SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 24066/94 présentée par C. G. contre l'Italie __________ La Commission européenne des Droits de l'Homme (Première Chambre), siégeant en chambre du conseil le 22 février 1995 en présence de M. C.L. ROZAKIS, Président Mme J. LIDDY MM. A.S. GÖZÜBÜYÜK A. WEITZEL M.P. PELLONPÄÄ B. MARXER B. CONFORTI I. BÉKÉS E. KONSTANTINOV G. RESS Mme M.F. BUQUICCHIO, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 30 juin 1994 par le requérant contre l'Italie et enregistrée le 2 mai 1994 sous le No de dossier 24066/94 ; Vu la décision de la Commission du 17 mai 1994 de porter la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur ; Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur le 8 septembre 1994 et les observations en réponse présentée par le requérant le 24 octobre 1994 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant est un ressortissant italien né en 1949 et réside à Asti. Les faits de la cause, tels que présentés par les parties, peuvent être résumés comme suit. En 1972, le requérant et deux autres personnes, M. S. et Mme G., créèrent une société de fait et rachetèrent une entreprise de vente de vêtements en gros et au détail. Par citation notifiée le 13 juin 1990, le requérant assigna ses associés, Mme G. et les héritiers de M. S. entre-temps décédé, devant le tribunal d'Asti. Il allégua notamment qu'il avait été exclu, dès la constitution de la société, de la gestion de celle-ci et qu'il n'avait jamais perçu de bénéfices malgré qu'il eût participé dans la mesure d'un tiers au rachat de ladite entreprise. Il demanda que ses associés fussent condamnés au paiement, en sa faveur et en proportion de ses apports, des bénéfices que la société avait réalisés depuis sa constitution. La mise en état de l'affaire commença le 13 novembre 1990. Lors de l'audience du 12 mars 1991, le requérant demanda au juge de la mise en état d'ordonner la saisie-conservatoire de l'entreprise objet du litige. Les défendeurs demandèrent un renvoi et le juge de la mise en état ajourna l'audience au 9 avril 1991. Le jour venu, le requérant demanda que les parties fussent entendues sur sa demande de saisie-conservatoire. Après avoir entendu les parties lors de l'audience suivante du 23 avril 1991, par ordonnance rendue hors d'audience le lendemain, le juge de la mise en état rejeta la demande de saisie-conservatoire du requérant. Par la suite, après deux autres audiences d'instruction (24 septembre 1991 et 14 janvier 1992), l'audience du 14 avril 1992 fut renvoyée d'office. Les audiences des 4 juillet et 27 octobre 1992 furent reportées, à la demande des parties, car des négociations étaient en cours afin de parvenir à un règlement amiable de l'affaire. Le 22 décembre 1992, le juge de la mise en état fixa l'audience de présentation des conclusions. Les deux audiences qui suivirent (27 avril et 22 juin 1993) furent reportées respectivement à la demande du requérant et des défendeurs pour pouvoir examiner des documents que l'autre partie avait déposés en audience. Le 16 novembre 1993, les parties parvinrent à une transaction selon laquelle les défendeurs s'engagèrent à payer la somme de 65 000 000 lires au requérant et celui-ci renonça à poursuivre la procédure pendante devant le tribunal d'Asti. Le 12 avril 1994, le juge de la mise en état déclara la radiation de l'affaire du rôle, conformément à l'article 309 du code de procédure civile.
EN DROIT
1. Le requérant se plaint tout d'abord de la durée de la procédure litigieuse. Cette procédure a débuté le 13 juin 1990 et s'est terminée, pour les besoins de l'examen du grief tiré de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, le 16 novembre 1993 lorsque les parties parvinrent à une transaction (voir A. M. c/Italie, rapport Comm. 31.3.93, à paraître). Elle a donc duré trois ans, cinq mois et trois jours. Selon le requérant, les intervalles entre certaines audiences sont excessifs et la durée de la procédure ne répond pas à l'exigence du "délai raisonnable" (article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention). Le Gouvernement s'oppose à cette thèse. Il estime notamment que la durée de la procédure n'a pas dépassé le "délai raisonnable" prévu par l'article 6 (art. 6), compte tenu surtout du comportement des parties qui demandèrent plusieurs renvois. Il souligne en outre que le requérant n'a présenté aucune demande afin d'obtenir un déroulement plus rapide du procès. La Commission rappelle que selon la jurisprudence constante des organes de la Convention, le caractère raisonnable de la durée d'une procédure doit s'apprécier suivant les circonstances de la cause et à l'aide des critères suivants : la complexité de l'affaire, le comportement des parties et le comportement des autorités saisies de l'affaire (voir Cour Eur. D.H., arrêt Vernillo du 20 février 1991, série A n° 198, p. 12, par. 30) et que "seules les lenteurs imputables à l'Etat peuvent amener à conclure à l'inobservation du délai raisonnable" (voir, entre autres, arrêt H. contre France du 24 octobre 1989, série A n° 162, pag. 21, par. 55). La Commission estime en premier lieu que l'affaire ne présentait aucune complexité particulière. Elle note ensuite que la procédure s'est déroulée au cours d'onze audiences d'instruction et que les intervalles entre ces audiences s'échelonnèrent entre quatorze jours et cinq mois. Elle observe en outre que l'audience du 14 avril 1992 fut renvoyée d'office au 14 juillet 1992, ce qui a entraîné un retard de trois mois qui doit être mis dès lors à la charge des autorités judiciaires nationales. Quant au comportement des parties, la Commission constate que celles-ci demandèrent cinq renvois d'audiences : une fois le requérant, deux fois les défendeurs et deux fois d'un commun accord car des négociations étaient en cours afin de parvenir à un accord amiable du différend. Cela a entraîné un retard globale d'environ un an et cinq mois qui ne saurait être mis à la charge des autorités judiciaires. La Commission considère, compte tenu aussi de l'attitude des parties, que la durée de la procédure ne se révèle pas suffisamment importante pour que l'on puisse conclure à une apparence de violation de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention. Il s'ensuit partant que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
2. Le requérant se plaint aussi du fait qu'il ait dû conclure, en raison de la durée excessive de la procédure, une transaction avec ses associés, ce qui lui aurait causé un dommage considérable car il a accepté une somme beaucoup moins importante de celle à laquelle il estimait avoir droit. Il allègue la violation de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1). Eu égard à la conclusion figurant ci-dessus, la Commission estime que le grief tiré de l'article 1 du Protocole N° 1 (P1-1) en raison de la durée de la procédure est également mal fondé et doit être rejeté conformément à l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE. Le Secrétaire Le Président de la Première Chambre de la Première Chambre (M.F. BUQUICCHIO) (C.L. ROZAKIS)