Faits et procédure
Attendu que M.M., ex-employé de S.M. licencié, avait saisi la Chambre sociale du TPI de Moroni qui lui a alloué des dommages-intérêts par un jugement n° 11/12 du 13 mars 2012 qui, une fois revêtu de la formule exécutoire servira de fondement à une exécution forcée par un procès-verbal de saisie-attribution signifié le 25 janvier 2016 et dénoncé par exploit du 29 janvier 2016 ;
Attendu qu’une ordonnance du juge des référés n°18/16 du 13 février 2016 a rejeté la demande de mainlevée de la saisie pratiquée sur le compte bancaire de la Société M., ouvert sur les livres de EXIMBANK ; que ladite ordonnance a été infirmée en appel par un arrêt n° 11 / 16 du 21 mars 2016 qui dit que la S.M. « bénéficie d’une immunité d’exécution en sa qualité de personne morale de droit public » conformément à l’article 30 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur le recouvrement Simplifié des créances.
Attendu que c’est cet arrêt signifié à M.M. et à EXIMBANK le 13 avril 2016 qui a été attaqué en cassation le14 avril 2016.
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que la S.M. reproche à la requête d’avoir omis d’exposer les faits dans la requête de pourvoi et d’avoir violé l’article 33 de la loi organique relative à la Cour Suprême ;
Mais attendu que la requête de M.M. qui évoque l’élément de fait substantiel à l’origine du recours, à savoir un licenciement survenu, en justification de la saisie du compte bancaire, et la mainlevée qui s’en est suivie constituent un exposé des faits au sens de cet article 33.
Qu’en outre, l’oubli de la mention de la date sur l’acte de notification du mémoire ampliatif n’est pas une carence de nature à empêcher la personne qui a été notifiée de retenir la date de prise de possession du document ;
Que la requête de pourvoi est recevable.
SUR LE FOND
Vu l’article 30 de L’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu, sur le troisième moyen qu’il est fait grief, à l’arrêt attaqué d’avoir par application de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA sur le recouvrement, par un arrêt généralisant cette disposition à toutes les Sociétés d’Etat, alors que selon cet article, « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution ».
Attendu qu’en posant le principe selon lequel l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution », sans dresser la liste, le législateur communautaire entendait laisser à la loi nationale le soin de fixer la liste des bénéficiaires.
Attendu qu’en l’absence de ce texte sur le plan national, il revient à la Haute Juridiction nationale de fixer les conditions ; qu’ainsi le fondement de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA tire sa source du principe selon lequel les voies d’exécution de droit commun ne sont pas applicables aux personnes morales de droit public ;
Que de ce même principe, l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne peuvent s’appliquer aux entreprises publiques quelles qu’en soient leur dénomination, leur forme qu’à la condition que ladite entreprise soit investie d’une mission de service public ; qu’en ce qui concerne les biens et les créances de ces mêmes entreprises, les voies d’exécution de droit commun ne peuvent s’appliquer lorsque l’exécution forcée et les mesures conservatoires affecteront l’organisation et le fonctionnement réguliers du service public ; qu’il en est de même des contrats passés par les mêmes entreprises investies d’une mission de service public, si ces contrats comportent des clauses de droit public.
Attendu qu’en l’espèce, la Cour d’appel de Moroni en accordant le bénéfice de l’immunité d’exécution et des mesures conservatoires à la S.M.,(entreprise publique) alors que le contrat liant ladite entreprise et son ex-salarié dont les clauses de son contrat de travail relèvent du code du travail, a fait une mauvaise interprétation de l’article 30 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées et de recouvrement des créances et des voies d’exécution.
Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le deuxième et le premier moyen.
PAR CES MOTIFS,
Sur la forme : Déclare la requête du pourvoi de M.M. recevable.
Sur le fond : Casse sans renvoi et laisse les dépens à la S.M.
PAPA AHAMADA DJAE, président, FATEH-SOUND Mohamed, Conseiller, ABDOU SAID, Conseiller, NOURDINE ABODO, procureur général, ALI MOHAMED CHOYBOU, greffier en chef ; Rapporteur, FATEH-SOUND Mohamed