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17/06/2014 | CEDH | N°001-144930

CEDH | CEDH, AFFAIRE MARIAN TOMA c. ROUMANIE, 2014, 001-144930


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MARIAN TOMA c. ROUMANIE

(Requête no 48372/09)

ARRÊT

STRASBOURG

17 juin 2014

DÉFINITIF

17/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Marian Toma c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Alvina Gyulumyan, présidente,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos,
Johannes Si

lvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du co...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE MARIAN TOMA c. ROUMANIE

(Requête no 48372/09)

ARRÊT

STRASBOURG

17 juin 2014

DÉFINITIF

17/09/2014

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Marian Toma c. Roumanie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une chambre composée de :

Alvina Gyulumyan, présidente,
Ján Šikuta,
Luis López Guerra,
Kristina Pardalos,
Johannes Silvis,
Valeriu Griţco,
Iulia Antoanella Motoc, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière adjointe de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 27 mai 2014,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 48372/09) dirigée contre la Roumanie et dont un ressortissant de cet État, M. Marian Toma (« le requérant »), a saisi la Cour le 20 août 2009 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. A partir du 10 avril 2010, le requérant a été représenté par Me I.M. Peter, avocate à Bucarest. Le gouvernement roumain (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme C. Brumar, du ministère des Affaires étrangères.

3. Le requérant allègue en particulier que ses conditions de détention dans les différents centres pénitentiaires dans lesquels il a purgé une peine de prison ont emporté violation de l’article 3 de la Convention. Il se plaint en outre de la durée de la procédure pénale dirigée contre lui, qu’il estime contraire à l’article 6 § 1 de la Convention.

4. Le 3 janvier 2012, les griefs tirés des articles 3 et 6 § 1 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le requérant est né en 1962 et réside à Bucarest.

A. La procédure pénale menée à l’encontre du requérant

6. Le 20 mai 2001, le requérant, soupçonné de vol de véhicules, fut placé par le parquet en détention provisoire jusqu’au 18 juin 2001. Après cette date, il fut maintenu en détention jusqu’au 27 juillet 2006 par des décisions successives du tribunal compétent pour statuer sur le bien-fondé des accusations portées contre lui, en vertu de l’article 155 du code de procédure pénale en vigueur à l’époque des faits.

7. Par un réquisitoire du 8 février 2002, le parquet renvoya le requérant devant le tribunal départemental de Bucarest afin qu’il fût jugé pour vol.

8. Par un jugement du 6 octobre 2005, le tribunal départemental de Bucarest condamna le requérant à une peine d’emprisonnement de onze ans. L’intéressé interjeta appel.

9. Par un arrêt du 9 février 2006, la cour d’appel de Bucarest rejeta l’appel et confirma le jugement du 6 octobre 2005. Le requérant se pourvut en recours.

10. Par un arrêt définitif du 1er juillet 2009, la Haute Cour de cassation et de justice confirma l’arrêt du 9 février 2006. Elle déduisit de la durée de la peine la durée de la détention effectuée par le requérant.

B. Les conditions de détention du requérant

11. Le 6 juillet 2009, le requérant fut à nouveau arrêté par des policiers en vertu d’un mandat d’arrêt délivré aux fins de l’exécution de la peine de prison à laquelle il avait été condamné par l’arrêt définitif de la Haute Cour de cassation et de justice du 1er juillet 2009. Il fut incarcéré à la maison d’arrêt de la section no 15 de police de Bucarest. Il fut ensuite successivement détenu au centre pénitentiaire de Rahova-Bucarest, dans les hôpitaux pénitentiaires de Jilava-Bucarest et de Dej et, enfin, dans les centres pénitentiaires de Giurgiu et de Slobozia. Le 30 novembre 2012, il bénéficia d’une mise en liberté conditionnelle.

12. Les conditions de détention du requérant telles qu’elles résultent des documents émanant de l’administration nationale des prisons, que le Gouvernement a fait parvenir à la Cour, ont été les suivantes.

13. A la maison d’arrêt de la section no 15 de police de Bucarest, le requérant fut placé dans une cellule de 20,68 m2, qu’il partagea avec sept autres détenus.

14. Par la suite, dans le centre pénitentiaire de Jilava-Rahova, le requérant fut successivement placé dans des cellules de 19,3 m2 et de 19,58 m2, qu’il partagea respectivement avec sept et avec neuf autres détenus.

15. À l’hôpital pénitentiaire de Jilava‑Bucarest, le requérant fut détenu à huit reprises dans des cellules de quatre à six lits chacune, dotées d’un groupe sanitaire propre avec douches, et mesurant entre 20,4 m2 et 38,7 m2.

16. À l’hôpital pénitentiaire de Dej, le requérant fut détenu dans une cellule de 28,28 m2 comprenant sept lits, qu’il partagea avec trois ou quatre autres détenus.

17. Au centre pénitentiaire de Giurgiu, le requérant fut placé successivement dans des cellules d’une superficie comprise entre 16,83 m2 et 17,22 m2, dotées de six lits chacune et d’un groupe sanitaire propre.

18. Au centre pénitentiaire de Slobozia, il fut tout d’abord placé dans une cellule mesurant 14,31 m2 et dotée de neuf lits, qui étaient tous occupés à la période pendant laquelle le requérant s’y est trouvé incarcéré. Il fut ensuite transféré dans une autre cellule. Les informations fournies par le Gouvernement n’indiquent ni la surface de la cellule en question ni son taux d’occupation ou le nombre de lits à la période pendant laquelle le requérant s’y est trouvé incarcéré.

19. La version présentée par le requérant se lit comme suit.

Le nombre de détenus avec lesquels il a partagé ses cellules dépassait la capacité d’hébergement de chacune d’entre elles. Lors de sa détention à la maison d’arrêt de la section no 15 de police de Bucarest, les toilettes se trouvaient à l’extérieur de sa cellule. En dehors des horaires fixés par les gardiens, il devait utiliser un seau, placé au milieu de sa cellule et destiné à l’usage de tous les codétenus. Il ne pouvait prendre de douche qu’à des intervalles de plus de dix jours. Au centre pénitentiaire de Slobozia, les cellules et les matelas étaient infestés de cafards et les groupes sanitaires étaient détériorés par les moisissures ; il n’y avait pas d’eau courante pendant l’été et l’eau potable avait des relents d’eaux usées. Il n’a pas reçu, pendant sa détention, les médicaments et le régime alimentaire qui lui auraient été prescrits par son médecin pour les maladies dont il souffrait.

20. La version présentée par le Gouvernement se lit comme suit.

Le nombre de détenus dans les cellules que le requérant a successivement occupées n’a pas dépassé le nombre de lits qui était prévu pour celles-ci. L’intéressé a eu accès aux groupes sanitaires et aux douches dont auraient été dotées les cellules dans lesquelles il a été détenu. Il a bénéficié des médicaments et du régime alimentaire que lui auraient prescrit les médecins. Un contrôle effectué par le commissaire en chef de la maison d’arrêt de la section no 15 de police à la suite d’une demande du Gouvernement du 19 mars 2013 a permis d’établir que la cellule où le requérant avait été placé était pourvue d’un WC, d’une douche et d’un lavabo en parfait état de fonctionnement, auxquels les détenus auraient eu un accès permanent.

21. Les éléments dont dispose la Cour ne permettent pas de savoir si l’état des lieux décrit par le commissaire en chef en réponse à la demande du Gouvernement du 19 mars 2013 (voir paragraphe 20 ci-dessus) était identique à celui de l’époque à laquelle le requérant y avait été incarcéré (voir paragraphe 19 ci-dessus).

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

22. Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce ainsi que les conclusions du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) rendues à la suite de plusieurs visites effectuées dans des prisons de Roumanie, tout comme ses observations à caractère général, sont résumés dans l’arrêt Iacov Stanciu c. Roumanie (no 35972/05, §§ 113-129, 24 juillet 2012). Les dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 275/2006 sur l’exécution des peines sont décrites dans l’affaire Cucu c. Roumanie (no 22362/06, § 56, 13 novembre 2012).

23. Les extraits pertinents en l’espèce de la Recommandation no (2006)2 du Comité des Ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes, adoptées le 11 janvier 2006, sont décrites dans les arrêts Enea c. Italie ([GC], no 74912/01, § 48, CEDH 2009, et Rupa c. Roumanie (no 1), no 58478/00, § 88, 16 décembre 2008).

EN DROIT

I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

24. Le requérant se plaint des conditions matérielles de sa détention dans les différents centres pénitentiaires où il a purgé sa peine de prison après le 6 juillet 2009. Il allègue en outre ne pas avoir reçu de traitement médical pour les maladies dont il aurait souffert. Il invoque l’article 3 de la Convention, qui est ainsi libellé :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

A. Sur la recevabilité

25. Le Gouvernement excipe de l’irrecevabilité de ce grief pour non‑épuisement des voies de recours internes. Il affirme que le requérant n’a jamais saisi les tribunaux d’une action fondée sur la loi no 275/2006 – loi qui apportait, selon lui, des précisions sur les droits des personnes privées de liberté – pour se plaindre des conditions de sa détention et de l’absence de médicaments.

26. Le requérant estime que la voie de recours indiquée par le Gouvernement n’est pas effective comme l’exigerait l’article 35 § 1 de la Convention.

27. La Cour note que le grief du requérant porte, tout d’abord, sur les conditions matérielles de sa détention dans les différents centres pénitentiaires roumains dans lesquels il a purgé sa peine de prison. Elle rappelle à ce propos avoir déjà jugé, dans des affaires récentes dirigées contre la Roumanie, qu’au vu de la particularité de ce grief la voie indiquée par le Gouvernement ne constituait pas un recours effectif à exercer par les requérants (voir Cucu, précité, § 73, Lăutaru c. Roumanie, no 13099/04, §§ 82-84, 18 octobre 2011, et, mutatis mutandis, Iacov Stanciu, précité, §§ 197-198). Rien ne saurait mener la Cour à une conclusion différente en l’espèce. Partant, il convient de rejeter cette exception du Gouvernement pour ce qui est de la partie du grief concernant les conditions matérielles de détention.

28. S’agissant du restant du grief du requérant relatif à l’insuffisance alléguée de son traitement médical, la Cour rappelle qu’elle a déjà conclu qu’un recours fondé sur les dispositions de la loi no 275/2006 constituait en la matière un recours effectif au sens de l’article 35 § 1 de la Convention (voir, en ce sens, Petrea c. Roumanie, no 4792/03, § 36 et 37, 29 avril 2008, Coman c. Roumanie, no 34619/04, § 45, 26 octobre 2010, et Măciucă c. Roumanie, no 25763/03, § 19, 26 mai 2009). En l’espèce, rien n’indique que le requérant a exercé cette voie de recours interne qui lui était accessible et qui lui aurait permis de faire redresser ses griefs au niveau national. Il convient donc d’accueillir l’exception du Gouvernement pour cette partie du grief, qui doit par conséquent être rejeté pour non‑épuisement des voies de recours internes, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

29. Constatant que la partie du grief portant sur les conditions matérielles de détention n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.

B. Sur le fond

30. Le requérant maintient que les conditions de détention dans les centres pénitentiaires dans lesquels il a purgé sa peine de prison après le 6 juillet 2009 ont constitué un traitement contraire à l’article 3 de la Convention.

31. Le Gouvernement renvoie à la description des conditions de détention du requérant fournie par l’administration pénitentiaire (paragraphes 13-18 et 20 ci-dessus) sans exprimer d’avis quant à leur compatibilité avec les exigences imposées par l’article 3 de la Convention.

32. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclu à plusieurs reprises à l’égard de la Roumanie à la violation de l’article 3 en raison des conditions de détention inappropriées, notamment du surpeuplement et accessoirement des conditions d’hygiène, régnant dans les mêmes prisons que celles dans lesquelles l’intéressé a été incarcéré et à des périodes proches de celles de sa détention (voir, parmi d’autres, Toma Barbu c. Roumanie, no 19730/10, § 70, 30 juillet 2013, Banu c. Roumanie, no 60732/09, §§ 36-37, 11 décembre 2012, Györgypál c. Roumanie, no 29540/08, § 73, 26 mars 2013, Scarlat c. Roumanie, nos 68492/10 et 68786/11, § 57, 23 juillet 2013, Flamînzeanu c. Roumanie, no 56664/08, § 92, 12 avril 2011, Bădilă c. Roumanie, no 31725/04, § 76, 4 octobre 2011, et Fane Ciobanu c. Roumanie, no 27240/03, §§ 72-73, 11 octobre 2011).

33. Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ou argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. En l’espèce, même à supposer qu’il n’y ait pas eu plus de détenus que de lits disponibles dans chacune des cellules dans lesquelles le requérant a successivement purgé sa peine de prison, aspect sur lequel les parties sont en désaccord, force est de constater qu’il ressort avec certitude des renseignements fournis par le Gouvernement que l’espace individuel dont le requérant disposait, la plupart du temps, dans sa cellule était bien inférieur à la norme de 4 m² recommandée par le CPT pour les cellules collectives. Une telle situation de surpeuplement ne peut qu’accroître les difficultés des autorités et des détenus à maintenir un niveau d’hygiène correcte (voir, mutatis mutandis, Ion Ciobanu c. Roumanie, no 67754/10, § 42, 30 avril 2013).

34. Dès lors, la Cour estime que, compte tenu des conditions de détention que le requérant a subies, les autorités ont soumis celui-ci à une épreuve d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

35. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

36. Le requérant allègue que la durée de la procédure pénale dirigée contre lui a méconnu le principe du « délai raisonnable » tel que prévu par l’article 6 § 1 de la Convention. Cette disposition est ainsi libellée dans ses parties pertinentes en l’espèce :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) dans un délai raisonnable, par un tribunal (...), qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. »

37. Le Gouvernement combat cette thèse.

38. La Cour note que la période à considérer a débuté le 20 mai 2001, lors de la mise en détention provisoire du requérant, et qu’elle s’est terminée le 1er juillet 2009, date à laquelle le requérant a été condamné par l’arrêt définitif de la Haute Cour de cassation et de justice. La durée en cause est donc de huit ans, un mois et treize jours, pour trois degrés de juridiction.

A. Sur la recevabilité

39. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour décide de le déclarer recevable.

B. Sur le fond

40. La Cour rappelle que le caractère raisonnable de la durée d’une procédure s’apprécie suivant les circonstances de la cause et eu égard aux critères consacrés par sa jurisprudence, en particulier la complexité de l’affaire, le comportement du requérant et celui des autorités compétentes ainsi que l’enjeu du litige pour les intéressés (voir, parmi beaucoup d’autres, Pélissier et Sassi c. France [GC], no 25444/94, § 67, CEDH 1999‑II).

41. Elle rappelle également avoir conclu à maintes reprises dans des affaires soulevant des questions semblables à celle de la présente espèce à la violation de l’article 6 § 1 de la Convention (voir, entre autres, Pélissier et Sassi précité, § 75 et Sereny c. Roumanie, no 13071/06, § 116, 18 juin 2013).

42. En l’espèce, après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis, la Cour considère que le Gouvernement n’a exposé aucun fait ni argument pouvant mener à une conclusion différente dans le cas présent. Compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime qu’en l’espèce la durée de la procédure litigieuse est excessive et qu’elle n’a pas répondu à l’exigence du « délai raisonnable ».

43. Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.

III. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES

44. Le requérant dénonce une violation de l’article 5 § 3 de la Convention au motif qu’il n’a pas été aussitôt traduit devant un juge ou un autre magistrat indépendant et impartial après sa mise en détention provisoire ordonnée par le parquet le 20 mai 2001.

45. La Cour relève que le requérant ne disposait, à l’époque des faits, d’aucune voie de recours interne pour redresser la situation litigieuse (Pantea c. Roumanie, no 33343, §§ 238-239, CEDH 2003-VI). Le délai de six mois prévu par l’article 35 § 1 de la Convention court dès lors à compter de la fin de la situation incriminée (Mujea c. Roumanie (déc.) no 44696/98, 10 septembre 2002, et Agaoglu c. Turquie (déc.), no 27310/95, 28 août 2001), à savoir, en l’espèce, à partir du 18 juin 2001, date à laquelle la détention ordonnée par le parquet est arrivée à terme. Or, en l’espèce, la requête a été introduite le 20 août 2009, soit plus de six mois après la fin de la situation incriminée.

46. Il s’ensuit que ce grief est tardif et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

47. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

A. Dommage matériel et moral

48. Le requérant demande 1 000 euros (EUR) pour dommage matériel, somme qui représente à ses dires les frais que sa famille a déboursés pour lui procurer les médicaments qui lui auraient été nécessaires pendant sa détention. Il demande en outre 60 000 EUR pour dommage moral.

49. Le Gouvernement estime que le montant demandé par le requérant est exorbitant par rapport aux sommes octroyées par la Cour dans des affaires similaires.

50. La Cour n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette par conséquent cette demande. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 9 400 EUR au titre du préjudice moral.

B. Frais et dépens

51. Le requérant demande également 1 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour. Il produit un contrat d’assistance juridique stipulant que, à la fin de la procédure devant la Cour, il devra payer à sa représentante la somme de 4 000 lei (soit l’équivalent de 898 euros). Il demande que, au cas où la Cour lui accorderait une somme à ce titre, celle-ci soit versée directement sur le compte de sa représentante.

52. Le Gouvernement indique que le requérant n’a pas fourni de facture pour prouver la réalité des frais exposés et il estime que le montant réclamé est excessif.

53. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, bien que le document produit par la représentante de l’intéressé devant la Cour ne soit pas à proprement parler une facture ou un reçu, il reste qu’elle a fourni, depuis le 10 avril 2010, l’assistance juridique nécessaire au requérant, en vertu d’un contrat d’assistance juridique qu’ils avaient conclu ensemble (voir, mutatis mutandis, Sampani et autres c. Grèce, no 59608/09, § 120, 11 décembre 2012, et Patsouria c. Georgie, no 30779/04, § 103, 6 novembre 2007).

54. A la lumière des documents dont elle dispose et compte tenu de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant la somme de 800 EUR. Elle accueille aussi la demande concernant le versement direct de cette somme sur le compte bancaire de sa représentante.

C. Intérêts moratoires

55. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable quant aux griefs relatifs aux conditions matérielles de détention du requérant et à la durée de la procédure pénale dirigée contre lui, tirés des articles 3 et 6 § 1 de la Convention, et irrecevable pour le surplus ;

2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;

4. Dit

a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :

i. 9 400 EUR (neuf mille quatre cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, pour dommage moral (somme à verser au requérant) ;

ii. 800 EUR (huit cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par le requérant, pour frais et dépens (somme à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement et à verser directement sur le compte bancaire de sa représentante) ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 17 juin 2014, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Marialena TsirliAlvina Gyulumyan
Greffière adjointePrésidente


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-144930
Date de la décision : 17/06/2014
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 3 - Interdiction de la torture (Article 3 - Traitement dégradant;Traitement inhumain) (Volet matériel);Violation de l'article 6 - Droit à un procès équitable (Article 6 - Procédure pénale;Article 6-1 - Délai raisonnable)

Parties
Demandeurs : MARIAN TOMA
Défendeurs : ROUMANIE

Composition du Tribunal
Avocat(s) : PETER I.M.

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

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