EN FAIT
Considérant que les faits de la cause peuvent se résumer comme suit:
Le requérant, de nationalité belge, né en 1920, est domicilié à Bruxelles. Il est, depuis 1946, agent de la Caisse Générale d'Epargne et de Retraite, établissement de droit public belge (ci-après : la Caisse d'Epargne).
I. En 1962, la Caisse d'Epargne, ayant à faire face à divers problèmes consécutifs à la dissolution de la Caisse d'Epargne du Congo et du Ruanda-Urundi (ci-après : CADECO), décida de créer quatre nouveaux postes au sein de son personnel et de les confier à quatre agents provenant du bureau de Bruxelles de la CADECO, parmi lesquels M. Y. Ce dernier se vit attribuer le traitement d'attaché B.
Jugeant qu'il avait un droit préférentiel à être promu au poste occupé par M. Y et estimant que la nomination de ce dernier irrégulière, le requérant attaqua cette nomination devant le Conseil d'Etat, par requête du .. août 1962.
Par décision de la Caisse d'Epargne du .. mars 1964, le requérant fut lui-même promu au grade d'attaché B, avec effet au 1er juin 1964.
Le .. juin 1968, le Conseil d'Etat rendit son arrêt et annula la nomination de M. Y. en qualité d'attaché B, mais seulement pour ce qui avait trait à la période précédant le 1er juin 1964. Le Conseil d'Etat considérait en effet que, par suite de la promotion du requérant le 1er juin 1964, ce dernier n'avait intérêt à voir annuler la nomination de M. y que pour un motif d'ancienneté.
II. Le .. juillet 1963, la Caisse d'Epargne décida d'engager quatre nouveaux agents de niveau universitaire pour développer son service des études économiques.
Par requête du .. septembre 1963, le requérant, jugeant ces nominations irrégulières, requit le Conseil d'Etat de les annuler. La requête fut rejetée par arrêt du .. juin 1968.
Le requérant estime avoir épuisé les voies de recours internes, les arrêts du Conseil d'Etat ne pouvant être attaqués devant aucune autre instance nationale.
Il reproche au Conseil d'Etat de n'avoir pas statué dans un délai raisonnable et relève que l'Arrêté Royal du 15 juillet 1956 prescrit que les arrêts doivent être rendus dans les six mois.
Il lui reproche d'avoir manqué d'impartialité et d'équité, notamment en violant des dispositions légales d'ordre public concernant certains droits de préférence pour l'accès aux emplois publics, la publicité des vacances des emplois publics, la procédure préalable aux nominations et le principe de l'égalité devant la loi.
Il lui reproche enfin d'avoir outrepassé ses pouvoirs en prenant une décision de nomination, celle de M. Y, avec effet au 1er juin 1964.
Le requérant, qui invoque les articles 6 et 13 de la Convention, demande l'annulation des arrêts du Conseil d'Etat ou, à défaut, un dédommagement équitable.
EN DROIT
Considérant, dans la mesure où le requérant revendique le droit d'être promu à un poste déterminé et à une date déterminée au sein du personnel de la Caisse Générale d'Epargne et de Retraite, qu'aux termes de son article 1er (art. 1), la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales garantit uniquement "les droits et libertés définis (en son) Titre I"; que tout grief formulé par une personne physique, une organisation non gouvernementale ou un groupe de particuliers doit avoir trait, selon l'article 25 par. 1 (art. 25-1), à une atteinte alléguée à ces droits et libertés faute de quoi son examen échappe à la compétence ratione materiae de la Commission; que le droit à l'exercice d'une profession, le droit d'occuper un poste déterminé et le droit à une promotion dans la fonction publique ne figurent pas, comme tels au nombre desdits droits et libertés (cf. quant au droit à l'exercice d'une profession : décision du 29 septembre 1956 sur la recevabilité de la requête No 165/56, Annuaire I, p. 203; quant au droit d'occuper un poste déterminé dans la fonction publique : décision du 2 octobre 1964 sur la recevabilité de la requête No 1647/62; quant au droit à une promotion dans la fonction publique : décision du 17 juillet 1962 sur la recevabilité de la requête No 1165/61; qu'en outre, le droit à ce que les promotions, dans l'ordre de la fonction publique s'effectuent selon une certaine procédure ou selon certaines modalités ne figure pas non plus, comme tel, au nombre desdits droits et libertés; que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention;
Considérant, d'autre part, que le requérant reproche au Conseil d'Etat belge d'avoir statué sur ses recours dans un délai excessif, d'avoir manqué d'impartialité et d'équité, d'avoir méconnu certaines dispositions légales d'ordre juridique interne belge et d'avoir outrepassé ses pouvoirs; que l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1), de la Convention, invoqué par le requérant, contient certaines garanties de procédure lorsqu'il s'agit de décider de contestations portant sur des droits ou obligations de caractère civil ou de bien-fondé d'une accusation en matière pénale; qu'il est manifeste que les procédures incriminées en l'espèce ne tendaient pas à la détermination du bien-fondé d'une accusation pénale dirigée contre le requérant; que, d'autre part, la Commission se réfère à sa jurisprudence constante, selon laquelle les contestations portant sur le droit d'accéder à la fonction publique et sur la déchéance de ce droit ne peuvent être considérées comme des contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil, au sens de l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1), de la Convention (cf. décision du 7 juillet 1959 sur la recevabilité de la requête No 423/58, Recueil 1; décision du 2 octobre 1964 sur la recevabilité de la requête No 1931/63, alinéa VII, p. 212); qu'à fortiori les contestations relatives à une promotion, à la date d'une promotion ou à ses modalités, dans l'ordre de la fonction publique, ne sont pas non plus comprises dans la notion de contestations portant sur des droits et obligations de caractère civil, au sens de la disposition précitée de la Convention; qu'en conséquence, l'article 6, paragraphe 1 (art. 6-1), de la Convention ne s'applique pas aux procédures devant le Conseil d'Etat belge,, incriminées par le requérant; que la requête est donc, sous ce rapport, incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2);
Considérant enfin, dans la mesure où le requérant invoque l'article 13 (art. 13) de la Convention, que cette disposition accorde à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention ont été violés le droit à l'octroi d'un recours effectif dans une instance nationale; que la Commission vient toutefois de constater que la présente requête était incompatible avec les dispositions de la Convention, tant en ce qui concerne le droit à une promotion revendiqué par le requérant qu'en ce qui a trait aux procédures qu'il a engagées devant le Conseil d'Etat belge; qu'il en résulte que, sous l'angle de l'article 13 (art. 13), la requête est également incompatible avec les dispositions de la Convention, au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention (cf. décision du 31 mai 1967 sur la recevabilité de la requête No 2793/66, Recueil 23, p. 125);
Par ces motifs DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.