SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 16809/90 présentée par L.K. contre France
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La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil le 19 février 1992 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA G. SPERDUTI E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.C. GEUS A.V. ALMEIDA RIBEIRO M.P. PELLONPÄÄ
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 19 juin 1990 par L.K. contre France et enregistrée le 2 juillet 1990 sous le No de dossier 16809/90 ;
Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ;
Vu la décision de la Commission, en date du 27 mai 1991, de communiquer la requête ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 23 octobre 1991 et les observations en réponse présentées par le requérant le 19 novembre 1991 ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante : EN FAIT
Le requérant, né en 1959, est un ressortissant algérien domicilié à Rouen en France. Il est représenté devant la Commission par Me Philippe Lescène, avocat à Rouen.
Les faits, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le requérant est né à Rouen et y a toujours résidé. Il y a poursuivi sa scolarité et exercé différentes activités professionnelles. Toute la famille du requérant réside également en France. Sa mère est arrivée à Rouen alors qu'elle était âgée de onze ans. Tous les frères et soeurs du requérant sont de nationalité française. Pour des raisons indépendantes de sa volonté et qui tiennent essentiellement à l'autorité exercée par son père, le requérant a été contraint, à l'âge de 18 ans, d'opter pour la nationalité algérienne.
Le requérant s'est rendu coupable de différentes infractions (vol et recel) pendant la période 1982 - 1985. Il a été condamné à diverses peines d'emprisonnement avec sursis et d'emprisonnement ferme. La dernière infraction qu'il a commise remonte au 3 septembre 1985, pour laquelle il a été condamné, le 22 janvier 1986, à huit mois d'emprisonnement.
Le 16 juin 1987, un arrêté d'expulsion a été pris à l'encontre du requérant.
Dans une requête au tribunal administratif de Rouen, le requérant a demandé l'annulation de l'arrêté d'expulsion. Le 23 octobre 1987, le tribunal a rejeté la requête. Dans son jugement, le tribunal a constaté, entre autres, que les circonstances familiales qui aggravent les conséquences que l'expulsion pourrait avoir pour le requérant sont sans effet sur la légalité de la décision attaquée.
Le requérant a introduit une requête devant le Conseil d'Etat qui l'a rejetée le 6 décembre 1989. L'arrêt a été signifié au requérant le 22 décembre 1989.
Le 15 mars 1989, le requérant a fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence dans le département de la Seine Maritime.
Les arrêtés d'expulsion et d'assignation à résidence ont été abrogés par décisions en date du 30 août 1991. Par ailleurs, les autorités compétentes ont pris le 15 septembre 1991 une décision de remise d'un certificat de résidence de 10 ans au requérant.
GRIEFS
Le requérant allègue que son expulsion porterait atteinte aux articles 7 et 8 de la Convention ainsi qu'à l'article 2 du Protocole N° 4.
En ce qui concerne l'article 7 de la Convention, il fait valoir que l'arrêté d'expulsion à son encontre a été pris en application de la loi n° 86-1025 du 9 septembre 1986 modifiant les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être expulsés du territoire français, que cette loi est donc postérieure aux infractions commises par lui et qu'il ne pouvait pas être expulsé pour ces infractions selon la loi en vigueur au moment des infractions.
En ce qui concerne l'article 8 de la Convention, le requérant fait valoir que, si l'expulsion était mise à exécution, il se verrait interdit de toute relation et de tout contact avec sa famille qui vit en France.
En ce qui concerne l'article 2 du Protocole N° 4, le requérant allègue que l'arrêté d'expulsion viole son droit de circuler librement.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION
La requête a été introduite le 19 juin 1990 et enregistrée le 2 juillet 1990.
Le 27 mai 1991, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête.
Le Gouvernement défendeur a présenté ses observations le 23 octobre 1991, faisant savoir, entre autres, que les arrêtés d'expulsion et d'assignation à résidence avaient été abrogés par décisions en date du 30 août 1991. Le Gouvernement ajoutait que le 15 septembre 1991, les autorités compétentes avaient pris une décision de remise d'un certificat de résidence de dix ans en faveur du requérant.
Par lettre du 19 novembre 1991, le requérant a fait savoir que, nonobstant l'abrogation de l'arrêté d'expulsion, il entendait maintenir sa requête, car ayant dû vivre dans des conditions difficiles pendant quatre années, il pouvait toujours se prétendre victime d'une violation de la Convention.
EN DROIT
La Commission observe que par lettre du 23 octobre 1991, le Gouvernement français a fait savoir que l'arrêté d'expulsion et l'arrêté d'assignation avaient été abrogés le 30 août 1991. Il indiquait également que les autorités compétentes avaient pris le 15 septembre 1991 une décision de remise d'un certificat de résidence de dix ans en faveur du requérant.
Invité à se prononcer sur ces informations le requérant a fait savoir, par lettre du 19 novembre 1991, qu'il entendait maintenir sa requête.
1. Le requérant se plaint tout d'abord de ce que l'arrêté d'expulsion pris en application de la loi du 9 septembre 1986 violerait le principe de la non-rétroactivité des lois pénales énoncé par l'article 7 (art. 7) de la Convention.
La Commission observe qu'en vertu de cette loi, le requérant aurait pu être expulsé, bien que l'infraction ait été commise avant l'adoption de cette loi. Elle constate toutefois qu'après l'abrogation de l'arrêté d'expulsion, le requérant ne saurait prétendre à la qualitéde victime au sens de l'article 25 (art. 25) de la Conventio ~s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2.Le requérant se plaint ensuite que la mise en exécution de l'arrêté d'expulsion le priverait de tout contact avec sa famille en violation du droit au respect de la vie familiale garanti par l'article 8 (art. 8) de la Convention. Toutefois, là encore, la Commission est d'avis que suite à l'abrogation dudit arrêté d'expulsion, le requérant ne peut plus être considéré comme victime d'une violation de la Convention au sens de l'article 25 (art. 25). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement dépourvu de fondement en application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
3.Le requérant se plaint enfin de ne pouvoir circuler librement en raison de l'arrêté d'expulsion et invoque l'article 2 du Protocole No 4 (P4-2) à la Convention. Sur ce point, la Commission note que le requérant a été assigné à résidence dans le département de la Seine Maritime du 15 mars 1989 au 30 août 1991. Elle estime que cette mesure qui était en rapport avec l'arrêté d'expulsion était conforme aux conditions énoncées au par. 3 de l'article 2 du Protocole No 4 (P4-2). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté comme étant manifestement mal fondé conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs, la Commission à l'unanimité
DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE.
Secrétaire de la CommissionPrésident de la Commission (H.C. KRÜGER)(C.A. NØRGAARD)