DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE GÜMRÜKÇÜLER ET AUTRES c. TURQUIE
(Requête no 9580/03)
Cet arrêt a été révisé conformément à l’article 80 du règlement de la Cour par un arrêt du 26 mars 2019.
ARRÊT
(Satisfaction équitable)
STRASBOURG
7 février 2017
DÉFINITIF
29/05/2017
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Gümrükçüler et autres c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Julia Laffranque, présidente,
Işıl Karakaş,
Nebojša Vučinić,
Paul Lemmens,
Valeriu Griţco,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 17 janvier 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 9580/03) dirigée contre la République de Turquie et dont trente-quatre ressortissants de cet État (« les requérants »), dont les noms et dates de naissance figurent en annexe, ont saisi la Cour le 15 janvier 2003 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un arrêt du 26 janvier 2010 (« l’arrêt au principal »), la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Gümrükçüler et autres c. Turquie, no 9580/03, § 33, 26 janvier 2010). La Cour a également dit qu’il y avait eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention (idem, § 38).
3. S’appuyant sur l’article 41 de la Convention, les requérants réclamaient certaines sommes pour les préjudices qu’ils estimaient avoir subis.
4. La question de l’application de l’article 41 de la Convention ne se trouvant pas en état, la Cour l’a réservée et a invité le Gouvernement et les requérants à lui soumettre par écrit, dans un délai de trois mois à compter du jour où l’arrêt deviendrait définitif, leurs observations sur ladite question, et notamment à lui donner connaissance de tout accord auquel ils pourraient aboutir (idem, § 44 et point 4 du dispositif).
5. Tant les requérants que le Gouvernement ont déposé des observations.
6. Aucun accord permettant d’aboutir à un règlement amiable n’a été trouvé.
EN DROIT
7. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Observations des parties
1. Dommage matériel
8. Les requérants allèguent avoir subi un préjudice matériel pour lequel ils réclament un montant total de 107 204 581,58 euros (EUR) correspondant à la valeur totale des deux terrains à la date à laquelle ils en ont été privés, à savoir le 24 juin 2002 (55 485 577 EUR), au manque à gagner (21 918 453,58 EUR) et aux intérêts moratoires (29 800 551 EUR). Pour parvenir à ces sommes, les requérants se basent sur plusieurs éléments.
Tout d’abord, ils expliquent avoir demandé au tribunal d’instance d’Alanya d’ordonner l’expertise d’un terrain voisin pour pouvoir évaluer la valeur des terrains litigieux étant donné qu’ils n’avaient plus la qualité de propriétaires de ces derniers en droit interne, et qu’ils se sont donc basés sur la valeur définie par l’expert désigné le 26 octobre 2007 par le tribunal d’instance d’Alanya. Ils ajoutent que, dans son rapport du 6 novembre 2007, l’expert a évalué la valeur d’un terrain voisin, sis dans le quartier de Tepe à Alanya, à 280 livres turques (TRY) par m² (environ 164,91 EUR par m² à l’époque de l’expertise) et que, selon le calcul fait à partir de ce montant unitaire, la valeur de leurs terrains était de 32 514 130,00 EUR au 6 novembre 2007.
Ensuite, les requérants fournissent un rapport établi par la direction des biens de la sous-préfecture d’Alanya (Alanya Kaymakamlığı Mal Müdürlüğü), établi le 20 novembre 2007, document qui contient les valeurs des biens immobiliers mis en vente aux enchères à Bektaş, quartier voisin de Tepe. Selon ce document, le prix au mètre carré des douze terrains choisis comme exemples par les requérants varie entre 194 EUR par m² et 281 EUR par m². D’après ces chiffres, la valeur des deux terrains des requérants se situerait entre 38 299 967 EUR et 55 595 988 EUR.
Les requérants versent également au dossier les avis de trois marchands de biens différents. D’après ces avis, la valeur totale des terrains en 2002 serait de 31 546 06 EUR, 28 588 616 EUR et 29 574 431 EUR respectivement.
Enfin, les requérants soutiennent que la ville d’Alanya est une ville touristique très recherchée et que la valeur des terrains y a beaucoup augmenté ces dernières années. Dans l’hypothèse de la construction de 342 villas de luxe sur deux parcelles représentant 128 350,88 m², dont 35 % seraient laissés à la municipalité pour des lieux publics, la valeur de leurs terrains atteindrait 55 485 577 EUR selon les chiffres de 2002. Selon un rapport établi le 14 février 2008 par un autre expert, les requérants auraient pu réaliser un bénéfice de 77 404 030,58 EUR en cas de construction de 342 villas de luxe sur les deux parcelles susmentionnées, après avoir cédé 35 % du terrain à la municipalité.
Se fondant sur le constat de violation de l’article 6 § 1 de la Convention, les requérants demandent également 10 000 EUR pour dommage matériel.
Avec leurs observations complémentaires du 7 avril 2015, les requérants ont versé au dossier un rapport d’expertise d’une parcelle voisine, établi le 1er mars 2013 sur demande du tribunal d’instance d’Alanya. Dans ce rapport, l’expert évaluait la valeur du terrain, sis dans le quartier de Tepe à Alanya, à 500 TRY par m² (environ 208,87 EUR par m² à l’époque de l’expertise). Selon le calcul fait à partir de ce montant unitaire, la valeur des terrains des requérants, d’une superficie totale de 197 162,88 m² (114 872,35 m² pour la parcelle no 2 et 82 290,53 m² pour la parcelle no 12), serait de 41 181 410 EUR au 1er mars 2013.
9. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces demandes, qu’il juge dépourvues de fondement. Étant donné les prix actuels pratiqués dans le secteur, la demande des requérants serait exagérée. Par ailleurs, même s’ils avaient conservé leurs titres de propriété, ils n’en auraient à son avis tiré que des profits limités, dans la mesure où leurs terrains n’auraient pas été couverts par les plans d’urbanisme, et qu’il n’aurait pas été possible d’y pratiquer des activités agricoles en raison de leur dénivelé. Le Gouvernement avance que les rapports versés au dossier sont fictifs et n’ont aucune valeur probante. Il rappelle que les preuves doivent être obtenues selon la procédure interne prévue à cet effet. Il expose les arguments suivants :
– les requérants fondent leur demande pour dommage matériel sur le rapport d’un expert concernant un terrain voisin des parcelles litigieuses ; ils versent au dossier un rapport d’expertise ordonné par le tribunal d’instance d’Antalya qui n’a pas de rapport avec le cas d’espèce ;
– une décision du tribunal d’instance prise afin d’administrer les preuves n’est pas contraignante – il s’agit seulement d’établir des faits sur demande unilatérale du justiciable ; selon les articles 368 à 374 du code de procédure civile, l’administration des preuves est une procédure par laquelle des preuves factuelles concernant un litige ou un incident sont rapportées et préservées par une action en justice ;
– selon la législation nationale et certaines dispositions constitutionnelles, les forêts d’État ne peuvent en aucun cas être détenues en propriété privée ; par conséquent, l’enregistrement d’un terrain de cette nature au nom de particuliers est juridiquement impossible, tout comme l’utilisation du terrain en tant que propriété privée ou pour y construire un bâtiment ; un terrain de cette nature, qui ne peut faire l’objet d’une transaction, n’a pas de valeur sur le marché ; par conséquent, la détermination de sa valeur actuelle est impossible ;
– les requérants spéculent sur leur prétendu manque à gagner et soumettent des chiffres fictifs, alléguant avoir été privés du produit de la vente de certains bâtiments qui auraient pu être construits sur les terrains litigieux ; le Gouvernement s’oppose aux prétentions des requérants concernant leur manque à gagner supposé et les intérêts moratoires, assortis d’un taux d’intérêt spéculatif.
Quant à la valeur du terrain, le Gouvernement verse au dossier un rapport du 11 juin 2010, préparé par les experts de la branche du Trésor public de la préfecture d’Antalya, sur l’actualisation de la valeur des biens immobiliers en question. Selon ce rapport, la valeur des terrains, d’une superficie totale de 197 162,88 m² (114 872,35 m² pour la parcelle no 2 et 82 290,53 m² pour la parcelle no 12), serait de 1 967 995,20 TRY (environ 1 035 786 EUR à l’époque de l’évaluation), le prix au mètre carré étant fixé à 10 TRY.
Ce rapport du 11 juin 2010, préparé à la lumière des informations fournies, entre autres, par la direction de l’urbanisme de la municipalité d’Antalya le 3 juin 2010 et versé au dossier par le Gouvernement, contient certaines observations quant aux caractéristiques des terrains, ainsi libellées :
– selon le plan d’urbanisme détaillé (au 1/1000e), les terrains sont constructibles, avec un coefficient de constructibilité plafonné à 0,2 ; une partie en est réservée aux espaces publics et à l’édification de bâtiments publics ;
– il est possible d’y ériger des maisons individuelles de deux étages ;
– ils se trouvent dans une zone urbaine ;
– ils sont situés à une distance de 5 km du centre-ville et de 5,1 km de la côte ;
– la zone bénéficie de toutes sortes d’infrastructures et de services, à savoir l’eau, l’électricité, un système de canalisations et un réseau de transports en commun ;
– la valeur des terrains au m² pour le calcul de la taxe foncière de l’année 2010 est de 40 TRY par m² (environ 20,90 EUR à la date de l’établissement du rapport).
Dans ses observations complémentaires du 20 mai 2015, le Gouvernement actualise la valeur des terrains en se basant sur le rapport du 11 juin 2010 précité. Selon lui, la valeur actuelle des deux parcelles serait de 2 755 193,28 TRY (environ 956 664 EUR au 20 mai 2015), à savoir 1 599 668,98 TRY pour la parcelle no 2 de 114 872,35 m² et 1 155 524,30 TRY pour la parcelle no 12 de 82 290,53 m².
Dans les documents annexés aux observations complémentaires du Gouvernement, les valeurs minimales officielles des biens immobiliers à prendre en considération pour le calcul de la taxe foncière seraient de 40 TRY par m² (environ 20,90 EUR) pour l’année 2010 et de 42,50 TRY par m² (environ 14 EUR) pour l’année 2015.
10. Selon un document établi par la branche du Trésor public de la préfecture d’Antalya en date du 30 mars 2015, les requérants n’ont pas formulé de demande de transfert des titres de propriété des terrains litigieux dans le cadre de l’article 7 de la loi no 6292[1] et n’ont pas non plus réclamé d’indemnisation.
11. Le Gouvernement prie la Cour de rejeter la demande des requérants pour dommage moral. Selon lui, un constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 constituerait une réparation suffisante.
12. En ce qui concerne la valeur du terrain au moment de l’introduction de la demande en droit interne (1994), les parties n’ont versé aucun document au dossier dans le cadre de l’article 41 de la Convention. La Cour constate toutefois que selon un rapport établi par l’expert agricole le 17 juillet 1996, la valeur au mètre carré du terrain s’élevait à 200 000 anciennes livres turques (TRL), soit 39 432 456 000 TRL pour une superficie totale de 197 162,28 m².
2. Dommage moral
13. Les requérants réclament également un montant total de 1 700 000 EUR pour dommage moral, soit 50 000 EUR par personne.
14. Le Gouvernement prie la Cour de rejeter la demande des requérants pour dommage moral. Selon lui, un constat de violation de l’article 1 du Protocole no 1 constituerait une réparation suffisante.
3. Frais et dépens
15. Se fondant sur le barème du barreau d’Ankara, les requérants réclament 5 500 TRY (environ 2 500 EUR) pour les frais de représentation. Par ailleurs, ils sollicitent également 15 % du montant demandé au titre du dommage, soit 16 335 687,23 EUR, pour les honoraires de leurs avocats.
16. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces demandes, qu’il considère comme exagérées et infondées.
B. Le droit et la jurisprudence internes pertinents
17. Le droit et la pratique internes pertinents en l’espèce sont décrits en détail dans les arrêts Turgut et autres c. Turquie (no 1411/03, §§ 41-67, 8 juillet 2008), et Altunay c. Turquie ((déc.), no 42936/07, §§ 20-23, 17 avril 2012).
18. La décision Altunay contient également des exemples des arrêts de la Cour de cassation par lesquels elle a développé une nouvelle ligne jurisprudentielle qui apporte des changements radicaux quant au délai de prescription pour l’introduction d’un recours en indemnisation et notamment au mode de calcul du montant de l’indemnité (§ 27).
19. Les exemples pertinents des arrêts la Cour concernant la satisfaction équitable dans les affaires du domaine forestier sont les suivants : Turgut et autres c. Turquie (satisfaction équitable), no 1411/03, 13 octobre 2009, Köktepe c. Turquie (satisfaction équitable), no 35785/03, 13 octobre 2009, Keçeli et Başpınar c. Turquie, no 21426/03, §§ 49-56, 26 janvier 2010, Nural Vural c. Turquie (satisfaction équitable), no 16009/04, 20 mai 2010, Rimer et autres c. Turquie (satisfaction équitable), no 18257/04, 20 mai 2010, et Temel Conta Sanayi Ve Ticaret A.Ş. c. Turquie (satisfaction équitable), no 45651/04, 14 septembre 2010.
C. Développements récents en droit interne
1. La loi no 6384 et le décret du 16 mars 2014
20. Dans le cadre de la procédure d’arrêt pilote Ümmühan Kaplan c. Turquie (no 24240/07, §§ 29 et 74-75, 20 mars 2012), le gouvernement défendeur avait pris l’engagement d’établir une voie de recours ad hoc pour remédier au problème structurel concernant les délais excessifs de procédure en se conformant à la jurisprudence de la Cour en la matière.
21. Dans ce contexte est entrée en vigueur, le 19 janvier 2013, la loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme (Avrupa İnsan Hakları Mahkemesine yapılmış bazı başvuruların tazminat ödenmek suretiyle çözümüne dair kanun).
22. Cette loi a mis en place une commission d’indemnisation, et elle a énoncé les principes et la procédure à suivre relativement à l’indemnisation dans les affaires de durée de la procédure ainsi que dans celles relatives à la non-exécution ou à l’exécution partielle ou tardive de décisions judiciaires.
Elle s’applique à toutes les requêtes introduites devant la Cour avant le 23 septembre 2012, date d’entrée en vigueur de la voie de recours individuel devant la Cour constitutionnelle turque.
23. La teneur des dispositions pertinentes en l’espèce de la loi no 6384 peut se résumer comme suit :
. L’article 2 a) dispose notamment que cette loi s’applique aux affaires de droit pénal, de droit privé et de droit administratif non terminées dans un délai raisonnable ainsi qu’à celles relatives à l’exécution tardive ou partielle ou bien à la non-exécution de décisions de justice.
. L’article 4 prévoit la création d’une commission d’indemnisation (ci‑après « la commission ») composée de quatre magistrats et d’un fonctionnaire du ministère des Finances.
. Aux termes de l’article 7, premier alinéa, la commission doit se prononcer sur toute demande dont elle est saisie dans un délai de neuf mois.
. L’article 7, deuxième alinéa, énonce que les décisions rendues par la commission doivent être motivées, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
. L’article 7, alinéa 3, dispose notamment que les décisions rendues par la commission sont susceptibles de recours devant le tribunal administratif régional d’Ankara dans un délai de quinze jours après la notification de la décision concernée. Le tribunal administratif régional doit statuer sur le bien-fondé de ce recours dans un délai de trois mois. L’indemnité accordée par la commission doit être payée par le ministère de la Justice dans un délai de trois mois à compter du jour où la décision de la commission sera devenu définitive, augmentée de tout montant pouvant être dû aux titres des taxes et frais y relatifs.
. D’après l’article 8, premier alinéa, une copie de la décision de la commission devenue définitive doit être notifiée à l’autorité judiciaire ou administrative concernée.
. L’article 8, deuxième alinéa, énonce que l’autorité judiciaire ou administrative concernée doit terminer rapidement (ivedilikle) les procédures qui seraient encore pendantes devant elle.
. D’après l’article 9, cette loi s’applique à toutes les requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme avant le 23 septembre 2012 (Turgut et autres c. Turquie (déc.), no 4860/09, 26 mars 2013).
24. Par un décret du 16 mars 2014, le Conseil des ministres a étendu le champ de compétence ratione materiae et ratione temporis de la commission, conformément aux dispositions de la loi no 6384 (articles 2 et 9). Le droit interne pertinent en l’espèce est décrit en détail dans la décision Yıldız et Yanak c. Turquie ((déc.), no 44013/07, 27 mai 2014).
2. Le décret du 9 mars 2016
25. Par un décret du 9 mars 2016, le Conseil des ministres a étendu une nouvelle fois le champ de compétence ratione materiae de la commission. L’article 4 du décret indique que celle-ci est désormais compétente pour examiner les requêtes suivantes :
« a) Des requêtes concernant des allégations de violation du droit de propriété en raison de l’annulation du titre de propriété au motif que [le bien immobilier] faisait partie du domaine forestier ou en application de l’article 2/B de la loi no 6831du 31 août 1956, ou en raison de la constatation de la nature forestière du bien immobilier lors d’un travail cadastral ou d’un travail cadastral forestier ;
b) des requêtes concernant des allégations de violation du droit de propriété en raison de l’annulation du titre de propriété au motif qu’il faisait partie du littoral ;
c) des requêtes concernant des allégations de violation du droit de propriété en raison de l’affectation du bien immobilier à un usage public par un plan d’urbanisme.
(...). »
D. Demande du Gouvernement
26. Par une lettre du 22 avril 2016, le Gouvernement demande à la Cour de déclarer la présente requête irrecevable conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, eu égard aux modifications légales apportées en Turquie concernant la Commission d’indemnisation dont les compétences ont été élargies par un décret ministériel du 25 janvier 2016. À ce sujet il apporte à la connaissance de la Cour les informations suivantes :
« La Cour, dans son arrêt pilote Ümmihan Kaplan c. Turquie, avait constaté qu’il existait en Turquie un problème tant structurel que systématique en ce qui concerne l’exigence relative au délai raisonnable au sens de l’article 6 § 1 de la Convention (Ümmihan Kaplan c. Turquie, §§ 48 et 49, 20 mars 2012).
Consécutivement à l’arrêt pilote, une Commission d’Indemnisation a été instaurée avec pour objectif de résoudre certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme par l’octroi d’indemnité (loi no 6384). Cette loi a créé une nouvelle voie de recours pour les allégations de durée excessive de la procédure. La Cour dans sa décision du 26 mars 2013 concernant la requête no 4860/09 de Müdür Turgut et autres c. Turquie et sa décision du 4 juin 2013 concernant la requête no 56125/10 de Demiroğlu et autres c. Turquie, a conclu à l’irrecevabilité de la requête pour non épuisement des voies de recours internes au motif que la nouvelle voie de recours était une voie de recours effective et accessible et offrait aux requérants des perspectives raisonnables de redressement de leurs griefs concernant la durée excessive de la procédure au sens de l’article 6 § 1 de la Convention.
La Cour a également noté que la loi no 6384 était applicable à toutes les requêtes pendantes devant elle, soumises avant le 23 septembre 2012 et non encore communiquées au Gouvernement. De même, dans ses décisions telles que Müge Sargın (20236/06), Mahmut Bacak et 44 autres requêtes (18904/09), la Cour a indiqué que la loi no 6384 était applicable pour les requêtes communiquées au Gouvernement ainsi qu’aux requêtes déclarées irrecevables en raison de l’existence de la Commission en tant que nouveau recours interne.
Comme la Cour a conclu que la Commission constituait un recours accessible en Turquie, le Gouvernement a entamé un processus d’élargissement de la compétence de la Commission d’indemnisation en vertu de la loi no. 6384. La compétence de la Commission a été élargie par un décret ministériel du 10 février 2014 (J .O. du 16 mars 2014). Ensuite, elle a été élargie par le décret ministériel du 25 janvier 2016 no 206/8509 (J.O. du 9 mars 2016). Dorénavant, la Commission d’indemnisation est compétente entre autre pour connaitre des affaires concernant les zones forestières. En effet, selon l’article 4 a) la Commission d’Indemnisation est compétente pour connaitre des requêtes introduites en alléguant une violation du droit de propriété en raison de l’annulation du titre de propriété en application de l’article 2/B de la loi no 6831 du 31 aoút 1956 ou de la constatation lors des travaux du cadastre que le bien en question se trouvait dans le domaine forestier.
Par conséquent, les requérants ont à leur disposition une nouvelle voie de recours interne. Ils peuvent dorénavant s’adresser à la Commission d’indemnisation pour demander réparation. »
E. Décision de la Cour
1. Dommage matériel
a) Article 6 § 1 de la Convention
27. En ce qui concerne la demande des requérants de 10 000 EUR de dommage matériel pour la violation de l’article 6 § 1 de la Convention, la Cour note que ils réclament uniquement du dommage matériel. Toutefois, elle n’aperçoit pas de lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué et rejette cette demande des requérants.
b) Article 1 du Protocole no 1
28. En ce qui concerne la demande du Gouvernement de déclarer la requête irrecevable conformément à l’article 35 §§ 1 et 4 de la Convention, la Cour note d’emblée que la requête a déjà été déclarée recevable dans son arrêt au principal du 26 janvier 2010 (point 1 du dispositif).
29. La Cour a rappelé à maintes reprises qu’en règle générale l’exigence d’épuisement des voies de recours internes ne s’appliquerait pas aux demandes de satisfaction équitable présentées à la Cour en vertu de l’article 41. En effet, en obligeant les requérants, qui ont épuisé les recours internes sans succès avant de porter une plainte devant elle, à en épuiser d’autres afin d’obtenir de la Cour une satisfaction équitable, la procédure prévue par la Convention se révélerait peu compatible avec une protection efficace des droits de l’homme et conduirait à une situation inconciliable avec le but et l’objet de la Convention (voir, en dernier lieu, S.L. et J.L. c. Croatie (satisfaction équitable), no 13712/11, § 17, 6 octobre 2016, et la jurisprudence citée dans cet arrêt). Elle rejette donc la demande du Gouvernement. Ceci étant dit, ce principe n’empêche cependant pas la radiation d’une requête dans le cadre de article 37 § 1 c) de la Convention lorsqu’il est établi que la possibilité concrète d’indemniser les requérants existe au niveau national où les organes adéquates, qui sont sur place et ont accès aux biens, registres et archives, ainsi qu’à tous les autres moyens pratiques, sont certainement mieux placés pour statuer sur des questions complexes de propriété et d’évaluation et pour fixer une indemnisation, comme dans le cas des requérants.
30. L’article 37 § 1 de la Convention est ainsi libellé :
« 1. À tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure
(...)
c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête.
Toutefois, la Cour poursuit l’examen de la requête si le respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles l’exige.
2. La Cour peut décider la réinscription au rôle d’une requête lorsqu’elle estime que les circonstances le justifient. »
31. Dans le cas d’espèce, le jugement définitif par lequel la Cour a résolu le litige sur le fond a acquis l’autorité de la chose jugée. Avant qu’elle décide du montant du dommage à accorder dans le cadre de l’article 41 de la Convention, des évolutions quant à la possibilité du règlement de l’affaire sont survenus en droit interne. En effet, de nouveaux éléments concernant l’élargissement de la compétence de la Commission d’indemnisation ont été portés à la connaissance de la Cour. Elle doit donc décider si les conditions sont réunies pour l’application de l’article 37 § 1 c) de la Convention (voir Association SOS Attentats et de Boery c. France [GC], (déc.), no 76642/01, § 37, CEDH 2006‑XIV, et Plechanow c. Pologne (satisfaction équitable – radiation), no 22279/04, § 19, 15 octobre 2013).
32. Dans son arrêt au principal, la Cour a conclu qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison du fait que les requérants n’avaient reçu aucune indemnisation suite au transfert de propriété de leur bien à la Direction générale des forêts (Gümrükçüler et autres c. Turquie, arrêt au principal, § 32). Elle a ensuite estimé que la question de l’application de l’article 41 ne se trouvait pas en état, et a décidé de la réserver (idem, § 44 et point 4 du dispositif).
Il est à noter que la Cour a constaté la violation de la disposition susmentionnée en raison de l’absence d’une indemnisation appropriée.
33. Le Gouvernement vient de porter à la connaissance de la Cour que postérieurement à l’arrêt de celle-ci, dans un premier temps, le 19 janvier 2013, la loi no 6384 relative au règlement, par l’octroi d’une indemnité, de certaines requêtes introduites devant la Cour européenne des droits de l’homme, est entrée en vigueur. Cette loi a mis en place une Commission d’indemnisation, et elle a énoncé les principes et la procédure à suivre relativement à l’indemnisation dans les affaires de durée de la procédure. Ensuite, le 16 mars 2014 et le 9 mars 2016, le Conseil des ministres a étendu le champ de compétence de la Commission d’indemnisation et elle est désormais compétente pour examiner les requêtes concernant des allégations de violation du droit de propriété en raison de l’annulation du titre de propriété au motif qu’un terrain faisait partie du domaine forestier ou en application de l’article 2/B de la loi no 6831 du 31 août 1956, ou en raison de la constatation de la nature forestière du bien immobilier lors d’un travail cadastral ou d’un travail cadastral forestier.
34. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’Etat défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à celle-ci. Elle souligne aussi que, conformément aux principes dégagés par sa jurisprudence constante, la forme et le montant de la satisfaction équitable tendant à la réparation d’un préjudice diffèrent selon les cas et dépendent directement de la nature de la violation constatée (Sovtransavto Holding c. Ukraine (satisfaction équitable), no 48553/99, §§ 52- 55, 2 octobre 2003, Todorova et autres c. Bulgarie (satisfaction équitable), nos 48380/99, 51362/99, 60036/00 et 73465/01, §§ 8 et suivants, 24 avril 2008, et Plechanow, précité, § 24).
35. La Cour constate que les exemples de sa jurisprudence concernant certaines catégories de requêtes répétitives entrant dans le champ d’application du décret du 16 mars 2014 (voir Yıldız et Yanak c. Turquie (déc.), no 44013/07, 27 mai 2014, concernant la dévalorisation de l’indemnité d’expropriation, et Boskurt c. Turquie (déc.), no 38674/07, §§ 12-21, 10 mars 2015) et relative à l’annulation sans indemnité d’un titre de propriété au motif que le terrain faisait partie du domaine forestier (Savaşçın et autres c. Turquie (déc.), no 15661/07, 7 juin 2016) entrant dans le champ d’application du décret du 9 mars 2016, cités également en partie par le Gouvernement, confirment l’efficacité des demandes d’indemnisation devant la commission d’indemnisation.
36. Les intéressés disposent dès lors, d’une voie de recours de nature à redresser la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention constatée par la Cour (voir, mutatis mutandis, Plechanow c. Pologne), précité, § 24).
37. Après ce constat, la Cour rappelle qu’elle peut rechercher, même à un stade avancé de la procédure, si la requête se prête à l’application de l’article 37 de la Convention. Pour conclure que le maintien de la requête par le requérant ne se justifie plus objectivement au sens de l’article 37 § 1 c), la Cour doit examiner, d’une part, la question de savoir si les faits dont les requérants tirent directement grief persistent ou non et, d’autre part, si les conséquences qui pourraient résulter d’une éventuelle violation de la Convention à raison de ces faits ont également été effacées (voir, mutatis mutandis, Pisano c. Italie (radiation) [GC], no 36732/97, § 42, 24 octobre 2002 et Plechanow, précité § 24).
38. Dans le cas d’espèce, la Cour avait conclu dans son arrêt sur le fond que les requérants n’avaient pu obtenir aucune indemnité pour le préjudice qu’ils ont subi en violation de l’article 1 du Protocole no 1 du fait de l’absence d’une voie de recours à l’époque des faits (voir la jurisprudence cité au § 16 sur la possibilité d’une indentation en droit interne). Or, depuis l’adoption de son arrêt, les voies de recours mis sur place pour l’indemnisation se sont avérées efficaces dans des situations similaire (§§ 19‑23 ci-dessus).
39. La Cour observe également que les juridictions nationales sont sans conteste les mieux placées pour évaluer le préjudice subi et disposent de moyens juridiques adéquats pour mettre un terme à une violation de la Convention et d’en effacer les conséquences (Plechanow, précité, §§ 24 et 29), notamment, comme dans le cas d’espèce, lorsqu’il s’agit de déterminer la valeur des biens immobiliers dans un État contractant pour une période donnée. En effet, pour la Cour, une telle évaluation est presque objectivement impossible dans la mesure où elle est très étroitement liée aux contextes nationaux, voire locaux, où les experts et juridictions nationaux sont mieux placés pour la faire.
40. Dans ces conditions, et compte tenu de la nature subsidiaire du mécanisme de contrôle institué par la Convention, elle estime qu’il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête (article 37 § 1 c) de la Convention).
41. La Cour est en outre d’avis qu’il n’existe en l’espèce pas de circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme garantis par la Convention et ses Protocoles qui exigeraient la poursuite de l’examen de la requête (article 37 § 1 in fine).
42. Par ailleurs, pour parvenir à cette conclusion, la Cour a tenu compte de sa compétence en vertu de l’article 37 § 2 de la Convention pour réinscrire la requête lorsqu’elle estime que les circonstances justifient une telle procédure (voir, mutatis mutandis, Baybaşin c. Pays-Bas (satisfaction équitable), no 13600/02, § 16, 7 juin 2007).
43. En conséquence, il y a lieu de rayer du rôle la partie de l’affaire relative à la question de l’article 41 de la Convention, concernant la demande du dommage matériel en raison de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
2. Dommage moral
44. En ce qui concerne le dommage moral en raison de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, la Cour estime que les requérants ont subi un préjudice moral du fait notamment du sentiment d’impuissance et de frustration provoqué par la privation du terrain qu’ils avaient acquis de bonne foi et utilisé pendant plusieurs années en se croyant en situation de sécurité juridique. Dans ces circonstances, eu égard à l’ensemble des éléments se trouvant en sa possession, la Cour, statuant en équité comme le veut l’article 41 de la Convention, alloue 17 000 EUR aux requérants conjointement pour dommage moral (voir, entre autres, Sarısoy c. Turquie, no 19641/05, § 22, 13 septembre 2011, Ali Kılıç et autres c. Turquie, no 13178/05, § 38, 13 septembre 2011, Tongün c. Turquie, no 8622/05, § 38, 27 septembre 2011, et Adem Yılmaz Doğan et autres c. Turquie (satisfaction équitable), no 25700/05, § 14, 18 octobre 2011).
3. Frais et dépens
45. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux (Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 54, CEDH 2000‑XI). En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour estime raisonnable d’allouer aux requérants conjointement la somme de 2 500 EUR.
4. Intérêts moratoires
46. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Rejette la demande du Gouvernement de déclarer la requête irrecevable ;
2. Décide de rayer du rôle la partie de l’affaire relative à la question de l’article 41 de la Convention, concernant la demande du dommage matériel en raison de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser aux requérants conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement,
i. 17 000 EUR (dix-sept mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral,
ii. 2 500 EUR (deux mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt par les requérants, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 7 février 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley NaismithJulia Laffranque
GreffierPrésidente
ANNEXE
1. Rifat GÜMRÜKCÜLER est un ressortissant turc né en 1950.
2. Latife AĞAOĞLU est une ressortissante turque née en 1944.
3. Ahmet ALANAY est un ressortissant turc né en 1964.
4. Ayşe ALANAY est une ressortissante turque née en 1922.
5. Emine Aydan ALANAY est une ressortissante turque née en 1946.
6. Hayriye ALANAY est une ressortissante turque née en 1927.
7. İnci ALANAY est une ressortissante turque née en 1942.
8. Mehmet Nevzat ALANAY est un ressortissant turc né en 1953.
9. Süleyman ALANAY est un ressortissant turc né en 1942.
10. Uğur ALANAY est un ressortissant turc né en 1948.
11. Hatice Saba ARMAN est une ressortissante turque née en 1932.
12. Akgül Latife AYDOĞAN est une ressortissante turque née en 1940.
13. Günay BAYKARA est une ressortissante turque née en 1934.
14. Hafize Sema ÇAĞIRICI est une ressortissante turque née en 1956.
15. Ahmet DEMİRCİ est un ressortissant turc né en 1925.
16. Saadet GÖNÜLLÜ est une ressortissante turque née en 1946.
17. Müge GÜCÜOĞLU est une ressortissante turque née en 1969.
18. Fatma Hafize GÜMRÜKÇÜLER est une ressortissante turque née en 1911.
19. Saadettin GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1948.
20. Fatma Mahigül GÜMRÜKÇÜLER est une ressortissante turque née en 1955.
21. Kerim GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1962.
22. Mehmet Tevfik GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1952.
23. Mehmet Tevfik GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1953.
24. Mustafacan GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1996.
25. Numan GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1948.
26. Sadettin GÜMRÜKÇÜLER est un ressortissant turc né en 1957.
27. Sema GÜMRÜKCÜLER est une ressortissante turque née en 1961.
28. Ayşe GÜMRÜKÇÜLER est une ressortissante turque née en 1958.
29. Serpil ÖZGEN est une ressortissante turque née en 1946.
30. Ülfet RAŞİTOĞLU est une ressortissante turque née en 1944.
31. Candan SARIKADIOĞLU est une ressortissante turque née en 1950.
32. Emine TAVLI est une ressortissante turque née en 1960.
33. Yaşar TEPEALAN est un ressortissant turc né en 1939.
34. Emine TURGUT est une ressortissante turque née en 1942.
Ils résident à Alanya, Istanbul, Ankara, Manavgat et İzmir et sont représentés par Me O. TURGUT, avocat à Ankara.
* * *
[1]. Selon l’article 7 § 4 de la loi no 6292, les terrains dont le titre de propriété a été transféré au Trésor public à la suite d’une procédure engagée par celui-ci en raison de leur appartenance au domaine forestier, les terrains sur lesquels il est prévu de planter des arbres mis à la disposition de la Direction générale, les terrains utilisés à des fins publiques ou considérés comme tels, ou ceux qui, pour diverses raisons, relèveront d’autres lois ou seront choisis par le Trésor public, ne peuvent pas faire l’objet d’une restitution. En pareil cas, les intéressés peuvent se voir octroyer, en lieu et place des terrains cités, une indemnité équivalente à leur valeur marchande ou un terrain d’une valeur équivalente (Arıoğlu et autres c. Turquie (déc.), no 11166/05, §§ 17-18, 6 novembre 2012).