce qui lui donne droit à une
réparation.
90. Or, considérant la gravité du droit violé et ses conséquences pour le
demandeur, procédant à une appréciation globale et équitable, le Tribunal
alloue au demandeur, à titre de réparation du préjudice immatériel qu'il a
subi, la somme de 20.000.000 (vingt millions) FCFA.
XIV. DÉPENSES
91. Les parties n'ont rien dit sur le paiement des frais.
92. L'article 66, paragraphe 1, du règlement de la Cour dispose que "l'arrêt
ou l'ordonnance mettant fin à la procédure statue sur les dépens".
93. Le paragraphe 2 du même article dispose que "la partie perdante est
condamnée aux dépens, s'il en est ainsi décidé".
94. Sur la base des dispositions susmentionnées, la Cour estime que les frais
de procédure doivent être supportés par la partie défenderesse.
XV. DISPOSITIF
95. Pour ces raisons, la Cour a tenu une audience publique et a entendu les
deux parties :
Quant à la forme :
i. Se déclare compétent pour connaître de l'affaire.
ii. Déclare la demande recevable.
Sur le fond :
iii. Déclare que la détention du requérant par le défendeur est arbitraire et
illégale au regard des articles 6 de la Charte africaine, 9(1) du PIDCP, 3 et 9
de la DUDH.
iv. Déclare qu'il n'y a pas eu violation du droit du demandeur à la
présomption d'innocence, prévu aux articles 7, paragraphe 1, sous b), de la
charte africaine, 14, paragraphe 2, du pacte international relatif aux droits
civils et politiques et 11, paragraphe 1, de la déclaration universelle des droits
de l'homme.
v. En conséquence,
Déclare non fondées toutes les autres demandes présentées par le requérant.
XVI. SUR LA REPARATION
vi. Ordonner à la partie défenderesse de libérer le demandeur immédiatement
et sans délai.
vii. La défenderesse est condamnée à verser au demandeur la somme de 20
000 000 (vingt millions) FCFA en réparation du préjudice moral subi du fait
de la violation de son droit.
XVII. CONFORMITÉ ET RAPPORTS
viii. L'État défendeur est condamné à soumettre à la Cour, dans un délai de
trois (3) mois à compter de la date de notification du présent arrêt, un rapport
sur les mesures prises pour mettre en œuvre les ordonnances rendues dans le
présent arrêt.
XV. DÉPENSES
Les frais sont à la charge de la partie défenderesse.
96.Fait à At, le 7 décembre 2023, en Portugais et traduit en Français et
en Anglais.