COUR SUPREME H.B/D.I.
PREMIERE CHAMBRE CIVILE AUDIENCE PUBLIQUE DU 18 NOVEMBRE 2021 ARRET N° 109 /GCS-021
(Cassation)
Cour d’appel – faux incident civil – refus de l’action en faux – pourvoi – cassation. Le faux incident civil pouvant être soulevé en tout état de cause sauf pour la première fois devant la Cour suprême, encourt cassation l’arrêt d’une cour d’appel qui rejette le sursis à statuer sollicité au motif que les juges avaient effectué un transport sur les lieux pour s’assurer de la sincérité du document argué de faux ce qui n’avait pas été contradictoirement fait d’une part et d’autre part que le juge n’est obligé de surseoir à statuer et impartir un délai pour saisir la juridiction compétente pour statuer sur le faux que lorsque la solution du litige dépend de la pièce arguée de faux. AU NOM DU PEUPLE CONGOLAIS
La Cour suprême, première chambre civile, statuant à son audience publique du dix huit novembre deux mil vingt un, tenue au palais de justice de Brazzaville, pour vider son délibéré du vingt un octobre deux mil vingt un, a rendu l’arrêt suivant : Sur le pourvoi et la requête spéciale formés le 8 octobre 2012 par les enfants du défunt X Af Y A Ae Ac, X Clotilde, X Jean Didier, X Am Aj, X Elisabeth, X An Ag Ap, X BESSET Cerèbe de Précieux, X Ak Ah, tous domiciliés au n° 2032 bis avenue de l’OUA, Ao Al, ayant fait élection de domicile en l’étude de leur conseil Monsieur Gérard DEVILLERS, avocat au barreau de Brazzaville, cabinet sis avenue de l’Indépendance, immeuble Ai, face Ambassade RDC, B.P. 1211 Brazzaville, y demeurant ; demandeurs ; En cassation et aux fins de sursis à exécution de l’arrêt n°056 du 27 juillet 2011 par la Cour d’appel de Brazzaville dans la cause qui les oppose à Madame C Aa domiciliée 1775 OCH Ao Al, ayant pour conseil Monsieur GONDI, avocat au Barreau de Brazzaville, cabinet sis 2007 avenue Ab A Ad Al Z, Ad Al, y demeurant ; défenderesse ; Les demandeurs au pourvoi ont invoqué trois (3) moyens de cassation ; la défenderesse au pourvoi a produit un mémoire en défense concluant à son rejet ; Sur quoi, la Cour suprême, première chambre civile, statuant à son audience publique du jeudi dix-huit novembre deux mil vingt-un où siégeaient : Henri BOUKA, Premier Président de la Cour suprême, président ; Christine MAYANDA-NTSIKA et Florent MOUCKOGOH, juges ; Monsieur Ab B, Premier avocat général près la Cour suprême tenant le siège du ministère public ; Harvey Staneck MIENANDI, greffier ; Sur le rapport de Madame Christine MAYANDA-NTSIKA, les conclusions écrites n°419/CL-021 du 6 août 2021 de Monsieur le Premier avocat général Ab B, auxquelles il s’est rapporté dans ses observations orales; et après en avoir délibéré conformément à la loi ; En la forme ; Attendu que le pourvoi et la requête aux fins de sursis à exécution, introduits dans les formes et délais édictés par les articles 100, 106, 107, 108 et 113 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, sont réguliers et recevables ; Au fond, Y joignant la requête aux fins de sursis à exécution ; Attendu selon les énonciations de l’arrêt infirmatif attaqué (C.A. BZV, ch. civ. arr. n°056 du 27/07/2011), que Madame C Aa, nièce du défunt X Af et les enfants de celui-ci se disputant la parcelle de terrain sise au quartier Angola libre, à Makélékélé, section C, bloc 2039 bis, la cour d’appel de Brazzaville a infirmé le jugement entrepris du 6 août 2002 du tribunal d’instance de Makélékélé/Bacongo qui, saisi d’une action en règlement de succession par les enfants du défunt X Af, avait prononcé l’ouverture et la liquidation de la succession, procédé au partage des parcelles et attribué en indivision à tous les enfants la parcelle disputée et statuant à nouveau, a constaté que par l’effet du jugement du 31 août 1982 du tribunal d’instance de droit local traditionnel de premier degré de Ad qui avait reconnu la propriété de cette parcelle à C Aa, celle-ci en était la seule et légitime propriétaire et a confirmé le jugement entrepris en ses autres dispositions ; Sur le premier moyen de cassation
Vu les articles 261, 262, 263 et 264 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière ; Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué, alors que la solution du litige dépendait essentiellement de la valeur reconnue au jugement du 31 août 1982 du tribunal d’instance de droit local traditionnel du premier degré de Ad produit pour la première fois en cause d’appel par C Aa et cependant argué de faux par les enfants du défunt X, de n’avoir pas satisfait à la procédure de faux incident civil demandée par ceux-ci et à laquelle il n’était pas permis à la cour d’appel de déroger et d’avoir ainsi violé les dispositions des articles 261, 262, 263 et 264 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière selon lesquelles, lorsqu’il est argué qu’une pièce produite au dossier est fausse ou falsifiée, l’autre partie est tenue de déclarer si elle entend se servir de cette pièce ou sil elle la retire (art. 261) ; dans le second cas, ou si la partie n’a pas fait la déclaration visée à l’article précédent, la pièce est retirée des débats (art. 262) ; si la partie déclare qu’elle entend se servir de la pièce, le juge peut passer outre si la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux, sinon il ordonne le sursis à statuer, jusqu’au jugement sur le faux (art. 263) ; en ce dernier cas, la pièce arguée de faux est visée par le juge et déposée au greffe ; le demandeur est invité à présenter sa requête contre les moyens invoqués dans le délai de 15 jours, faute de quoi, la pièce pourra être produite à nouveau dans l’instance principale (art. 264) ; Attendu qu’en passant outre la procédure édictée par les articles 261, 262, 263 et 264 visés au moyen et en retenant pour statuer dans le sens critiqué d’une part que le jugement contesté bien que argué de faux par les intimés n’a pas été attaqué selon les procédures prévues par la loi et d’autre part que la cour d’appel, bien que cela fut contesté par les intéressés qui n’y étaient pas présents, a organisé un transport sur les lieux qui lui a permis de s’assurer que le jugement contesté a été bel et bien rendu le 31 août 1982 et répertorié sous le n°277, transport qu’elle pouvait faire même à l’insu des parties pourvu que le procès-verbal et la pièce soient versés au dossier pour être discutés contradictoirement, ce qu’elle a fait, le constat s’étant borné à relever ce que la cour d’appel a vu, sans formuler le moindre avis, alors qu’il lui appartenait dans le premier cas de procéder comme il est dit auxdits articles 261 à 264 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière en prononçant un sursis à statuer et en impartissant à la partie qui arguait de faux le jugement contesté un délai pour saisir la juridiction compétente et dans le deuxième cas de faire un transport en présence des parties dûment avisées ce qu’elle n’a pas fait, la cour d’appel a commis, par méconnaissance des articles 261 à 264 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière visés au moyen et 175 du même code de procédure civile, commerciale, administrative et financière selon lequel quand le juge ordonne le transport sur les lieux du litige, il en fixe les jours et heures et invite les parties à y assister, le grief visé au moyen ; d’où il suit que celui-ci est fondé ; PAR CES MOTIFS et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens
En la forme, déclare recevables le pourvoi et la requête aux fins de sursis à exécution formés le 08 octobre 2012 par les enfants du défunt X Af contre l’arrêt civil n°56 du 27 juillet 2011 de la cour d’appel de Brazzaville ; Au fond, y joignant la requête aux fins de sursis à exécution ; Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt attaqué ; remet en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant son prononcé et pour être à nouveau jugé, les renvoie devant la même cour d’appel de Brazzaville autrement composée ; Ordonne la restitution aux enfants du défunt X Af la somme de dix-mille francs (10.000) francs consignée au greffe de la Cour à peine de déchéance du pourvoi ; Condamne Madame C Aa aux dépens ; Dit que le présent arrêt sera, à la diligence de Monsieur le Procureur Général près la Cour suprême, transmis au greffe de la cour d’appel de Brazzaville pour être transcrit sur les registres y relatifs en marge ou à la suite de l’arrêt annulé, n°056 du 27 juillet 2011 ; Ainsi dit, fait, jugé et prononcé par la Cour Suprême, première chambre civile, statuant à son audience publique du jeudi dix-huit novembre deux mil vingt et un où siégeaient Henri BOUKA, Premier Président de la Cour Suprême, président ; Christine MAYANDA NTSIKA et Florent MOUCKOGOH, juges ; Ab B, Premier avocat général près la Cour Suprême tenant le siège du ministère public ; Jacqueline NGAKALA MBOLA, greffier ; En foi de quoi, le présent arrêt a été, après lecture faite, signé par Monsieur le Président qui l’a prononcé, le juge-rapporteur et le greffier, les jour, mois et an que dessus/- Henri BOUKA Christine MAYANDA-NTSIKA
Jacqueline NGAKALA MBOLA