SUR LA RECEVABILITE de la requête No 16490/90 présentée par Ramon ARDILA GONZALEZ contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 8 avril 1991 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL E. BUSUTTIL A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.C. GEUS P. PELLONPÄÄ M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 10 novembre 1989 par Ramon ARDILA GONZALEZ contre l'Espagne et enregistrée le 23 avril 1990 sous le No de dossier 16490/90; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit : Le requérant de nationalité espagnole, né en 1956, est domicilié à Badajoz. Devant la Commission, il est représenté par Me de Lorenzo Serrano, avocate à Madrid. Le requérant a fait l'objet d'une action en déclaration judiciaire de paternité devant le tribunal d'instance de Badajoz. Dans le cadre de cette procédure, le requérant accepta de se soumettre à la preuve biologique. Toutefois, le prélèvement sanguin qui avait été effectué fut envoyé tardivement aux laboratoires compétents sis à Madrid, de telle manière que les résultats de l'analyse n'étaient plus probants. Le tribunal d'instance de Badajoz décida alors de procéder à une nouvelle prise de sang, mais cette fois-ci au siège même des laboratoires madrilènes. Le requérant refusa d'obtempérer à cette décision. Par un jugement du 28 juillet 1986, le tribunal d'instance no. 2 de Badajoz, considérant que l'examen de l'ensemble des preuves telles que les témoignages d'amis des parties au procès, les factures d'hôtel, les lettres, les visites au nouveau né, le refus de se soumettre à la preuve biologique etc permettaient de conclure à la paternité du requérant, fit droit à la demande en déclaration de paternité portée à l'encontre du requérant. L'Audiencia de Cáceres, juridiction de second degré, confirma le 25 février 1987 le jugement du tribunal de Badajoz. Le pourvoi en cassation devant le Tribunal Suprême fut rejeté le 24 janvier 1989. Le recours d'amparo devant le Tribunal Constitutionnel a été rejeté par décision du 3 juillet 1989 pour absence manifeste de fondement (por carecer manifiestamente de contenido que justifique una decisión sobre el fondo).
GRIEFS
1. Le requérant se plaint tout d'abord de ce que sa cause n'a pas été entendue équitablement par les tribunaux espagnols dans la mesure où ils ont fondé leur décision sur des faits non prouvés et invoque l'article 6 par. 1 de la Convention.
2. Il se plaint ensuite que la déclaration de paternité prononcée par les tribunaux constitue une ingérence injustifiée dans sa vie personnelle et familiale et invoque l'article 8 par. 1 de la Convention.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord que sa cause n'a pas été entendue équitablement par les tribunaux espagnols et allègue la violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) qui garantit à toute personne : "1. ... le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle." La Commission estime tout d'abord que la procédure de recherche de paternité emporte détermination de droits de caractère civil au sens de cette disposition (No. 8315/79, déc. 15.7.81, D.R. 25 p. 203). La Commission rappelle ensuite que, s'il est vrai que l'article 6 par. 1 (art. 6-1) garantit à toute personne le droit à un procès équitable, cette disposition ne règlemente pas, selon la jurisprudence, la question de l'admissibilité et de l'appréciation des preuves qui relève en principe des juridictions du fond (Cour eur. D.H., arrêt Barberá, Messegué et Jabardo du 6 décembre 1988, série A n° 146, par. 68 et No. 7987/77, déc. 13.12.79, D.R. 18 p. 31). La Commission doit cependant s'assurer que la procédure considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable. A cet égard, la Commission relève que le jugement portant déclaration de paternité a été rendu à la suite d'une procédure contradictoire. Elle observe également que, contrairement à ce qu'a affirmé le requérant, les juridictions internes ont fondé leurs jugements non pas, uniquement, sur son refus de se soumettre une deuxième fois à la preuve biologique, mais sur tout un ensemble d'éléments de preuve que les tribunaux internes ont estimé déterminants. Il s'ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint ensuite de ce que la déclaration de paternité prononcée à son égard constitue une ingérence injustifiée dans sa vie personnelle et familiale. Il invoque l'article 8 par. 1 (art. 8-1) de la Convention. L'article 8 (art. 8) stipule que : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." Toutefois, la Commission estime qu'un jugement prononçant une déclaration de paternité constitue une ingérence prévue par la loi et nécessaire dans une société démocratique à la protection des droits d'autrui au sens de l'article 8 par. 2 (art. 8-2) de la Convention. Par conséquent, ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)