La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/02/1996 | CEDH | N°26504/95

CEDH | GASTE contre la FRANCE


SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 26504/95 présentée par Philippe GASTE contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRA

L BARRETO J. MUCHA D. SVA...

SUR LA RECEVABILITÉ de la requête N° 26504/95 présentée par Philippe GASTE contre la France La Commission européenne des Droits de l'Homme (Deuxième Chambre), siégeant en chambre du conseil le 28 février 1996 en présence de M. H. DANELIUS, Président Mme G.H. THUNE MM. G. JÖRUNDSSON J.-C. SOYER H.G. SCHERMERS F. MARTINEZ L. LOUCAIDES J.-C. GEUS M.A. NOWICKI I. CABRAL BARRETO J. MUCHA D. SVÁBY P. LORENZEN Mme M.-T. SCHOEPFER, Secrétaire de la Chambre ; Vu l'article 25 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales ; Vu la requête introduite le 12 juillet 1994 par Philippe GASTE contre la France et enregistrée le 13 février 1995 sous le N° de dossier 26504/95 ; Vu le rapport prévu à l'article 47 du Règlement intérieur de la Commission ; Après avoir délibéré, Rend la décision suivante :
EN FAIT Le requérant, de nationalité française, est né en 1955 et réside à Rueil Malmaison. Les faits, tels qu'ils ont été présentés par le requérant, peuvent se résumer comme suit. Procédure relative à l'usage de stupéfiants Par jugement du 16 juin 1989 du tribunal de grande instance de Nanterre, rendu par défaut, le requérant fut condamné à 3.000 francs d'amende pour avoir, courant 1988 jusqu'à fin août 1988, fait usage de manière illicite de substance classée comme stupéfiant, à savoir du cannabis. Ce jugement fut signifié au requérant le 7 février 1990. Le 14 février 1990, le requérant forma opposition audit jugement. Par jugement du 5 avril 1990, le tribunal déclara l'opposition recevable et condamna le requérant à 3.000 francs d'amende avec sursis. Procédure relative au vol et recel de vol aggravé A la suite d'une plainte du Collège de France consécutive à la disparition d'ouvrages faisant partie de ses collections, le requérant fut interpellé le 30 août 1988 et placé en garde à vue pendant 48 heures. Il ressort des procès-verbaux d'auditions et de dépositions du requérant les 30 et 31 août 1988 que celui-ci a été informé des faits qui lui étaient reprochés, qui avaient justifié son arrestation, et entendu en ses explications sur ces faits. Le 1er septembre 1988, le requérant fit l'objet d'un interrogatoire de première comparution. Il ressort du procès-verbal de cet interrogatoire que le requérant a été informé des raisons de son inculpation et des accusations portées contre lui. Le même jour, le requérant fut inculpé de vol, recel, et recel de vol aggravé et placé en détention provisoire. Deux perquisitions eurent lieu les 31 août, en présence du requérant, et 5 octobre 1988 au domicile du requérant au cours desquelles furent découverts et saisis de nombreux ouvrages volés au préjudice de divers instituts et bibliothèques situés en France et à l'étranger. Des ouvrages de même provenance furent retrouvés chez plusieurs libraires parisiens auxquels le requérant les avaient vendus. Par ordonnances des 16 février et 27 juin 1989, le juge d'instruction du tribunal correctionnel de Paris rejeta deux demandes de mise en liberté du requérant. Ces rejets furent confirmés par arrêts de la chambre d'accusation de Paris des 3 mars et 13 juillet 1989. Le requérant forma un pourvoi en cassation contre l'arrêt du 3 mars 1989. Par arrêt du 23 mai 1989, la Cour de cassation le déclara déchu de son pourvoi. Par ordonnance du 10 août 1989, le juge d'instruction ordonna la prolongation de la détention provisoire du requérant pour une durée de quatre mois, à compter du 1er septembre 1989. Le 18 octobre 1989, le juge d'instruction rejeta une nouvelle demande de mise en liberté du requérant. Cette ordonnance fut confirmée par un arrêt de la chambre d'accusation de Paris en date du 2 novembre 1989 au motif qu'"eu égard à la multiplicité des faits, qui revêtent un caractère habituel et qui ont porté atteinte à l'intégrité du patrimoine culturel national, la détention s'impose pour prévenir le renouvellement des infractions et préserver l'ordre public (...), qu'elle est également nécessaire, l'inculpé, sans emploi, résidant en Espagne, et ayant tenté à deux reprises de s'enfuir, pour garantir la représentation en justice". Par ordonnance du juge d'instruction en date du 28 novembre 1989, notifiée le jour même, le requérant fut mis en liberté sous contrôle judiciaire car la détention n'apparaissait plus nécessaire. Par ordonnance du 8 juillet 1991, le requérant fut renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir sciemment recelé divers ouvrages, gravures provenant des vols commis au préjudice notamment du Collège de France, du Musée d'histoire naturelle, de la Manufacture de Sèvres, de l'institut archéologique de l'Université de Francfort avec cette circonstance aggravante que ces recels avaient été commis de manière habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'existence d'une activité professionnelle. Par jugement du 17 janvier 1992, suivant audience du 6 décembre 1991, le tribunal correctionnel de Paris déclara le requérant coupable des faits qui lui étaient reprochés et le condamna à trente mois d'emprisonnement dont quinze avec sursis et mise à l'épreuve pour une durée de trois ans. Sur l'action civile, le tribunal ordonna une expertise aux fins d'examiner les ouvrages placés sous scellés, d'en déterminer les légitimes possesseurs et d'apprécier l'état des ouvrages. Le rapport devait être déposé avant le 19 juin 1992. Sur l'exception de nullité de la perquisition du 5 octobre 1988 soulevée par le requérant, le tribunal releva que la perquisition avait effectivement été effectuée en l'absence du requérant et que la seule circonstance qu'il se trouvait détenu ne constituait pas une impossibilité d'assister à la perquisition opérée à son domicile alors que cette présence était prescrite par l'article 95 du Code de procédure pénale. En conséquence, le tribunal prononça la nullité de la perquisition du 5 octobre 1988 et annula les procès-verbaux relatifs à la perquisition ainsi que les interrogatoires s'y rattachant. Le 27 janvier 1992, le requérant interjeta appel des dispositions pénales du jugement. Il plaida l'annulation de l'ensemble de la procédure et sa relaxe. Par arrêt du 10 février 1993, la cour d'appel de Paris confirma la condamnation et la peine prononcées contre le requérant ainsi que la nullité de la perquisition du 5 octobre 1988 et des procès-verbaux et scellés s'y rattachant. La cour estima qu'il n'y avait pas lieu d'annuler l'ensemble de la procédure car elle considéra d'une part que certains éléments étaient "sans lien avec la perquisition annulée" et d'autre part que "la nullité de la perquisition du 5 octobre 1988 et des procès-verbaux qui en ont été la suite laissent subsister les éléments à charge découlant de la première perquisition du 31 août 1988" (considérée comme légale) ainsi que "ceux découlant de la découverte chez les libraires clients du requérant des ouvrages que celui-ci leur avait vendus ainsi que les éléments résultant des auditions de ces mêmes libraires". Sur les intérêts civils, la cour d'appel constata que les dispositions civiles du jugement étaient définitives à l'égard du requérant, son appel n'ayant porté que sur les dispositions pénales de la procédure. Le requérant forma un pourvoi en cassation au soutien duquel il présenta un mémoire personnel. L'avocat à la Cour de cassation désigné au titre de l'aide juridictionnelle déposa un mémoire ampliatif. Par arrêt du 17 janvier 1994, notifié au requérant le 15 février 1994, la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par le requérant. La Cour déclara le mémoire personnel irrecevable au motif qu'il n'offrait à juger aucun point de droit et ne formulait aucun grief précis. Répondant au moyen développé dans le mémoire ampliatif selon lequel il appartenait aux juges qui ont prononcé l'annulation de la perquisition du 5 octobre 1988 de rechercher si cette annulation ne s'étendait pas à la procédure subséquente, la Cour considéra que : "Attendu que pour déclarer le prévenu coupable de recel tout en prononçant l'annulation partielle de la procédure, la cour d'appel énonce qu'après la découverte fortuite d'un ouvrage, volé au département d'Egyptologie du Collège de France, chez un libraire parisien et la mise en cause du requérant par ce dernier, une perquisition opérée au domicile de l'intéressé a permis de saisir de nombreux ouvrages de valeur, provenant de vols commis au préjudice de divers instituts et bibliothèques situés en France ou à l'étranger, dont l'acheminement jusque chez le requérant est resté indéterminé compte tenu de la "discrétion" dont ce dernier a fait preuve à ce sujet ; que ces constatations et saisies, ainsi que certains témoignages recueillis, suffisaient à établir la culpabilité du requérant malgré l'annulation d'une partie de la procédure postérieure, sans incidence sur la validité des actes antérieurement effectués". Statuant sur les intérêts civils suite au dépôt du rapport de l'expert, le tribunal correctionnel de Paris, dans un arrêt du 30 septembre 1994, condamna le requérant à la restitution de nombreux ouvrages et au paiement de plusieurs sommes à titre de dommages et intérêts. Durant toute la procédure, le requérant était assisté par un avocat.
GRIEFS
1. Le requérant se plaint des mauvais traitements subis au cours de son interpellation, de la première perquisition et de sa détention provisoire. Il invoque l'article 3 de la Convention.
2. Le requérant soulève des griefs en ce qui concerne sa détention provisoire. Il se plaint tout d'abord de l'irrégularité de sa détention provisoire et invoque l'article 5 par. 1 a) et b) de la Convention. Il se plaint d'autre part de la durée de sa détention provisoire et de n'avoir pu faire juger la légalité de sa détention à bref délai et invoque l'article 5 par. 3 et 4 de la Convention.
3. Le requérant estime que sa détention arbitraire lui donnait droit à réparation en vertu de l'article 5 par. 5 de la Convention.
4. Le requérant se plaint, sans autres précisions, de n'avoir pas été informé des raisons de son accusation et invoque l'article 5 par. 2 de la Convention.
5. Le requérant estime que sa cause n'a pas été entendue dans un "délai raisonnable" au sens de l'article 6 par. 1 de la Convention.
6. Le requérant soulève divers griefs sous l'angle de l'article 6 par. 1, 2 et 3 a), b) et d) de la Convention.
7. Le requérant se plaint d'une violation de son droit au respect de son domicile, en raison de l'illégalité des perquisitions effectuées le 5 octobre 1988. Il invoque l'article 8 de la Convention.
8. Le requérant allègue la violation des articles 13 et 25 de la Convention, sans autres précisions.
9. Enfin, le requérant se plaint de la violation de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 4 du fait que les enquêteurs de police auraient gardé les clefs de son appartement et fracturé la porte de son domicile. Il invoque d'autre part la violation de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 7 du fait de sa détention provisoire.
EN DROIT La Commission rappelle d'emblée qu'en vertu de l'article 26 (art. 26) de la Convention, elle "ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus et dans le délai de six mois, à partir de la date de la décision interne définitive". En conséquence, pour autant que le requérant se plaint de la procédure relative à l'usage de stupéfiants, la Commission note qu'elle a fait l'objet du jugement du 5 avril 1990 passé en force de chose jugée, décision interne définitive au sens de l'article 26 (art. 26) précité, de sorte que la requête se heurte sur ce point au non-épuisement des voies de recours internes et au non-respect du délai de six mois. Il s'ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée, par application de l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention.
1. Le requérant se plaint d'avoir subi des mauvais traitements lors de son interpellation, de la première perquisition et de sa détention provisoire. Aux termes de l'article 3 (art. 3) de la Convention : "Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants." La Commission relève que le requérant n'a pas déposé de plainte pénale avec constitution de partie civile pour se plaindre de ces faits. Or, par cette action, le requérant aurait pu exercer un recours efficace au sens de l'article 26 (art. 26) de la Convention (voir Tomasi c/ France, rapport Comm. 11.12.90, par. 129, Cour eur. D.H., série A n° 241- A, p. 55). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour non-épuisement des voies de recours internes, par application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
2. Le requérant présente des griefs en ce qui concerne sa détention provisoire sous l'angle de l'article 5 par. 1 a) et b), par. 3 et par. 4 (art. 5-1-a, 5-1-b, 5-3, 5-4) de la Convention. Dans la mesure où il se plaint de l'irrégularité de cette détention, la Commission a examiné le grief sous l'angle de l'article 5 par. 1 c) (art. 5-1-c) de la Convention, les paragraphes 1 a) et b) de l'article 5 (art. 5-1-a, 5-1-b) précité, invoqués par le requérant, n'étant pas pertinents en l'espèce. Toutefois, la Commission n'est pas appelée à se prononcer sur le point de savoir si les faits allégués par le requérant révèlent l'apparence d'une violation de ces dispositions. En effet, l'article 26 (art. 26) in fine de la Convention prévoit que la Commission ne peut être saisie que "dans le délai de six mois, à partir de la décision interne définitive". Elle rappelle également que l'article 5 par. 4 (art. 5-4) de la Convention cesse de s'appliquer quand la détention prend fin (No 9990/82, déc. 15.5.84, D.R. 39, p. 119). En l'espèce, la Commission relève que le requérant a été mis en liberté sous contrôle judiciaire par ordonnance du juge d'instruction du 28 novembre 1989, décision interne définitive en l'espèce, alors que la requête a été introduite devant la Commission le 12 juillet 1994, soit en dehors du délai de six mois. En outre, l'examen de l'affaire ne permet de déceler aucune circonstance particulière qui ait pu interrompre ou suspendre le délai de six mois. Il s'ensuit que les griefs sont tardifs et doivent être rejetés pour non-respect du délai de six mois, par application des articles 26 et 27 par. 3 (art. 26, 27-3) de la Convention.
3. Le requérant invoque la violation de l'article 5 par. 5 (art. 5-5) de la Convention, sans autres précisions. La Commission rappelle que l'examen d'un grief sous l'angle de cette disposition présuppose la constatation préalable par les juridictions internes ou par les organes de la Convention d'une violation des paragraphes 1 à 4 de l'article 5 (art. 5-1, 5-4) de la Convention (No 10371/83, déc. 6.3.85, D.R. 42, p. 127). Cette condition d'application de l'article 5 par. 5 (art. 5-5) de la Convention n'étant pas réunie en l'espèce, la Commission estime que le grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
4. Le requérant allègue la violation de l'article 5 par. 2 (art. 5-2) de la Convention. La Commission rappelle sa jurisprudence selon laquelle, pour avoir épuisé les voies de recours internes au sens de l'article 26 (art. 26) précité, l'intéressé doit avoir fait valoir explicitement ou au moins en substance devant les instances nationales les griefs qu'il soumet à la Commission (voir notamment No 11798/85, déc. 7.11.89, D.R. 63, p. 89 et No 12164/86, déc. 12.10.88, D.R. 58, p. 63). En l'espèce, il ne ressort pas du dossier que le requérant ait invoqué le présent grief au cours de la procédure critiquée et notamment devant la Cour de cassation et ait ainsi épuisé les voies de recours à sa disposition en droit français, conformément à l'article 26 (art. 26) de la Convention. En tout état de cause, la Commission constate, à la lecture des procès-verbaux d'auditions et de dépositions du requérant lors de sa garde à vue et du procès-verbal d'interrogatoire de première comparution, que le requérant a fourni des explications précises démontrant qu'il était informé des raisons de son arrestation et des accusations portées contre lui. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté, par application des articles 26 et 27 par. 2 et 3 (art. 26, 27-2, 27-3) de la Convention.
5. Le requérant se plaint de l'aspect pénal de la procédure suivie contre lui pour vol et recel de vol qui s'est achevée par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1994, notifié le 15 février 1994. Il estime que sa cause n'a pas été entendue dans un "délai raisonnable" au sens de l'article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention, qui prévoit en sa partie pertinente que : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...)". En l'état actuel du dossier, la Commission estime ne pas être en mesure de se prononcer sur la recevabilité de ce grief et juge nécessaire de porter cette partie de la requête à la connaissance du Gouvernement défendeur, par application de l'article 48 par. 2 b) du Règlement intérieur de la Commission.
6. Le requérant soulève divers griefs sous l'angle de l'article 6 par. 1, 2 et 3 a), b) et d) (art. 6-1, 6-2, 6-3-a, 6-3-b, 6-3-d) de la Convention. Il estime tout d'abord que sa cause n'a pas été entendue équitablement par des tribunaux indépendants et impartiaux au motif que certains juges de la cour d'appel de Paris sont clients des librairies mises en cause dans le cadre de la procédure pour vol et recel. Il invoque, sans précisions, la violation de l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention. Le requérant se plaint, sans autres précisions, de ne pas avoir été informé, dans le plus court délai, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui. Il se plaint de ne pas avoir disposé du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense en raison de sa détention provisoire de presque quinze mois. Il ajoute que les juges n'auraient pas voulu faire enregistrer par le greffier les déclarations de Mme C. et, d'autre part, de ce que les juges auraient tenu compte de fausses déclarations et de faux témoignages. La Commission rappelle en premier lieu que les exigences du paragraphe 3 de l'article 6 (art. 6-3) représentent des aspects particuliers du droit à un procès équitable, garanti par le paragraphe 1 du même article (art. 6-1). Elle examinera donc les griefs du requérant sous l'angle des deux textes combinés. La Commission relève tout d'abord que le requérant n'a soulevé devant les juridictions internes, ni expressément ni même en substance, aucun des aspects du présent grief qu'il soulève désormais devant elle. Dans ces conditions, le requérant n'a pas satisfait à la condition relative à l'épuisement des voies de recours internes prévue à l'article 26 (art. 26) précité de la Convention. En outre, la Commission rappelle qu'elle a pour seule tâche, conformément à l'article 19 (art. 19) de la Convention, d'assurer le respect des engagements résultant de la Convention pour les Parties Contractantes. En particulier, elle n'est pas compétente pour examiner une requête relative à des erreurs de fait ou de droit prétendument commises par une juridiction interne, sauf si et dans la mesure où ces erreurs lui semblent susceptibles d'avoir entraîné une atteinte aux droits et libertés garantis par la Convention (voir par exemple No 13926/88, déc. 4.10.90, D.R. 66, pp. 209, 225 ; No 17722/91, déc. 8.4.91, D.R. 69, pp. 345, 354). Elle relève qu'en l'espèce, le requérant, qui était représenté par un avocat, a eu l'occasion d'exercer les droits de la défense, qu'il a effectivement donné sa version des faits et que les juridictions du fond ont conclu à sa culpabilité sur la base d'éléments de fait et de droit et après des débats contradictoires. Enfin, la Commission rappelle également que la question de l'admissibilité des preuves ainsi que leur force probante relèvent essentiellement du droit interne (voir notamment Cour eur. D.H., arrêt Vidal du 22 avril 1992, série A n° 235-B, pp. 32-33, par. 33 et No 9000/80, déc. 11.3.82, D.R. 28, pp. 128, 129). Il ne lui appartient pas de se prononcer sur la question de savoir si les juridictions nationales les ont correctement appréciées, sauf s'il y a lieu de croire que les juges ont tiré des conclusions de caractère arbitraire des faits qui leur ont été soumis. La Commission estime que les motifs fournis dans les décisions critiquées permettent d'exclure une telle hypothèse. Il s'ensuit que tous les aspects du grief doivent être rejetés, par application des articles 26 et 27 par. 2 et 3 (art. 26, 27-2, 27-3) de la Convention.
7. Le requérant se plaint d'une violation de son droit au respect de son domicile en raison de l'illégalité constatée par les juridictions pénales de la perquisition effectuée le 5 octobre 1988 à son domicile. Il invoque l'article 8 (art. 8) de la Convention. Dans la mesure où le requérant se plaint de la perquisition du 5 octobre 1988 qui aurait été illégalement réalisée à son domicile, la Commission observe qu'il ne ressort pas du dossier que le requérant a introduit un recours pour s'en plaindre devant les juridictions internes compétentes. Il n'a, par conséquent, pas épuisé les voies de recours dont il disposait à cet égard en droit français, au sens de l'article 26 (art. 26) précité de la Convention. Dans la mesure où le requérant se plaindrait de l'utilisation devant les juridictions saisies de la procédure pour vol et recel des procès- verbaux et des interrogatoires s'y rattachant, la Commission considère que cette partie du grief s'analyse en une allégation de violation des droits garantis par l'article 6 (art. 6) de la Convention, qu'elle examinera donc sous cet angle. Or, sur ce point, la Commission constate que le tribunal correctionnel de Paris a annulé, dans son jugement du 17 janvier 1992, les procès-verbaux et interrogatoires se rattachant à la perquisition effectuée le 5 octobre 1988 au domicile du requérant au motif que ce dernier n'était pas présent. La cour d'appel de Paris, dans son arrêt du 10 février 1993, a confirmé la nullité de la perquisition du 5 octobre 1988 ainsi que des procès-verbaux et scellés s'y rattachant. Dans ces conditions, la Commission estime que le requérant qui, a obtenu, par application des règles de procédure interne, réparation adéquate de la violation alléguée, ne peut plus se prétendre victime, devant la Commission, d'une violation au sens de l'article 25 (art. 25) de la Convention (voir mutatis mutandis No 12719/87, déc. 3.5.88, D.R. 56, p. 237). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté, en partie pour non- épuisement des voies de recours internes, par application de l'article 27 par. 3 (art. 27-3) de la Convention et en partie pour défaut manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
8. Le requérant allègue la violation des articles 13 et 25 (art. 13, 25) de la Convention, sans autres précisions. La Commission note d'emblée que le requérant n'a pas étayé les raisons pour lesquelles les dispositions invoquées auraient été enfreintes, de sorte qu'elle ne saurait déceler aucune apparence de violation de celles-ci. Elle note au surplus que le requérant a bénéficié sans entrave des voies de recours qui lui étaient ouvertes en droit français et devant la Commission. Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention.
9. Enfin, le requérant se plaint de la violation de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 4 (P4-2-1) du fait que les enquêteurs de police auraient gardé les clefs de son appartement et fracturé la porte de son domicile. Il invoque d'autre part la violation de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 7 (P7-2-1) du fait de sa détention provisoire. La Commission a examiné le grief sous l'angle de l'article 2 du Protocole N° 4 (P4-2) à la Convention, tel qu'il a été présenté par le requérant. Toutefois, dans la mesure où les allégations ont été étayées et où elle est compétente pour en connaître, la Commission n'a relevé aucune apparence de violation de cette disposition. En second lieu, la Commission constate que le requérant allègue la violation de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 7 (P7-2-1) qui garantit le respect du principe de double degré de juridiction. Elle note d'emblée que le requérant, condamné pénalement par jugement du tribunal correctionnel de Paris en date du 17 janvier 1992, a fait appel de ce jugement et que la cour d'appel de Paris, qui s'est prononcée par arrêt du 10 février 1993, a réexaminé sa condamnation sur les exceptions de nullité soulevées et sur le fond. La Commission considère dès lors que le requérant a effectivement bénéficié du droit "de faire examiner par une juridiction supérieure (...)" sa condamnation au sens de l'article 2 par. 1 du Protocole N° 7 (P7-2-1). Il s'ensuit que ce grief doit être rejeté pour défaut manifeste de fondement, par application de l'article 27 par. 2 (art. 27-2) de la Convention. Par ces motifs, la Commission, à l'unanimité, AJOURNE l'examen du grief du requérant tiré de la durée de la procédure pénale achevée par l'arrêt de la Cour de cassation du 17 janvier 1994 ; DECLARE LA REQUETE IRRECEVABLE pour le surplus. Le Secrétaire de la Le Président de la Deuxième Chambre Deuxième Chambre (M.-T. SCHOEPFER) (H. DANELIUS)


Synthèse
Formation : Commission (deuxième chambre)
Numéro d'arrêt : 26504/95
Date de la décision : 28/02/1996
Type d'affaire : DECISION (Partielle)
Type de recours : Partiellement irrecevable

Analyses

(Art. 13) DROIT A UN RECOURS EFFECTIF


Parties
Demandeurs : GASTE
Défendeurs : la FRANCE

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2012
Fonds documentaire ?: HUDOC
Identifiant URN:LEX : urn:lex;coe;cour.europeenne.droits.homme;arret;1996-02-28;26504.95 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award