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08/07/1992 | CEDH | N°16685/90

CEDH | VIALAS SIMÓN contre l'ESPAGNE


SUR LA RECEVABILITE de la requête No 16685/90 présentée par Justo VIALAS SIMÓN contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil les 7 et 8 juillet 1992 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS

H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL ...

SUR LA RECEVABILITE de la requête No 16685/90 présentée par Justo VIALAS SIMÓN contre l'Espagne __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en chambre du conseil les 7 et 8 juillet 1992 en présence de MM. C.A. NØRGAARD, Président J.A. FROWEIN S. TRECHSEL F. ERMACORA E. BUSUTTIL G. JÖRUNDSSON A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL J.C. SOYER H.G. SCHERMERS H. DANELIUS Mme G.H. THUNE Sir Basil HALL MM. F. MARTINEZ C.L. ROZAKIS Mme J. LIDDY MM. L. LOUCAIDES J.C. GEUS M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 9 mars 1990 par Justo VIALAS SIMÓN contre l'Espagne et enregistrée le 11 juin 1990 sous le No de dossier 16685/90 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Vu la décision de la Commission, en date du 6 janvier 1992, de communiquer la requête ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 6 mars 1992 et les observations en réponse présentées par le requérant le 8 mai 1992 ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :EN FAIT Le requérant est un ressortissant espagnol né en 1946. Il est médecin spécialiste en neurologie et réside à Badajoz. Devant la Commission, le requérant est représenté par Me Leopoldo García Quintero, avocat à Barcelone. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent être résumés comme suit. Le 7 janvier 1978, le requérant demanda son inscription au tableau de l'Ordre des médecins de Badajoz. Aux termes de la législation en vigueur, cette inscription constituait une condition nécessaire à l'exercice de la profession de médecin. Le 29 décembre 1978 entra en vigueur la nouvelle Constitution espagnole. Considérant que l'inscription obligatoire au tableau de l'Ordre était désormais inconstitutionnelle le requérant demanda à plusieurs reprises à être rayé ("darse de baja") dudit tableau. Il alléguait notamment qu'il exerçait son activité de médecin exclusivement dans le secteur public, raison pour laquelle l'obligation d'être inscrit au tableau de l'Ordre des médecins était contraire à son droit à la liberté d'association et discriminatoire. Ses demandes ayant été rejetées par le Conseil de l'Ordre, le requérant arrêta le versement de ses cotisations en 1983. Le Conseil de l'Ordre prononça la radiation du requérant du tableau de l'Ordre le 13 février 1986. Toutefois, le 22 septembre 1986, le Conseil de l'Ordre ordonna sa réinscription au tableau - sans que le requérant eût exercé de recours contre sa radiation - et saisit la juridiction civile, réclamant au requérant les sommes dues au titre des cotisations non-payées. Par jugement du 23 février 1987, le tribunal d'arrondissement n° 2 de Badajoz condamna le requérant à verser 63.576 ptas au Conseil de l'Ordre. Cette décision fut confirmée en appel le 17 décembre 1987 par l'Audiencia Provincial de Badajoz. Le requérant saisit alors le Tribunal constitutionnel d'un recours d'"amparo" fondé sur la violation des droits à l'égalité et à la liberté d'association (articles 14 et 22 de la Constitution espagnole). Le Tribunal constitutionnel déclara le recours recevable mais le rejeta au fond par arrêt rendu le 17 juillet 1989. Cette haute juridiction rappelait que l'inscription obligatoire au tableau d'un Ordre professionel n'était pas en soi contraire à la Constitution. Il relevait du choix du législateur - rappelait l'arrêt - de soumettre les médecins du secteur public au seul contrôle de l'administration sanitaire en ce qui concerne la déontologie et l'exercice de l'art médical. Toutefois tel n'ayant pas été le choix du législateur espagnol, rien ne s'opposait à l'application des normes en vigueur en matière d'inscription obligatoire de tous les médecins au tableau de l'Ordre professionnel. L'opinion dissidente d'un magistrat fut jointe à l'arrêt. Cet arrêt fut publié au Journal officiel de l'Etat du 9 août 1989. D'après le certificat émis par le greffe du Tribunal constitutionnel il doit être tenu pour notifié à l'avoué du requérant le 29 septembre 1989.
GRIEFS Le requérant considère contraire au droit à la liberté d'association garanti à l'article 11 de la Convention le fait d'imposer aux médecins qui n'exercent pas leur profession dans le secteur privé l'inscription obligatoire au tableau de l'Ordre. Il explique que le droit de chaque citoyen à la protection de la santé reçoit une protection particulière de la part de l'Etat qui se doit donc de surveiller le respect des règles de l'art et de la déontologie par les médecins travaillant dans les services de santé publics. Ces professionnels se trouvent par conséquent sous la tutelle de l'Etat qui exerce à leur égard le même rôle qu'exerce le Conseil de l'Ordre à l'égard des médecins du secteur privé. D'autre part, les fonctions traditionnelles de l'Ordre en matière d'honoraires, concurrence etc. ne trouvent pas à s'exercer à l'égard des médecins du secteur public. Le requérant en conclut que, dépourvu de toutes ses prérogatives de droit public à l'égard des médecins travaillant pour l'administration, l'Ordre des médecins se réduit, en ce qui les concerne, à une simple association corporatiste. Dès lors, l'inscription et la cotisation obligatoires deviennent contraires au droit de ne pas faire partie d'une association.
PROCEDURE DEVANT LA COMMISSION La requête a été introduite le 9 mars 1990. Elle a été enregistrée le 11 juin 1990. Le 6 janvier 1992, la Commission a décidé de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur et de l'inviter à présenter des observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Le Gouvernement défendeur a présenté ses observations en date du 6 mars 1992. Le requérant a fait parvenir ses observations en réponse en date du 8 mai 1992.
EN DROIT Le requérant se plaint que l'inscription obligatoire au tableau de l'Ordre des médecins des professionnels qui travaillent exclusivement dans le secteur public constitue une atteinte au droit à ne pas faire partie d'une association garanti par l'article 11 (art. 11) de la Convention. Cette disposition se lit comme suit : 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d'association, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts. 2. L'exercice de ces droits ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. Le présent article n'interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l'exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l'administration de l'Etat." Le Gouvernement soulève d'abord une exception préliminaire fondée sur le dépassement du délai de six mois prévu par l'article 26 (art. 26) de la Convention. Il explique que l'arrêt rendu le 17 juillet 1989 par le Tribunal constitutionnel fut déposé au greffe le 19 juillet 1989 et qu'à partir de cette date toutes les parties au procès pouvaient en prendre connaissance en retirant, par l'intermédiaire de leur avoué, l'exemplaire de l'arrêt qui était à leur disposition. Or, l'avoué du requérant n'a pas fait preuve de diligence car il n'a retiré son exemplaire de l'arrêt que le 29 septembre 1989, soit deux mois et 10 jours après la date de son dépôt. Entretemps, le Journal officiel de l'Etat avait déjà publié le texte intégral de l'arrêt, en date du 9 août 1989. Les journaux espagnols et notamment le journal "Hoy" de Badajoz, petite ville où habite le requérant et où il exerce la médecine, ont publié des articles et des commentaires au sujet de l'arrêt. Par ailleurs le Président du Conseil général des Ordres des médecins avait distribué le 3 août 1989 à tous les Ordres des médecins d'Espagne copie de l'arrêt. Le Gouvernement défendeur rappelle qu'aux termes de la jurisprudence le délai de six mois court à partir du moment où le requérant a pu prendre connaissance du contenu de la décision rendue par les autorités judiciaires nationales. Il rappelle aussi que toute personne partie à une procédure devant le Tribunal constitutionnel doit obligatoirement être assistée par un avoué du barreau de Madrid et que d'après leur statut - cf. Décret royal 2046/82 du 30 juillet 1982 - les avoués sont tenus de s'assurer que le client et l'avocat soient toujours au courant de l'affaire qui leur a été confiée. Dans ces conditions, le 29 septembre 1989 ne peut pas être la date de départ du délai de six mois car le requérant et, en tout cas, son avoué étaient depuis bien avant en mesure de prendre connaissance de la décision interne définitive. Le Gouvernement estime dès lors que le délai de six mois doit être calculé au plus tard à partir de la date à laquelle tous les Espagnols ont pu prendre connaissance du contenu de l'arrêt du 17 juillet 1989 grâce à sa publication dans le Journal officiel de l'Etat, c'est-à-dire le 9 août 1989. La requête devant la Commission n'ayant été introduite que le 9 mars 1990, le délai de six mois est dépassé. Le requérant considère pour sa part que l'exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée car le délai de six mois prévu par l'article 26 (art. 26) de la Convention ne peut être calculé qu'à partir de la date de notification de la décision interne définitive. Il explique qu'en effet l'article 272 de la loi organique 7/1985 du pouvoir judiciaire prévoit la notification par dépôt, l'Ordre des avoués devant, dans ce cas, organiser un système de réception collective des notifications destinés aux avoués inscrits à son tableau. Il appartenait par conséquent au greffe du Tribunal constitutionnel de notifier l'arrêt à l'avoué du requérant dans les locaux spécifiques destinés à cette fin et au cas où l'avoué ne se serait pas présenté, c'est l'Ordre des avoués qui aurait dû recevoir la notification. Or, il s'avère qu'en l'espèce les autres parties au procès - Ministère public et Ordre des médecins de Badajoz - se sont vu notifier l'arrêt du 17 juillet 1989 quelques jours après qu'il soit rendu, alors que l'avoué du requérant a dû attendre jusqu'au 29 septembre 1989 pour en recevoir la sienne. Ce n'est donc qu'à partir de cette date que doit courir le délai de six mois. Quant au fond, le Gouvernement souligne qu'il n'existe aucune différence en matière d'exercice de l'art et de la déontologie médicales entre médecins exerçant leur profession de manière indépendante et médecins l'exerçant pour le compte de l'une ou l'autre administration publique (sécurité sociale, régions autonomes, conseils généraux, municipalités ou autres). D'après lui l'exercice de la profession médicale a une incidence directe sur le respect des droits et valeurs protégés par la Constitution et aucune différence de traitement n'est dès lors tolérable dans ce domaine entre patients du secteur public et patients du secteur privé. C'est pourquoi les exigences sur le terrain de l'exercice professionnel sont les mêmes pour tous les médecins où qu'ils travaillent. Le pouvoir de contrôle du respect des règles de l'art et de la déontologie est confié traditionnellement en Espagne à des corporations de droit public - les Ordres des médecins - qui groupent tous les médecins et qui assurent ainsi une mission d'intérêt social. Il y a, certes, indique le Gouvernement défendeur, des médecins qui n'exercent leur profession que pour le compte des pouvoirs publics. Il n'en sont pas pour autant exemptés de respecter les règles de l'art et les normes de la déontologie, car la relation juridique entre un médecin et son employeur n'a rien à voir avec le droit du malade à se faire soigner sans faire l'objet de discriminations. Les Ordres des médecins sont tenus d'exercer donc le même contrôle sur les médecins du secteur public que sur les médecins du secteur privé. Le Gouvernement n'estime pas d'ailleurs souhaitable que ce soit l'administration elle-même qui contrôle l'exercice de l'art et de la déontologie. Il fait valoir que souvent les finalités recherchées par l'employeur - en matière par exemple de contrôle de dépenses, organisation, politique du personnel - peuvent entrer en conflit avec les exigences d'un exercice correct de l'art médical. Le Gouvernement avance l'exemple d'une politique de restrictions du personnel en salle d'opération visant à réduire les dépenses publiques, politique qui pourrait compter avec l'agrément des médecins moyennant augmentation des rétributions. Dans une telle situation l'accord entre employeur et employé se ferait au détriment du malade et il appartiendrait aux Ordres professionnels de réagir pour garantir le respect de l'exercice correct de la médecine. Il est évident que l'Etat en tant qu'employeur se doit de contrôler le respect par le médecin employé des obligations découlant de son contrat de travail ou de son statut (horaires, tours de garde, devoirs...). Toutefois, il ne faut pas confondre ce pouvoir de contrôle avec ceux portant sur l'exercice de l'art médical et sur la déontologie professionnelle. D'après le Décret royal 1018/1980 portant statut de l'organisation médicale, il appartient aux Ordres des médecins de représenter la profession médicale dans son ensemble, de défendre les intérêts professionnels des médecins et d'organiser l'exercice de la profession. Les Ordres médicaux sont également tenus d'émettre au nom du corps médical, leur avis sur les projets de nouvelle législation en matière de santé publique. Contrairement à ce qu'affirme le requérant dans sa requête, les Ordres ne se limitent donc pas à réglementer "l'exercice commercial" de la profession - ce qui n'intéresserait guère les médecins salariés ou dépendants - mais se chargent d'assurer un certain nombre de fonctions qui concernent la pratique de la médecine en général. Le Gouvernement fournit plusieurs exemples montrant que les conseils de l'Ordre jouent un rôle indispensable en matière d'exercice correct de la médecine par les médecins du secteur public. Grâce à l'activité et aux recours introduits auprès des tribunaux par les conseils de l'Ordre nombre d'instructions, directives ou décisions des autorités publiques - en matière par exemple de liberté de prescription, secret professionnel, personnel auxiliaire, sanctions... - susceptibles de porter atteinte à l'exercice correct de la médecine par des médecins employés dans des services publics ont ainsi dû être annulées ou retirées. Le Gouvernement considère que les Ordres des médecins - tels qu'ils existent en Espagne et dans nombre de pays membres du Conseil de l'Europe - ne sont pas des associations au sens de l'article 11 (art. 11) de la Convention. L'inscription obligatoire au tableau de l'Ordre - condition de l'exercice de la profession - n'empêche nullement les médecins espagnols de s'associer librement et de former des syndicats pour la défense de leurs intérêts. Le Gouvernement cite plusieurs de ces associations et syndicats. S'inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, le Tribunal constitutionnel espagnol, tout comme la Cour constitutionnelle allemande ou la Cour de justice des Communautés européennes, a estimé que l'inscription obligatoire au tableau de l'Ordre ne portait pas atteinte au droit à la liberté d'association. Le Gouvernement ne voit aucune raison pour que l'on s'écarte, dans la présente affaire, de la jurisprudence précitée et conclut que la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée. Le requérant manifeste quant à lui son désaccord avec les thèses du Gouvernement. Il affirme que les actes médicaux des professionnels du secteur public se trouvent sous le contrôle de l'administration sanitaire et non pas sous le contrôle des Ordres des médecins. En effet, fait-il valoir, c'est l'Etat qui est constitu- tionnellement responsable de la protection de la santé. Dès lors, c'est à l'administration sanitaire de s'assurer de la qualité des soins médicaux dispensés par les médecins du secteur public en surveillant le bon fonctionnement des services dans les institutions sanitaires et le respect de la part des médecins employés par l'Etat de leurs obligations contractuelles ou statutaires (arrêté ministériel du 7 juillet 1972 portant règlement d'organisation, direction et services des institutions sanitaires). De plus le Décret 3160/1966 portant statut juridique du personnel médical de la sécurité sociale réglemente la question du régime disciplinaire des médecins au service de la sécurité sociale. L'article 66 de ce Décret royal définit comme infractions disciplinaires le manque d'attention ou de respect au public, la méconnaissance des devoirs spécifiques, la malhonnêteté ou immoralité etc. Le requérant estime ainsi démontré que la garantie d'une assistance médicale efficace et respectueuse de la dignité des patients relève directement de l'administration sanitaire moyennant l'exercice de ses pouvoirs en matière disciplinaire. L'Ordre de
médecins ne joue donc aucun rôle, d'après le requérant, en ce qui concerne le respect de la part des médecins au service de l'Etat des règles de déontologie et de l'exercice correct de la médecine. La Commission n'estime pas nécessaire de se prononcer expressément sur l'exception d'irrecevabilité que le Gouvernement tire du non-respect de la règle de six mois prévue par l'article 26 (art. 26) de la Convention dans la mesure où même à supposer que la requête eut été introduite dans ledit délai, elle est de toute manière irrecevable pour un autre motif. En effet, la Commission rappelle que selon sa jurisprudence, l'appartenance obligatoire des citoyens à des institutions de droit public n'est pas contraire à l'article 11 par. 1 (art. 11-1) de la Convention, disposition qui n'offre une protection qu'en ce qui concerne les associations privées et syndicats, mais non les institutions officielles (cf. N° 6094/73, déc. 6.7.77 D.R. 9 p. 5). En outre la liberté d'association ne fait pas obstacle à ce que les praticiens d'une profession dont l'exercice touche à l'intérêt général puissent être groupés par ou en vertu de la loi dans une organisation professionnelle fortement structurée, à la fois dans le but de gérer certains intérêts qui leur sont communs et dans un but d'intérêt général en vue de la protection de la santé au sein de la société et ce même si on a eu recours pour l'organisation de cette entité à certaines formes techniques de l'association (cf. Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique, rapport Comm. 14.12.79 par. 64, Cour Eur. D.H. série B n° 38 p. 37). La Cour, quant à elle, a confirmé que dans ces conditions l'existence de l'Ordre et son corollaire - l'obligation des médecins de s'inscrire à son tableau - n'ont manifestement ni pour objet ni pour effet de limiter et encore moins de supprimer le droit garanti à l'article 11 par. 1 (art. 11-1) de la Convention (cf. Cour Eur. D.H. arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere du 23 juin 1981 série A n° 43 par. 65 ; cf. aussi arrêt Albert et Le Compte du 10 février 1983 série A n° 58 p. 21 par. 44). Or, la Commission constate que les Ordres des médecins sont en Espagne des institutions de droit public créées par voie légale qui poursuivent un intérêt général, la protection de la santé, en assurant un certain contrôle public de l'exercice de l'art médical et de la déontologie médicale. Dans le cadre des compétences qui leur sont confiées par l'Etat les Ordres des médecins jouissent de certaines prérogatives tant administratives que disciplinaires. Les Ordres médicaux participent du reste à l'élaboration de normes législatives ou réglementaires en émettant leur avis sur les projets élaborés par les pouvoirs publics en matière de santé. Dès lors la Commission, eu égard aux fonctions et compétences dévolues aux Ordres des médecins en Espagne, estime ne pas devoir les analyser comme des associations au sens de l'article 11 (art. 11) de la Convention (cf. mutatis mutandis Cour Eur. D.H. arrêt Le Compte, Van Leuven et De Meyere précité, par. 65). Le requérant affirme, certes, que pour les médecins du secteur public les Ordres des médecins ne sont que des associations car ils n'exercent pas à leur égard leurs traditionnelles fonctions en matière de contrôle de l'exercice de l'art et de la déontologie médicale. D'après lui, les médecins travaillant exclusivement dans le secteur public sont soumis au seul contrôle de l'administration qui les emploie et l'obligation imposée à ces médecins de s'inscrire au tableau de l'Ordre et d'en payer la cotisation constitue une ingérence dans leur liberté de ne pas appartenir à une association qui, en ce qui les concerne, est de nature strictement privée. Toutefois la Commission relève que la thèse du requérant selon laquelle les médecins du secteur public sont soumis au seul contrôle de l'administration sanitaire ne trouve pas d'appui dans l'ordre juridique espagnol. La Commission constate à cet égard que d'après l'arrêt rendu par le Tribunal constitutionnel espagnol le 17 juillet 1989 la législation espagnole en vigueur ne prévoit aucune disposition particulière pour les médecins employés par l'Etat en matière de contrôle de l'exercice de l'art et de la déontologie médicale, pouvoirs qu'exercent les Ordres des médecins à l'égard de tous les médecins sans distinction. Le Gouvernement défendeur a d'ailleurs expliqué clairement pourquoi il n'estime pas souhaitable d'attribuer à l'administration sanitaire l'exercice de telles fonctions qui sont d'intérêt général et préfère les conférer aux Ordres médicaux - en tant que groupement de pairs. La Commission estime, du reste, que le fait que l'Etat - en tant qu'employeur - s'assure du respect des obligations contractuelles ou statutaires des médecins qu'il emploie n'équivaut pas, comme le prétend le requérant, à la suppression de la compétence que détiennent les Ordres médicaux à l'égard de tous les médecins en matière de contrôle de l'art et de la déontologie médicale. Par conséquent, la Commission est d'avis que l'inscription obligatoire du requérant au tableau de l'Ordre des médecins n'est pas de nature à limiter, ni encore moins à supprimer son droit à la liberté d'association tel que garanti par l'article 11 par. 1 (art. 11) de la Convention (cf. Cour Eur. D.H. arrêt Albert et Le Compte du 10 février 1983 précité, par. 44). La Commission relève à cet égard que l'Espagne connaît plusieurs associations et syndicats voués à la défense professionnelle des médecins et auxquelles le requérant a toute latitude d'adhérer. En l'absence d'atteinte au droit protégé par l'article 11 par. 1 (art. 11-1) de la Convention, la Commission considère que la requête est manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission à la majorité DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Commission de la Commission (H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)


Synthèse
Formation : Commission
Numéro d'arrêt : 16685/90
Date de la décision : 08/07/1992
Type d'affaire : DECISION
Type de recours : irrecevable (partiellement) ; recevable (partiellement)

Analyses

(Art. 10-1) LIBERTE D'EXPRESSION, (Art. 10-2) INGERENCE, (Art. 10-2) PREVUE PAR LA LOI, (Art. 10-2) PROTECTION DE LA REPUTATION D'AUTRUI


Parties
Demandeurs : VIALAS SIMÓN
Défendeurs : l'ESPAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1992-07-08;16685.90 ?

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