COMMUNITY COURT OF JUSTICE, ECOWAS
’ COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTE, CEDEAO
TRIBUNAL DE JUSTICA DA COMMUNIDADE, CEDEAO
LA COUR DE JUSTICE DE LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE DES ÉTATS
DE L'AFRIQUE DE L'OUEST (CEDEAO)
Dans l'affaire
Be X ET 2 AUTRES CONTRE L’ETAT DU NIGER.
Requête N° : ECW/CCJ/APP/36/23 Arrêt N°. ECW/CCJ/JUD/57/23
ARRÊT
ABUJA
Le 15 décembre 2023
AFFAIRE N° : ECW/CCJ/APP/36/23
ARRÊT N° ECW/CCI/JUD/57/23
Plot 1164 Am Ak Ba, Gudu District, Aj Ah.
www.courtecowas.org Be X
Z Ao AG X
A X
L’ETAT DU NIGER
COMPOSITION DE LA COUR :
Hon. Juge Edward Amoako ASANTE
Hon. Juge Gberi-bè OUATTARA
Hon. Juge Ricardo Claudio Monteiro GONÇALVES
ASSISTES DE : Me. Gaye SOW REQUERANTS
DÉFENDEUR
Président
Juge Rapporteur/Membre
Membre
Greffier I. REPRÉSENTATION DES PARTIES :
Maître Mohamed Seydou DIAGNE, avocat au barreau du Sénégal,
seydodiagne(@gmail.com Avocat des requérants L’Agent judiciaire de l’Etat Conseil du défendeur IL. ARRÊT DE LA COUR
Le présent arrêt est celui rendu par la Cour, en audience publique virtuelle
conformément à l’article 8 (1) des Instructions au greffier en chef et instructions
pratiques de 2020 sur la gestion électronique des affaires et les audiences virtuelles.
II. DÉSIGNATION DES PARTIES
1. Les requérants sont Be X, homme politique de nationalité
nigérienne domicilié à Niamey Président de la République du Niger ; Z Ao
AG X, nigérienne épouse de Be X domiciliée à
Ay et A X, Ac fils de Be X domicilié à
Ay Bci-après dénommés « les requérants »).
2. Le défendeur est l’Etat du Niger, un Etat membre de la Communauté, signataire
de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi que d’autres
instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme (ci-après
dénommé « le défendeur »).
TV. INTRODUCTION
3. A la suite du coup d’Etat militaire intervenu le 26 juillet 2023 au Niger, les
requérants ont été interpellés et placés en résidence surveillée au camp de la garde
Républicaine à Ay. Ils estiment que leur arrestation et leur détention sont
arbitraires et que le défendeur a violé leur liberté d’aller et venir, les droits politiques
de Be X ainsi que les principes de convergence constitutionnelle.
4. Le défendeur réfute les allégations des requérants et sollicite qu’ils soient
déboutés de toutes leurs demandes qu’il estime mal fondées.
V. PROCÉDURE DEVANT LA COUR
5. Le 18 septembre 2023, les requérants ont déposé au greffe de la Cour, une requête
contre le défendeur pour arrestation et détention arbitraires, violation de leur droit
d’aller et venir, violation des droits politiques de Be X, et violation
des principes de convergence constitutionnelle. (Pièce n°1).
6. Par une requête séparée déposée le même jour que la requête principale, les
requérants ont sollicité qu’il plaise à la Cour, soumettre la présente affaire à la
procédure accélérée conformément aux dispositions de l’article 59 du Règlement
de la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de
l’Ouest (CEDEAO). (Pièce n°2)
Ces requêtes ont été notifiées au défendeur le 18 septembre 2023.
7. Le 19 octobre 2023, le défendeur a déposé un mémoire en défense au greffe.
Ce mémoire a été notifié aux requérants le 20 octobre 2023 (Pièce n°3).
Le 25 octobre 2023, les requérants ont accusé réception du mémoire en défense du
défendeur et ont informé la Cour qu’ils n’entendent pas répliquer. Ils ont sollicité
l’ouverture de la phase orale.
Leur courrier a été notifié au défendeur le même jour. (Pièce n°4)
8. A l’audience du 06 novembre 2023, les parties étaient représentées respectivement
par leurs conseils qui ont plaidé l’affaire au fond après que la Cour ait joint la
décision sur la demande de procédure accélérée à la décision sur le fond.
L'affaire a été mise en délibéré pour arrêt être rendu le 14 décembre 2023.
VI. ARGUMENTATION DES REQUÉRANTS
a) Exposé des faits
9. Le 18 septembre 2023, les requérants ont déposé au greffe de la Cour une
requête par laquelle ils sollicitent qu’il plaise à la Cour de ce siège, constater la
violation par l’Etat du Niger de leurs droits fondamentaux de l’homme notamment
leur droit d’aller et venir, leur droit à ne pas être arrêtés ni détenus arbitrairement,
les droits politiques de Be X et conséquemment ordonner leur mise
en liberté puis enjoindre au défendeur de rétablir l’ordre constitutionnel.
10. Au soutient de leur requête, les requérants exposent que Be
X a été élu Président de la République du Niger le 21 mars 2021, pour
un mandat de cinq ans à l’issue d’une élection démocratique, inclusive et
transparente, dont la régularité et la sincérité ont été reconnus par les
nombreux observateurs internationaux.
Ils affirment que le Conseil Constitutionnel, par arrêt du 21 mars 2021 a
proclamé les résultats définitifs et a déclaré élu Be X.
11. Les requérants relatent que cependant, le 26 juillet 2023, soit avant même
la moitié du cours de ce mandat, le Général Ab Ap, nommé
par décret présidentiel n°2011-06/PRN du 11 avril 2011, chef de corps de la
Garde présidentielle, dont la charge était d’assurer la sécurité du Président de
la République, a fomenté et exécuté un coup d'Etat militaire, qui a renversé
l’ordre constitutionnel du défendeur.
12. Les requérants affirment que le même jour, ils ont été mis aux arrêts et
placés en résidence surveillée. Depuis lors, tous les trois sont détenus dans leur résidence située au cœur même du camp de la garde présidentielle, sans notification
d’une quelconque infraction, sans la moindre inculpation, ni décision de justice. Ils
sont, depuis lors, placés sous le contrôle exclusif des auteurs du coup d’État.
13. En dépit de toutes les déclarations et demandes pressantes de la Communauté
internationale, et de l’organisation sous-régionale, ainsi que celle de l’Union
africaine, ils sont toujours entre les mains de la junte militaire issue
du changement anticonstitutionnel du 26 juillet 2023 et continuent de subir de graves
et récurrentes violations des droits de l’homme, par le défendeur et ses autorités de
fait. C’est pourquoi, ils ont saisi la Haute juridiction sous- régionale, pour faire
constater et cesser les violations de leurs droits de l’homme.
b) Moyens invoqués
14. Les moyens de droit invoqués par les requérants sont les suivants :
-Violation du droit à la liberté ;
Articles 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948,
12 alinéa 1 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) de
1966, article 12 alinéa 1 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples
(CADHP) de 1981 ;
-Violation du droit à ne pas être arrêté ni détenu arbitrairement ;
Articles 9.1 du PIDCP, 6 de la CADHP ;
-Violation des droits politiques ;
Articles 13 de la CADHP), 25 du PIDCP, 3.1 et 3.2 de la Charte Africaine de la
Démocratie, des Elections et de la Bonne Gouvernance ;
-Violation des principes de convergence constitutionnelle ;
Articleler et 20-1 du protocole A/sp1/12/01 sur la démocratie et la bonne
gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de
gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la sécurité.
Article 2 de la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la
gouvernance dispose.
15. Les requérants sollicitent qu’il plaise à la Cour :
- Constater la violation de leur droit à la liberté d’aller et venir ;
- Constater que leur arrestation et leur détention sont arbitraires ;
- Ordonner leur mise en liberté immédiate ;
- Constater la violation des droits politiques du requérant Be
X ;
- Constater la violation des principes de convergence constitutionnelle au
détriment du requérant Be X ;
- Enjoindre au défendeur de se conformer immédiatement aux principes de
convergence constitutionnelle par le rétablissement de l'ordre
constitutionnel et par la poursuite jusqu’à son terme légal du mandat
démocratique que le peuple du Niger a souverainement confié au requérant
Be X ;
-Ordonner au défendeur le respect scrupuleux des instruments
internationaux et de ses lois internes dans les limites du respect des droits
de ses citoyens ;
- Condamner le défendeur aux dépens.
VII. ARGUMENTATION DU DÉFENDEUR
a) Exposé des faits
16. Par mémoire en défense du 19 octobre 2023, le défendeur relate que le 26 juillet
2023, un coup d’Etat a renversé Be X et porté le Conseil National
pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) au pouvoir.
17. Il relève que la Constitution a été suspendue et les institutions de la République
ont été dissoutes (Assemblée Nationale, Conseil Economique Social et Culturel,
Cour Constitutionnelle, Cour de cassation, Conseil d’Etat …).
18. Le défendeur déclare que fort de l’appui de l’ensemble des Nigériens, le 10 août
2023, un gouvernement a été formé avec Ali Ag AI C, un civil
nommé Premier Ministre.
19. Il affirme que depuis la date du 26 juillet 2023, les autorités militaires au pouvoir
et le Gouvernement ont constaté l’effervescence des foules qui les soutiennent
quotidiennement et qui réclament que les anciens dignitaires du régime déchu leur
soient livrés. Elles (ces foules) prônent la justice populaire. Cependant, conscientes
qu’elles ont l’obligation de protéger les requérants, les autorités militaires les ont
mis en résidence surveillée.
20. Le défendeur avance en outre que les nouvelles autorités ont pris la décision de
déplacer en détention préventive certaines personnalités de l’ancien régime dont les
dossiers ont déjà été transmis aux autorités judiciaires.
21.11 affirme que Be X est concerné par cette décision mais que son
épouse et son fils n’ont jamais été inquiétés par qui que ce soit, contrairement au
contenu de leur requête.
18. b) Moyens invoqués
22. Le défendeur invoque comme moyen de droit, les dispositions du Protocole
A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et de la Charte Africaine
de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance ;
c) Conclusion
23. Le défendeur conclut au rejet de l’ensemble des prétentions des requérants
comme étant mal fondées.
24. Les requérants font valoir que dès lors que l’article 9.4 du Protocole additionnel
(A/SP.1/01/05) portant Amendement du protocole (A/P.1/7/91) relatif à la Cour de
Justice de la Communauté dispose que : « La Cour est compétente pour connaître
des cas de violation des droits de l'Homme dans tout État membre. » et qu’en
l’espèce, ils allèguent la violation de leurs droits et liberté commis au Niger, État
membre de la CEDEAO si bien que la Cour doit se déclarer compétente pour
connaître de leurs requêtes.
25. Le défendeur n’élève aucune contestation quant à la compétence de la Cour à
connaître du litige.
ANALYSE DE LA COUR
26. La Cour rappelle que sa compétence en matière de droit de l’homme est régie
par les dispositions de l’article 9-4 du Protocole additionnel A/SP.1/01/05 du 19
janvier 2005 portant amendement du Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour de justice
qui dispose que : « La Cour est compétente pour connaître des cas de violation des
droits de l'Homme dans tout Etat membre ».
27. En l'espèce, les requérants invoquent la violation de leur droit à la liberté ; leur
droit à ne pas être arrêtés ni détenus arbitrairement ; leurs droits politiques ainsi que
la violation des principes de convergence constitutionnelle ;
28. La Cour note que les droits invoqués par les requérants font partie des droits de
l’homme qui relèvent de sa juridiction. Par conséquent, l’invocation de la violation
desdits droits lui donne compétence pour connaitre de la requête en application des
dispositions de l'article 9 al. 4, du protocole additionnel A/SP.1/01/05/du 19 janvier
2005 et ce, conformément à sa jurisprudence constante d’autant plus que le
défendeur est un Etat membre de la CEDEAO.
IX. RECEVABILITÉ
29. Les requérants soutiennent que l’article 10.d du Protocole précité dispose que :
« Peut saisir la Cour : d) toute personne victime de violations des droits de l’homme
; la demande soumise à cet effet :
i) ne sera pas anonyme ;
il) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté
lorsqu'elle a déjà été portée devant une autre Cour internationale
compétente ».
30. Ils affirment que dans le cas d’espèce, ils sont tous des personnes physiques, de
nationalité nigérienne et citoyens de la Communauté AJ qui s’estiment
victimes de violation de leurs droits de l’homme. Ils sont bien identifiés dans la
requête qui n’est donc pas anonyme. En outre, ils n’ont pas saisi une autre
juridiction internationale compétente en matière de droits de l'homme pour
connaître de ce même litige. Ils estiment par conséquent que leur requête remplit
les conditions prévues par l’article 10.d et qu’il y a lieu de la déclarer recevable.
31. Le défendeur soulève l’irrecevabilité de la requête pour défaut de qualité pour
agir du requérant Be X. Il explique qu’alors qu’à la faveur du coup d’Etat intervenu le 26 juillet 2023 le requérant a été dépossédé du pouvoir d’Etat et
qu’il a conséquemment perdu le poste de Président de la République du Niger, la
lecture de la requête révèle qu’il continue à se prévaloir du titre de Président de la
République. Il ajoute qu’en outre, cette requête s’est uniquement contentée de
rassembler les informations diffusées par les moyens de communication de masse
en violation de l’article 56 alinéa 4 de la CADHP. Il sollicite en conséquence que la
Cour déclare leur requête irrecevable.
ANALYSE DE LA COUR
32. La Cour note que la recevabilité des requêtes dont elle est saisie est régie par les
dispositions de l’article 10-d du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier
2005 portant amendement du Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour qui dispose que :
« peut saisir la Cour, toute personne victime de violation des droits de l’homme ;
La demande soumise à cet effet :
i) ne doit pas être anonyme ;
il) ne sera pas portée devant la Cour de Justice de la Communauté lorsqu'elle
a été déjà portée devant une autre Cour internationale compétente »
33. En l’espèce, la Cour constate que les requérants sont bien identifiés. Il s’agit de
Be X, homme politique de nationalité nigérienne domicilié à
Ay, de Z Ao AG X, nigérienne épouse de Be
X domiciliée à Ay et de A X, Ac fils de Be
X.
La Cour estime en conséquence que la requête n’est pas anonyme.
34 La Cour relève par ailleurs qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’issue des
élections présidentielles qui se sont déroulées au Niger, c’est le requérant Be
X qui a été démocratiquement élu Président de la République comme l’atteste l’arrêt du Conseil constitutionnel du 21 mars 2021. Il est donc la seule
personne habilitée à se prévaloir légitimement de cette qualité. C’est donc à juste
titre qu’il se prévaut de sa qualité de Président de la République malgré la survenance
du coup d’Etat qui l’a illégalement et donc injustement dépossédé de l’exercice de
ses attributions. Il en résulte que l’argument du défendeur tendant à dire que la
requête n’est pas recevable du seul fait que le requérant Be X se dit
Président de la République du Niger alors qu’il a perdu ce titre à la suite d’un Coup
d’Etat n’est pas pertinent.
35. De même, la Cour estime que l’exactitude des faits allégués par le requérant
relève plutôt du fond du litige que de la forme de la requête. Par conséquent,
l’argument tendant à dire que la requête doit être déclarée irrecevable parce qu’elle
s’est limitée exclusivement à rassembler des informations diffusées par les moyens
de communication de masse en violation de l’article 56 de la CADHP aux termes
duquel « la requête ne doit pas se limiter à rassembler exclusivement des nouvelles diffusées
par les moyens de communication de masse » n’est pas non plus pertinent dans la mesure
où, comme indiqué ci-dessus, le texte de référence pour la recevabilité de la requête
est l’article10-d du Protocole Additionnel A/SP.1/01/05 du 19 janvier 2005 portant
amendement du Protocole A/P.1/7/91 relatif à la Cour et non l’article 56 de la
36. La preuve que les requérants ont saisi une autre juridiction internationale
compétente en matière de droits de l’homme pour connaitre de cette même affaire
n’étant pas rapportée, la Cour conclut que la requête doit être déclarée recevable
comme remplissant toutes les exigences légales.
x PROCEDURE DEVANT LA COUR
SUR LA DEMANDE D’ADMISSION DE L’AFFAIRE A LA PROCEDURE
ACCELEREF
37. Par acte séparé du 18 septembre 2023, les requérants ont saisi la Cour d’une
demande aux fins d’obtenir l’admission de la présente affaire à la procédure
accélérée.
38. Au soutien de leur demande, les requérants expliquent que depuis le 26
juillet 2023, jour du coup d'Etat, ils ont été arrêtés et détenus par la junte
militaire.
39. Ils font valoir qu'il y a urgence manifeste à ce que la Cour de Justice de la
CEDEAO statue dans les plus brefs délais en procédure accélérée sur les
violations qu’ils subissent du fait des agissements d'un État membre de la
Communauté qui les prive de leur liberté par des restrictions déraisonnables
de la liberté d'aller et venir, des arrestations et détentions arbitraires, une
interruption brutale du mandat présidentiel au moyen d’un coup de force
caractérisant une violation manifeste des droits politiques de Be
X et une confiscation du pouvoir politique par la junte militaire.
40. Les requérants allèguent que l’urgence de statuer en procédure accélérée
est d'autant plus manifeste que d’une part, toute la communauté internationale
condamne le coup de force et appelle à leur libération immédiate, d’autre part,
il est constant qu’une intervention militaire imminente pourrait s'avérer lourde
de conséquence pour la paix et la sécurité dans la sous-région.
41. Ils estiment en conséquence que si la Cour soumet la requête principale aux
délais ordinaires de la procédure, cela aura pour conséquence de laisser
perdurer leur détention et la confiscation du pouvoir par des autorités militaires au détriment du requérant Be X qui était investi d'un
mandat électif qu'il a le droit d'exercer jusqu’à son terme.
Ils sollicitent qu’il plaise à la Cour faire droit à leur demande de procédure
accélérée.
42. Le défendeur fait savoir que l’urgence particulière est la première condition pour
qu’une affaire soit admise à la procédure accélérée. Il estime qu’en l’espèce, les
arguments invoqués par les requérants à l’appui de leur demande ne révèlent pas
l’urgence au sens de l’article 59 du Règlement de la Cour.
43. Il estime en effet que les constats de violation des droits de l’homme, les
restrictions de la liberté d’aller et venir, l’interruption du mandat présidentiel, la
condamnation du coup d’Etat par la Communauté internationale et la confiscation
du pouvoir politique ne sauraient justifier l’admission de l’affaire à la procédure
accélérée.
Le défendeur sollicite par conséquent, le rejet de la demande aux fins de procédure
accélérée.
ANALYSE DE LA COUR
44. La cour rappelle qu’il ressort des dispositions de l’article 59 du Règlement
qu’« À la demande soit de la partie requérante, soit de la partie défenderesse, le
président peut exceptionnellement, sur la base des faits qui lui sont présentés, l’autre
partie entendue, décider de soumettre une affaire à une procédure accélérée
dérogeant aux dispositions du présent Règlement, lorsque l’urgence particulière de
l'affaire exige que la Cour statue dans les plus brefs délais »
45. La Cour note qu’en l’espèce, les faits qui sont présentés par les requérants font
état de ce qu’à la faveur du changement anticonstitutionnel intervenu au Niger, ils
ont été arbitrairement arrêtés et détenus par la junte militaire au pouvoir. Ils allèguent que leur liberté d’aller et venir est violée ainsi que les droits politiques de Be
X.
C’est pour ces faits qu’ils affirment qu’il y a urgence manifeste à ce que la Cour de
Justice de la CEDEAO statue dans les plus brefs délais suivant la procédure
accélérée.
46. Ils soulignent que si la requête principale n’est pas traitée suivant la
procédure accélérée, cela aura pour conséquence de laisser perdurer leur
détention et la confiscation du pouvoir par des autorités militaires au détriment
du requérant Be X qui était investi d’un mandat électif qu’il a le
droit d'exercer jusqu’à son terme.
47. La Cour rappelle que l’application de l’article 59 du Règlement suppose
l'existence d’une urgence particulière dont la présence en la cause doit être
établie par le requérant. En effet, obligation lui est faite d'indiquer, par une
motivation particulière, les raisons pour lesquelles il estime qu’une décision
48. La Cour estime que l’urgence particulière susceptible de justifier
l’admission d’une affaire à la procédure accélérée doit procéder de l’existence
d’un motif spécial justifiant qu’il soit statué dans les plus brefs délais soit pour
faire cesser une violation manifeste des droits du requérant, soit pour prévenir
un risque imminent de violation de ses droits fondamentaux. Confer
(CJ/CEDEAO ORD n°ECW/CCJ/ADD/09/15 du 14 décembre 2015).
49. Lorsque la Cour considère que les faits allégués par le requérant ne
permettent nullement de caractériser l'existence d'un péril imminent et de
nature irréversible qui puisse justifier la prise d'une décision dans un bref délai,
la Cour rejette la demande d’admission de l'affaire à la procédure accélérée.
Affaire n° ECW/CCJ/ORD/06/2 An Ad c/ République du Mali).
50. La Cour note qu’en l’espèce, les requérants se contentent d’affirmer que si la
requête principale n’est pas traitée suivant la procédure accélérée, cela aura
pour conséquence de laisser perdurer leur détention et la confiscation du
pouvoir par des autorités militaires au détriment du requérant Be
X qui était investi d’un mandat électif qu'il a le droit d'exercer jusqu’à
son terme sans pour autant démontrer que conformément aux dispositions de
l’article 59 du Règlement, l’urgence particulière de l’affaire exige que la Cour statue
dans les plus brefs délais.
51. La Cour constate en conséquence que l’urgence invoquée par les requérants pour
solliciter l’admission de la présente affaire à la procédure accélérée ne revêt pas un
caractère particulier. Or il ressort des dispositions de l’article 59 du Règlement de la
Cour que ce n’est que « lorsque l’urgence particulière de l'affaire exige que la Cour
statue dans les plus brefs délais » qu’« à la demande soit de la partie requérante,
soit de la partie défenderesse, le Président peut exceptionnellement, sur la base des
faits qui lui sont présentés, l’autre partie entendue, décider de soumettre une affaire
à la procédure accélérée dérogeant aux dispositions du Règlement.»
52. La Cour estime par conséquent qu’il n’y a aucune urgence particulière dans la
présente affaire susceptible de justifier son admission à la procédure accélérée. Par
conséquent, faute de remplir les conditions de l’article 59 du Règlement, comme
cela résulte des explications des parties, la Cour ne peut que rejeter la demande
tendant à obtenir l’admission de l’affaire à la procédure accélérée.
XI SUR LE FOND DE L’AFFAIRE
53. Les requérants invoquent la violation par le défendeur de leur droit à la liberté
(A), des droits politiques de Be X (B) et des principes de
convergence constitutionnelle (C). La Cour va procéder successivement à l’analyse
de ces prétentions.
A- SUR LA VIOLATION DU DROIT A LA LIBERTE
54. Les requérants reprochent au défendeur d’avoir violé leur droit à la liberté d’aller
et venir (a) ainsi que leur droit à ne pas être arrêtés ni détenus arbitrairement (b).
a) Sur la violation du droit à la liberté d’aller et venir
55. Les requérants soutiennent que depuis la survenance du coup d’État, ils
sont victimes d’une interdiction de quitter leur résidence située dans l’enceinte
militaire de la junte auteur du coup d’État. Les requérants font savoir que pour
marquer le caractère absolu de cette interdiction, des chaînes ont été installées
sur les portes du bâtiment.
56. Les requérants s’insurgent contre cette interdiction qu’ils jugent
inadmissible d’autant plus que, selon eux, elle ne repose sur aucune base légale.
Ils affirment qu’ils n’ont été informés d'aucun motif susceptible de justifier
cette interdiction qui ne leur a jamais été notifiée par écrit de sorte qu’ils sont
privés de toute possibilité d'exercer un recours contre elle, avec la circonstance
particulière qu'elle est le fait d’une autorité qui n’est pas une autorité judiciaire
et qui procède simplement d’une voie de fait et d’une extorsion de pouvoir.
Ils estiment donc qu’il est établi que leurs droits de l'Homme ont été méconnus
par le défendeur.
57. Pour sa part, le défendeur réfute toutes les allégations des requérants en
soutenant que c’est de leur propre gré qu’ils sont dans cette situation car il n'a
jamais décidé de les priver de leur liberté.
58. Il en veut pour preuve, le fait que dès le 29 juillet 2023, des instructions ont
été données au responsable de la sécurité de la Présidence pour organiser le
départ des membres de la famille de Be X en l'occurrence Z
Ao AG X et A X.
59. Le défendeur affirme, en outre, que Dame Z Ao AG X et
A X qui ne sont pas concernés par cette mesure, ont refusé
catégoriquement de quitter le palais Présidentiel et laisser Be X
seul. Il prie en conséquence la Cour d’en faire le constat et dire et juger que
toute requête tendant à les voir libérés serait sans objet car les requérants ne
sont nullement détenus ou inquiétés.
60. Le défendeur explique que Be X demeure bien gardé au palais
présidentiel car c’est le lieu idéal pour assurer sa protection. Il fait valoir en effet que
la tension est toujours vive dans les rues de Niamey où les manifestations continuent
avec les demandes incessantes de traduire sans exception devant les juridictions tous
les leaders de l’ancien régime. Il ajoute que dans ces conditions, laisser Be
X libre de ses mouvements constituerait une violation de l’obligation qui
lui incombe d’assurer la sécurité des citoyens. Il s’agit donc d’une mesure sécuritaire
prise pour protéger les requérants en raison de leur qualité de personnes publiques.
ANALYSE DE LA COUR
61. La Cour note que le droit à la liberté d’aller et venir est un droit fondamental de
l’homme. Il est consacré par divers instruments internationaux et régionaux de
protection des droits de l'homme, tels que l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme des Nations Unies de 1948, l’article 12 alinéa
1 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques (1966) et l’article
12 alinéa 1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (1981).
L'article 12 alinéa 1 de ladite Charte énonce que : « toute personne a le droit de
circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État, sous réserve de
se conformer aux règles édictées par la loi »,
62. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) de 1966
énonce en son article 12 alinéa 2 que : « foute personne est libre de quitter n'importe
quel pays, y compris le sien ».
63. La Cour relève qu’en l’espèce, Be X, son épouse Z Ao
AG X et son fils A X sont maintenus au palais
présidentiel où ils ne sont pas libres de leurs mouvements depuis la survenance du
coup d’Etat perpétré par la junte militaire.
64. La Cour note que certes le droit à la liberté d’aller et venir peut connaître des
restrictions.
Elle rappelle néanmoins que les instruments internationaux, les lois communautaires
européennes, américaines et africaines précisent, à l’instar de l’alinéa 2 de l’article
12 de la CADHP, que le droit de quitter son pays « ne peut faire l’objet de restrictions
que si et seulement si, celles-ci devraient être justifiées par la nécessité de protéger
la sécurité nationale, l’ordre public, la santé ou la moralité publiques ou les droits
et libertés d'autrui ».
65. La Cour constate qu’en l’espèce, le défendeur allègue que les restrictions ont été
faites à la liberté d’aller et venir des requérants pour protéger le requérant Be
X qui est une personnalité publique.
La Cour se demande alors pourquoi les autres personnalités publiques ne sont pas
assignées à résidence surveillée pour bénéficier de la même protection.
66. La Cour en conclut que les restrictions apportées par le défendeur au droit des
requérants d’aller et venir librement ne reposent pas sur une base légale. Les requérants n’ont d’ailleurs pas été informés d’un motif susceptible de les
justifier.
Les requérants rapportent que non seulement cette mesure ne leur a jamais été
notifiée par écrit mais aussi, Ils n'ont jamais fait l’objet d’aucune inculpation
pour leur permettre d'exercer éventuellement un recours devant les
juridictions compétentes.
67. La Cour note également qu’aucune autorité judiciaire n’a décidé d’interdire
aux requérants de circuler librement ou de les priver de la liberté d'aller et
venir.
68. Dans une espèce analogue, la Cour de justice de céans a statué ainsi qu’il
suit: “Mais la Cour estime que cette disposition ne peut concerner les
requérants, puisqu'ils ne sont ni poursuivis en justice, ni inculpés par une autorité
judiciaire compétente. Par conséquent, a priori, rien ne justifie une interdiction de
sortie du territoire sans la preuve de trouble à l'ordre public, à la sécurité
nationale, ou à la santé et la moralité publiques. La Cour estime sur ce point, que
même si la mesure de restriction s'avère nécessaire, elle doit être prise en vertu
d'une loi ou d’une décision judiciaire ; et que même dans ces conditions, elle ne
doit pas être disproportionnée par rapport au but recherché. Or, dans le cas
d'espèce, la Cour constate que la mesure d'interdiction de sortie du territoire prise
à l'encontre des requérants, ne s'appuie sur aucune décision de justice, mais plutôt
sur un simple message de police, ce qui est contraire à l'esprit et la lettre de la
disposition précitée.” (Arrêt N° ECW/CCI/JUG/04/13, aff, Au Ae c/
l’État du Sénégal, $ 58)
69. Par conséquent, lorsque, comme en l’espèce, la restriction apportée à l’exercice
de ce droit n’est pas fondée sur l’application d’une disposition légale ou l’exécution
d’une décision de justice, la Cour juge qu’elle est illégale.
70. Au regard de toutes ces considérations, la Cour juge que la mesure d’interdiction
d’aller et venir prise à l’encontre des requérants, sans base légale constitue une
violation de leur droit à la liberté d’aller et venir.
b) - sur l’arrestation et la détention arbitraires
71. Les requérants font savoir qu’il est établi que dès le coup d’Etat perpétré
par la junte militaire, ils ont été arrêtés et que, depuis lors, ils sont détenus sans
que le motif de leur arrestation et de leur détention ne soit porté à leur
connaissance.
72. Ils ajoutent qu’ils n’ont pas fait l'objet d’une inculpation par une autorité
judiciaire compétente et qu’aucune décision de justice ne prescrit leur
détention alors qu’il ressort de l’article 9.1 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques que : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité
de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d'une arrestation ou d'une détention
arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et
conformément à la procédure prévue par la loi ».
73. Ils font valoir qu'aux termes de l’article 6 de la Charte africaine des droits
de l'homme et des peuples (CADHP) : « Tout individu a droit à la liberté et à la
sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs
et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en particulier nul ne
peut être arrêté ou détenu arbitrairement. »
74. Les requérants prient en conséquence la Cour de constater que leur
arrestation et leur détention sont arbitraires.
Pour corroborer leurs allégations, les requérants citent l'affaire Aq Aa
AK c. République du Bénin, Arrêt N°’ECW/CCJ/JUD/05/17, dans laquelle la
Cour de ce Siège a rappelé les termes de son arrêt dans l'affaire Af Ar Y
At Bf, Arrêt N°ECW/CCJ/JUD/13/12 (non publié) : où « elle définit une 21 détention arbitraire comme étant toute forme de restrictions de la liberté
individuelle qui intervient sans motif légitime ou raisonnable et en violation des
conditions prévues par la loi... ».
75. Ils citent en outre, le Groupe de Travail des Nations Unies sur la détention
arbitraire, dans les affaires Ai As c. l’État du Gabon, Avis
n°62/2019, et Bb Av c. l’État du Sénégal, Avis n°4/2015, qui estime que
la privation de liberté est arbitraire dans plusieurs cas notamment les deux suivants :
a) Lorsqu’il est manifestement impossible d’invoquer un quelconque fondement
légal pour justifier la privation de liberté (comme dans le cas où une personne
est maintenue en détention après avoir exécuté sa peine ou malgré l’adoption
d’une loi d’amnistie qui lui serait applicable) (catégorie I) ;
b) Lorsque la privation de liberté résulte de l’exercice de droits ou de libertés
garantis par les articles 7, 13, 14, 18, 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle
des droits de l’homme et, en ce qui concerne les États parties au Pacte
international relatif aux droits civils et politiques, par les articles 12, 18, 19,
21, 22, 25, 26 et 27 de cet instrument (catégorie IT).
76. Les requérants soutiennent que les faits d’arrestation et de détention arbitraires,
sont d’autant plus inadmissibles qu’il s’agit d’un chef d’Etat en plein exercice d'un
mandat qui lui a été démocratiquement attribué par le peuple, de son épouse et
de son fils âgé de 23 ans.
Par conséquent, ils sollicitent qu’il plaise à la Cour de justice de céans, constater
que leur arrestation et leur détention sont arbitraires.
77. Le défendeur soutient au contraire que les requérants ne sont pas en
détention et n’ont pas fait l’objet d’arrestation. Il explique que les requérants
Dame Z Ao AG X et A X sont volontairement
avec Be X par solidarité familiale. Il avance que ces derniers ont
refusé de sortir du palais présidentiel et d'y laisser Be X tout
seul. Quant à Be X, le défendeur affirme que c’est pour sa propre
sécurité qu'il est privé de liberté de mouvements.
ANALYSE DE LA COUR
78. La Cour note qu’il ressort de l’article 9.1 du Pacte International relatif aux Droits
Civils et Politiques que :« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa
personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire.
Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la
procédure prévue par la loi ».
79. La Cour relève que cette disposition du pacte signifie qu’une arrestation est
arbitraire lorsque :
- Le motif de l’arrestation est illégal ;
- La victime n’a pas été informée des raisons de son arrestation ;
- Les droits procéduraux de la victime n’ont pas été respectés ;
- La victime n’a pas été présentée à un juge dans un délai raisonnable ;
80. L'article 6 de la CADHP dispose quant à lui que « Tout individu a droit à la
liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour
des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ; en
particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement. »
81. La Cour rappelle que pour déterminer le caractère arbitraire d’une détention, le
Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire a dégagé trois critères
à savoir :
- Il est manifestement impossible d’invoquer un fondement quelconque qui justifie
la privation de liberté ;
- la privation de liberté résulte de l’exercice par l’intéressé des droits proclamés ou
des libertés proclamées par les 7,13,14,18,19,20 et 21 de la Déclaration Universelle
des Droits de l’Homme et, pour autant que les Etats soient parties au Pacte
international relatifs aux Droits Civils et Politiques.
- L’inobservation, totale ou partielle, des normes internationales relatives au droit à
un procès équitable, énoncées dans la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme et dans les instruments internationaux pertinents acceptés par les Etats concernés, est d’une gravité telle que la privation de liberté prend un caractère
arbitraire.
82. À titre d’exemple, il convient de citer l’arrêt ECW/CCI du 8 novembre 2010 de
la Cour de céans dans l’affaire Al Bd c. Général Bc Aw et Etat du
Niger. En effet dans cet arrêt, pour retenir le caractère arbitraire de la détention du
susnommé, la Cour de céans a fait recours à la définition du Groupe de Travail de la
Commission des droits de l’homme des Nations Unies en considérant comme
arbitraires les privations de liberté qui, pour une raison ou une autre, sont contraires
aux normes internationales pertinentes énoncées dans la Déclaration Universelle des
droits de l’homme ou par les instruments internationaux pertinents ratifiés par les
Etats.
83. En l’espèce, la Cour fait observer qu’il ressort des pièces de la présente procédure
que l’arrestation des requérants à laquelle les autorités militaires ont procédé le 26
juillet 2023 est consécutive uniquement au coup d’Etat qu’elles ont perpétré.
84. La Cour dit que dans ces circonstances, il ne peut être valablement soutenu que
l’arrestation des requérants est légale ou qu’il est possible d’invoquer un fondement
qui la justifie. Il ne peut pas non plus être soutenu qu’ils ont été informés des raisons
de leur arrestation puisqu’ils le contestent eux-mêmes, ni que leurs droits
procéduraux ont été respectés.
85. La Cour retient que l’arrestation des requérants est arbitraire puisqu’ils n’ont
jamais été présentés à une autorité judiciaire alors que cela aurait dû se faire
immédiatement dès leur arrestation.
86. La Cour rappelle qu’aux termes de l’article 9 alinéa 4 du PIDCP, « Quiconque
se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un
recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa
détention et ordonne sa libération si la détention est illégale ».
87. La Cour ayant conclu en l’espèce que l’arrestation et la détention des requérants
sont illégales et par conséquent arbitraires, elle estime que c’est à bon droit que les 24 requérants ont introduit la présente procédure en vue d’obtenir leur libération
immédiate et sans condition.
B) SUR LA VIOLATION DES DROITS POLITIQUES
88. En particulier le requérant Be X soutient que les droits
politiques sont protégés par divers instruments juridiques internationaux,
notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Charte
africaine des droits de l'homme et des peuples, et la Charte africaine de la
démocratie, des élections et de la gouvernance.
89. Pour corroborer ses propos, il cite les dispositions de l’article 25 du Pacte
international relatif aux droits civils et politiques aux termes desquelles : « Tout
citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article
2 et sans restriction déraisonnables :
a) De prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par
l'intermédiaire de représentants librement choisis ;
b) De voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage
universel et égal et au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté
des électeurs ;
c) D'accéder, dans des conditions générales d'égalité, aux fonctions publiques de
son pays. »
90. Il invoque également l’article 13 de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples qui dispose que :
« 1. Tous les citoyens ont le droit de participer librement à la direction des affaires
publiques de leur pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants
librement choisis, ce, conformément aux règles édictées par la loi.
2. Tous les citoyens ont également le droit d'accéder aux fonctions publiques de
leurs pays. » 91. Le requérant fait valoir qu’en outre, la Charte africaine de la démocratie des
élections et de la bonne gouvernance dispose en ses articles 3.1 et 3.2 que :
«Les États parties s'engagent à mettre en œuvre la présente Charte
conformément aux principes énoncés ci-après :
Le respect des droits de l'homme et des principes démocratiques.
L'accès au pouvoir et son exercice, conformément à la Constitution de l’État partie
et au principe de l’État de droit. »
92.11 rappelle qu’en l'espèce, le requérant Be X, conformément
aux droits qu’il tient des dispositions pertinentes des instruments
internationaux précités et de la loi nationale nigérienne, a librement participé
à l’élection présidentielle qu’il a remportée ainsi qu’il résulte de l'arrêt n° 23 du
Conseil constitutionnel du 21 mars 2021 proclamant les résultats définitifs en
ces termes : «déclare par conséquent, élu Président de la République du Niger,
Monsieur Be X, pour un mandat de cinq (05) ans à compter du 02
avril 2021 à 00 heure ».
93. Le requérant Be X estime en conséquence que par
l'interruption de son mandat présidentiel, il subit du fait du coup d’État
perpétré par la junte militaire, une atteinte grave à l’exercice de ses droits
politiques consacrés par les instruments juridiques susvisés. Ce qui constitue,
selon lui, une violation de son droit de participer à la gestion des affaires
publiques de son pays en tant que première autorité.
94. Le défendeur, en ce qui le concerne, reconnait que depuis le 26 juillet
2023, le régime de Be X a été renversé par un coup
d’Etat. Il soutient néanmoins qu’en l'espèce, la preuve d’une quelconque
violation des droits de l'homme n’a été rapportée et sollicite qu’il plaise à
la Cour rejeter les demandes du requérant comme étant mal fondées.
ANALYSE DE LA COUR
95. La Cour relève que le défendeur est un Etat membre de la Communauté,
signataire de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples ainsi que
d’autres instruments internationaux relatifs à la protection des droits de l’homme.
96. La Cour note que le défendeur a choisi la démocratie comme mode de
gouvernement ; c’est-à-dire le pouvoir du peuple par le peuple et pour le peuple
conformément à la définition générale connue de tous.
97. La Cour souligne par conséquent que dans un régime démocratique comme celui
choisi constitutionnellement par le défendeur, la souveraineté appartient au peuple
et aucun mode anticonstitutionnel d’accès au pouvoir d’Etat n’est admis ; ce qui
signifie que seul le peuple a le droit de désigner ses représentants auxquels il confie
sa souveraineté et la légitimité du pouvoir d’Etat de sorte que sans l’onction du
peuple par le biais des élections, aucune autorité ne peut se prévaloir de la légitimité
de surcroit lorsque l’accès au pouvoir, comme dans le cas d’espèce, s’est fait par un
coup d’Etat.
98. Pour cette raison, l’article 1er du protocole a/sp1/12/01 sur la démocratie
et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de
prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la
sécurité dispose que : « Toute accession au pouvoir doit se faire à travers des
élections libres, honnêtes, et transparentes.
Tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non
démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir. »
99. L'article 20-1 du même protocole précise que : « L'armée et les forces de
sécurité publique sont soumises aux autorités civiles régulièrement constituées. »
La Cour constate qu’en l'espèce, alors qu’à l'issue des élections présidentielles
qui ont eu lieu au Niger le candidat Be X a été déclaré élu pour
un mandat de cinq ans, des militaires l'ont dépossédé du pouvoir par la force, 27 caractérisée par l’usage des armes le 26 juillet 2023 en violation des
dispositions de l’article 1 du Protocole sur la démocratie et la bonne
gouvernance qui édicte la soumission totale de l’armée aux autorités civiles.
100. Par conséquent, le requérant Be X qui était investi d’un
mandat de Président de la République est parfaitement fondé à invoquer la
violation de ses droits politiques notamment son droit de participer à la gestion
des affaires publiques de son pays lorsqu'il est dépossédé du pouvoir par une
interruption illégale de son mandat électif à la suite d’un coup d’État.
C) SUR LA VIOLATION DES PRINCIPES DE CONVERGENCE
CONSTITUTIONNELLES
101. Le requérant expose que les principes de convergence constitutionnelle
communs à tous les États membres de la CEDEAO sont prévus par l’article 1er
du protocole a/sp1/12/01 sur la démocratie et la bonne gouvernance
additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de
règlement des conflits, de maintien de la Paix et de la sécurité.
Il rappelle qu’aux termes de cet article, « Toute accession au pouvoir doit se faire
à travers des élections libres, honnêtes, et transparentes. Tout changement
anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique
d'accession ou de maintien au pouvoir. »
102. Le requérant estime qu’en l’espèce, les dispositions précitées ont été
violées le 26 juillet 2023, lorsque la junte militaire organisée en « Conseil
national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) », a renversé le pouvoir civil et
suspendu la Constitution de la République.
103. Le défendeur fait remarquer qu’en invoquant la violation des principes de
convergence constitutionnelle, le requérant fait référence aux dispositions28u Protocole A/SP1/12/01 sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance et de la
Charte Africaine de la Démocratie, des Elections et de la Gouvernance. Il soutient
en effet que le renversement du pouvoir intervenu le 26 juillet 2023 constitue une
violation des principes de convergence constitutionnelle et une atteinte à ses droits
de l’homme. Au demeurant, le réclame en conséquence, à titre de réparation, une
restitution qui doit prendre selon lui, la forme d’une mesure de libération immédiate
et concernant le cas singulier de Be X, une injonction adressée au
défendeur pour le rétablissement immédiat de son ordre constitutionnel.
104. Le défendeur, en ce qui le concerne, rappelle qu’à travers sa jurisprudence
constante, la Cour Commune de Justice de la CEDEAO a toujours affirmé qu’elle
n’est pas une juridiction judiciaire de droit commun, ni à fortiori une juridiction
constitutionnelle.
105. Il fait remarquer que la situation que les requérants qualifient de régime
anticonstitutionnel violant les droits politiques et les principes de convergence
constitutionnelle est légitimée désormais par le peuple nigérien qui était assoiffé de
liberté d’expression et victime de violations de ses droits les plus élémentaires
pendant plusieurs années par un régime qui se cachait derrière de pseudos
élections ;
106. Il fait valoir par ailleurs qu’en droit, la souveraineté appartient au peuple, et
que c’est au nom de cette souveraineté que les Nigériens ont apporté leur soutien
au Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie et au gouvernement mis en
place ;
107. Le défendeur estime en outre qu’en sollicitant le rétablissement de l’ordre
constitutionnel Be X demande à la Cour de s’ingérer dans les
affaires du Niger.
108. Il conclut que cette demande ne peut prospérer car le Conseil National pour la
Sauvegarde de la Patrie et son gouvernement de transition sont aujourd’hui
soutenus et applaudis par le peuple nigérien.
ANALYSE DE LA COUR
110. La Cour note qu’il ressort du dossier de la procédure que le 21 mars 2021, à
l’issu d’un scrutin présidentiel qualifié de transparent, inclusif, démocratique et
sincère donc régulier par les nombreux observateurs internationaux présents sur
les lieux du vote, Be X a été élu Président de la République du
Niger. Ainsi, le Conseil constitutionnel, par arrêt du 21 mars 2021 en
proclamant les résultats définitifs, l’a déclaré élu.
111. La Cour relève qu’alors qu’aux termes de l’article 23 de la Charte Africaine
des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) : « Les Etats parties conviennent
que l’utilisation entre autres, des moyens ci-après pour accéder ou se maintenir
au pouvoir constitue un changement anticonstitutionnel de gouvernement et est
passible de sanctions appropriées de la part de l'Union :
1-Tout putsch ou coup d’État contre un gouvernement démocratiquement élu.
2-Tout refus par un gouvernement en place de remettre le pouvoir au parti ou au
candidat vainqueur à l issue d'élections libres, justes et régulières », le 26 juillet
2023, soit avant même la moitié du cours de ce mandat, le Général
Ab Ap, nommé par décret présidentiel n°2011-06/PRN du
11 avril 2011, chef de corps de la Garde présidentielle, dont la charge était
d'assurer la sécurité du Président de la République, a planifié et exécuté un
coup d'Etat militaire qui a renversé l’ordre constitutionnel de l’État du Niger.
112. La Cour fait observer que le coup d'Etat peut être défini comme la prise ou
le renversement du pouvoir d'Etat par une personne investie d’une autorité
(militaire ou civile) ou par une minorité de personnes de façon illégale et
souvent brutale notamment en utilisant la force des armes. Le coup d’Etat se
distingue de la révolution en ce que celle-ci est populaire. Le putsch, comme
dans le cas du Niger est un coup d'Etat réalisé par la force des armes.
113. Le coup d’Etat ou putsch est caractérisé par la négation, la suspension ou
même la suppression de la Constitution, la dissolution des institutions de la République, la prise de contrôle des moyens de communication et l’arrestation
du Président ainsi que des membres de son gouvernement.
114. La Cour estime qu’en l'espèce, le Coup d'Etat commis par la junte militaire,
qui s’est par la suite donnée le nom de Conseil National pour la Sauvegarde de
la Patrie en abrégé CNSP, constitue un changement inconstitutionnel de
gouvernement et violent les principes de convergence constitutionnelle.
115. Dans une affaire similaire, la Cour de justice de la CEDEAO a jugé que la
violation des principes de convergence constitutionnelle peut être invoquée
avec pertinence par une personne physique à la condition que la violation porte
atteinte à ses droits de l’homme. Arrêt N° ECW/CCI/JUG/04/13, aff, Au
Ae c/ l'Etat du Sénégal, du 22 février 2013,
116. C’est donc en vain que la junte militaire qui prétend représenter le
défendeur, revendique une certaine légitimité que lui aurait conférée
l’adhésion de la population au putsch alors qu’elle ne peut nullement justifier
qu'avant de faire le coup d'Etat, elle a consulté le peuple et obtenu son accord.
En plus, la junte militaire ne rapporte aucune preuve de manifestations
d’envergure récentes attestant du mécontentement du peuple contre le
gouvernement qu’elle a renversé par la force.
En conséquence, le requérant est bien fondé à soutenir que ses droits politiques
et les principes de convergence constitutionnelle ont été violés.
XIE SUR LES REPARATIONS DES PREJUDICES ALLEGUES
117. Les requérants articulent que plusieurs instruments internationaux de
protection des droits de l’'Homme consacrent le principe d’une réparation pour
les victimes de violations de leurs droits. Ils affirment qu’il en est ainsi
notamment de l’article 9.5 du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques aux termes duquel : « Tout individu victime d'arrestation ou de
détention illégale a droit à la réparation ».
118. Par ailleurs, ils rapportent que les Az Ax ont adopté un instrument
universel qui a vocation à s'appliquer en l'espèce ; il s’agit, selon eux, des
principes fondamentaux et Directives concernant le droit à un recours et à
réparation des victimes de violations flagrantes du droit international des
droits de l'homme et des violations graves du droit international humanitaire.
Les requérants soutiennent que cet instrument universel énonce que :
« Conformément à la législation interne et au droit international et compte tenu
des circonstances de chaque cas, il doit être assuré aux victimes de violations
flagrantes du droit international des droits de l'homme et du droit international
humanitaire, selon qu’il convient et de manière proportionnée à la gravité de la
situation et aux circonstances de chaque cas, une réparation pleine et effective
comme l'énoncent les articles 19 à 23, notamment sous les formes suivantes :
restitution, indemnisation, réadaptation, satisfaction et garanties de non-
répétition. »
119. Ils estiment qu’en l’espèce, les circonstances de fait et les violations
exposées justifient pleinement qu’il soit prononcé par la Cour de céans une
réparation par des mesures de restitution et de satisfaction à leur profit.
120. Les requérants sollicitent que la restitution prenne la forme d’une mesure
de libération immédiate de tous les requérants et d'une injonction adressée par
la Cour au défendeur pour le rétablissement immédiat de l’ordre
constitutionnel notamment par la remise du pouvoir d’Etat à Be
X pour qu'il exerce le mandat pour lequel le peuple l’a élu et lui a confié
sa souveraineté.
121. Le défendeur rétorque que la demande en réparation n’est pas fondée car les
requérants sont gardés en résidence surveillée pour garantir leur sécurité. Il estime
en conséquence qu’il n’a pas violé les dispositions de la Charte Africaine des Droits
de l'Homme et du Peuple, contrairement aux allégations des requérants.
122. 123. Le défendeur soutient qu’à supposer que les faits allégués soient établis,
le constat d’une atteinte aux droits politiques ne pourrait que se résoudre en
paiement de dommages et intérêts s’il y a lieu ;
124. Il sollicite qu’il plaise à la Cour constater que Dame Z Ao AG
X et A X ne font l’objet d’aucune détention et rejeter par
conséquent les demandes des requérants comme étant mal fondées ;
ANALYSE DE LA COUR
125. La Cour rappelle que sa compétence en matière de violation des droits de
l’homme lui permet non seulement de constater lesdites violations mais aussi
d’ordonner leur réparation s’il y a lieu.
126. La Cour constate qu’en l’espèce, il a été suffisamment démontré que le
défendeur a violé le droit à la liberté d’aller et venir des requérants, leur droit à ne
pas être arrêtés ni détenus arbitrairement et spécifiquement, les droits politiques du
requérant Be X ainsi que les principes de convergence
constitutionnelle.
127. La Cour note que ces violations leur ouvrent droit à réparation conformément
au principe du droit international qui stipule que « foute personne victime d’une
violation de ses droits humains a droit à une réparation juste et équitable » et en
application des dispositions de l’article 9 alinéa 5 du PIDCP aux termes desquels
« Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation. »
128. La Cour fait observer que les requérants sont toujours en détention et que c’est
en vain que la junte militaire tente de faire admettre que Dame Z Ao AG
X et A X sont libres de leurs mouvements tout en sachant que,
respectivement son époux (s’agissant de Dame Z Ao AG X) et
son père (en ce qui concerne A X) ne quitteront jamais cette résidence
surveillée où, Be X est arbitrairement détenu. A la vérité, la Cour admet qu’il s’agit là d’une manière détournée pour détenir arbitrairement les
susnommés. Ayant déjà conclu que leur droit à la liberté d’aller et venir a été violé
et que leur arrestation et leur détention sont arbitraires, la Cour estime que leur
demande en réparation des préjudices subis doit être déclarée bien fondée.
129. La Cour souligne que les requérants sollicitent en réparation du préjudice
subi, la restitution sous la forme d’une mesure de libération immédiate de tous
les requérants et d’une injonction adressée par la Cour au défendeur pour le
rétablissement immédiat de son ordre constitutionnel.
130. La restitution étant l’une des formes possibles que peut revêtir la
réparation consécutive à la violation des droits de l’homme, la Cour estime que
c’est en vain que le défendeur tente de leur imposer le payement de dommages
131. La Cour doit faire droit à leurs demandes en ordonnant leur mise en liberté
immédiate et sans condition s'agissant des trois requérants ainsi que le
rétablissement sans délai de l'ordre constitutionnel perturbé par le putsch
notamment par la remise du pouvoir d’Etat à Be X pour exercer
son mandat de Président de la République démocratiquement élu.
XII. DES DÉPENS
132. Aux termes de l’article 66, alinéa 2 du Règlement de procédure de la Cour, la
partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens par l’autre
partie. La Cour note qu’en l’espèce les requérants et le défendeur ont conclu dans ce
sens. En conséquence, le défendeur ayant succombé, la Cour met les dépens à sa
charge.
XIV. DISPOSITIF
Par ces motifs, la Cour siégeant en audience publique virtuelle et ayant entendu les
deux parties :
Sur la compétence :
Se déclare compétente pour connaître du litige ;
Sur la recevabilité
Déclare la requête recevable ;
Sur le fond
Rejette la demande de procédure accélérée ;
Dit que le défendeur a violé le droit des requérants à la liberté d’aller et venir ;
Dit que le défendeur a violé leur droit à ne pas être arrêtés ni détenus arbitrairement ;
Dit également que le défendeur a violé les droits politiques du requérant Be
X ;
Dit en outre que le défendeur a violé les principes de convergence constitutionnelle ;
Déclare par conséquent recevable et bien fondée la demande en réparation des
préjudices subis par les requérants ;
Ordonne au défendeur la mise en liberté immédiate et sans condition de tous les
requérants ;
Enjoint au défendeur de se conformer sans délai au respect des principes de
convergence constitutionnelle par le rétablissement de l’ordre constitutionnel
notamment par la remise du pouvoir d’Etat à Be X ;
Lui impartit un délai d’un (1) mois à compter de la notification qui lui en sera faite
pour soumettre à la Cour un rapport concernant l’exécution du présent arrêt.
DES DÉPENS :
Met les dépens à la charge du défendeur ;
Ainsi fait et jugé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé :
Hon. Juge Edward Amoako ASANTE Président
Hon. Juge Gberi-bè OUATTARA
Hon. Juge Ricardo Claudio Monteiro GONÇALVE
ASSISTES DE : Me. Gaye SOWE