CINQUIÈME SECTION
AFFAIRE RAFAA c. FRANCE
(Requête no 25393/10)
ARRÊT
STRASBOURG
30 mai 2013
DÉFINITIF
04/11/2013
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Rafaa c. France,
La Cour européenne des droits de l’homme (cinquième section), siégeant en une chambre composée de :
Mark Villiger, président,
Angelika Nußberger,
Boštjan M. Zupančič,
Ganna Yudkivska,
André Potocki,
Paul Lemmens,
Aleš Pejchal, juges,
et de Claudia Westerdiek, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 7 mai 2013,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. A l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 25393/10) dirigée contre la République française et dont un ressortissant marocain, M. Rachid Rafaa (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 mai 2010 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant, qui a été admis au bénéfice de l’assistance judiciaire, a été représenté par Me W. Bourdon, avocat à Paris. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères.
3. Le requérant allègue en particulier que son renvoi vers le Maroc l’exposerait à des risques de traitements contraires à l’article 3 de la Convention et à une mort certaine.
4. Le 5 juillet 2012, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1976 et réside à Metz.
A. Sur les faits tels qu’ils se sont déroulés au Maroc selon le requérant
6. Avant de créer sa propre entreprise d’informatique, le requérant travailla pour une société d’informatique, de 2000 à 2003, en tant que programmeur Internet. Il explique que, favorable à la cause sahraouie sans être sympathisant du Front Polisario (mouvement politique armé opposé au Maroc pour le contrôle du Sahara occidental), il communiquait, dans le cadre de son activité professionnelle, sur le problème du Sahara occidental.
7. En janvier 2009, le requérant se rendit compte que son ordinateur contenait un fichier espion ayant permis aux autorités marocaines d’en découvrir le numéro d’identification (adresse IP) et de surveiller les informations qu’il échangeait au sujet de la cause sahraouie. Peu de temps après, il fut arrêté, détenu et torturé par les services secrets marocains pendant vingt jours à Rabat. Durant les trois premiers jours, il fut frappé méthodiquement et sommé d’avouer « ce qu[‘il avait] fait ». Les services secrets lui proposèrent ensuite de collaborer avec eux et de surveiller les membres du Front Polisario, ce que le requérant accepta dans l’espoir d’être libéré. Avant de le relâcher, les services secrets lui firent signer une lettre d’engagement et lui remirent une somme d’argent.
8. Par la suite, chaque mois, le requérant recevait deux versements et une personne se rendait à son domicile de Marrakech pour recueillir le fruit de ses observations. Le requérant prit la fuite dès qu’il en eut la possibilité et gagna l’Europe via Tanger clandestinement. Arrivé en bus à Madrid, puis à Barcelone, il prit un train pour la France en octobre 2009.
B. Sur les faits tels qu’ils se sont déroulés en France
9. Interpellé par la police de l’air et des frontières le 22 décembre 2009, le requérant fut immédiatement placé en rétention administrative. Alors qu’il se présentait comme étant d’origine palestinienne, il apparut rapidement qu’il s’agissait d’une fausse identité et que, le 21 décembre 2009, le Maroc avait émis un mandat d’arrêt international contre lui pour la poursuite de faits qualifiés de « constitution de bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d’une entreprise collective visant à porter gravement atteinte à l’ordre public, incitation d’autrui à perpétrer des actes terroristes, prestation d’assistance à auteur d’actes terroristes ». Le 29 décembre 2009, le requérant fut placé sous écrou extraditionnel en exécution de ce mandat d’arrêt.
10. Le requérant engagea alors deux procédures parallèles, l’une en vue de contester son extradition, l’autre afin de demander l’asile. Concomitamment, le requérant saisit la Cour, le 28 juillet 2011, d’une demande de mesure provisoire sur le fondement de l’article 39 de son règlement. Le 4 août 2011, le président de la chambre à laquelle l’affaire fut attribuée décida d’indiquer au Gouvernement français, en application de la disposition précitée, qu’il était souhaitable de ne pas expulser le requérant vers le Maroc pour la durée de la procédure devant la Cour.
1. Sur la procédure d’extradition
11. Le 5 janvier 2010, le procureur général du Roi près la cour d’appel de Rabat formula une demande d’extradition du requérant sur le fondement du mandat d’arrêt du 21 décembre 2009. A l’appui de cette demande, il expliquait que le requérant était en lien avec des chefs d’Al-Qaida au Maghreb (AQMI), qu’il avait gagné leur confiance et que, maîtrisant de hautes techniques dans le domaine du terrorisme informatique, il avait servi d’intermédiaire, par la voie d’Internet, pour toutes les correspondances et communiqués en faveur de toutes les organisations terroristes mondiales et notamment sur les sites du Jihad alliés à l’organisation d’Al-Qaida, tels « Al Hisba », « Al Sahab », « Al Ikhlas », « Chomouck Al Islam » et « Al Fallouja ». Le procureur faisait état de sept messages électroniques reçus ou émis par le requérant connu sous le pseudonyme « Ibn Al Malahim », et ce, du 8 juillet 2008 au 21 octobre 2009. Cette demande d’extradition, transmise par voie diplomatique le 15 janvier 2010, fut notifiée au requérant le 20 janvier 2010. Ce dernier refusa d’y consentir.
12. Devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Metz, organe judiciaire chargé d’examiner la légalité de la demande d’extradition, le requérant soutint que la demande, motivée en réalité par son soutien à la cause sahraouie, était fondée sur un motif politique.
13. Après avoir ordonné deux renvois pour obtenir des renseignements complémentaires auprès des autorités marocaines, la chambre de l’instruction, le 25 mars 2010, observa que le requérant ne produisait aucun élément permettant de conforter sa thèse selon laquelle son extradition serait sollicitée dans un but politique, liée à sa qualité revendiquée de défenseur de la cause sahraouie.
14. La chambre de l’instruction constata, en revanche, que divers messages électroniques fournis par les autorités marocaines, reçus ou émis par le requérant, et notamment le communiqué de la part d’un algérien dit « Salah El Gasmi », responsable de la commission de communication d’AQMI, permettaient de suspecter que le requérant était bien à l’origine des infractions à caractère terroriste visées dans la demande d’extradition. La chambre de l’instruction releva, en outre, que les services français spécialisés dans la lutte anti-terroriste avaient confirmé que le requérant était connu pour « son appartenance à la mouvance djihadiste internationale, plus particulièrement chargée de relayer la communication des organes médiatiques de la nébuleuse Al-Qaida, ce qui lui permet[tait] de rentrer en contact avec des hauts cadres de cette organisation ». La direction du renseignement intérieur avait d’ailleurs précisé que le requérant était récemment apparu comme l’administrateur du site islamique international « Al Hisbah », suspendu depuis le 18 novembre 2008 et notamment utilisé par le comité médiatique d’AQMI, dirigé par Salah Gasmi, comme outil d’échanges entre internautes susceptibles d’être recrutés comme combattants djihadistes.
15. Déduisant de ces éléments que la demande d’extradition concernait bien des infractions terroristes commises sur le territoire marocain, la chambre de l’instruction conclut qu’aucun argument ne s’opposait à l’extradition du requérant et émit un avis favorable.
16. Le requérant forma un pourvoi contre cette décision, qui fut déclaré non admis par la Cour de cassation le 8 juin 2010.
17. Le 11 juillet 2011, après avoir constaté que, concernant des faits de terrorisme, la demande d’extradition n’était pas motivée par des motifs politiques, le ministre de la Justice et des Libertés prit un décret accordant l’extradition du requérant aux autorités marocaines.
18. Le requérant forma un recours afin de voir annuler ce décret. Par un arrêt en date du 22 mai 2012, le Conseil d’Etat rejeta sa requête aux motifs suivants :
« Considérant, en premier lieu, qu’il n’appartient pas aux autorités françaises, sauf en cas d’erreur évidente, de statuer sur le bien-fondé des charges retenues contre la personne recherchée ; qu’en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’une erreur évidente ait été commise en ce qui concerne les faits reprochés à M. Rafaa à l’origine de la demande d’extradition et tenant à son implication, par l’utilisation de son adresse électronique, dans l’acheminement de correspondance ou la diffusion de communiqués d’une organisation terroriste ;
Considérant, en deuxième lieu, que si M. Rafaa soutient que son extradition repose sur des considérations politiques liées au soutien qu’il a apporté à la cause sahraouie et à l’autodétermination du Sahara occidental, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’extradition du requérant aurait été demandée dans un but politique ;
Considérant, enfin, que si M. Rafaa soutient que l’exécution du décret attaqué l’exposerait à des traitements inhumains ou dégradants en violation des stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, il n’apporte aucun élément au soutien de cette allégation, permettant d’établir la réalité de tels risques en ce qui le concerne ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. Rafaa n’est pas fondé à demander l’annulation du décret du 11 juillet 2011 accordant son extradition aux autorités marocaines. »
2. Sur la procédure d’asile
19. Parallèlement aux recours engagés dans le cadre de la procédure d’extradition, le requérant sollicita son admission au séjour au titre de l’asile, que le préfet refusa de lui accorder le 4 janvier 2010. Le requérant contesta ce refus devant le tribunal administratif de Strasbourg. Ce recours est pendant.
20. Entendu par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le requérant se présenta à nouveau comme un militant de la cause sahraouie. Le 9 juin 2010, l’OFPRA, constatant que le militantisme du requérant en faveur de l’autodétermination du Sahara occidental n’était pas établi, rejeta la demande d’asile. Tout en précisant que ces circonstances l’excluaient du bénéfice de la protection subsidiaire prévue par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’OFPRA constata néanmoins que le requérant faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international pour des faits liés au terrorisme et qu’il ne pouvait être exclu qu’il fasse, de ce fait, l’objet de traitements inhumains et dégradants en cas de retour.
21. Le requérant forma un recours devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), en invoquant à nouveau son risque de persécution du fait de son soutien à la cause sahraouie et les raisons dissimulées de la demande d’extradition. Son recours fut rejeté le 21 avril 2011 aux motifs que les explications données par le requérant lors de son audition – qui se déroula à huis clos – étaient demeurées contradictoires et non circonstanciées s’agissant de sa fréquentation des sites de discussion concernant le problème du Sahara occidental et qu’ainsi son engagement et son soutien pour cette cause ne pouvaient être tenus pour établis. La CNDA estima, par ailleurs, qu’aucun élément ne permettait de conclure à la réalité de sa détention pendant trois semaines ni aux raisons de cette détention qui seraient le soutien à la cause sahraouie.
22. La CNDA estima par ailleurs que la procédure d’extradition mise en œuvre contre le requérant ne semblait pas menée dans un but politique, qu’à ce titre elle n’était pas constitutive de persécutions au sens de la Convention de Genève et, qu’en tout état de cause, les craintes du requérant à cet égard, tenant aux mesures de police et de procédure commandées par l’obligation de garantir la sécurité publique, ne relevaient pas du champ d’application de la Convention de Genève dès lors qu’elles s’inscrivaient dans le cadre légal de la lutte anti-terroriste. S’appuyant sur le rapport du UK Home Office de novembre 2010, le rapport onusien sur les disparitions forcées au Maroc de février 2010, et des rapports de diverses ONG (FIDH, Amnesty International, HRW), la CNDA constata néanmoins :
« compte tenu de la nature et du degré de son implication dans les réseaux de la mouvance islamiste radicale, il est raisonnable de penser que, dans les circonstances très particulières de l’espèce, M. Rachid Rafaa, du fait de l’intérêt qu’il peut représenter pour les services de sécurité chérifiens dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme, risquerait d’être soumis, à son arrivée au Maroc, à des traitements pouvant être regardés comme inhumains ou dégradants au sens des dispositions de l’article L 712‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (...) »
Toutefois, la CNDA rejeta la requête du requérant aux motifs suivants :
« Considérant, à cet égard, et en dépit de ses dénégations concernant ses liens avec la mouvance djihadiste internationale, que M. Rachid Rafaa (...) est connu des services français pour son appartenance à ladite mouvance et pour ses liens avec les hauts cadres d’Al Qaida ; qu’il a été chargé de relayer la communication des organes médiatiques de cette organisation et ainsi, a pu entrer en contact avec de hauts cadres de cette dernière ; qu’il a participé à des forums djihadistes et a notamment été administrateur du site « Al Hisbah » utilisé par le comité médiatique d’Al Qaida dans les pays du Maghreb comme outil d’échange entre internautes susceptibles d’être recrutés comme combattants djihadistes ; que de tels agissements constituent des actes contraires aux buts et principes des Nations Unies, au sens de la Résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies du 28 septembre 2001, adopté en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies (...) ; que si les actions qui lui sont reprochées par la justice chérifienne n’ont pas encore été jugées, il n’en demeure pas moins qu’au regard de l’ensemble des éléments du dossier, il y a des raisons sérieuses de penser que M. Rachid Rafaa a participé en toute connaissance de cause à la diffusion de la propagande de la mouvance djihadiste internationale et à l’incitation à commettre des actes de terrorisme ; que les actes imputés à l’intéressé et accomplis dans l’espace virtuel via Internet ont un prolongement au-delà des frontières et, à ce titre, constituent sur le territoire national une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat ; que, dès lors, il y a lieu d’exclure M. Rachid Rafaa du bénéfice des dispositions relatives à la protection subsidiaire en application du c) et du d) de l’article L. 712-2 précité ; »
23. Le requérant forma une demande d’aide juridictionnelle en vue de former un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. Sa demande fut rejetée le 16 juin 2011.
II. LE DROIT INTERNE ET INTERNATIONAL PERTINENTS
A. Le droit français
24. Les dispositions pertinentes du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) sont les suivantes :
Article L. 712-1
« Sous réserve des dispositions de l’article L. 712-2, le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié mentionnées à l’article L. 711-1 et qui établit qu’elle est exposée dans son pays à l’une des menaces graves suivantes :
a) La peine de mort ;
b) La torture ou des peines ou traitements inhumains ou dégradants ;
c) S’agissant d’un civil, une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d’une violence généralisée résultant d’une situation de conflit armé interne ou international. »
Article L. 712-2
« La protection subsidiaire n’est pas accordée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser :
a) Qu’elle a commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l’humanité ;
b) Qu’elle a commis un crime grave de droit commun ;
c) Qu’elle s’est rendue coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
d) Que son activité sur le territoire constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat. »
B. Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, adoptée le 28 juillet 1951
25. Cette Convention dispose :
« (...) le terme « réfugié » s’appliquera à toute personne :
1) Qui a été considérée comme réfugiée en application des Arrangements du 12 mai 1926 et du 30 juin 1928, ou en application des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938 et du Protocole du 14 septembre 1939 ou encore en application de la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés. (...)
F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :
(...)
c) Qu’elles se sont rendues coupables d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies. »
C. Textes du Conseil de l’Europe relatifs au terrorisme
26. Concernant les traités du Conseil de l’Europe relatifs à la lutte contre le terrorisme, la Cour renvoie à la liste présentée dans l’affaire Daoudi c. France (no 19576/08, § 32, 3 décembre 2009). Elle attire toutefois l’attention sur les textes suivants :
– l’article 4 § 2 du Protocole d’amendement à la Convention européenne pour la répression du terrorisme du 15 mai 2003 prévoit :
« (...) Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme impliquant une obligation d’extrader pour l’Etat requis si la personne faisant l’objet de la demande d’extradition risque d’être exposée à la torture ; (...) »
– l’article 21 § 2 de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention du terrorisme du 16 mai 2005 dispose :
« Aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme impliquant une obligation d’extrader si la personne faisant l’objet de la demande d’extradition risque d’être exposée à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
D. La Convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957
27. Cette Convention prévoit en ses dispositions pertinentes :
Article 30
« L’extradition ne sera pas accordée si l’infraction pour laquelle elle est demandée est considérée par la Partie requise comme une infraction politique ou comme une infraction connexe à une telle infraction. »
Article 33
« L’extradition sera refusée :
Si les infractions à raison desquelles elle est demandée ont été commises dans l’Etat requis ;
Si les infractions ont été jugées définitivement dans l’Etat requis ;
Si la prescription de l’action ou de la peine est acquise d’après la législation de l’Etat requérant ou de l’Etat requis lors de la demande par l’Etat requis ; (...)
L’extradition pourra être refusée si les infractions font l’objet de poursuites dans l’Etat requis ou ont été jugées dans un Etat tiers. »
Article 42
« L’individu qui aura été livré ne pourra être ni poursuivi, ni jugé contradictoirement, ni être détenu en vue de l’exécution d’une peine pour une infraction antérieure à la remise autre que celle ayant motivé l’extradition, sauf dans les cas suivants :
1o Lorsque, ayant eu la liberté de le faire, l’individu extradé n’a pas quitté, dans les trente jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de l’Etat auquel il a été livré ou s’il y est retourné après l’avoir quitté ;
2o Lorsque l’Etat qui l’a livré y consent, une demande devra être présentée à cet effet, accompagnée des pièces prévues au paragraphe 2 de l’article 34 et d’un procès‑verbal judiciaire consignant les déclarations de l’extradé sur l’extension de l’extradition et mentionnant la possibilité qui lui a été donnée d’adresser un mémoire en défense aux autorités de l’Etat requis.
Lorsque la qualification donnée au fait incriminé sera modifiée au cours de la procédure, l’individu extradé ne sera poursuivi ou jugé que dans la mesure où les éléments constitutifs de l’infraction, nouvellement qualifiée, permettraient l’extradition. »
E. Le droit marocain
28. Les dispositions pertinentes de la loi marocaine no 03/03 du 28 mai 2003 relative à la lutte contre le terrorisme sont les suivantes :
Article 218-1
« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but l’atteinte grave à l’ordre public par l’intimidation, la terreur ou la violence, les infractions suivantes :
(...)
9) la participation à une association formée ou à une entente établie en vue de la préparation ou de la commission d’un des actes de terrorisme ; »
Article 218-5
« Quiconque, par quelque moyen que ce soit, persuade, incite ou provoque autrui à commettre l’une des infractions, prévues par le présent chapitre, est passible des peines prescrites pour cette infraction. »
Article 218-6
« Outre les cas de complicité prévus à l’article 129 du présent code, est puni de la réclusion de dix à vingt ans, quiconque, sciemment, fournit à une personne auteur, coauteur ou complice d’un acte terroriste, soit des armes, munitions ou instruments de l’infraction, soit des contributions pécuniaires, des moyens de subsistance, de correspondance ou de transport, soit un lieu de réunion, de logement ou de retraite ou qui les aide à disposer du produit de leurs méfaits, ou qui, de toute autre manière, leur porte sciemment assistance.
Toutefois, la juridiction peut exempter de la peine encourue les parents ou alliés jusqu’au quatrième degré, inclusivement, de l’auteur, du coauteur ou du complice d’un acte terroriste, lorsqu’ils ont seulement fourni à ce dernier logement ou moyens de subsistance personnels. »
Article 218-7
« Le maximum des peines prévues pour les infractions visées à l’article 218-1 ci-dessus est relevé comme suit, lorsque les faits commis constituent des infractions de terrorisme :
. la mort lorsque la peine prévue est la réclusion perpétuelle ;
. la réclusion perpétuelle lorsque le maximum de la peine prévue est de 30 ans de réclusion ;
. le maximum des peines privatives de liberté est relevé au double, sans dépasser 30 ans lorsque la peine prévue est la réclusion ou l’emprisonnement ;
. lorsque la peine prévue est une amende, le maximum de la peine est multiplié par cent sans être inférieur à 100.000 dirhams ;
. lorsque l’auteur est une personne morale, la dissolution de la personne morale ainsi que les deux mesures de sûreté prévues à l’article 62 du code pénal doivent être prononcées sous réserve des droits d’autrui. »
III. TEXTES ET DOCUMENTS INTERNATIONAUX
29. Les observations finales du comité des Nations Unies contre la torture sur le quatrième rapport périodique du Maroc (CAT/C/MAR/CO/4 ; 21 décembre 2011) sont ainsi libellées :
« (...)
10. Le Comité est préoccupé par les nombreuses allégations de torture et de mauvais traitements commis par les officiers de police, les agents pénitentiaires et plus particulièrement les agents de la Direction de surveillance du territoire (DST) – désormais reconnus comme officiers de police judiciaire – lorsque les personnes sont privées de l’exercice des garanties juridiques fondamentales comme l’accès à un avocat, en particulier celles suspectées d’appartenir à des réseaux terroristes ou d’être des partisans de l’indépendance du Sahara occidental ou durant les interrogatoires dans le but de soutirer des aveux aux personnes suspectées de terrorisme. (art. 2, 4, 11 et 15).
(...)
12. Le Comité est préoccupé par les allégations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires, de détentions au secret et dans des lieux secrets, d’actes de torture et de mauvais traitements, de l’extorsion d’aveux sous la torture et d’un usage excessif de la force par les forces de sécurité et par les forces de l’ordre marocaines au Sahara occidental.
(...)
14. Le Comité est préoccupé par les informations reçues selon lesquelles, dans les affaires liées au terrorisme, les procédures judiciaires qui régissent l’arrestation, l’interrogation et la détention ne sont pas toujours respectées dans la pratique. Il est également préoccupé par les allégations faisant état du schéma récurrent suivant : dans ces affaires, les suspects sont arrêtés par des officiers en civil qui ne s’identifient pas clairement, puis amenés pour être interrogés et détenus dans des lieux de détention secrets, ce qui revient en pratique à une détention au secret. Les suspects sont soumis à la torture et à d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants sans être officiellement enregistrés. Ils sont gardés dans ces conditions pendant plusieurs semaines sans être présentés à un juge et sans contrôle de la part des autorités judiciaires. Leur famille n’est informée de leur arrestation, de leurs mouvements et de leur lieu de détention qu’à partir du moment où ils sont transférés à la police pour signer des aveux obtenus sous la torture. Ce n’est qu’alors qu’ils sont officiellement enregistrés et réintégrés dans la procédure judiciaire régulière avec des dates et des données de facto falsifiées (art. 2, 11, 12, 15 et 16).
(...)
21. Le Comité prend note du moratoire de facto sur l’application de la peine de mort en vigueur depuis 1993, du projet de réforme législative visant à réduire significativement le nombre des crimes passibles de la peine capitale et de la nécessité que de telles peines soient prononcées à l’unanimité. Le Comité se déclare préoccupé par les conditions d’incarcération des condamnés à mort. Celles-ci, en l’état, peuvent constituer un traitement cruel, inhumain ou dégradant, compte tenu en particulier de la durée de la détention dans les quartiers des condamnés à mort et de l’incertitude pesant sur le sort de ces condamnés du fait, notamment, de l’absence de toute perspective de commutation de leur peine (art. 2, 11 et 16). »
30. Le Département d’Etat américain dans son Country Reports On Human Rights Practices – Morocco du 24 mai 2012, le News Service des Nations Unies (communiqué du 24 septembre 2012) et les rapports annuels de diverses organisations non gouvernementales (Human Rights Watch, Amnesty International, ...) font état de la persistance de l’usage de la torture à l’encontre des personnes soupçonnées d’appartenir à des réseaux terroristes.
EN DROIT
I. SUR LA RECEVABILITÉ DES GRIEFS SOULEVÉS AU TITRE DES ARTICLES 2 ET 3 DE LA CONVENTION
31. Le Gouvernement allègue que le requérant aurait saisi la Cour alors qu’il ne possédait pas encore la qualité de victime, ni n’avait épuisé les recours internes à sa disposition. La saisine de la Cour a été faite le 3 mai 2010, date à laquelle l’extradition, certes demandée par les autorités marocaines, n’avait cependant été ni autorisée par les instances judiciaires, ni décidée par le pouvoir politique et encore moins validée par la plus haute juridiction administrative.
32. Le requérant combat cette thèse.
33. La Cour rappelle d’emblée sa jurisprudence selon laquelle, si un requérant a, en principe, l’obligation de tenter loyalement divers recours internes avant de saisir la Cour, elle tolère que le dernier échelon de ces recours soit atteint après le dépôt de la requête, mais avant qu’elle ne soit appelée à se prononcer sur la recevabilité (Ringeisen c. Autriche, 16 juillet 1971, § 91, série A no 13, et E.K. c. Turquie (déc.), no 28496/95, 28 novembre 2000). La Cour observe que le requérant a introduit la requête devant elle alors qu’il était placé sous écrou extraditionnel mais avant que le ministre de la Justice n’ait pris un décret d’extradition à son encontre. Elle note toutefois qu’il n’est pas contesté que fut adopté, le 11 juillet 2011, soit avant que la Cour eût statué sur la recevabilité de l’affaire, un décret accordant l’extradition du requérant, que celui-ci contesta en vain. Il ne fait donc pas de doute que le requérant est en mesure de se prétendre victime de la violation potentielle alléguée des articles 2 et 3. S’agissant du non-épuisement allégué des voies de recours internes, la Cour relève que le Gouvernement n’indique pas les recours que le requérant aurait omis d’exercer à la date où il a fait ses observations. Dans ces conditions, la Cour estime que l’exception de non-épuisement des voies de recours internes et de défaut de qualité de victime soulevée par le Gouvernement ne saurait être retenue.
34. La Cour relève par ailleurs que les griefs ne se heurtent à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il convient donc de les déclarer recevables.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION
35. Le requérant allègue qu’un renvoi vers son pays d’origine, le Maroc, l’exposerait à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :
Article 3
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Thèses des parties
36. Le requérant rappelle les tortures qu’il a subies dans les geôles marocaines avant son départ en raison de son engagement en faveur de la cause sahraouie et dit craindre de subir des mauvais traitements en cas de mise à exécution de la demande d’extradition.
37. Il observe, en effet, que, malgré la volonté affichée par le roi du Maroc, Mohamed VI, d’enquêter sur les violations des droits de l’homme commises sous l’égide du roi Hassan II et de procéder à des changements radicaux dans le pays, les rapports des organisations non gouvernementales et des institutionnels démontrent que la situation ne s’est guère améliorée.
38. A l’appui de ses allégations, le requérant cite le rapport du Comité contre la torture qui dénonce les tortures pratiquées à l’encontre des personnes suspectées d’appartenir à des réseaux terroristes ou d’être des partisans de l’indépendance du Sahara occidental. Il se réfère également aux rapports annuels d’Human Rights Watch et d’Amnesty International qui font état des tortures pratiquées à l’encontre des personnes suspectées de terrorisme.
39. Le Gouvernement reconnaît, comme l’ont d’ailleurs fait l’OFPRA et la CNDA, qu’il est impossible d’exclure que le requérant pourrait, compte tenu de son implication dans les réseaux de la mouvance islamiste radicale, être soumis à des traitements inhumains et dégradants contraires à l’article 3. Il insiste cependant sur le fait que, tant devant la Cour que devant les juridictions nationales, le requérant dit craindre des traitements contraires à l’article 3 uniquement en raison de sa qualité revendiquée de militant de l’autodétermination du Sahara occidental et qu’il conteste même tout lien avec des organisations terroristes. Or, le Gouvernement observe que la qualité prétendue du requérant de partisan de l’indépendance sahraouie et sa collaboration avec les services de renseignements marocains ne sont nullement étayés. Il renvoie, à cet égard, aux appréciations faites par les juridictions internes. Il conclut donc au caractère mal fondé de ce grief.
B. Appréciation de la Cour
1. Quant aux risques liés à l’accusation de terrorisme
40. La Cour note que le Gouvernement allègue que le requérant lie et a toujours lié son risque d’exposition à des traitements contraires à l’article 3 à sa qualité revendiquée de militant de la cause sahraouie, et l’invite, en conséquence, à se prononcer au regard de cette seule circonstance sans prendre en considération la dimension terroriste de l’affaire. La Cour observe cependant que l’appartenance du requérant à une mouvance terroriste a été largement discutée devant les juridictions internes et, en particulier, devant celles en charge de l’asile (voir paragraphes 20 à 22). Elle relève ensuite que, dans ses observations, le requérant a visé plusieurs rapports internationaux dénonçant les tortures pratiquées à l’encontre des personnes soupçonnées d’appartenir à un réseau terroriste. Elle constate enfin que la demande d’extradition est motivée par des faits liés au terrorisme. Les autorités marocaines soupçonnent, en effet, le requérant d’être un membre actif de la branche d’AQMI, ce que semblent d’ailleurs confirmer les services secrets français. L’existence de risques de traitements contraires à l’article 3 doit donc être examinée au regard de ces circonstances particulières.
A cet égard, la Cour souhaite réaffirmer le caractère absolu de la prohibition de la torture ou des peines ou traitements inhumains et dégradants prévue par l’article 3 de la Convention, quels que soient les agissements de la personne concernée, aussi indésirables et dangereux soient-ils. Elle tient également à réitérer l’impossibilité de mettre en balance le risque de mauvais traitements et les motifs invoqués pour l’expulsion afin de déterminer si la responsabilité d’un Etat est engagée sur le terrain de l’article 3, tout en soulignant qu’elle a pleinement conscience des difficultés considérables que les Etats rencontrent pour protéger leur population de la violence terroriste (Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, §§ 127 et suiv., CEDH 2008, et Daoudi précité, no 19576/08, §§ 64 et 65).
41. A la lecture des rapports précités (voir paragraphes 29 et 30 ci‑dessus), la Cour considère que la situation des droits de l’homme au Maroc a peu évolué depuis l’arrêt Boutagni c. France (no 42360/08, § 46, 18 novembre 2010) et que les mauvais traitements réservés aux personnes soupçonnées de participation à des entreprises terroristes persistent. La Cour est d’avis qu’au vu du profil du requérant, le risque de violation de l’article 3 de la Convention en cas de retour est réel. Elle note d’ailleurs que le Gouvernement, tout comme les juridictions internes, ont reconnu que les craintes du requérant de subir des persécutions en cas de retour au Maroc étaient plausibles (voir paragraphes 20-23 et 39 ci-dessus).
42. La Cour constate enfin qu’à la différence de l’arrêt Boutagni précité, le Gouvernement n’a, en aucune manière, pris l’engagement de ne pas éloigner le requérant vers le Maroc.
43. Eu égard à tout ce qui précède, la Cour considère qu’un renvoi du requérant vers le Maroc emporterait violation de l’article 3 de la Convention.
2. Quant aux risques liés à la qualité revendiquée du requérant de militant de la cause sahraouie
44. Eu égard à la conclusion à laquelle elle a abouti (voir paragraphe 43), la Cour n’estime pas nécessaire de se prononcer sur les risques encourus par le requérant, en cas de renvoi, en raison de son soutien en faveur de l’autodétermination du Sahara occidental.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DE LA CONVENTION
45. Le requérant allègue qu’un renvoi vers son pays d’origine, le Maroc, l’exposerait à une mort certaine en violation de l’article 2 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée :
Article 2
« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.
2. La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire :
a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ;
c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection. »
46. Le Gouvernement estime ce grief manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention. Il fait valoir que les faits motivant la demande d’extradition du requérant ne sont pas passibles de la peine de mort. La loi marocaine du 28 mai 2003 relative à la lutte contre le terrorisme prévoit, en effet, une peine maximale de trente ans d’emprisonnement pour les faits pour lesquels l’extradition du requérant a été sollicitée, à savoir les faits qualifiés de « constitution de bande criminelle pour préparer et commettre des actes terroristes dans le cadre d’une entreprise collective visant à porter gravement atteinte à l’ordre public ; incitation d’autrui à perpétrer des actes terroristes ; assistance à auteur d’actes terroristes ».
47. Le Gouvernement rappelle, en outre, qu’en vertu du principe de spécialité consacré à l’article 42 de la convention franco-marocaine d’aide mutuelle judiciaire, d’exequatur des jugements et d’extradition du 5 octobre 1957, le requérant ne pourra être poursuivi, jugé ou détenu pour une infraction antérieure à la remise autre que celle ayant motivé l’extradition, sans le consentement de l’Etat français. Or, en l’espèce, les autorités marocaines se sont expressément engagées, dans leur demande d’extradition, à respecter ce principe de spécialité. Le Gouvernement en conclut que le requérant n’encourt pas la peine de mort pour les faits pour lesquels son extradition est demandée aux autorités françaises et qu’en outre, il ne pourra être poursuivi, ni jugé, ni condamné à mort pour tout fait antérieur à sa remise autre que ceux ayant fait l’objet de la demande d’extradition litigieuse.
48. Le requérant dit risquer d’être condamné à la peine de mort en cas de renvoi au Maroc. Il se réfère à la loi du 28 mai 2003 qui intègre au code pénal marocain deux dispositions : l’une prévoyant la peine de mort lorsque les actes de terrorisme commis ont entraîné la mort d’une ou plusieurs personnes ; l’autre relevant les peines prévues, en allant le cas échéant jusqu’à la condamnation à mort, lorsque les faits commis constituent des infractions de terrorisme. Il fait, par ailleurs, valoir que les autorités marocaines ne se sont nullement engagées à ne pas le mettre à mort.
49. Eu égard au constat relatif à l’article 3 de la Convention (paragraphe 44), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de l’article 2.
IV. SUR LES AUTRES GRIEFS
50. Le requérant se plaint, de manière assez confuse, de ce que son droit à un procès équitable aurait été méconnu. Il invoque, par ailleurs, l’article 13 de la Convention pour contester l’effectivité de son droit au recours.
51. La Cour observe que, outre le problème du défaut d’applicabilité de l’article 6 en la matière (Maaouia c. France [GC], no 39652/98, § 40, CEDH 2000‑X), le requérant n’explicite nullement ces deux griefs et qu’il ne précise ni de quel procès inéquitable il se plaint, ni quel recours son second grief concerne. Il s’ensuit que cette partie de la requête doit être rejetée en application de l’article 35 §§ 1, 3 a) et 4 de la Convention.
V. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 39 DU RÈGLEMENT DE LA COUR
52. La Cour rappelle que, conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, le présent arrêt deviendra définitif : a) lorsque les parties déclareront qu’elles ne demanderont pas le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre ; ou b) trois mois après la date de l’arrêt, si le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre n’a pas été demandé ; ou c) lorsque le collège de la Grande Chambre rejettera la demande de renvoi formulée en application de l’article 43.
53. Elle considère que les mesures qu’elle a indiquées au Gouvernement en application de l’article 39 de son règlement (paragraphes 3-4 ci-dessus) doivent demeurer en vigueur jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.
VI. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
54. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
55. Le requérant n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu de lui octroyer de somme à ce titre.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare recevables les griefs du requérant au titre des articles 2 et 3 de la Convention, et irrecevable le restant de la requête ;
2. Dit que, dans l’éventualité de la mise à exécution de la décision de renvoyer le requérant vers le Maroc, il y aurait violation de l’article 3 de la Convention ;
3. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 2 de la Convention ;
4. Décide de continuer à indiquer au Gouvernement, en application de l’article 39 de son règlement, qu’il est souhaitable, dans l’intérêt du bon déroulement de la procédure, de ne pas expulser le requérant jusqu’à ce que le présent arrêt devienne définitif ou que la Cour rende une autre décision à cet égard.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 30 mai 2013, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Claudia WesterdiekMark Villiger
GreffièrePrésident