EN FAIT
Le requérant, M. Stanisław Ratajczyk, est un ressortissant polonais né à Oulchy-la-Ville (France). Il réside actuellement à Namysłów (Pologne). Le gouvernement défendeur est représenté par son agent, M. J. Wołąsiewicz, du ministère des Affaires étrangères.
A. Les circonstances de l'espèce
Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit.
Le 1er septembre 1992, le requérant signa un contrat de bail avec une coopérative. Le 22 avril 1993, le bailleur résilia le contrat et l'intéressé se vit interdire l'accès aux locaux en question.
Le 21 juillet 1993, le requérant engagea une action civile contre la coopérative devant le tribunal régional de Kalisz. Il soutint que le bail avait été rompu au mépris des dispositions de celui-ci. Il allégua en outre que la résiliation anticipée du contrat lui avait fait subir d'importantes pertes financières. Il demanda réparation pour dommage matériel et le remboursement des sommes versées en paiement des taxes afférentes au contrat.
La première audience concernant l'affaire eut lieu le 16 février 1994. Deux autres suivirent, le 12 juin 1995 et le 2 février 1996. Au cours de cette dernière, un expert fut nommé. Le jugement de première instance fut rendu le 30 avril 1997.
Le 25 juillet 1997, le requérant interjeta appel. Le 13 novembre 1997, la cour d'appel de Łódź annula le jugement de première instance et renvoya l'affaire pour réexamen. Elle souligna que la juridiction de première instance avait commis des erreurs dans l'appréciation des éléments de preuve et que certains faits présentant un intérêt pour l'issue de l'affaire appelaient des éclaircissements.
Le 30 juin 1998, après avoir réexaminé l'affaire, le tribunal régional débouta le requérant. Le 29 juillet 1998, celui-ci saisit une nouvelle fois la cour d'appel, laquelle, le 13 janvier 1999, infirma le jugement du tribunal régional et renvoya l'affaire pour réexamen. La cour d'appel déclara que la juridiction de première instance avait omis d'apprécier certains éléments revêtant une importance capitale pour l'affaire.
Aucune audience n'eut lieu en 1999.
Le 14 janvier 2000, alors que l'affaire était pendante devant le tribunal régional, le requérant compléta sa demande. Le 16 février 2000, cette juridiction informa l'intéressé que, dans le cadre de la procédure de faillite engagée contre la coopérative défenderesse, une proposition de rayer celle-ci du registre du commerce avait été soumise au tribunal compétent. Le tribunal régional déclara que le jugement définitif serait rendu le 28 février 2000. Cependant, il ne fut mis un terme à l'affaire que le 20 décembre 2000, date à laquelle le tribunal régional de Kalisz décida d'interrompre la procédure au motif que la coopérative défenderesse avait été déclarée en faillite et liquidée.
Le requérant interjeta appel de cette décision le 18 janvier 2001. La cour d'appel de Łódź le débouta le 3 avril 2001.
Parallèlement à cette procédure, le requérant tenta de faire aboutir sa demande dans le cadre de la procédure de faillite dirigée contre la coopérative. Toutefois, sa demande tendant à l'obtention d'une hypothèque sur un bien de la coopérative fut rejetée au motif qu'aucun jugement sur lequel appuyer ses prétentions n'avait été rendu dans la première procédure.
B. Le droit et la pratique internes pertinents
1. La responsabilité de l'Etat du fait de ses agents
Les articles 417 et suivants du code civil (Kodeks cywilny) régissent la responsabilité délictuelle de l'Etat.
Dans la version applicable jusqu'au 1er septembre 2004, l'article 417 § 1, qui énonçait une règle générale, était ainsi libellé :
« Le Trésor public est responsable des dommages causés par un agent de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions. »
Le 1er septembre 2004, la loi du 17 juin 2004 portant modification du code civil et d'autres lois (Ustawa o zmianie ustawy – Kodeks cywilny oraz niektórych innych ustaw) (« la loi modificative de 2004 ») est entrée en vigueur. Les modifications pertinentes visaient pour l'essentiel à étendre la portée de la responsabilité civile du Trésor public prévue par l'article 417 du code civil, notamment par l'ajout d'un article 417-1 et l'instauration de la responsabilité délictuelle de l'Etat à raison de la non-adoption d'une législation (c'est-à-dire pour « omission législative » – zaniedbanie legislacyjne). Toutefois, ces modifications doivent également être envisagées dans le contexte du fonctionnement d'une nouvelle loi introduisant des recours pour dénoncer la durée excessive d'une procédure judiciaire.
L'article 417-1, ajouté à la suite de la loi modificative de 2004, est ainsi libellé en ses passages pertinents en l'espèce :
« 3. Si la non-adoption d'un arrêt [orzeczenie] ou d'une décision [decyzja] a causé un dommage alors que la loi faisait obligation de rendre un tel arrêt ou une telle décision, il peut être demandé réparation [du dommage] une fois établi dans la procédure pertinente que la non-adoption de l'arrêt ou de la décision était contraire à la loi, à moins que des règles spéciales n'en disposent autrement. »
Cependant, en vertu des dispositions transitoires de l'article 5 de la loi modificative de 2004, l'article 417, tel qu'en vigueur avant le 1er septembre 2004, s'appliquait à l'ensemble des événements et situations juridiques antérieurs à cette date.
Conformément à l'article 442 du code civil, le délai de prescription d'une action en réparation d'un dommage résultant d'un délit est de trois ans à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance du dommage ou identifié les personnes ou entités tenues de le réparer. Toutefois, dans tous les cas, il y a prescription dans un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le fait dommageable est survenu.
Cette disposition s'applique aux situations entrant dans le champ d'application de l'article 417 du code civil.
2. La loi de 2004
Le 17 septembre 2004 est entrée en vigueur la loi du 17 juin 2004 sur les plaintes relatives à une violation du droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable (Ustawa o skardze na naruszenie prawa strony do rozpoznania sprawy w postępowaniu sądowym bez nieuzasadnionej zwłoki) (« la loi de 2004 »). En vertu de l'article 2 combiné avec l'article 5 § 1 de cette loi, une partie à une procédure en cours peut demander l'accélération de l'instance et/ou réparation pour la durée excessive de celle-ci.
La loi prévoit divers moyens juridiques visant à faire obstacle et/ou à remédier aux lenteurs indues d'une procédure judiciaire.
Le passage pertinent en l'espèce de l'article 2 de la loi de 2004 se lit ainsi :
« 1. Des parties à une procédure peuvent se plaindre [dans le cadre de la procédure] d'une violation de leur droit à faire entendre leur cause dans un délai raisonnable si la procédure dure plus longtemps que nécessaire pour examiner les circonstances factuelles et juridiques de l'affaire (...) ou pour mener à son terme une procédure d'exécution ou une autre procédure concernant l'exécution d'une décision de justice (durée excessive d'une procédure). »
Aux termes de l'article 3 :
« Une plainte peut être déposée :
iv. dans le cadre d'une procédure pénale, par une partie ou une victime, même si celle-ci n'est pas partie à la procédure ;
v. dans le cadre d'une procédure civile, par une partie [strona], un tiers intervenant [interwenient uboczny] ou un participant [uczestnik postępowania] ; (...) »
Les passages pertinents en l'espèce de l'article 4 énoncent :
« 1. La plainte est examinée par la juridiction de rang immédiatement supérieur à celui de la juridiction qui conduit la procédure attaquée.
2. Si la plainte concerne la durée excessive d'une procédure devant la cour d'appel ou devant la Cour suprême, c'est la Cour suprême qui en est saisie. (...) »
Le passage pertinent en l'espèce de l'article 5 se lit ainsi :
« 1. Une plainte relative à la durée excessive d'une procédure doit être déposée pendant que la procédure est en cours. (...) »
L'article 12 prévoit les mesures que peut appliquer la juridiction saisie de la plainte. Ses dispositions pertinentes en l'espèce sont libellées comme suit :
« 1. La juridiction saisie rejette toute plainte non fondée.
2. Si la juridiction saisie estime que la plainte est fondée, elle conclut à la durée excessive de la procédure attaquée.
3. A la demande du plaignant, la juridiction saisie peut inviter la juridiction compétente au fond à adopter certaines mesures dans un délai déterminé. Cette invitation ne concerne pas l'appréciation en fait et en droit de l'affaire.
4. Si la plainte est fondée, la juridiction saisie peut, à la demande du plaignant, accorder (...) une satisfaction équitable dans la limite de 10 000 zlotys [PLN] à la charge du Trésor public. Si une telle satisfaction équitable est octroyée, son versement se fait sur le budget de la juridiction qui conduit la procédure dont la durée est excessive. »
L'article 15 prévoit une réparation additionnelle :
« 1. Une partie dont la plainte a été accueillie peut demander au Trésor public (...) réparation du dommage subi du fait de la durée excessive de la procédure. »
L'article 16 précise en outre :
« Une partie qui n'a pas introduit de plainte relative à la durée excessive de la procédure en vertu de l'article 5 § 1 peut demander – au titre de l'article 417 du code civil (...) – réparation pour le dommage résultant de la durée excessive de la procédure après la fin de l'examen de l'affaire sur le fond. »
L'article 17 concerne les frais de dépôt d'une plainte :
« 1. Le plaignant est tenu de verser 100 zlotys pour frais de procédure.
3. Si la juridiction saisie estime la plainte fondée, elle rembourse les frais de procédure acquittés par le plaignant. »
L'article 18 énonce les règles transitoires suivantes relativement aux requêtes déjà pendantes devant la Cour :
« 1. Dans les six mois après la date d'entrée en vigueur de la présente loi, les personnes qui, avant cette date, ont saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme (...) pour se plaindre d'une violation du droit à faire entendre leur cause dans un délai raisonnable garanti par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (...) peuvent déposer une plainte relative à la durée excessive de la procédure conformément aux dispositions de la présente loi si elles ont soumis leur requête à la Cour pendant la procédure litigieuse et si la Cour n'a pas encore adopté de décision sur la recevabilité de leur requête.
2. Toute plainte déposée en vertu du paragraphe 1 doit comporter la date à laquelle la requête a été introduite devant la Cour.
3. Le tribunal compétent informe immédiatement le ministre des Affaires étrangères de toute plainte déposée en vertu du paragraphe 1. »
Le 18 janvier 2005, la Cour suprême (Sąd Najwyższy) a adopté une résolution (no III SPP 113/04) dans laquelle elle dit que si la loi de 2004 produit des effets juridiques à partir de la date de son entrée en vigueur (le 17 septembre 2004), ses dispositions s'appliquent rétroactivement à toutes les procédures dans lesquelles les retards sont survenus avant cette date et auxquels il n'a pas encore été remédié.
GRIEF
Invoquant l'article 6 de la Convention, le requérant dénonce la durée, excessive à ses yeux, de la première procédure civile.
EN DROIT
Le requérant dénonce la durée, excessive à ses yeux, de la première procédure civile. Il invoque l'article 6 de la Convention, dont le passage pertinent en l'espèce se lit ainsi :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
1. Sur l'exception préliminaire du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes
a) Arguments des parties
La Cour doit d'abord rechercher si le requérant a épuisé les recours dont il disposait en droit polonais, ainsi que l'exige l'article 35 § 1 de la Convention.
Le Gouvernement soutient à cet égard que le recours prévu par la loi de 2004, laquelle garantit l'application effective au niveau national du principe du « délai raisonnable » consacré dans la Convention, est effectif pour les procédures qui se sont achevées avant le 17 septembre 2004, mais uniquement dans une certaine mesure. En vertu de l'article 18 de la loi, les personnes ayant introduit une requête devant la Cour alors que la procédure était encore pendante pouvaient déposer, dans un délai de six mois après l'entrée en vigueur de la loi, une plainte relative à la durée de la procédure devant la juridiction nationale compétente, conformément à la loi, si la Cour n'avait pas encore examiné la recevabilité de la requête.
En l'espèce, la procédure litigieuse s'est terminée le 3 avril 2001 et le requérant a saisi la Cour le 23 juillet 2001. Par conséquent, les exigences posées par l'article 18 de la loi n'étaient pas remplies et l'intéressé ne pouvait pas se prévaloir du recours transitoire introduit par cette disposition. Néanmoins, le Gouvernement est d'avis que le requérant aurait pu, en vertu de l'article 16 de ladite loi, user du recours prévu par cette disposition combinée avec l'article 417 du code civil. Conformément aux dispositions du code civil relatives aux délais applicables aux actions en responsabilité civile, pareille action est prescrite dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance du dommage et, dans tous les cas, dans un délai de dix ans à compter de la date du fait dommageable.
Partant, le Gouvernement conclut que la requête doit être rejetée pour non-épuisement des voies de recours internes.
A ce propos, le requérant soutient qu'il n'a disposé d'aucun recours en droit interne. La procédure civile en question a pris fin en avril 2001, alors que la loi de 2004 n'est applicable qu'aux procédures pendantes après le 17 septembre 2004, date de son entrée en vigueur.
b) Appréciation de la Cour
La Cour rappelle que, en vertu de l'article 1 de la Convention (qui dispose : « Les Hautes Parties contractantes reconnaissent à toute personne relevant de leur juridiction les droits et libertés définis au titre I de la présente Convention »), ce sont les autorités nationales qui sont responsables au premier chef de la mise en œuvre et de la sanction des droits et libertés garantis. Le mécanisme de plainte devant la Cour revêt donc un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de sauvegarde des droits de l'homme. Cette subsidiarité s'exprime dans les articles 13 et 35 § 1 de la Convention (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 152, CEDH 2000-XI).
La finalité de l'article 35 est de ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou redresser les violations alléguées contre eux avant que la Cour n'en soit saisie. Les Etats n'ont donc pas à répondre de leurs actes devant un organisme international avant d'avoir eu la possibilité de redresser la situation dans leur ordre juridique interne. Cette règle se fonde sur l'hypothèse, objet de l'article 13 de la Convention – et avec lequel elle présente d'étroites affinités – que l'ordre interne offre un recours effectif quant à la violation alléguée (voir, parmi d'autres, Akdivar et autres c. Turquie, arrêt du 16 septembre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996-IV, p. 1210, § 66, et Nogolica c. Croatie (déc.), no 77784/01, CEDH 2002-VIII).
Dans la présente affaire se pose la question de savoir s'il faut demander au requérant d'exercer ce recours, puisqu'il a introduit sa requête avant le 17 septembre 2004, date d'entrée en vigueur de la loi de 2004. A cet égard, la Cour rappelle que l'épuisement des voies de recours internes s'apprécie normalement à la date d'introduction de la requête devant elle. Cependant, cette règle ne va pas sans exceptions, qui peuvent être justifiées par les circonstances particulières de chaque espèce ; tel est aussi le cas lorsque la requête concerne la durée d'une procédure judiciaire (Baumann c. France, no 33592/96, § 47, 22 mai 2001, et Brusco c. Italie (déc.), no 69789/01, CEDH 2001-IX).
Ainsi, dans les affaires de durée de procédure dirigées contre l'Italie, la Cour a dit que les requérants devaient se prévaloir des voies de recours introduites par la « loi Pinto », bien que cette législation eût été promulguée après l'introduction de leurs requêtes devant la Cour (voir, par exemple, Giacometti et autres c. Italie (déc.), no 34939/97, CEDH 2001-XII, et Brusco, décision précitée). Des décisions similaires ont été rendues dans des affaires dirigées contre la Croatie et la Slovaquie à la suite de l'entrée en vigueur de modifications qui ont été apportées aux lois pertinentes et qui permettent à la Cour constitutionnelle de fournir un redressement aux personnes se plaignant de la durée excessive d'une procédure judiciaire (Nogolica, décision précitée, et Andrášik et autres c. Slovaquie (déc.), nos 57984/00, 60237/00, 60242/00, 60679/00, 60680/00, 68563/01 et 60226/00, CEDH 2002-IX).
A cet égard, la Cour observe d'abord que la loi de 2004 a introduit un éventail de recours concernant spécifiquement le droit d'une personne à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable au sens de l'article 6 § 1 de la Convention. En vertu de l'article 2 combiné avec l'article 5 de cette loi, une partie à une procédure pendante peut demander une déclaration judiciaire constatant que son droit à faire entendre sa cause dans un délai raisonnable a été méconnu. Si le tribunal compétent estime, sur la base des mêmes critères que ceux que la Cour applique lorsqu'elle apprécie la durée de la procédure, que le grief est bien fondé, il doit rendre une décision à cet effet. Si le plaignant le demande, le tribunal peut également ordonner à la juridiction devant laquelle l'affaire est pendante de prendre un certain nombre de mesures procédurales pour accélérer la procédure en question. En outre, il est loisible au tribunal d'allouer au plaignant une indemnité appropriée, d'un montant n'excédant pas 10 000 zlotys. Enfin, une partie dont la plainte est jugée bien fondée dans le cadre d'une procédure régie par l'article 2 combiné avec l'article 5 de la loi peut également engager une action civile distincte pour réclamer réparation au Trésor public pour le préjudice résultant de la durée excessive de la procédure.
La Cour rappelle qu'elle a dit que ces recours étaient effectifs en ce qui concerne la durée excessive de procédures judiciaires pendantes (Michalak c. Pologne (déc.), no 24549/03, 1er mars 2005, et Charzyński c. Pologne (déc.), no 15212/03, CEDH 2005-V).
Elle relève en outre que la loi de 2004 renferme également, dans son article 18, des dispositions transitoires applicables aux personnes qui ont saisi la Cour pour se plaindre de la durée d'une procédure alors que celle-ci était toujours pendante devant les juridictions internes. Ces personnes pouvaient déposer, dans un délai de six mois à partir du 17 septembre 2004, une plainte au titre de l'article 5 de cette loi devant le tribunal interne compétent.
Toutefois, la Cour est consciente du fait que le requérant ne pouvait se prévaloir d'aucun des recours décrits ci-dessus. En l'espèce, la procédure civile a pris fin le 3 avril 2001, alors que l'intéressé a introduit sa requête devant la Cour le 23 juillet 2001, dans le délai de six mois prévu par l'article 35 de la Convention. Dès lors, ni l'article 2 combiné avec l'article 5 ni l'article 18 de la loi n'étaient applicables dans le cas de l'intéressé.
La Cour observe à cet égard que la loi en question contient également des dispositions spécifiques applicables à la situation des personnes qui ne peuvent user de ces recours. En vertu de l'article 16 de la loi, ces personnes peuvent demander réparation au Trésor public, en s'appuyant sur l'article 417 du code civil, pour le préjudice résultant de la durée prétendument excessive de la procédure dans le cadre de laquelle une décision judiciaire sur le fond a déjà été rendue.
La Cour relève qu'elle a déjà examiné avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2004 si une demande en réparation dans le cadre d'une action en responsabilité civile, telle que prévue par le droit civil polonais, était un recours effectif quant à des griefs relatifs à la durée d'une procédure. Elle a conclu qu'aucun argument convaincant n'avait été avancé pour montrer que l'article 417 du code civil pouvait à l'époque être invoqué pour solliciter des dommages-intérêts en raison de la durée excessive d'une procédure ou qu'une telle action avait des chances raisonnables de succès (Skawińska c. Pologne (déc.), no 42096/98, 4 mars 2003, et Małasiewicz c. Pologne, no 22072/02, §§ 32-34, 14 octobre 2003).
Toutefois, la Cour relève que l'évolution récente au niveau national, notamment l'entrée en vigueur de la loi de 2004, a fondamentalement changé la situation juridique en Pologne, où il n'existait aucun recours pour dénoncer la durée excessive d'une procédure judiciaire pendante.
Dans ce contexte, la Cour a examiné si l'action civile en réparation prévue par l'article 16 de la loi de 2004 combiné avec l'article 417 du code civil constituait un recours effectif relativement à la durée d'une procédure judiciaire. Elle a conclu, eu égard aux caractéristiques de ces recours et nonobstant l'absence de pratique judiciaire établie concernant de telles actions, qu'ils étaient effectifs pour les personnes qui, le 17 septembre 2004, date d'entrée en vigueur de la loi de 2004, pouvaient encore engager une telle action devant la juridiction interne compétente (Krasuski c. Pologne, no 61444/00, § 72, CEDH 2005-V).
Il reste à examiner s'il en va de même pour les procédures qui, comme celle de l'espèce, se sont terminées plus de trois ans avant le 17 septembre 2004, c'est-à-dire, dans les cas où le délai prévu par l'article 442 concernant la responsabilité civile de l'Etat au titre de l'article 417 du code civil a déjà expiré avant cette date.
La Cour observe, eu égard aux dispositions pertinentes du code civil polonais, que l'action en responsabilité civile pour préjudice causé par la durée excessive de la procédure est régie par l'article 417 du code civil combiné avec l'article 442. En vertu de ces dispositions, une telle action est prescrite dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la personne lésée a eu connaissance du dommage. Dans les cas où la responsabilité civile résulte de la durée excessive d'une procédure judiciaire, la première date à laquelle le délai de trois ans puisse commencer à courir serait la date à laquelle la décision judiciaire rendue dans une telle procédure serait devenue définitive et exécutoire. Dans l'affaire du requérant, la décision définitive a été rendue le 3 avril 2001 et, conformément aux dispositions pertinentes du droit polonais, est devenue exécutoire trois semaines plus tard. Par conséquent, plus de trois ans se sont écoulés entre cette date et l'entrée en vigueur de la loi de 2004 le 17 septembre 2004.
Dès lors, dans le cas du requérant, la demande en réparation que celui-ci aurait pu présenter en vertu de l'article 417 du code civil ne pouvait, même à cette date, passer pour un recours effectif.
Eu égard à ce qui précède, la Cour estime que l'action civile en réparation prévue par l'article 417 du code civil combiné avec l'article 16 de la loi du 17 juin 2004 ne saurait passer avec un degré suffisant de certitude pour un recours effectif dans l'affaire du requérant. Par conséquent, la requête ne saurait être déclarée irrecevable pour non-épuisement des voies de recours internes.
2. Le fond de la requête
Le grief du requérant a trait à la durée de la procédure, qui a commencé le 21 juillet 1993 et a pris fin le 3 avril 2001, à savoir sept ans et huit mois.
D'après le requérant, cette durée méconnaît l'exigence du « délai raisonnable » posé par l'article 6 § 1 de la Convention. Le Gouvernement n'a présenté aucune observation sur le fond de ce grief.
A la lumière des critères qui se dégagent de sa jurisprudence, sur la question du « délai raisonnable » (complexité de l'affaire, attitude du requérant et comportement des autorités compétentes), et eu égard à toutes les informations dont elle dispose, la Cour estime qu'il y a lieu de procéder à un examen au fond de ce grief.
Par ces motifs, la Cour, à l'unanimité,
Déclare la requête recevable pour le surplus.
DÉCISION RATAJCZYK c. POLOGNE
DÉCISION RATAJCZYK c. POLOGNE