DEUXIÈME SECTION
DÉCISION FINALE
SUR LA RECEVABILITÉ
de la requête n° 44741/98 présentée par Anastassios ZARMAKOUPIS et Georgios SAKELLAROPOULOS contre la Grèce
La Cour européenne des Droits de l’Homme (deuxième section), siégeant le 10 février 2000 en une chambre composée de
M. B. Conforti, président, M. C.L. Rozakis, M. G. Bonello, Mme V. Strážnická, M. P. Lorenzen, M. A.B. Baka, M. E. Levits, juges,
et de M. E. Fribergh, greffier de section ;
Vu l’article 34 de la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 11 septembre 1998 par Anastassios ZARMAKOUPIS et Georgios Sakellaropoulos contre la Grèce et enregistrée le 1 décembre 1998 sous le n° de dossier 44741/98 ;
Vu les rapports prévus à l’article 49 du règlement de la Cour ;
Vu les observations présentées par le gouvernement défendeur le 2 octobre 1999 et les observations en réponse présentées par les requérants le 5 janvier 2000 ;
Après en avoir délibéré ;
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les requérants sont des ressortissants grecs, nés respectivement en 1924 et 1925. Ils sont avocats au barreau d’Athènes et résident à Athènes. Le premier requérant est représenté devant la Cour par le second requérant.
Les faits de la cause, tels qu’ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Les requérants et sept autres personnes ont fait l’objet d’une procédure pénale pour fraude et faux en écritures privées. En particulier, il leur fut reproché d’avoir mis en circulation un grand nombre de fausses actions. Le 1er juin 1991, les requérants furent placés en détention provisoire, au cours de laquelle ils déposèrent deux demandes de mise en liberté. Le 5 septembre 1991, ils furent libérés conditionnellement.
Le 23 novembre 1992, les requérants furent renvoyés devant la cour d’assises d’Athènes. A deux reprises, le second requérant demanda l’ajournement de l’affaire, son avocat devant participer à un autre procès. Au total, l’affaire fut ajournée huit fois à la demande des accusés.
Le 22 février 1996, la cour d’assises condamna les requérants à une peine d’emprisonnement de trois ans avec sursis. Le même jour, ils interjetèrent appel de ce jugement.
Le 1er avril 1998, la cour d’appel d’Athènes prononça l’acquittement des requérants. Cet arrêt est devenu définitif.
GRIEF
Invoquant l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants se plaignent de la durée de la procédure.
PROCÉDURE
La requête a été introduite le 11 septembre 1998 et enregistrée le 1er décembre 1998.
Le 15 juin 1999, la Cour a décidé de porter le grief tiré de la durée de la procédure à la connaissance du gouvernement défendeur, en l’invitant à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé de la requête. Elle a déclaré la requête irrecevable pur le surplus.
Le Gouvernement a présenté ses observations le 2 octobre 1999, après prorogation du délai imparti, et les requérants y ont répondu le 5 janvier 2000.
EN DROIT
Les requérants se plaignent de la durée de la procédure et invoquent l’article 6 § 1 de la Convention, dont les parties pertinentes disposent :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) »
Le Gouvernement affirme que la durée de la procédure s’explique par la complexité particulière de l’affaire. Il souligne que l’information judiciaire portait sur une affaire de circulation d’un grand nombre de fausses actions, impliquant plusieurs personnes.
Le Gouvernement affirme par ailleurs que le comportement des parties a incontestablement contribué à allonger la durée de la procédure. A cet égard, le Gouvernement note que l’affaire a été ajournée à huit reprises à l’initiative des accusés, dont deux fois à la demande du second requérant. Le Gouvernement affirme enfin que les autorités compétentes ont fait preuve d’une particulière diligence dans le déroulement de la procédure.
A titre subsidiaire, le Gouvernement affirme qu’eu égard à leur acquittement, les requérants ne peuvent plus se prétendre victimes de leur droit à voir leur cause jugée dans un délai raisonnable.
Les requérants combattent les thèses avancées par le Gouvernement. Ils estiment que leur affaire connut une durée excessive, pour laquelle ils n’ont aucune responsabilité. Ils soulignent que la procédure pénale, qui était pendante à leur encontre pendant presque sept ans, leur a fait subir un très grand préjudice matériel et moral.
La Cour note tout d’abord que l’acquittement des requérants n’était aucunement lié à la durée de la procédure et ne saurait être considéré ni directement, ni implicitement comme valant constatation et redressement par les autorités judiciaires du préjudice causé aux requérants par la durée de celle-ci (voir notamment l’arrêt Eckle c. Allemagne du 15 juillet 1982, série A n° 51).
Quant au fond, la Cour note que la procédure a débuté le 1er juin 1991, date de l’inculpation des requérants, et s’est terminée le 1er avril 1998 avec l’arrêt de la cour d’appel, soit une durée de six ans et dix mois.
La Cour estime qu’à la lumière des critères dégagés par la jurisprudence des organes de la Convention en matière de « délai raisonnable » (complexité de l’affaire, comportement du requérant et des autorités compétentes), et compte tenu de l’ensemble des éléments en sa possession, ce grief doit faire l’objet d’un examen au fond.
Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité,
DÉCLARE LE RESTANT DE LA REQUÊTE RECEVABLE, tous moyens de fond réservés.
Erik Fribergh Benedetto Conforti Greffier Président
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