SUR LA RECEVABILITÉ de la requête No 20122/92 présentée par V.O. contre la Belgique __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 7 avril 1994 en présence de MM. S. TRECHSEL, Président H. DANELIUS G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS Mme G.H. THUNE MM. F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY M. K. ROGGE, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 13 mars 1992 par V.O. contre la Belgique et enregistrée le 15 juin 1992 sous le No de dossier 20122/93 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant belge, né en 1940. Domicilié à Neerglabbeek, il exerce la profession de médecin. Devant la Commission, il est représenté par Me J. Coch, avocat au barreau de Hasselt. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par le requérant, peuvent se résumer comme suit :
A) Circonstances particulières de l'affaire Suite à une plainte formulée par une société mutualiste, l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI) mena une enquête administrative concernant le requérant. Ce dernier était en effet accusé d'avoir fourni des traitements sans prescriptions, d'avoir porté en compte des prestations non fournies et d'avoir porté en compte des prestations sans remplir les conditions posées par la nomenclature. Le 21 janvier 1987, la chambre restreinte du service de contrôle de l'INAMI rendit une décision interdisant aux organismes assureurs d'intervenir dans le coût des prestations de santé dispensées par le requérant pendant une durée de deux mois. Sur appel du requérant, la commission d'appel du service de contrôle de l'INAMI limita la durée de l'interdiction à six semaines. Le 19 août 1987, l'INAMI transmit le dossier administratif au conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg pour une action disciplinaire éventuelle. Suite à des plaintes tenant au non-respect de la dignité et de la probité de la profession médicale déposées par trois patients du requérant, l'INAMI les transmit, en date du 19 août 1987, au conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg. Dans une lettre datée du 27 novembre 1987 et adressée à l'Ordre des médecins, deux patientes des trois invoquèrent les faits suivants : abus sexuel, violation du secret professionnel, dénigrement de leurs convictions philosophiques et morales. Le bureau du conseil provincial de l'Ordre des médecins du Limbourg convoqua le requérant le 2 février 1988 et, après l'avoir entendu, décida de déférer l'affaire au conseil provincial. A l'audience du 24 mars 1988, le conseil provincial décida de joindre le dossier administratif et les plaintes. Bien que convoqué, le requérant ne se présenta pas à cette audience. Le 28 avril 1988, le conseil provincial, statuant par défaut, prononça la radiation du tableau de l'Ordre des médecins. Le 9 mai 1988, le requérant forma opposition contre cette décision. Le conseil provincial du Limbourg reprit alors l'examen de l'entièreté de l'affaire en présence du requérant. Certains membres siégeant au sein du conseil provincial avaient déjà connu de l'affaire en tant que membres du bureau. Au cours de la procédure, le requérant demanda que certains témoins à décharge soient entendus. Le conseil provincial rejeta l'offre de preuve estimant que le requérant avait pu se défendre amplement et que ses droits de la défense avaient été pleinement respectés. Le 11 mai 1989, le conseil provincial prononça à l'encontre du requérant les peines de la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant 18 jours (pour le dossier administratif) et de la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant 129 jours pour manquements aux règles déontologiques. Le requérant interjeta appel de cette décision devant le conseil d'appel d'expression néerlandaise de l'Ordre des médecins. Afin de réfuter toutes les accusations portées contre lui, il déposa plusieurs témoignages à décharge écrits fournis par quelques patients et son épouse et demanda également l'audition de ces témoins à décharge. Il ressortait des témoignages de moralité écrits que les patients confirmaient être satisfaits du traitement médical prescrit par le requérant et ne jamais avoir subi d'abus sexuels. Les témoignages ne portaient que sur une partie des accusations, c'est-à-dire le traitement médical et les abus sexuels, et avaient pour but principal de discréditer les trois plaignants, plus précisément les deux patientes qui avaient fait état d'abus sexuels. Par décision rendue le 25 juin 1990, le conseil d'appel annula la décision du conseil provincial et prononça la sanction de la radiation du tableau de l'Ordre des médecins. Dans sa motivation le conseil d'appel fit référence à certains motifs de la décision du conseil provincial. En ce qui concerne l'offre du requérant de réfuter les accusations, par tout moyen de preuve, le conseil d'appel estima que le requérant avait pu se défendre amplement et effectivement vu les témoignages et documents de toute sorte qu'il avait soumis. En ce qui concerne la preuve des accusations, le conseil d'appel rappela qu'en matière d'infractions et de procédures disciplinaires, l'argumentation n'est pas soumise à des règles formelles et qu'il suffit que la personne jugeant l'argumentation se conforme à sa conviction intime. Le conseil d'appel décida que les faits allégués étaient prouvés par des présomptions spécifiques, importantes et concordantes. Le requérant se pourvut en cassation contre la décision du 25 juin 1990. Dans son premier moyen, le requérant souleva que certains membres du conseil provincial n'étaient pas impartiaux puisque certains d'entre eux avaient été membres du bureau. Observant que la décision du conseil d'appel était basée sur la décision du conseil provincial et en reprenait des éléments de motivation, il en conclut que son droit à un procès équitable n'avait pas été respecté devant le conseil d'appel. Dans la troisième branche du deuxième moyen, le requérant souleva que le conseil d'appel s'était basé sur la décision de la commission d'appel du service de contrôle médical de l'INAMI, et plus particulièrement sur les faits que cette décision établissait, sans tenir compte des critiques qu'il avait formulées contre celle-ci. Dans le troisième moyen le requérant ajouta que le conseil d'appel n'avait pas statué sur son offre de réfuter, par tout moyen de preuve, les allégations de deux patients, ni à cet effet, donné suite à sa demande d'entendre des témoins à décharge. Le requérant en conclut qu'il n'avait pas eu la possibilité de se défendre d'une façon appropriée et n'avait donc pas bénéficié d'un procès équitable. Au cours de l'audience devant la Cour de cassation, l'avocat général près cette Cour fut entendu en dernier lieu. Par arrêt du 13 septembre 1991, la Cour de cassation rejeta le pourvoi. La Cour de cassation rejeta le premier moyen du requérant en indiquant que la décision du conseil d'appel était fondée sur des motifs propres et qu'elle faisait seulement référence à certains motifs de la décision du conseil provincial. Elle ajouta que l'article 6 par. 1 de la Convention n'exige pas que les procédures portant sur des droits et obligations de caractère civil se déroulent dans chacun de leurs stades devant des juridictions répondant à ses diverses prescriptions. Dès lors une juridiction comme le conseil provincial, qui est soumise au contrôle de caractère juridictionnel d'organes disciplinaires supérieurs, ne devait pas remplir toutes les conditions requises par l'article 6 par. 1 de la Convention. En ce qui concerne le deuxième moyen, la Cour de cassation releva qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que le requérant avait invoqué devant le conseil d'appel de l'Ordre des médecins l'illégalité de la décision de la commission d'appel de l'INAMI. Par conséquent la Cour de cassation déclara le moyen irrecevable, parce que le requérant n'avait pas satisfait aux conditions prévues par la loi pour le recours en cassation. La Cour de cassation rejeta le troisième moyen au motif que le conseil d'appel avait bien statué sur l'offre de preuve, et qu'il l'avait rejetée puisque les faits allégués pouvaient être prouvés par des présomptions spécifiques, importantes et concordantes. La Cour jugea également que les données concrètes énumérées dans la décision du conseil d'appel et sur la base desquelles les membres du conseil d'appel étaient parvenus à leurs convictions profondes étaient suffisamment prouvées. La méconnaissance du droit de défense ne pouvait pas être déduite du seul fait que le juge rejeta l'offre de preuve estimant implicitement que cette offre de preuve n'était pas nécessaire pour parvenir à sa conviction intime.
B) Législation pertinente L'arrêté royal n° 79 relatif à l'Ordre des médecins du 10 novembre 1967 prévoit à son article premier que les organes de l'Ordre des médecins sont les conseils provinciaux, les conseils d'appel et le conseil national. Aux termes de l'article 16 de cet arrêté les sanctions que peuvent imposer les conseils provinciaux de l'Ordre des médecins sont l'avertissement, la censure, la réprimande, la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant un terme qui ne peut excéder deux années et la radiation du tableau de l'Ordre. Les décisions rendues par un conseil provincial sont susceptibles d'un recours en appel devant le conseil d'appel (article 12). Les décisions rendues en dernier ressort par les conseils provinciaux ou les conseils d'appel peuvent être déférées à la Cour de cassation pour contravention à la loi ou violation des formes soit substantielles, soit prescrites à peine de nullité (article 23). Aux termes de l'article 12 de cet arrêté le conseil d'appel est composé de cinq membres effectifs et de cinq membres suppléants médecins élus pour une durée de six ans et rééligibles, de cinq membres effectifs et cinq membres suppléants, conseillers à la cour d'appel, nommés par le Roi pour une durée de six ans et d'un greffier effectif et un greffier suppléant nommés par le Roi pour une durée de six ans.
GRIEFS
1. Le requérant fait valoir sans plus de précisions que l'Ordre des médecins n'a pas l'autorité légale pour prononcer la radiation du tableau de l'Ordre des médecins et, par là, l'interdiction de pratiquer la médecine.
2. Le requérant allègue qu'au cours de la procédure devant l'Ordre des médecins, il n'a pas bénéficié d'un procès équitable répondant aux exigences de l'article 6 par. 1 de la Convention. Il se réfère aux moyens invoqués à cet égard devant la Cour de cassation, c'est-à-dire : a) il se plaint de la violation de la règle de l'indépendance et de l'impartialité du juge vu que certains membres du bureau avaient également siégé au sein du conseil provincial. b) le requérant soutient qu'il n'a pas eu la possibilité de se défendre efficacement devant le conseil d'appel. En effet, celui-ci n'a pas tenu compte de ses critiques concernant les faits retenus par la commission d'appel du service de contrôle médical de l'INAMI. c) le requérant estime qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable dans la mesure où la décision du conseil d'appel se base sur la décision du conseil provincial et en reprend certains éléments. d) il allègue en outre, que le conseil d'appel n'a pas statué sur son offre de réfuter, par tout moyen de preuve, les accusations des deux patientes, et qu'il n'a pas donné suite à sa demande d'audition des témoins à décharge.
3. Le requérant allègue enfin une violation de l'article 6 par. 1 de la Convention au motif que les droits de la défense n'ont pas été respectés lors de la procédure devant la Cour de cassation. Se référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt de 30 octobre 1991, série A n° 214, p. 22), il fait valoir qu'il n'a pas pu répondre aux conclusions de l'avocat général après l'intervention de celui-ci lors de l'audience devant la Cour de cassation.
EN DROIT
1. Le requérant fait valoir sans plus de précisions que l'Ordre des médecins n'a pas l'autorité légale pour prononcer la radiation du tableau de l'Ordre des médecins et par là l'interdiction de pratiquer la médecine. La Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention. La Commission se réfère sur ce point à sa jurisprudence constante (notamment No 11826/85, déc. 9.5.89, D.R. 61 p. 152). Il s'ensuit que l'interprétation des dispositions du droit interne concernant la question de la compétence de l'Ordre des médecins pour prononcer la radiation du tableau, entre dans la compétence des juridictions internes. La Commission relève qu'aux termes de l'article 16 de l'arrêté royal n° 79 les sanctions que peuvent imposer les conseils provinciaux - de même que, éventuellement, les conseils d'appel - sont l'avertissement, la censure, la réprimande, la suspension du droit d'exercer l'art médical pendant un terme qui ne peut excéder deux années et la radiation du tableau de l'Ordre. En l'absence de toute explication du requérant sur la prétendue incompétence de l'Ordre, il n'apparaît pas que les juridictions aient dépassé les limites d'une interprétation raisonnable des dispositions légales applicables sur ce point. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Les autres griefs du requérant portent sur de diverses violations de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention intervenues, d'une part, dans le cours des procédures disciplinaires dirigées contre lui devant les organes de l'Ordre des médecins, et d'autre part, dans le cours de la procédure devant la Cour de cassation. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention dispose : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, ... par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi qui décidera ... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ... ." Rappelant la jurisprudence établie par la Cour européenne des Droits de l'Homme dans l'affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere (Cour eur. D.H., arrêt du 23 juin 1981, série A n° 43), la Commission observe qu'en l'espèce, les procédures litigieuses - à l'issue de laquelle le requérant fut radié du tableau de l'Ordre des médecins -concernent une contestation sur un droit de caractère civil, nonobstant la nature spécifique et d'intérêt général de la profession de médecin et les devoirs particuliers qui s'y attachent. Il s'agit plus précisément, dans le chef du médecin pratiquant l'art de guérir à titre libéral, tel que le requérant, du droit de continuer à exercer la profession médicale. Ce droit est mis en oeuvre dans les relations d'ordre privé avec ses clients ou patients qui, en droit belge, revêtent de coutume la forme de relations contractuelles ou quasi contractuelles et, de toute façon, se nouent directement entre individus sur un plan personnel, sans qu'une autorité publique intervienne de manière essentielle ou déterminante dans leur établissement. L'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention s'applique donc dans l'espèce.
3. Le requérant allègue qu'au cours de la procédure devant l'Ordre des médecins, il n'a pas bénéficié d'un procès équitable répondant aux exigences de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. a) Il se plaint de la violation de la règle de l'indépendance et de l'impartialité du juge vu que certains membres du bureau avaient également siégé au sein du conseil provincial. La Commission constate tout d'abord que le grief porte sur la décision en première instance et non en appel. La Commission rappelle que la Cour européenne des Droits de l'Homme, dans l'affaire Le Compte, Van Leuven et De Meyere (Cour eur. D.H., arrêt du 23 juin 1981, séries A n° 43, par. 51a) a estimé que "l'article 6 par. 1 (art. 6-1), s'il consacre le 'droit à un tribunal', n'astreint pas pour autant les Etats contractants à soumettre 'les contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil' à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des tribunaux conformes à ses diverses prescriptions. Des impératifs de souplesse et d'efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l'homme, peuvent justifier l'intervention préalable d'organes administratifs ou corporatifs, et a fortiori d'organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions ; un tel système peut se réclamer de la tradition juridique de beaucoup d'Etats membres du Conseil de l'Europe." La Commission estime donc qu'en l'espèce, seule la procédure devant le conseil d'appel doit être examinée. En ce qui concerne la procédure menée devant le conseil d'appel, la Commission rappelle également que dans l'arrêt susmentionné la Cour a déclaré que "l'indépendance du conseil d'appel ne saurait être mise en doute" en ajoutant que "sa composition assure une parité complète entre praticiens de l'art médical et magistrats de l'ordre judiciaire, et sa présidence incombe à l'un des ces derniers, désigné par le Roi et détenteur d'une voix prépondérante en cas de partage. La durée du mandat des membres du conseil (six ans) offre d'ailleurs une garantie supplémentaire à cet égard ...". Pour ce qui est de l"impartialité" du conseil d'appel, la Cour a considéré que "la présence ... de magistrats occupant la moitié des sièges, dont celui de président avec voix prépondérante (...) donne un gage certain d'impartialité et le système de l'élection des membres médecins par le conseil provincial ne saurait suffire à étayer une accusation de partialité." Dans ces circonstances, la Commission estime que l'examen du présent grief ne permet pas de déceler l'apparence d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. b) Le requérant soutient qu'il n'a pas reçu la possibilité de se défendre efficacement devant le conseil d'appel. En effet, celui-ci n'a pas tenu compte de ses critiques concernant les faits retenus par la commission d'appel du service de contrôle médical de l'INAMI. En ce qui concerne ce grief, la Commission relève que le requérant n'a pas démontré avoir épuisé les voies de recours internes, conformément à l'article 26 (art. 26) de la Convention. En l'espèce, la Cour de cassation déclara le moyen irrecevable, au motif que le requérant n'avait pas satisfait aux conditions prévues par la loi pour le recours en cassation. La Commission rappelle sa jurisprudence constante selon laquelle les voies de recours internes n'ont pas été épuisées lorsque le recours a été rejeté par suite d'une informalité commise par l'auteur du recours (cf. notamment No 10785/84, déc. 18.7.86, D.R. 48 p. 102). Cette partie de la requête doit dès lors être rejetée conformément à l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention. c) Le requérant estime également qu'il n'a pas bénéficié d'un procès équitable dans la mesure où la décision du conseil d'appel se base sur la décision du conseil provincial et en reprend certains éléments. En rappelant sa jurisprudence, établie dans l'affaire Versteele contre la Belgique (No 12458/86, déc. 18.01.89, D.R. 59 p. 119), la Commission estime que l'on ne saurait reprocher au conseil d'appel d'avoir motivé sa décision en se fondant sur les motifs adoptés par le conseil provincial, pour autant que le conseil d'appel lui-même présente les garanties d'indépendance et d'impartialité nécessaires et que la cause soit entendue équitablement, ce qui a été le cas en l'occurrence. La Commission observe que le conseil d'appel s'est prononcé sur tous les points soulevés devant lui par le requérant et que, même s'il a repris l'argumentation employée par le conseil provincial pour motiver sa décision, il ressort des faits et de la sentence prononcée que le conseil d'appel a procédé, de manière indépendante, à un nouvel examen de l'affaire qui lui était soumise. La Commission note en outre que la reprise ou la confirmation par une juridiction d'appel de la motivation de la juridiction de première instance constitue une pratique, d'aspect purement technique, en usage tant en droit national qu'en droit international. Au surplus, la Commission constate que la Cour de cassation indiqua à cet égard que la décision du conseil d'appel était fondée sur des motifs propres et qu'elle ne faisait que référence aux motifs de la décision du conseil provincial. Dans ces conditions, la Commission estime que l'examen du présent grief ne permet pas de déceler l'apparence d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit aussi être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. d) Le requérant allègue en outre, que le conseil d'appel n'aurait pas statué sur son offre de réfuter, par tout moyen de preuve, les accusations des deux patientes, et qu'il n'a pas donné suite à sa demande d'audition des témoins à décharge. La Commission rappelle d'abord que l'administration des preuves relève au premier chef des règles du droit interne et qu'il revient en principe aux juridictions nationales d'apprécier les éléments de preuve recueillis par elles. La tâche des organes de la Convention consiste à rechercher si la procédure examinée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des moyens de preuve, revêtit un caractère équitable (cf. notamment Cour eur. D.H., arrêt Saïdi du 20 septembre 1993, à paraître dans série A n° 261-C, par. 43). Par conséquent, il incombe aux juridictions nationales devant lesquelles le procès se déroule de décider des moyens de preuve qui leur paraissent nécessaires voire indispensables pour leur permettre de statuer sur une affaire déterminée. En l'occurrence la Commission constate que, devant le conseil d'appel, le requérant a pu faire valoir tous les éléments de preuve qu'il estimait nécessaires pour se défendre. A cet effet, il a pu déposer au cours de la procédure des témoignages écrits, fournis par quelques patients et son épouse. En se référant à l'arrêt de la Cour de cassation, la Commission note que le conseil d'appel, dans sa décision, a bien statué sur cette offre de preuve, et qu'il l'a rejetée en constatant que les faits allégués pouvaient être prouvés par d'autres présomptions spécifiques, importantes et concordantes. La Commission note également que la Cour de cassation jugea que les données concrètes énumérées dans la décision du conseil d'appel et sur la base desquelles les membres du conseil d'appel étaient parvenus à leurs convictions intimes étaient suffisamment prouvées. En ce qui concerne le fait que des témoins à décharge ne furent pas entendus, la Commission observe en outre, qu'en l'espèce, le requérant demanda l'audition de quelques patients et de son épouse. Il ressort des témoignages écrits qu'il s'agissait de témoignages de moralité. Par ailleurs, le requérant n'a nullement démontré que ces témoignages auraient pu apporter des éléments pertinents quant aux faits pour lesquels il était poursuivi devant l'Ordre des médecins. La Commission note en dernier lieu que le requérant fut condamné pour ses méthodes dans leur ensemble, et que les témoignages en question ne portaient que sur une partie des accusations et avaient essentiellement pour but de discréditer les trois plaignants, et plus particulièrement les deux patientes qui avaient fait état d'abus sexuels. L'examen du présent grief ne permet donc pas de déceler l'apparence d'une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention en ce qui concerne le caractère équitable de la procédure devant le conseil d'appel. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit aussi être rejetée comme étant manifestement mal fondée au sens de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant allègue enfin une violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention au motif que les droits de la défense n'ont pas été respectés lors de la procédure devant la Cour de cassation. Se référant à l'arrêt Borgers (Cour eur. D.H., arrêt de 30 octobre 1991, série A n° 214, p. 22), il fait valoir qu'il n'a pas pu répondre aux conclusions de l'avocat général après l'intervention de celui-ci lors de l'audience devant la Cour de cassation. En l'état du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur par application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement intérieur. Par ces motifs, la Commission, à la majorité, AJOURNE l'examen du grief relatif à l'impossibilité pour le requérant de répliquer aux conclusions du ministère public au cours de l'audience devant la Cour de cassation ; DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (K. ROGGE) (S. TRECHSEL)