COUR (CHAMBRE)
AFFAIRE X. c. ROYAUME –UNI (ARTICLE 50)
(Requête no 7215/75)
ARRÊT
STRASBOURG
18 octobre 1982
En l’affaire X contre Royaume-Uni,
La Cour européenne des Droits de l’Homme, constituée, conformément à l’article 43 (art. 43) de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ("la Convention") et aux clauses pertinentes de son règlement*, en une chambre composée des juges dont le nom suit:
MM. G. Wiarda, président,
Thór Vilhjálmsson,
Mme D. Bindschedler-Robert,
MM. L. Liesch,
F. Matscher,
J. Pinheiro Farinha,
Sir Robert Jennings, juge ad hoc,
ainsi que de MM. M.-A. Eissen, greffier, et H. Petzold, greffier adjoint,
Après avoir délibéré en chambre du conseil le 21 septembre 1982,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date, sur l’application de l’article 50 (art. 50) de la Convention en l’espèce:
PROCEDURE ET FAITS
1. L’affaire X contre Royaume-Uni a été déférée à la Cour par la Commission européenne des Droits de l’Homme ("la Commission") en octobre 1980. A son origine se trouve une requête dirigée contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et dont un ressortissant de cet État - décédé en 1979 et visé ci-après par l’initiale X en raison d’un voeu de sa famille - avait saisi la Commission le 14 juillet 1974.
2. L’intéressé alléguait qu’à l’occasion de son internement dans un hôpital psychiatrique il y avait eu violation des paragraphes 1, 2 et 4 de l’article 5 (art. 5-1, art. 5-2, art. 5-4) de la Convention. Par un arrêt du 5 novembre 1981, la Cour a constaté une infraction au paragraphe 4 (art. 5-4), mais non au paragraphe 1 (art. 5-1); elle a estimé qu’il ne s’imposait pas d’examiner aussi l’affaire sous l’angle du paragraphe 2 (art. 5-2) (série A no 46, points 1 à 3 du dispositif et paragraphes 36-66 des motifs, pp. 17-28).
Seule reste à trancher la question de l’application de l’article 50 (art. 50) en l’espèce. Quant aux faits de la cause, la Cour se borne donc ici à fournir les indications nécessaires; elle renvoie pour le surplus aux paragraphes 8 à 30 de son arrêt précité (ibidem, pp. 6-14).
3. Lors des audiences du 22 juin 1981, les conseils de X ont annoncé que si la Cour constatait une violation, ils introduiraient au titre de l’article 50 (art. 50) une demande de satisfaction équitable tendant à la réparation du préjudice subi et à une réforme législative. Le gouvernement du Royaume-Uni ("le Gouvernement") n’a pas pris position.
Dans son arrêt du 5 novembre 1981, la Cour a réservé en entier la question. Elle a invité la Commission à lui adresser, dans les deux mois, ses observations écrites sur ladite question et notamment à lui donner connaissance de tout règlement amiable auquel le Gouvernement et les proches du requérant pourraient aboutir (point 4 du dispositif et paragraphe 67 des motifs, ibidem, pp. 28-29).
4. Le président de la Chambre a prorogé ce délai par deux fois, en dernier lieu jusqu’au 5 mai 1982.
A cette date, le secrétaire de la Commission a communiqué au greffe, sur les instructions du délégué, la copie d’une correspondance donnant des précisions sur les négociations entre Gouvernement et conseils du requérant, ainsi que les observations du délégué à ce sujet. Il en ressortait qu’aucun règlement d’ensemble n’avait été conclu, malgré l’absence, sur certains points, de désaccord important.
5. Par une ordonnance du 10 mai 1982, le président de la Chambre a décidé que l’agent du Gouvernement aurait jusqu’au 21 juin pour présenter des commentaires sur les observations du délégué. Il a ultérieurement prolongé ce délai de cinq semaines. L’agent du Gouvernement a déposé un mémoire le 30 juillet.
6. Le 1er septembre, le secrétaire de la Commission a fourni au greffier, qui l’en avait prié le 30 août sur les instructions du président de la Chambre, un renseignement et plusieurs documents à l’appui.
7. Pendant les négociations, des demandes de satisfaction équitable ont été formulées sous trois rubriques:
a) adaptation du droit interne aux exigences de la Convention;
b) réparation financière du préjudice causé par la violation de l’article 5 par. 4 (art. 5-4);
c) remboursement des frais nécessaires.
Pour plus de commodité, le détail de ces demandes figure dans les motifs du présent arrêt.
8. À la suite et, selon le Gouvernement, par suite de l’arrêt du 5 novembre 1981, différents amendements ont été insérés dans le projet de loi modifiant la loi sur la santé mentale, qui demeure en instance devant le Parlement. En bref, dès l’entrée en vigueur de la loi (prévue pour septembre 1983) ils habiliteront les commissions de contrôle psychiatrique à examiner les raisons de fond militant en faveur du maintien de l’internement d’un malade mental et les obligeront à prescrire, le cas échéant, l’élargissement de l’intéressé. Le Gouvernement s’est en outre engagé devant le Parlement à doter d’une représentation juridique gratuite les malades qui comparaîtront devant lesdites commissions sans jouir eux-mêmes de ressources suffisantes.
9. M. Thór Vilhjálmsson, Mme D. Bindschedler-Robert et M. L. Liesch, juges suppléants, ont remplacé MM. M. Zekia, D. Evrigenis et B. Walsh, empêchés (articles 22 par. 1 et 24 par. 1 du règlement).
10. La Cour a décidé, le 21 septembre 1982, qu’il n’y avait pas lieu à audiences.
EN DROIT
I. INTRODUCTION
11. Aux termes de l’article 50 (art. 50) de la Convention,
"Si la décision de la Cour déclare qu’une décision prise ou une mesure ordonnée par une autorité judiciaire ou toute autre autorité d’une Partie Contractante se trouve entièrement ou partiellement en opposition avec des obligations découlant de la présente Convention, et si le droit interne de ladite Partie ne permet qu’imparfaitement d’effacer les conséquences de cette décision ou de cette mesure, la décision de la Cour accorde, s’il y a lieu, à la partie lésée une satisfaction équitable."
12. L’applicabilité de ce texte n’a pas été contestée en l’espèce. Aussi la Cour se borne-t-elle aux remarques suivantes.
Au moins quant aux frais et à la réparation, les prétentions introduites au titre de l’article 50 (art. 50) l’ont été par les anciens représentants de X "au nom de la succession du requérant". Tout comme le Gouvernement et la Commission, ils partent en effet de l’idée que le droit de réclamer une satisfaction équitable peut survivre au profit des héritiers du défunt qui en était titulaire. La Cour admet qu’il en va ainsi en principe, en tout cas pour le dommage matériel et les frais (arrêt Deweer du 27 février 1980, série A no 35, pp. 19-20, par. 37, et arrêt précité du 5 novembre 1981 en l’espèce, série A no 46, p. 15, par. 32). A cet égard, on doit noter aussi que les proches de X, tout en ayant exprimé le souhait de voir l’instance se poursuivre malgré sa mort, n’allèguent pas avoir souffert eux-mêmes un préjudice, en dehors de l’obligation de continuer à supporter des frais.
13. En guise de satisfaction équitable, les héritiers demandent une réforme de la législation, la réparation du préjudice subi et le remboursement des frais nécessaires. Chacune de ces exigences sera examinée séparément.
II. RÉFORME DE LA LÉGISLATION
14. Le Gouvernement reconnaît qu’"il faut adopter des mesures pour empêcher dorénavant des violations de la Convention du genre de celles subies par le requérant". Il aurait introduit à cette fin des amendements dans le projet destiné à modifier la loi sur la santé mentale (paragraphe 8 ci-dessus) et en instance devant le Parlement. Selon lui, ils combleront les lacunes du droit interne constatées par la Cour dans son arrêt du 5 novembre 1981.
Sous la seule réserve du moment de l’entrée en vigueur desdites propositions, les héritiers du requérant souscrivent à cette opinion; ils insistent donc pour que l’on envisage soit une mise en application anticipée soit un système transitoire d’indemnisation.
Le délégué de la Commission n’a pas d’observation à présenter sur cette branche de la demande.
15. Eu égard aux limites de ses propres fonctions (arrêt Irlande contre Royaume-Uni du 18 janvier 1978, série A no 25, p. 72, par. 185, et arrêt Marckx du 13 juin 1979, série A no 31, p. 25, par. 58), la Cour estime approprié de se contenter de prendre note du projet de loi en question, que le Gouvernement a déposé précisément pour adapter le droit interne aux normes de la Convention.
III. RÉPARATION DU PRÉJUDICE CAUSÉ PAR LA VIOLATION
16. Les héritiers du requérant ne présentent aucune demande pour dommage matériel. En revanche, ils réclament "une indemnité substantielle pour la détresse morale causée à [X] qui se savait dépourvu de tout moyen efficace de contester la légalité de sa détention". Sans avancer de chiffres précis, ils signalent les montants (de 12.000 à 25.000 £) accordés, payés ou offerts à titre de dommages-intérêts par les autorités britanniques dans plusieurs cas récents d’emprisonnement illégal ou injustifié.
Pour le Gouvernement, la demande d’indemnité n’est pas fondée. En ordre principal, il invoque l’insuffisance des preuves fournies à l’appui. Subsidiairement, il affirme que même si les éléments disponibles permettaient d’établir que X a ressenti la détresse morale alléguée, il n’y a pas lieu d’octroyer aux héritiers une indemnité comme satisfaction équitable en vertu de l’article 50 (art. 50).
Quant au délégué de la Commission, il n’a pas d’observations à formuler sur ce point.
17. La Cour rappelle que dans son arrêt du 5 novembre 1981, elle a conclu à l’absence d’infraction au paragraphe 1 de l’article 5 (art. 5-1), la privation de liberté de X n’ayant jamais cessé de constituer "la détention régulière (...) d’un aliéné", au sens de l’alinéa e) de ce paragraphe (art. 5-1-e) (point 1 du dispositif et paragraphes 36-47 des motifs, pp. 29 et 17-21). Elle a jugé en outre qu’en l’occurrence il ne s’imposait pas de statuer sur le grief relatif au paragraphe 2 (art. 5-2) (point 3 du dispositif et paragraphes 63-66 des motifs, pp. 29 et 27-28). Quant au constat de violation du paragraphe 4 (art. 5-4), il était limité: aux yeux de la Cour, "un contrôle aussi réduit que celui assuré en l’espèce par la procédure d’habeas corpus ne suffi[sait] pas (...) dans l’hypothèse d’un internement prolongé comme celui de X", mais "on pourrait (...) trouver" cette procédure "satisfaisante au regard de l’article 5 par. 4 (art. 5-4) (...) pour des mesures d’urgence tendant à l’internement de personnes comme aliénés" (ibidem, p. 25, par. 58).
Faute de lien de causalité avec le seul manquement relevé par la Cour (arrêt Neumeister du 7 mai 1974, série A no 17, p. 18, par. 40), aucune réparation n’est donc due pour la souffrance morale imputable à la privation de liberté en soi ou à l’instance en habeas corpus dans la mesure où elle avait trait à la réintégration de X au titre de l’urgence. L’unique détresse propre à donner ouverture à l’octroi d’une satisfaction équitable est celle que le requérant n’aurait pas endurée s’il avait bénéficié d’un recours adéquat pour contester la légalité du maintien de son internement jusqu’en février 1976.
18. A supposer même que X ait réellement éprouvé une telle détresse, le problème ne se trouve pourtant pas réglé: la Cour n’accorde une satisfaction équitable que "s’il y a lieu"; elle jouit en la matière d’un pouvoir d’appréciation dont elle use en fonction de ce qu’elle estime équitable (arrêt Sunday Times du 6 novembre 1980, série A no 38, p. 9, par. 15 in fine).
19. Les circonstances de la cause sont assez particulières. X est mort en janvier 1979 alors que son affaire demeurait pendante devant la Commission. De caractère purement personnel, le tort allégué n’a pas affecté ses héritiers. Ceux-ci ne réclament de réparation, en qualité de "parties lésées", pour aucune souffrance morale qu’ils auraient ressentie eux-mêmes. La violation constatée par la Cour tenait à une lacune des procédures de contrôle pour les malades rappelés à l’hôpital; de plus, et sous réserve d’une question de date, les représentants du requérant se félicitent des amendements que l’on compte apporter sur ce point à la législation britannique relative à la santé mentale (paragraphes 8 et 14 ci-dessus).
A la lumière de ces réflexions, la Cour souscrit à la thèse subsidiaire du Gouvernement: en l’espèce, la justice ne gagnerait rien à l’octroi d’une somme d’argent aux héritiers en réparation de la détresse morale que X a pu éprouver en raison de l’infraction à l’article 5 par. 4 (art. 5-4). Il n’y a donc pas lieu, aux fins de l’article 50 (art. 50), d’accorder une satisfaction équitable sous la forme de l’indemnité demandée.
IV. FRAIS
20. L’allocation de frais et dépens au titre de l’article 50 (art. 50) suppose qu’ils aient été engagés par la partie lésée ou en son nom pour essayer d’empêcher la violation relevée par la Cour ou pour y faire remédier (voir notamment l’arrêt Neumeister précité, série A no 17, pp. 20-21, par. 43). Il faut aussi que se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et, de plus, le caractère raisonnable de leur taux (voir notamment l’arrêt Sunday Times précité, série A no 38, pp. 13-18, paras. 23-42).
21. Les héritiers de X réclament le remboursement des frais et dépens attribuables aux procédures menées tant dans leur pays ("frais exposés en Angleterre") que devant les organes de la Convention ("frais exposés à Strasbourg").
A. Frais exposés en Angleterre
(i) Instance en habeas corpus
22. La demande formulée à cet égard porte sur 535 £ 57, à verser au fonds national d’aide judiciaire en remboursement du montant qu’il avait payé pour couvrir les frais de l’action infructueuse de X devant la High Court.
Le Gouvernement juge dépourvu d’utilité pareil versement puisqu’il s’agirait d’une simple opération comptable entre deux fonds publics. Cela étant, les héritiers du requérant déclarent ne pas insister, de sorte que la Cour n’a pas à se prononcer sur cette branche de la demande.
(ii) Présence à l’audience d’une commission de contrôle psychiatrique et à une réunion au ministère de l’intérieur
23. Deux sommes de 150 £ chacune (plus 8 % de taxe sur la valeur ajoutée) sont exigées, l’une pour la représentation de X devant une commission de contrôle psychiatrique, l’autre pour participation à une réunion au ministère de l’intérieur consacrée à son cas. Aucune note n’a été produite jusqu’ici quant à ces postes. Toutefois, selon M. Napier, solicitor et ancien conseil du requérant, son cabinet a droit à la rémunération des services en question, rendus sur les instructions expresses de X, et compte la réclamer aux héritiers.
D’après le Gouvernement, on ne saurait parler ici de frais réellement supportés par X car son représentant ne lui a jamais rien fait payer.
Le délégué de la Commission se borne à relever que la Cour, si elle donnait suite à la demande, devrait ventiler les frais et en contrôler le caractère raisonnable et nécessaire.
24. La Cour ne peut accepter la thèse du Gouvernement. Au nom du cabinet de solicitors qui l’employait, M. Napier assura la défense de X lors des tentatives de ce dernier pour attaquer son internement à l’hôpital de Broadmoor. A cette fin, il le représenta dans l’instance en habeas corpus et dans la procédure devant les organes de la Convention, pour lesquelles il obtint l’assistance judiciaire. Sa présence devant la commission de contrôle psychiatrique et au ministère de l’intérieur, pour laquelle il n’y avait pas d’assistance judiciaire, résultait d’instructions expresses de son client; il s’agissait en outre de deux autres étapes vers le même but. Eu égard, premièrement, à la relation solicitor-client nouée entre M. Napier et X, deuxièmement, aux directives - générales et particulières - de celui-ci à celui-là, il apparaît clair qu’à l’époque le requérant se trouvait redevable d’honoraires pour ces deux services professionnels. On comprend que M. Napier, connaissant la situation financière de l’intéressé, ait résolu de ne pas lui adresser une note d’honoraires. Toutefois, le fait de ne pas chercher à recouvrer une créance ne signifie pas que celle-ci n’existait pas.
La Cour est donc convaincue que X a réellement supporté les frais en cause. Enfin, faute d’argument en sens contraire du Gouvernement, elle n’aperçoit pas de motif de douter de leur nécessité ni du caractère raisonnable de leur taux.
B. Frais exposés à Strasbourg
25. Quant à la procédure devant la Commission et la Cour, les demandes présentées peuvent se résumer ainsi:
- pour services juridiques antérieures à l’octroi, par la Commission, de l’assistance judiciaire: 250 £ (plus 8 % de taxe sur la valeur ajoutée);
- pour services juridiques ultérieurs: 10.000 £, moins la somme versée par la Commission au titre de l’assistance judiciaire;
- pour débours du solicitor: 701 £ 42.
Ni le Gouvernement ni la Commission ne laissent entendre que le requérant ou ses héritiers n’ont pas assumé la charge de frais s’ajoutant à ceux couverts par l’assistance judiciaire (comp. notamment l’arrêt Airey du 6 février 1981, série A no 41, p. 9, par. 13).
Pendant les négociations, le Gouvernement a proposé à cet égard 7.000 £, moins les montants déjà reçus de la Commission. En réponse, les héritiers ont déclaré cette offre acceptable. Quant au délégué de la Commission, il a précisé que les sommes payées dans le cadre de l’assistance judiciaire s’élevaient à 21.160 FF 22.
26. Le Gouvernement et les héritiers de X ont abouti à un accord sur cette branche de la demande de satisfaction équitable. Comme le veut l’article 50 par. 5 de son règlement, la Cour en a vérifié le "caractère équitable" qui, compte tenu de l’absence d’objection de la part du délégué de la Commission, ne lui inspire aucun doute. Partant, elle en prend acte et constate que la question n’appelle plus un examen de sa part.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Prend acte, à l’unanimité, de l’accord conclu entre le Gouvernement et les héritiers du requérant au sujet des frais exposés à Strasbourg.
2. Dit, à l’unanimité, que le Royaume-Uni doit verser à la succession, pour frais exposés en Angleterre, la somme de trois cent vingt-quatre livres sterling (324 £), taxe sur la valeur ajoutée comprise;
3. Rejette pour le surplus, par six voix contre une, la demande de satisfaction équitable.
Rendu en français et en anglais, le texte anglais faisant foi, au Palais des Droits de l’Homme à Strasbourg, le dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-deux.
Pour le Président
Denise BINDSCHEDLER-ROBERT
Juge
Marc-André EISSEN
Greffier
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 51 par. 2 (art. 51-2) de la Convention et 50 par. 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée de M. Thór Vilhjálmsson.
D. B.-R.
M.-A. E.
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE THÓR VILHJÁLMSSON
(Traduction)
Par son arrêt du 5 novembre 1981 sur le fond du litige, la Cour a constaté une infraction à l’article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention. A mon avis, les héritiers du requérant ont droit en vertu de l’article 50 (art. 50) à une satisfaction pour le dommage moral que lui a causé cette violation.
Comme l’indique le paragraphe 12 de l’arrêt auquel se trouve annexée cette opinion, on a plaidé l’affaire en partant de l’idée que le droit de réclamer une satisfaction équitable sur la base de l’article 50 (art. 50) peut survivre au profit des héritiers du défunt qui en était titulaire. Selon moi, il en va ainsi au moins lorsque le de cujus a présenté la demande de son vivant, comme en l’espèce. Dans son formulaire de requête du 26 avril 1975 à la Commission, X précisait qu’elle avait pour objet, entre autres, une réparation pécuniaire de même qu’une réforme du droit interne applicable. J’estime donc que dans la mesure où X, s’il était encore de ce monde, aurait eu droit à une indemnité en guise de satisfaction équitable au sens de l’article 50 (art. 50) de la Convention, il faut maintenant en payer une à sa succession, conformément à la demande avancée en son nom.
Le dossier comprend plusieurs lettres écrites par le requérant à ses conseils pendant le printemps et l’été 1974. Cette correspondance révèle que sa situation lui inspirait de la détresse. Ses lettres des 14 juillet 1974 et 23 novembre 1975 à la Commission montrent en outre que cette détresse s’expliquait au moins en partie par la conscience qu’il avait des lacunes des recours s’offrant à lui pour contester la légalité de son internement. Il y liait "détresse morale" et "sentiment d’injustice" au fait qu’un malade rappelé, comme lui, à l’hôpital ne pouvait "réclamer justice au moyen d’un contrôle judiciaire, même la vieille procédure d’habeas corpus [n’étant] d’aucune aide".
Dans un cas tel que celui de X, les preuves de préjudice moral fournies par la "partie lésée" elle-même revêtent forcément une importance primordiale. De plus, dans les circonstances particulières de la cause on peut présumer que pareil préjudice a découlé de la nature même de la violation. Tenant compte de cela et des pièces précitées du dossier, je conclus qu’il y a lieu d’accorder en l’espèce, au titre de l’article 50 (art. 50), une satisfaction équitable pour préjudice moral, sous la forme d’une indemnité.
La majorité de la Cour a rejeté la demande d’indemnité présentée, au nom de la succession du requérant, pour le dommage résultant de l’infraction à l’article 5 par. 4 (art. 5-4). Me trouvant seul en minorité sur ce point, je n’estime pas nécessaire de développer davantage mes arguments.
* Dans le présent volume, les références au règlement de la Cour visent le règlement applicable à l'époque de l'introduction de l'instance. Il a été remplacé depuis lors par un nouveau texte entré en vigueur le 1er janvier 1983, mais seulement pour les affaires portées devant la Cour après cette date.
AFFAIRE GOLDER c. ROYAUME-UNI
ARRÊT AIREY c. IRLANDE
ARRÊT X. c. ROYAUME-UNI (ARTICLE 50)
ARRÊT X. c. ROYAUME-UNI (ARTICLE 50)
ARRÊT X. c. ROYAUME-UNI (ARTICLE 50)
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE THÓR VILHJÁLMSSON
ARRÊT X. c. ROYAUME-UNI (ARTICLE 50)
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE THÓR VILHJÁLMSSON