EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer ainsi:
Le requérant, de nationalité belge, né en ... à A., est domicilié actuellement à B.
Son conseil, Me C., avocat à B., expose les faits comme suit: "Le requérant a acquis pendant l'automne 1939 une somme de ... florins et d'autres devises étrangères, afin de mettre en sécurité une partie de sa fortune avant que n'éclatent les hostilités. En ce qui concerne l'acquisition des florins susdits, il avait cru que la Hollande serait une fois de plus épargnée et, confiant dans la stabilité de cette devise, il était absolument convaincu que ces pays, fort de ses traditions,ne renierait jamais ses engagements.
Résistant pendant la guerre, il a entendu Sa Majesté la Reine Wilhelmine de Hollande déclarer à la British Broadcasting Corporation (B.B.C.) que ce que l'occupant avait arbitrairement décrété serait, après la victoire, annulé; dans son cas, il en déduisit que le retrait arbitraire de la circulation des grosses coupures de florins, décrété par le Gauleiter Seiss-Inquart, serait annulé purement et simplement parle Gouvernement légal des Pays-Bas, dès la libération. La promesse de Sa Majesté la Reine Wilhelmine ne fut pas respectée par son Gouvernement.
Le .... 1945, environ 22.000 porteurs de billets de la Banque Néerlandaise et des billets émis par l'Etat néerlandais devant déposer obligatoirement leurs biens dans une banque belge, il effectua le dépôt.
Après un certain temps, la Banque de Paris et des Pays-Bas transmit les dépôts de florins à la Banque Nationale de Belgique, qui, plus tard, les expédia à la Nederlandse Bank à Amsterdam.
Pendant les années qui suivirent, de nombreux Belges, inquiets du silence de la Hollande au sujet de leurs avoirs déposés, adressèrent à la Nederlandse Bank de véhémentes et légitimes protestations.
En ce qui concerne le requérant, il adressa une requête à la Nederlandse Bank, suivie d'un refus d'examen.
Son avocat demanda ensuite à Monsieur le Gouverneur de notre Institut d'Emission, la Banque Nationale de Belgique, d'intervenir, et alors seulement, la Nederlandse Bank daigna donner quelques explications, déclarant que quelques billets de son dépôt semblaient ne pas concorder avec sa déclaration (13 % de l'entièreté).
Le ... 1952, 30 % du montant total lui furent remboursés, à titre d'acompte (suivant le formulaire N° ... qui lui fut adressé).
Il introduisit, dans la suite, différentes requêtes auprès de l'Autorité hollandaise, afin d'obtenir le remboursement du solde restant dû.
Le requérant vient enfin de se voir refuser définitivement le remboursement de son argent, suite à la lettre du ... 1960."
Cette lettre du .. 1960 avait été précédée par une longue correspondance entre Me C. et la Nederlandse Bank. L'ambassadeur de Belgique à La Haye serait personnellement intervenu en faveur du requérant qui, privé de ses capitaux depuis 1939, serait actuellement au bord de la faillite.
Le ... 1960, la Nederlandse Bank a informé le requérant que "d'après l'arrêté du Commissaire du Royaume du pays occupé, daté du 13 mars 1943 (29/1943), il fut déterminé que les billets de banque de 500 et 1000 florins perdraient leur pouvoir d'achat. Cet arrêté fut provisoirement appliquée par décret royal du 17 septembre 1944 (E. 93). D'après la loi du 4 mars 1959 (Stb; 73), article 2, cet arrêté fut définitivement appliqué" et "qu'une action judiciaire entre X. et la Banque en vue d'obtenir le paiement des billets est hors de question, puisque le dédommagement ne pourrait être pris en considération que si les conditions posées par le Ministère des Finances étaient respectées."
La Banque a confirmé cette position par lettre du ... 1960. Me C. relève en outre que certains possesseurs de florins de même nature et se trouvant dans les mêmes circonstances que le requérant ont été remboursés les uns à 100 %, d'autres à 75 %, alors que le requérant ne l'a été qu'à 30 %.
Le requérant se prétend victime d'une atteinte à son droit de propriété et, plus précisément, d'une atteinte aux principes généraux du droit international, auxquels renvoie l'article 1er du Protocole Additionnel.
Il soutient, de plus, que le refus définitif des autorités néerlandaises s'analyse en une sanction à son égard. Or, lorsque X a acquis ses florins en 1939, son acte ne constituait une infraction ni d'après les droits néerlandais et belge, ni d'après le droit international. D'autre part, la loi précitée du 4 mars 1959 donnerait un effet rétroactif à une mesure que l'intéressé ne pouvait connaître en 1939. Il y aurait donc également violation de l'article 7 de la Convention.
Le requérant souligne, enfin, que ledit refus peut d'autant moins se justifier qu'il n'existe aucun danger public menaçant la vie de la nation néerlandaise, au sens de l'article 15 de la Convention.
En conséquence il demande l'annulation de la décision prise par la Nederlandse Bank le ... 1960.
EN DROIT
Considérant, pour autant que le requérant allègue la violation de l'article 1er du Protocole Additionnel (P1-1) à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, que la deuxième phrase du paragraphe 1er de cet article prévoit, comme exception au droit de jouir paisiblement de ses biens, qu'une personne peut être privée de sa propriété pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international; que le retrait des coupures de 500 et 1000 florins des billets de la Nederlandse Bank constituait une mesure prise par l'occupant allemand en 1943 et que les autorités légitimes des Pays-Bas ont maintenue après la libération du territoire, d'abord provisoirement par le décret royal du 17 septembre 1944, antérieur à l'entrée en vigueur du Protocole Additionnel à l'égard des Pays-Bas (31 août 1954), puis définitivement par la loi du 4 mars 1959, postérieure au 31 août 1954; que cette mesure faisait partie de l'ensemble des réformes financières introduites ou confirmées après la Seconde Guerre Mondiale en vue de rétablir une situation économique saine indispensable au redressement des Pays-Bas; qu'il s'ensuit qu'elle a été maintenue dans l'intérêt public, et tombe donc sous la disposition prévue dans la seconde phrase du paragraphe 1er de l'article 1er du Protocole au même titre que la loi allemande sur la péréquation des charges (Lastenausgleichsgesetz) (cf. les décisions rendues par la Commission, les 31 mai 1960 et 28 juillet 1961, au sujet de la recevabilité des requêtes n° 511/59 et 673/59) (1); qu'il appert, en conséquence, que le grief ci-dessus est manifestement mal fondé et qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la requête sur ce point par application de l'article 27 paragraphe 2 de la Convention (art. 27-2); ------------------ (1) Cf. les volumes IV et VII (pages 98 et s.) de ce Recueil ------------------- Considérant qu'en outre certaines conditions ont été mises au remboursement des billets de banque retirés de la circulation en 1943; que le requérant n'a pas démontré qu'il remplissait lesdites conditions, notamment celles relatives à la preuve de la provenance de certaines coupures; que la mesure critiquée lui a été appliquée conformément à la loi néerlandaise en question, et que le refus de remboursement dont il se plaint ne semble donc point avoir été arbitraire; qu'il se révèle d'ailleurs superflu d'examiner plus en détail cet aspect de la requête, car la Commission, aux termes de l'article 26 de la Convention (art. 26), ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus; que le requérant n'a pas introduit d'action judiciaire contre la Nederlandse Bank; qu'au surplus, l'examen du dossier ne permet pas en l'état de dégager, même d'office, l'existence de circonstances particulières de nature à le relever, selon les principes de droit international généralement reconnus, de l'obligation d'exercer les voies de recours internes; qu'il appert donc que le requérant n'a pas observé les prescriptions précitées de l'article 26 (art. 26); qu'il y a lieu, dès lors, de rejeter la requête par application de l'article 27 paragraphe 3 (art. 27-3) de la Convention;
Considérant, pour le surplus, que l'examen du dossier ne permet pas en l'état de dégager, même d'office, l'apparence d'une violation des droits et libertés garantis par la Convention, et notamment de l'article 7 (art. 7); qu'il appert dès lors que la requête est manifestement mal fondée; qu'il y a lieu, par conséquent, de la rejeter de ce chef par application de l'article 27 paragraphe 2 de la Convention (art. 27-2);
Par ces motifs, déclare la requête IRRECEVABLE."