QUATRIÈME SECTION
AFFAIRE ILIAS ET AHMED c. HONGRIE
(Requête no 47287/15)
ARRÊT
STRASBOURG
14 mars 2017
CETTE AFFAIRE A ÉTÉ RENVOYÉE DEVANT LA GRANDE CHAMBRE, QUI A RENDU SON ARRÊT LE 21/11/2019
Cet arrêt peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Ilias et Ahmed c. Hongrie,
La Cour européenne des droits de l’homme (quatrième section), siégeant en une chambre composée de :
Ganna Yudkivska, présidente,
Vincent A. De Gaetano,
András Sajó,
Nona Tsotsoria,
Krzysztof Wojtyczek,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer,
Marko Bošnjak, juges,
et de Marialena Tsirli, greffière de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 février 2017,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 47287/15) dirigée contre la Hongrie et dont deux ressortissants bangladais, MM. Md Ilias Ilias et Ali Ahmed (« les requérants »), ont saisi la Cour le 25 septembre 2015 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Les requérants ont été représentés par Me Barbara Pohárnok, avocate à Budapest. Le gouvernement hongrois (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, M. Tallódi, du ministère de la Justice.
3. Le 25 septembre 2015, les requérants ont présenté une demande de mesures provisoires en vertu de l’article 39 du règlement de la Cour (« le règlement »). Par cette demande, ils réclamaient leur sortie de la zone de transit et la suspension de leur expulsion imminente vers la Serbie. Ils estimaient que les conditions de leur détention dans la zone de transit, illégale selon eux, étaient inadéquates compte tenu de leur vulnérabilité et de l’inexistence pour eux de voies de recours judiciaires. Ils ajoutaient que leur expulsion les aurait exposés à un risque réel de traitement inhumain et dégradant en raison du risque de refoulement en chaîne. Ils invoquaient les articles 3, 5 et 13 de la Convention.
4. Le 7 octobre 2015, le président intérimaire de section a décidé de ne pas indiquer au Gouvernement, en vertu de l’article 39 du règlement, les mesures provisoires sollicitées. Il a toutefois décidé d’accorder à la requête un traitement prioritaire, en vertu des articles 41 et 54 § 2 b) du règlement, de la communiquer au Gouvernement et d’inviter celui-ci à produire des observations écrites sur la recevabilité et le fond de la requête.
5. Dans leurs observations complètes du 20 octobre 2015, les requérants voyaient dans la conclusion des autorités selon laquelle la Serbie serait pour eux un « pays tiers sûr », en l’absence d’analyse détaillée et individualisée de leur situation, une violation des articles 3 et 13 de la Convention. De plus, ils estimaient que leur internement prolongé dans la zone de transit, compte tenu de leur vulnérabilité et des conditions qui y régnaient, s’analysait en un traitement inhumain contraire à l’article 3. Enfin, ils plaidaient que leur privation de liberté dans la zone de transit était illégale et qu’aucun recours judiciaire adéquat ne leur permettait d’y remédier, en violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention.
6. Le Gouvernement a produit ses observations le 8 juillet 2016. Les requérants ont présenté leurs observations en réplique le 29 août 2016.
7. Le 17 octobre 2016, le vice-président de section a invité les parties, en vertu de l’article 54 § 2 c) du règlement, à produire des observations complémentaires sur la recevabilité et le fond de la requête.
8. Le Gouvernement a produit des observations complémentaires le 4 novembre 2016 et les requérants des observations complémentaires en réplique le 28 novembre 2016.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
9. Les requérants sont nés respectivement le 1er janvier 1983 et le 3 juin 1980. Ils quittèrent leur pays d’origine, le Bangladesh, en passant par le Pakistan, l’Iran et la Turquie, avant d’entrer sur le territoire de l’Union européenne depuis la Grèce. À partir de ce pays, ils passèrent par le territoire de l’ex-République yougoslave de Macédoine puis gagnèrent la Serbie. M. Ilias séjourna environ 20 heures sur le territoire serbe, tandis que M. Ahmed y passa deux jours. Enfin, le 15 septembre 2015, ils arrivèrent dans la zone de transit de Rözke, située à la frontière serbo-hongroise. Le même jour, ils présentèrent des demandes d’asile.
10. À partir de ce moment-là, les requérants séjournèrent à l’intérieur de la zone de transit, qu’ils ne pouvaient pas quitter pour gagner la Hongrie. Ils allèguent que cette zone ne convenait pas pour un séjour d’une durée supérieure à une journée, notamment à cause de leurs graves problèmes psychologiques. Ils auraient effectivement été confinés dans une aire restreinte d’une superficie d’environ 110 m², faisant partie de la zone de transit, clôturée et surveillée par des policiers, et ils n’auraient pas été autorisés à en sortir pour se rendre en Hongrie. Dans cette zone, ils n’auraient pu bénéficier d’aucune assistance juridique, sociale ou médicale. De plus, ils n’auraient eu accès ni à la télévision ni à Internet, non plus qu’à un téléphone fixe ou à des installations de loisirs. Ils auraient logé dans une chambre d’environ 9 m² dotée de lits pour cinq personnes.
11. Le Gouvernement affirme que chaque container avait une superficie d’environ 15 m2. Chacun d’eux aurait été doté de cinq lits ainsi que d’un radiateur électrique. Les demandeurs d’asile n’auraient jamais été plus de 30 pendant la période en question. De l’eau courante chaude et froide ainsi que l’électricité auraient été fournies. Trois repas sans porc auraient été distribués quotidiennement aux requérants à l’intérieur d’un container-repas. Des soins médicaux auraient été dispensés deux heures par jour par des médecins des forces de défense hongroises.
12. Selon le rapport du Comité européen pour la prévention de la torture et des traitements inhumains ou dégradants (« le CPT » ; paragraphe 36 ci‑dessous), les demandeurs d’asile dans la zone de Rözke étaient logés dans des chambres d’une superficie d’environ 13 m², dotées de deux à cinq lits équipés de matelas, d’oreillers et de literie propres. Les containers de logement auraient bénéficié d’une lumière naturelle et d’un éclairage artificiel satisfaisants, ainsi que d’un chauffage à l’électricité. De plus, il y aurait eu à l’entrée des containers de petites zones désignées où les étrangers avaient libre accès pendant la journée. Les installations sanitaires auraient été satisfaisantes. Les installations médicales ainsi que les soins médicaux dispensés en général aux étrangers en ces lieux avaient fait bonne impression à la délégation du CPT.
13. Les requérants, tous deux analphabètes, furent questionnés tout de suite par l’Autorité de la citoyenneté et de l’immigration (« l’Autorité en matière d’asile »). Par erreur, le premier requérant fut interrogé avec le concours d’un interprète en langue dari, qu’il ne parle pas. La langue maternelle des deux requérants est l’ourdou. Selon le procès-verbal de l’entretien, l’Autorité en matière d’asile remit au premier requérant une brochure d’information sur la procédure d’asile, en langue dari elle aussi. L’entretien dura deux heures. Un interprète de langue ourdoue fut présent lors de l’entretien avec le second requérant, qui dura 22 minutes.
14. Selon les notes prises au cours des entretiens, la Hongrie était le premier pays dans lequel les deux requérants avaient demandé l’asile.
15. Par une décision rendue le même jour (le 15 septembre 2015), l’Autorité en matière d’asile rejeta les demandes d’asile des requérants, les jugeant irrecevables au motif que la Serbie devait être considérée comme un « pays tiers sûr » compte tenu du décret gouvernemental no 191/2015. (VII.21) relatif aux pays d’origine sûrs et aux pays tiers sûrs (« le décret gouvernemental » ; paragraphe 33 ci-dessous). Elle ordonna l’expulsion des requérants du territoire hongrois.
16. Les requérants contestèrent la décision devant le tribunal administratif et du travail de Szeged (« le tribunal »). Le 20 septembre 2015, par le biais de représentants du bureau du Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés (« le HCR ») qui avaient accès à la zone de transit, ils donnèrent pouvoir à deux avocats agissant pour le compte du Comité Helsinki en Hongrie pour les représenter dans leurs actions en justice. Cependant, les autorités n’autorisèrent les avocats à entrer dans la zone de transit pour s’entretenir avec leurs clients que le soir du 21 septembre 2015, c’est-à-dire postérieurement à l’audience judiciaire.
17. Le 21 septembre 2015, le tribunal tint une audience pour les deux requérants, assistés d’un interprète de langue ourdoue. Chacun d’eux déclara qu’il avait reçu des autorités serbes un document rédigé en langue serbe qu’ils ne pouvaient pas comprendre, et qu’il avait été sommé de quitter le territoire serbe. À l’audience, le second requérant précisa qu’il avait demandé l’asile en Serbie mais que sa demande n’avait pas été examinée.
18. Le tribunal annula les décisions de l’Autorité en matière d’asile et ordonna le réexamen du dossier. S’appuyant sur l’article 3(2) du décret gouvernemental, il jugea que l’Autorité en matière d’asile aurait dû analyser de manière plus poussée la situation réelle en Serbie en matière de procédure d’asile. Elle ajouta que cette autorité aurait dû signifier aux requérants ses conclusions sur ce point et elle leur accorda trois jours pour lever, avec l’aide d’un conseiller juridique, la présomption faisant de la Serbie un « pays tiers sûr ».
19. Le 23 septembre 2015, à la demande de leurs avocats, une psychiatre désignée par le Comité Helsinki en Hongrie se rendit auprès des requérants dans la zone de transit et s’entretint avec eux avec l’assistance téléphonique d’un interprète. Selon ses constats, le premier requérant (M. Ilias) avait quitté le Bangladesh en 2010 en partie à cause d’inondations et en partie parce que deux partis politiques avaient tenté de le recruter. Ayant refusé d’y adhérer, il aurait été agressé et blessé. La psychiatre observa qu’il avait les idées claires, qu’il pouvait se concentrer et se remémorer des événements, mais qu’il montrait des signes d’anxiété, de peur et de désespoir. Elle diagnostiqua chez lui un syndrome de stress post-traumatique (« SSPT[1] »).
20. S’agissant du second requérant (M. Ahmed), le rapport médical indiqua qu’il s’était enfui de son pays cinq années auparavant. Il aurait antérieurement travaillé à l’étranger, période durant laquelle toute sa famille aurait péri dans des inondations. Il aurait ensuite quitté le Bangladesh pour migrer en passant par plusieurs pays afin de refaire sa vie. Selon les constats, il avait les idées claires et ne souffrait pas de perte de mémoire mais présentait des signes de dépression, d’anxiété et de désespoir. On diagnostiqua chez lui un SSPT ainsi qu’une crise dépressive.
21. Aucun de ces rapports n’indiquait que des traitements médicaux ou psychologiques d’urgence étaient nécessaires. Cependant, la psychiatre estimait que l’état de santé mental des requérants risquait de se dégrader à cause de leur internement.
22. Selon les pièces du dossier, l’Autorité en matière d’asile informa par téléphone les représentants en justice des requérants, le 23 septembre 2015, qu’une audience se tiendrait deux jours plus tard. Ces derniers affirment cependant qu’aucune information aussi précise n’a été communiquée à leurs représentants.
23. Leurs représentants en justice étant absents à l’audience, les requérants décidèrent de ne faire aucune déclaration. Avec l’assistance d’un interprète de langue ourdoue, l’Autorité en matière d’asile les informa qu’ils avaient trois jours pour lever la présomption faisant de la Serbie un pays tiers sûr.
24. Le 28 septembre 2015, les représentants en justice des requérants saisirent l’Autorité en matière d’asile et demandèrent la tenue d’une nouvelle audience à laquelle ils comparaîtraient.
25. Le 30 septembre 2015, l’Autorité en matière d’asile rejeta de nouveau les demandes d’asile. Elle jugea que les constats dressés par la psychiatre ne fournissaient pas de raison suffisante pour accorder aux requérants le statut de « personnes appelant un traitement spécial » puisqu’il n’en ressortait aucun besoin spécial ne pouvant être satisfait dans la zone de transit. Quant à la classification de la Serbie parmi les « pays tiers sûrs », elle releva que les requérants n’avaient fait état d’aucune circonstance individuelle impérieuse permettant d’étayer la thèse que la Serbie n’était pas dans leur cas un pays tiers sûr, si bien qu’ils n’étaient pas parvenus à lever la présomption. Elle en conclut que les requérants devaient être expulsés du territoire hongrois.
26. Les requérants attaquèrent la décision de l’Autorité en matière d’asile devant le tribunal, lequel confirma cette décision le 5 octobre 2015. Le tribunal observa en particulier que, conformément à ses instructions, l’Autorité en matière d’asile, de nouveau saisie, avait recherché si la Serbie pouvait être généralement regardée comme un pays tiers sûr pour les réfugiés et que, sur la base du droit pertinent et des renseignements recueillis au sujet de ce pays, elle avait conclu par l’affirmative. Il releva que ladite autorité avait pris en compte le rapport du Centre des droits de l’homme de Belgrade publié en 2015, les rapports publiés en août 2012 et en juin 2015 par le HCR concernant la Serbie, ainsi que d’autres documents produits par les requérants. Il jugea qu’elle avait établi sur la base de ces pièces que la Serbie satisfaisait aux conditions de l’article 2 (i) de la loi relative à l’asile. Il était convaincu que l’Autorité en matière d’asile avait correctement établi les faits et appliqué les règles de procédure. Il en conclut que la décision était clairement motivée et raisonnable.
27. Le tribunal souligna en outre que les dépositions des requérants au cours des audiences étaient contradictoires et incohérentes. Il nota que le premier requérant avait avancé des diverses raisons pour expliquer pourquoi il avait quitté son pays et qu’il avait tenu des propos incohérents sur la question de savoir si les autorités serbes lui avaient remis des documents, constatant que la pièce finalement produite par lui n’était pas à son nom et qu’elle ne pouvait donc pas être versée au dossier. Il releva que jamais au cours de la procédure administrative le premier requérant n’avait évoqué le comportement de trafiquants d’êtres humains avant d’en parler à l’audience. Il estima que les déclarations du second requérant étaient incohérentes pour ce qui est de la durée de son séjour en Serbie et de la présentation de sa demande d’asile. Selon lui, les requérants n’avaient invoqué aucun fait précis qui aurait pu conduire l’Autorité en matière d’asile à conclure que la Serbie n’était pas sûre les concernant et qu’ils n’avaient contesté la sûreté de la Serbie qu’en général, ce qui ne suffisait pas à lever la présomption.
28. Enfin, le tribunal se dit convaincu que la procédure conduite par l’Autorité en matière d’asile était conforme à la loi.
29. La décision définitive fut signifiée aux requérants le 8 octobre 2015. Elle était rédigée en langue hongroise mais elle leur fut explicitée en langue ourdoue. Les requérants quittèrent ultérieurement la zone de transit pour gagner ensuite le territoire serbe après avoir été reconduits à la frontière par des agents qui n’avaient pas fait usage de la contrainte physique.
30. Le 22 octobre 2015, l’avocat des requérants reçut le procès-verbal de l’audience conduite le 5 octobre 2015. Le 10 décembre 2015, il reçut la traduction en langue ourdoue de la décision rendue par le tribunal à l’issue de l’audience. Le 9 mars 2016, les pourvois formés par les requérants furent rejetés pour des raisons procédurales, la Kúria s’étant jugée incompétente pour en connaître.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT TEL QU’EN VIGUEUR À L’ÉPOQUE DES FAITS
31. La loi no LXXX de 2007 relative à l’asile (« la loi relative à l’asile ») disposait :
Article 2
« Aux fins de la présente loi :
i) « Pays tiers sûr » se définit par tout pays à l’égard duquel l’Autorité en matière d’asile est convaincue que le requérant sera traité dans le respect des principes suivants :
(...)
ib) conformément à la Convention de Genève, le principe du non-refoulement y est respecté ;
(...)
id) il est possible d’y demander le statut de réfugié ; et les personnes qui l’obtiennent bénéficient d’une protection conformément à la Convention de Genève.
(...)
k) personnes appelant un traitement spécial : mineurs non accompagnés ou personnes vulnérables – en particulier les mineurs, les personnes âgées ou handicapées, les femmes enceintes, les parents seuls élevant des mineurs et les personnes ayant été l’objet d’actes de torture, de viol ou de toute autre forme grave de violences psychologiques, physiques ou sexuelles – à l’égard desquelles il est conclu, après un examen individuel, qu’elles appellent un traitement spécial. »
Article 5
« 1) Un demandeur d’asile a le droit :
a) de séjourner sur le territoire hongrois dans les conditions énoncées dans la présente loi (...)
c) de séjourner (...) dans un logement désigné par l’Autorité en matière d’asile (...) »
Rétention des demandeurs d’asile
Article 31/A
« 1) L’Autorité en matière d’asile peut, aux fins de conduire la procédure d’asile et d’organiser le transfert de type Dublin – en tenant compte de la restriction énoncée à l’article 31/B –, placer en rétention les demandeurs d’asile dont le titre de séjour est exclusivement fondé sur une demande de ce type dans les cas suivants :
a) l’identité ou la nationalité du demandeur d’asile est incertaine, afin d’établir l’une et l’autre,
b) une procédure est en cours aux fins de l’expulsion d’un demandeur d’asile et il peut être prouvé sur la base de critères objectifs – y compris la possibilité de formuler auparavant une demande d’asile – ou il existe une bonne raison de supposer qu’il demande l’asile aux seules fins de retarder ou d’entraver le déroulement de l’expulsion,
c) les faits et circonstances à l’origine de la demande d’asile doivent être établis et ils ne peuvent l’être sans mettre son auteur en rétention, surtout lorsque celui-ci risque de s’enfuir,
d) la rétention du demandeur d’asile est nécessaire aux fins de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public,
e) la demande a été formée dans le cadre d’une procédure à l’aéroport, ou
f) il est nécessaire de conduire un transfert de type Dublin et il existe un risque grave de fuite ».
Article 45
« 1) Le principe du non-refoulement s’applique si, dans son pays d’origine, le demandeur d’asile ferait l’objet de persécutions fondées sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un certain groupe social ou l’opinion politique, ou d’un traitement proscrit par l’article XIV (2) de la Loi fondamentale hongroise (...)
3) En cas de rejet de la demande de reconnaissance, ou de retrait de celle-ci, l’Autorité en matière d’asile dit si, oui ou non, le principe du non-refoulement est applicable. »
Article 51
« 1) Si les conditions d’application du règlement de Dublin ne sont pas réunies, l’Autorité en matière d’asile statue sur la recevabilité de la demande de statut de réfugié (...)
2) Une demande n’est pas recevable dans les cas suivants [:]
e) il existe pour le requérant un pays pouvant être considéré comme un pays tiers sûr (...)
4) Une demande ne peut être jugée irrecevable sur la base du paragraphe (1) e) du présent article que dans les cas suivants :
a) le demandeur a séjourné dans un pays tiers sûr et il pouvait y demander une protection effective conforme à l’article (2) i) de la présente loi ;
b) le demandeur est passé par un pays tiers sûr et il pouvait y demander une protection effective conforme à l’article (2) i) de la présente loi ;
c) le demandeur a dans ce pays [tiers sûr] un membre de sa famille et il est autorisé à entrer sur le territoire de ce pays ; ou
d) le pays tiers sûr a formé une demande tendant à l’extradition du demandeur.
5) Si se présente une situation relevant du paragraphe (4) a) ou b), c’est au demandeur qu’il revient d’établir qu’il n’avait pas la possibilité de demander une protection effective conforme à l’article (2) i) (...)
11) Au cas où l’article (2) e) (...) s’appliquerait au demandeur, ce dernier, aussitôt après en avoir reçu signification, ou au plus tard dans les trois jours à compter de celle-ci, peut produire des éléments prouvant que le pays en question ne peut être considéré comme un pays d’origine sûr ou un pays tiers sûr dans son cas individuel. »
Article 66
« 2) L’Autorité en matière d’asile fonde sa décision sur les informations à sa disposition ou met fin à la procédure si le demandeur d’asile (...)
d) a quitté le logement ou le lieu de résidence désigné pendant plus de 48 heures pour une destination inconnue et ne justifie pas adéquatement son absence (...) »
Article 71/A
« 1) Si l’intéressé formule sa demande avant d’être admis sur le territoire hongrois, dans la zone de transit définie par la loi sur les frontières d’État, les dispositions du présent chapitre s’appliquent [en conséquence] (...)
2) Dans le cadre de la procédure à la frontière, le demandeur ne jouit pas des droits garantis par l’article 5(1) a) et c).
(...)
7) les règles de procédure dans la zone de transit ne s’appliquent pas aux personnes appelant un traitement spécial. »
32. La loi no II de 2007 sur l’admission et le droit de séjour des ressortissants de pays tiers (« la loi sur l’immigration ») disposait :
Article 51
« 1) Le refoulement ou l’expulsion vers le territoire d’un pays ne satisfaisant pas aux critères d’un pays d’origine sûr à l’égard d’un ressortissant d’un État tiers visé par ces mesures ne peuvent être ni ordonnés ni exécutés, surtout lorsqu’il risque d’y faire l’objet d’une persécution fondée sur la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou l’opinion politique, ou vers le territoire d’un pays ou à la frontière d’un territoire où il existe de bonnes raisons de penser que l’intéressé risque de se voir infliger la peine capitale, d’être torturé ou de faire l’objet de toute autre forme de traitement ou de peine de nature cruelle, inhumaine ou dégradante (non-refoulement).
2) Le refoulement ou l’expulsion d’un ressortissant d’un État tiers dont la demande d’asile est en cours ne peuvent être exécutés que si celle-ci a été rejetée par une décision finale et exécutoire de l’Autorité en matière d’asile. »
Article 52
« 1) Dans toute procédure se rapportant au prononcé et à l’exécution de l’expulsion, l’Autorité en matière d’immigration tient compte du principe du non-refoulement. »
33. Le décret gouvernemental no 191/2015. (VII.21.) portant définition des pays d’origine sûrs et des pays tiers sûrs disposait :
Article 2
« Peuvent être regardés comme des « pays tiers sûrs » au sens de l’article 2 i) de la loi no LXXX de 2007 relative à l’asile : les États membres de l’Union européenne et les pays candidats à l’adhésion à l’UE[2] (à l’exception de la Turquie), les États membres de l’Espace économique européen, l’ensemble des états des États-Unis d’Amérique qui n’appliquent pas la peine de mort, ainsi que les pays suivants :
1. la Suisse,
2. la Bosnie-Herzégovine,
3. le Kosovo,
4. le Canada,
5. l’Australie,
6. la Nouvelle-Zélande. »
Article 3
« 2) Tout demandeur d’asile qui, avant d’arriver en Hongrie, avait résidé dans ou était passé par un pays tiers classé comme sûr dans la liste de l’UE ou à l’article 2 ci‑dessus peut démontrer, au cours de la procédure d’asile fondée sur la loi relative à l’asile, que dans son cas particulier, il ne pouvait pas avoir accès à une protection effective dans ce pays au sens de l’article (2) i) de la loi relative à l’asile. »
III. TEXTES INTERNATIONAUX
34. Voici des extraits de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) :
« (38) Un grand nombre de demandes de protection internationale sont présentées à la frontière ou dans une zone de transit d’un État membre avant qu’il ne soit statué sur l’entrée du demandeur. Les États membres devraient pouvoir prévoir, dans des circonstances bien définies, des procédures d’examen de la recevabilité et/ou au fond qui permettraient de prendre une décision concernant ces demandes en de tels lieux.
(39) Afin de déterminer si une situation d’incertitude prévaut dans le pays d’origine d’un demandeur, les États membres devraient veiller à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes telles que le BEAA, le HCR, le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales compétentes. Les États membres devraient veiller à ce que tout report de la conclusion de la procédure ait lieu dans le plein respect des obligations qui leur incombent au titre de la directive 2011/95/UE et de l’article 41 de la Charte, sans préjudice de l’efficacité et de l’équité des procédures prévues dans la présente directive.
(...)
(43) Les États membres devraient examiner toutes les demandes au fond, c’est‑à‑dire évaluer si le demandeur concerné peut prétendre à une protection internationale conformément à la directive 2011/95/UE, sauf dispositions contraires de la présente directive, notamment lorsqu’on peut raisonnablement supposer qu’un autre pays procéderait à l’examen ou accorderait une protection suffisante. Notamment, les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande de protection internationale au fond lorsqu’un premier pays d’asile a octroyé au demandeur le statut de réfugié ou lui a accordé à un autre titre une protection suffisante et que le demandeur sera réadmis dans ce pays.
(44) Les États membres ne devraient pas être tenus d’examiner une demande de protection internationale au fond lorsqu’ils peuvent raisonnablement s’attendre à ce que le demandeur, du fait d’un lien suffisant avec un pays tiers tel que défini par le droit national, cherche à obtenir une protection dans ce pays tiers et qu’il existe des raisons de penser que le demandeur sera admis ou réadmis dans ce pays. Les États membres ne devraient procéder de la sorte que dans les cas où le demandeur en question serait en sécurité dans le pays tiers concerné. Afin d’éviter les mouvements secondaires de demandeurs, il convient d’établir des principes communs pour la prise en considération ou la désignation, par les États membres, de pays tiers comme pays sûrs.
(45) Par ailleurs, en ce qui concerne certains pays tiers européens qui observent des normes particulièrement élevées en matière de droits de l’homme et de protection des réfugiés, les États membres devraient être autorisés à ne procéder à aucun examen ou à ne pas effectuer d’examen complet des demandes de protection internationale émanant de demandeurs provenant de ces pays tiers européens qui entrent sur leur territoire.
(46) Lorsque les États membres appliquent les concepts de pays tiers sûr au cas par cas ou désignent des pays comme sûrs en adoptant des listes à cet effet, ils devraient tenir compte, entre autres, des lignes directrices et manuels opérationnels, et des informations sur les pays d’origine et des activités, y compris de la méthodologie du BEAA concernant la présentation de rapports d’information sur les pays d’origine, visées dans le règlement (UE) no 439/2010 du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 2010 portant création d’un Bureau européen d’appui en matière d’asile (6), ainsi que des orientations pertinentes du HCR.
(47) Afin de faciliter l’échange régulier d’informations relatives à l’application nationale des concepts de pays d’origine sûr, de pays tiers sûr et de pays tiers européen sûr ainsi que l’examen régulier, par la Commission, de l’utilisation de ces concepts par les États membres, et de préparer une harmonisation éventuelle plus poussée dans le futur, les États membres devraient aviser ou informer périodiquement la Commission au sujet des pays tiers auxquels ces concepts sont appliqués. La Commission devrait informer régulièrement le Parlement européen du résultat de son examen.
(48) Afin d’assurer l’application correcte des concepts de pays sûr sur la base d’informations actualisées, les États membres devraient procéder à l’examen régulier de la situation dans ces pays, en se fondant sur toute une série de sources d’informations, y compris notamment des informations communiquées par les autres États membres, le BEAA, le HCR, le Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales concernées. Lorsque les États membres prennent connaissance de changements importants dans la situation des droits de l’homme d’un pays qu’ils ont désigné comme sûr, ils devraient veiller à ce que cette situation soit examinée le plus rapidement possible et, le cas échéant, reconsidérer la désignation de ce pays comme sûr. »
Article 31
Procédure d’examen
« (...)
8. Les États membres peuvent décider, dans le respect des principes de base et des garanties fondamentales visés au chapitre II, d’accélérer une procédure d’examen et/ou de mener cette procédure à la frontière ou dans les zones de transit conformément à l’article 43 lorsque :
(...)
b) le demandeur provient d’un pays d’origine sûr au sens de la présente directive ;
(...) »
Article 33
Demandes irrecevables
« 1. Outre les cas dans lesquels une demande n’est pas examinée en application du règlement (UE) no 604/2013, les États membres ne sont pas tenus de vérifier si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre à une protection internationale en application de la directive 2011/95/UE, lorsqu’une demande est considérée comme irrecevable en vertu du présent article.
2. Les États membres peuvent considérer une demande de protection internationale comme irrecevable uniquement lorsque:
a) une protection internationale a été accordée par un autre État membre ;
b) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme le premier pays d’asile du demandeur en vertu de l’article 35 ;
c) un pays qui n’est pas un État membre est considéré comme un pays tiers sûr pour le demandeur en vertu de l’article 38 ;
d) la demande concernée est une demande ultérieure, dans laquelle n’apparaissent ou ne sont présentés par le demandeur aucun élément ou fait nouveau relatifs à l’examen visant à déterminer si le demandeur remplit les conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ; ou
e) une personne à charge du demandeur introduit une demande après avoir, conformément à l’article 7, paragraphe 2, consenti à ce que son cas soit traité dans le cadre d’une demande introduite en son nom, et que rien dans la situation de la personne à charge ne justifie une demande distincte. »
Article 35
Le concept de premier pays d’asile
« Un pays peut être considéré comme le premier pays d’asile d’un demandeur déterminé, si le demandeur :
a) s’est vu reconnaître la qualité de réfugié dans ce pays et peut encore se prévaloir de cette protection ; ou
b) jouit, à un autre titre, d’une protection suffisante dans ce pays, y compris du bénéfice du principe de non-refoulement,
à condition qu’il soit réadmis dans ce pays.
En appliquant le concept de premier pays d’asile à la situation personnelle d’un demandeur, les États membres peuvent tenir compte de l’article 38, paragraphe 1. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de premier pays d’asile à sa situation personnelle. »
Article 36
Le concept de pays d’origine sûr
« 1. Un pays tiers désigné comme pays d’origine sûr conformément à la présente directive ne peut être considéré comme tel pour un demandeur déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne, que si :
a) ce dernier est ressortissant dudit pays ; ou
b) l’intéressé est apatride et s’il s’agit de son ancien pays de résidence habituelle,
et si ce demandeur n’a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu’il ne s’agit pas d’un pays d’origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de bénéficiaire d’une protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE.
2. Les États membres prévoient dans leur droit national des règles et modalités supplémentaires aux fins de l’application de la notion de pays d’origine sûr. »
Article 38
Le concept de pays tiers sûr
« 1. Les États membres peuvent appliquer le concept de pays tiers sûr uniquement lorsque les autorités compétentes ont acquis la certitude que dans le pays tiers concerné, le demandeur de protection internationale sera traité conformément aux principes suivants :
a) les demandeurs n’ont à craindre ni pour leur vie ni pour leur liberté en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social particulier ou de leurs opinions politiques ;
b) il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE ;
c) le principe de non-refoulement est respecté conformément à la Convention de Genève ;
d) l’interdiction, prévue par le droit international, de prendre des mesures d’éloignement contraires à l’interdiction de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants, y est respectée ; et
e) la possibilité existe de solliciter la reconnaissance du statut de réfugié et, si ce statut est accordé, de bénéficier d’une protection conformément à la Convention de Genève.
2. L’application du concept de pays tiers sûr est subordonnée aux règles fixées dans le droit national, et notamment :
a) les règles prévoyant qu’un lien de connexion doit exister entre le demandeur et le pays tiers concerné, sur la base duquel il serait raisonnable que le demandeur se rende dans ce pays ;
b) les règles relatives aux méthodes appliquées par les autorités compétentes pour s’assurer que le concept de pays tiers sûr peut être appliqué à un pays déterminé ou à un demandeur déterminé. Ces méthodes prévoient un examen au cas par cas de la sécurité du pays pour un demandeur déterminé et/ou la désignation par l’État membre des pays considérés comme étant généralement sûrs ;
c) les règles, conformes au droit international, qui autorisent un examen individuel en vue de déterminer si le pays tiers concerné est sûr pour un demandeur déterminé, ce qui, au minimum, permet au demandeur de contester l’application du concept de pays tiers sûr au motif que le pays tiers n’est pas sûr dans son cas particulier. Le demandeur est en outre autorisé à contester l’existence d’un lien entre lui-même et le pays tiers conformément au point a).
3. Lorsqu’ils exécutent une décision uniquement fondée sur le présent article, les États membres :
a) en informent le demandeur ; et
b) lui fournissent un document informant les autorités du pays tiers, dans la langue de ce pays, que la demande n’a pas été examinée quant au fond.
4. Lorsque le pays tiers ne permet pas au demandeur d’entrer sur son territoire, les États membres veillent à ce que cette personne puisse engager une procédure conformément aux principes de base et garanties fondamentales énoncés au chapitre II. (...)
Article 39
Le concept de pays tiers européen sûr
« 1. Les États membres peuvent prévoir qu’aucun examen, ou aucun examen complet, de la demande de protection internationale et de la sécurité du demandeur dans son cas particulier, tel que décrit au chapitre II, n’a lieu dans les cas où une autorité compétente a établi, en se fondant sur les faits, que le demandeur cherche à entrer, ou est entré, illégalement sur son territoire depuis un pays tiers sûr conformément au paragraphe 2.
2. Un pays tiers ne peut être considéré comme un pays tiers sûr aux fins du paragraphe 1 que :
a) s’il a ratifié la Convention de Genève sans aucune limitation géographique et s’il en respecte les dispositions ;
b) s’il dispose d’une procédure d’asile prévue par la loi ; et
c) s’il a ratifié la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et s’il en respecte les dispositions, notamment les normes relatives aux recours effectifs.
3. Le demandeur est autorisé à contester l’application du concept de pays tiers européen sûr au motif que le pays tiers concerné n’est pas sûr dans son cas particulier.
4. Les États membres concernés prévoient dans leur droit national les modalités d’application des dispositions du paragraphe 1 ainsi que les effets des décisions arrêtées en vertu de ces dispositions dans le respect du principe de non-refoulement, notamment en prévoyant des dérogations à l’application du présent article pour des raisons humanitaires ou politiques ou pour des motifs tenant au droit international public.
5. Lorsqu’ils exécutent une décision uniquement fondée sur le présent article, les États membres :
a) en informent le demandeur ; et
b) lui fournissent un document informant les autorités du pays tiers, dans la langue de ce pays, que la demande n’a pas été examinée quant au fond.
6. Lorsque le pays tiers sûr ne réadmet pas le demandeur, les États membres veillent à ce que cette personne puisse engager une procédure conformément aux principes de base et garanties fondamentales énoncés au chapitre II.
7. Les États membres informent régulièrement la Commission des pays auxquels ce concept est appliqué conformément au présent article. »
Article 43
Procédures à la frontière
« 1. Les États membres peuvent prévoir des procédures conformément aux principes de base et aux garanties fondamentales visés au chapitre II afin de se prononcer, à leur frontière ou dans leurs zones de transit, sur :
a) la recevabilité d’une demande, en vertu de l’article 33, présentée en de tels lieux ; et/ou
b) le fond d’une demande dans le cadre d’une procédure en vertu de l’article 31, paragraphe 8.
2. Les États membres veillent à ce que toute décision dans le cadre des procédures prévues au paragraphe 1 soit prise dans un délai raisonnable. Si aucune décision n’a été prise dans un délai de quatre semaines, le demandeur se voit accorder le droit d’entrer sur le territoire de l’État membre afin que sa demande soit traitée conformément aux autres dispositions de la présente directive.
3. Lorsque l’afflux d’un grand nombre de ressortissants de pays tiers ou d’apatrides introduisant une demande de protection internationale à la frontière ou dans une zone de transit rend impossible, en pratique, l’application des dispositions du paragraphe 1, ces procédures peuvent également être appliquées dès lors et aussi longtemps que ces ressortissants de pays tiers ou apatrides sont hébergés normalement dans des endroits situés à proximité de la frontière ou de la zone de transit. »
35. La directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte) dispose :
Article 8
Placement en rétention
« 1. Les États membres ne peuvent placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur conformément à la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
2. Lorsque cela s’avère nécessaire et sur la base d’une appréciation au cas par cas, les États membres peuvent placer un demandeur en rétention, si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.
3. Un demandeur ne peut être placé en rétention que :
a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;
b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a risque de fuite du demandeur ;
c) pour statuer, dans le cadre d’une procédure, sur le droit du demandeur d’entrer sur le territoire ;
d) lorsque le demandeur est placé en rétention dans le cadre d’une procédure de retour au titre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, pour préparer le retour et/ou procéder à l’éloignement, et lorsque l’État membre concerné peut justifier sur la base de critères objectifs, tels que le fait que le demandeur a déjà eu la possibilité d’accéder à la procédure d’asile, qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté la demande de protection internationale à seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour ;
e) lorsque la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public l’exige ;
f) conformément à l’article 28 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride.
Les motifs du placement en rétention sont définis par le droit national.
4. Les États membres veillent à ce que leur droit national fixe les règles relatives aux alternatives au placement en rétention, telles que l’obligation de se présenter régulièrement aux autorités, le dépôt d’une garantie financière ou l’obligation de demeurer dans un lieu déterminé. »
36. Voici des extraits du rapport du CPT adressé au gouvernement hongrois relatif à sa visite en Hongrie du 21 au 27 octobre 2015 [traduction du greffe] :
« Le CPT note les efforts déployés afin de fournir des informations et une assistance juridique aux ressortissants étrangers en rétention d’immigration et d’asile. Cependant, les ressortissants étrangers dans la plupart des lieux visités estimaient très problématique l’absence d’informations sur leur situation juridique, sur les démarches futures à accomplir dans leurs procédures respectives et sur la durée de leur rétention (...)
Pour ce qui est des garanties protégeant les ressortissants étrangers du refoulement, le CPT, au vu du régime légal pertinent et de son application en pratique, doute que les procédures d’asile à la frontière soient concrètement entourées de garanties appropriées, qu’elles donnent aux ressortissants étrangers une possibilité réelle de présenter leurs arguments et qu’elles comportent une appréciation individuelle du risque de mauvais traitements dans le pays de refoulement.
(...)
« Les deux zones de transit visitées par la délégation à Rözke et Tompa sont situées en territoire hongrois (...) Différents containers servent de bureaux, de salles d’attente, de salles à manger et de sanitaires (dotés de toilettes, de lavabos, de douches et de chauffe-eau), et une dizaine d’entre eux servent à loger les ressortissants étrangers (en bas de page : les sanitaires étaient en bon état et n’appellent aucun commentaire particulier).
(...)
Tous les containers de logement avaient une superficie d’environ 13 m² et étaient dotés de deux à cinq lits équipés de matelas, d’oreillers et de literie propres. Ils étaient propres et bénéficiaient d’une lumière naturelle et d’un éclairage artificiel satisfaisants, ainsi que d’un chauffage à l’électricité. De plus, dans les deux zones de transit visitées, il y avait devant les containers une petite aire, séparée du reste de l’enceinte de la zone de transit par une clôture, à laquelle les ressortissants étrangers pouvaient librement accéder pendant la journée.
D’après ce que la délégation a pu constater, les ressortissants étrangers n’étaient habituellement retenus dans les zones de transit que pendant une courte durée (jusqu’à 13 heures) et ne l’étaient quasiment jamais pendant la nuit. Cela dit, au cas où les ressortissants étrangers devraient être détenus dans la zone de transit pendant une plus longue durée, il faudrait alors réduire la capacité maximale des containers de logement et les doter d’un mobilier rudimentaire.
(...)
Globalement, les installations de santé et les soins médicaux généraux prodigués aux ressortissants étrangers dans l’ensemble des lieux visités ont fait bonne impression à la délégation.
(...)
De plus, certains ressortissants étrangers en rétention qui se sont entretenus avec la délégation ignoraient qu’ils avaient droit à un avocat, qui plus est à un avocat désigné d’office. Quelques-uns d’entre eux ont affirmé que des policiers leur avaient dit qu’un tel droit n’existait pas en Hongrie. De plus, la majorité des ressortissants étrangers qui ont effectivement bénéficié du concours d’un avocat commis d’office se sont plaints de ne pas avoir pu le consulter avant d’être interrogés par la police ou de comparaître en justice, ou de ce que l’avocat était resté complètement passif tout au long de l’interrogatoire de police ou de l’audience judiciaire. À cet égard, il faut noter aussi que plusieurs ressortissants étrangers ont dit qu’ils n’étaient pas sûrs de savoir si un avocat leur avait été désigné parce qu’il y avait simplement eu à leur côté au cours des procédures officielles une personne inconnue qui ne leur avait pas adressé la parole et n’avait rien dit dans leur intérêt.
(...)
Cependant, la majorité des ressortissants étrangers avec lesquels la délégation s’est entretenue ont affirmé qu’ils n’avaient pas été informés de leurs droits lors de leur interpellation par la police (et encore moins dans une langue qu’ils pouvaient comprendre) et que tous les documents qu’ils avaient reçus depuis leur entrée dans le pays étaient en langue hongroise.
(...) [D]e nombreux ressortissants étrangers (y compris des mineurs non accompagnés) se sont plaints de la qualité des services d’interprétation et en particulier de l’obligation pour eux de signer les documents en langue hongroise, dont le contenu ne leur avait pas été traduit et qu’ils ne pouvaient donc pas comprendre.
(...) [L]e CPT doute fortement que les procédures d’asile à la frontière soient en pratique entourées de garanties appropriées, qu’elles donnent aux ressortissants étrangers une possibilité réelle de présenter leurs arguments et qu’elles comportent une appréciation individuelle du risque de mauvais traitement en cas de reconduite, et donc qu’elles offrent une protection effective contre le refoulement, compte tenu aussi de ce que, selon le HCR, la Serbie ne peut plus être considérée comme un pays d’asile sûr en raison des lacunes de son système d’asile, notamment de son incapacité à faire face au nombre croissant de demandes d’asile. »
37. Dans un rapport intitulé « La Hongrie, pays d’asile. Observations sur les mesures juridiques restrictives et la pratique consécutive adoptées entre juillet 2015 et mars 2016 », publié en mai 2016, le HCR a fait les observations suivantes [traduction du greffe] :
« 19. De plus, ainsi qu’il a été noté au paragraphe 15 ci-dessus, la loi relative à la frontière d’État dit que les demandeurs d’asile doivent être « logés temporairement » dans la zone de transit. Les autorités hongroises affirment que ces individus ne sont pas « détenus » puisqu’ils sont libres de quitter la zone de transit à tout moment en direction de l’endroit d’où ils viennent. Cependant, ainsi qu’il a été souligné au paragraphe 16 ci-dessus, ils ne sont pas autorisés à entrer en Hongrie. Le HCR y voit une lourde restriction à la liberté de circulation assimilable à une rétention. À ce titre, ces mesures devraient notamment être entourées des garanties en matière de rétention énoncées dans la directive de l’UE sur les conditions d’accueil (refonte) (...)
71. En tout état de cause, le HCR s’en tient à sa position exposée dans ses observations d’août 2012 sur le système d’asile en Serbie, selon lesquelles aucun demandeur d’asile ne devrait être reconduit dans ce pays. Si le nombre de demandeurs d’asile transitant par la Serbie a depuis lors fortement augmenté, nuisant encore plus qu’auparavant à la capacité de ce système à apporter des solutions conformes aux normes internationales, bon nombre des constats et conclusions tirés par le HCR en août 2012 demeurent valables. Par exemple, entre le 1er janvier et le 31 août 2015, le tribunal des délits de Kanjiža a sanctionné, pour la plupart d’une amende, 3 150 ressortissants d’États tiers refoulés de la Hongrie vers la Serbie pour séjour illégal ou franchissement illégal de la frontière. Ces personnes se voient refuser le droit de (re)demander l’asile en Serbie. »
38. Voici les extraits du rapport du Conseil européen pour les réfugiés et exilés (« l’ECRE ») intitulé « Franchir les frontières : la nouvelle procédure d’asile à la frontière et les restrictions à l’accès à la protection en Hongrie » et adopté le 1er octobre 2015 [traduction du greffe] :
« (...) les transferts vers la Hongrie sont susceptibles d’exposer les demandeurs à un risque réel d’expulsions en chaîne vers la Serbie, ce qui peut faire naître une pratique de refoulement indirect interdite par les règles de protection des droits de l’homme. Sur cette même base, un certain nombre de transferts de type Dublin vers la Hongrie ont été suspendus par des juridictions allemandes ou autrichiennes.
Étant donné que la notion de « pays tiers sûr » s’applique automatiquement (rétroactivement) aux personnes entrant par la Serbie et que leur reconduite en Hongrie crée un risque de refoulement, l’ECRE appelle les États membres à cesser les transferts vers la Hongrie, en vertu du règlement Dublin, de demandeurs de protection internationale. »
39. Voici des extraits de la « Fiche d’information jurisprudentielle : prévention des transferts de type Dublin vers la Hongrie » publiée par l’ECRE en janvier 2016 [traduction du greffe] :
« Une très riche jurisprudence récente renvoie aux modifications apportées en août et septembre à la loi hongroise relative à l’asile pour ce qui est des transferts vers ce pays. De plus, les réformes législatives hongroises ont eu une incidence sur les réformes entreprises ailleurs, comme le montre la décision, prise en octobre 2015 par la Commission de recours des réfugiés danoise, de suspendre tous les transferts de type Dublin vers la Hongrie (...)
L’entrée en vigueur en août et septembre 2015 de la législation établissant une base juridique pour la construction d’une clôture à la frontière serbo-hongroise, conjointement à d’autres réformes législatives érigeant en infractions pénales l’entrée irrégulière sur le territoire et l’endommagement de la clôture, a fait naître un climat extrêmement hostile à l’égard des demandeurs d’asile, en violation du droit à l’asile, du droit à l’accès effectif à des procédures et à la non-pénalisation des réfugiés (...)
C’est l’imposition d’une procédure de recevabilité dans les zones de transit, et en particulier d’un motif d’irrecevabilité se rapportant à la notion de pays tiers sûr, qui est au cœur d’une bonne partie de cette jurisprudence. Le décret gouvernemental 191/2015 qualifie de sûrs certains pays tels que la Serbie, ce qui a conduit les autorités hongroises à déclarer irrecevables toutes les demandes d’asile de personnes passées par la Serbie. Vu l’emplacement des zones de transit à la frontière serbo-hongroise, plus de 99 % des demandes d’asile ont été rejetées sur cette base, sans examen au fond, par l’Office de l’immigration et de la nationalité. De plus, les violations procédurales patentes des règles de l’UE dont ce processus est à l’origine sont attestées par le Comité Helsinki en Hongrie ainsi que par l’ECRE. Au vu des dernières statistiques, ce processus est encore en plein essor, le Commissaire aux droits de l’homme ayant indiqué que, entre la mi-septembre et la fin du mois de novembre 2015, 311 des 372 décisions d’irrecevabilité rendues tant à la frontière que dans le cadre d’une procédure accélérée étaient elles-mêmes fondées sur la notion fondamentale de pays tiers sûr. En l’absence manifeste de recours effectifs contre les décisions de ce type et celles-ci étant immédiatement assorties d’une interdiction de territoire d’une ou deux années, différents acteurs ainsi que des magistrats ont dit que la Hongrie manquait à ses obligations de non-refoulement. »
40. Voici des extraits d’un rapport intitulé « La Serbie, pays d’asile : observations sur la situation des demandeurs d’asile et des bénéficiaires d’une protection internationale en Serbie », rédigé en août 2012 par le HCR [traduction du greffe] :
« 4. Le HCR conclut que le système d’asile en Serbie appelle certaines améliorations, relevant qu’il ne dispose pas à l’heure actuelle des ressources et de l’efficacité nécessaires pour offrir une protection suffisante contre le refoulement, en ce qu’il ne donne pas aux demandeurs d’asile une possibilité adéquate de faire examiner leurs demandes dans le cadre d’une procédure équitable et effective. De plus, vu la situation du système d’asile en Serbie, ce pays ne peut être considéré comme un pays tiers sûr et, à cet égard, le HCR appelle donc instamment les États à ne pas reconduire les demandeurs d’asile vers la Serbie.
(...)
76. Or, le HCR a reçu en novembre 2011 puis en février 2012 des éléments indiquant que des migrants renvoyés en Serbie depuis la Hongrie étaient directement conduits en autocar vers l’ex-République yougoslave de Macédoine (...) D’autres éléments indiquent que la police serbe rassemble des migrants irréguliers en Serbie et les renvoie de la même manière vers l’ex-République yougoslave de Macédoine.
79. (...) Le système actuel est manifestement incapable d’apporter au nombre croissant de demandeurs d’asile une réponse conforme aux normes internationales et européennes. Ces défaillances, s’ajoutant au fait que qu’absolument personne ne s’y est vu reconnaître le statut de réfugié depuis avril 2008, montre clairement que le système d’asile en général ne reconnaît pas bien les personnes ayant besoin d’une protection internationale. »
41. Un rapport de l’AIDA (Asylum Information Database), publié par l’ECRE et intitulé « Rapport par pays : Serbie », mis à jour au 31 décembre 2016, dit que « l’adoption de la nouvelle loi relative à l’asile, initialement prévue pour 2016, a été ajournée ».
42. Voici un extrait d’un rapport du HCR intitulé « L’ex-République yougoslave de Macédoine, pays d’asile », daté d’août 2015 [traduction du greffe] :
« 5. L’ex-République yougoslave de Macédoine dispose d’une loi nationale en matière d’asile : la loi sur l’asile et la protection temporaire. Ce texte a été profondément remanié en 2012, la version modifiée étant entrée en vigueur en 2013. Le HCR avait participé au processus de rédaction, de manière à garantir la conformité de la législation aux normes internationales. La loi transpose désormais de nombreuses dispositions de la Convention de 1951. De plus, ses dispositions relatives à la protection subsidiaire sont conformes aux normes pertinentes de l’UE. La loi offre aussi aux bénéficiaires d’une protection internationale les mêmes droits qu’aux nationaux, ainsi qu’une assistance judiciaire gratuite à tous les stades de la procédure d’asile. Toutefois, certaines dispositions essentielles ne sont toujours pas conformes aux normes internationales. En réponse à une augmentation massive des migrations irrégulières, la loi relative à l’asile et à la protection temporaire a été récemment remodifiée de manière à réformer les règles antérieurement restrictives régissant les demandes d’asile en ex-République yougoslave de Macédoine, qui exposaient les demandeurs d’asile à un risque de rétention arbitraire et de reconduite à la frontière. Les nouvelles dispositions, adoptées le 18 juin 2015, instaurent une procédure de prise d’acte de l’intention de présenter une demande d’asile à la frontière, protègent les demandeurs d’asile du risque de refoulement et leur permettent d’entrer et de séjourner dans le pays légalement pendant une courte durée de 72 heures, avant d’enregistrer formellement leur demande d’asile.
(...)
46. Malgré ces nouveaux éléments positifs, le HCR considère que de graves lacunes persistent dans le système d’asile en pratique. À l’heure actuelle, l’ex-République yougoslave de Macédoine n’est pas en mesure de garantir que les demandeurs d’asile aient accès à une procédure d’asile équitable et effective. (...) Ces procédures d’asile inadéquates conduisent à de faibles taux de reconnaissance, même pour la minorité des demandeurs d’asile restant sur le territoire de l’ex-République yougoslave de Macédoine pour attendre l’issue de leur demande. »
43. Voici des extraits de la recommandation (UE) 2016/2256 de la Commission européenne du 8 décembre 2016 adressée aux États membres concernant la reprise des transferts vers la Grèce au titre du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil :
« (1) Depuis 2011, le transfert vers la Grèce de demandeurs d’une protection internationale au titre du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil (ci-après le « règlement de Dublin ») est suspendu par les États membres, à la suite de deux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « CEDH ») et de la Cour de justice de l’Union européenne, constatant, dans le régime d’asile grec, des défaillances systémiques constituant une violation des droits fondamentaux des demandeurs d’une protection internationale transférés depuis d’autres États membres vers la Grèce en vertu du règlement (CE) no 343/2003 du Conseil (...)
(8) Dans ses précédentes recommandations, la Commission a pris note des améliorations que la Grèce a apportées à son cadre législatif afin de transposer dans son droit national les nouvelles dispositions juridiques de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux procédures d’asile et certaines dispositions de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux conditions d’accueil, deux instruments qui ont fait l’objet d’une refonte. Une nouvelle loi (la loi 4375/2016) a été adoptée par le Parlement grec le 3 avril 2016. Le 22 juin 2016, le Parlement a approuvé une modification de la loi 4375/2016, qui a notamment modifié la composition des commissions de recours et le droit des demandeurs d’asile à une procédure orale devant celles-ci. Le 31 août 2016, le Parlement grec a également adopté une loi concernant les enfants réfugiés en âge scolaire résidant en Grèce (...)
(33) La Commission reconnaît l’importance des progrès accomplis par la Grèce, avec l’aide de la Commission, de l’EASO, des États membres et d’organisations internationales et non gouvernementales, dans le but d’améliorer le fonctionnement du régime d’asile grec depuis l’arrêt M.S.S./Belgique et Grèce rendu en 2011. La Grèce a néanmoins toujours des difficultés à traiter le grand nombre de nouvelles demandes d’asile, dues notamment à la mise en œuvre de l’exercice d’enregistrement préalable et à la poursuite des arrivées de migrants en situation irrégulière, bien qu’à des niveaux inférieurs à ceux observés avant mars 2016, et à ses obligations prévues dans la déclaration UE-Turquie. (...)
(34) La Grèce a toutefois accompli des progrès sensibles en mettant en place les structures institutionnelles et juridiques indispensables au bon fonctionnement d’un régime d’asile, et il y a de bonnes chances qu’elle dispose d’un régime fonctionnant correctement dans un proche avenir, une fois que les derniers manquements auront été corrigés, notamment en ce qui concerne les conditions d’accueil et le traitement des personnes vulnérables, dont les mineurs non accompagnés. Il est dès lors approprié de recommander de reprendre les transferts progressivement et après avoir reçu des assurances au cas par cas, compte tenu, d’une part, des capacités d’accueil et de traitement des demandes en conformité avec la législation de l’Union européenne concernée et, d’autre part, du traitement non satisfaisant, à l’heure actuelle, de certaines catégories de personnes, en particulier les demandeurs vulnérables, dont les mineurs non accompagnés. En outre, la reprise devrait non pas être rétroactive, mais concerner uniquement les demandeurs d’asile dont la Grèce sera responsable à partir d’une date précise, afin d’éviter de lui imposer une charge insupportable. Il convient de recommander que cette date soit fixée au 15 mars 2017. »
IV. ÉVOLUTION DE LA JURISPRUDENCE INTERNE PERTINENTE ENTRE 2012 ET 2015 TELLE QUE REFLÉTÉE DANS LA JURISPRUDENCE DE LA COUR ET AUTRES DÉVELOPPEMENTS
44. Ces dernières années, la Cour a rendu a rendu plusieurs arrêts sur la question des refoulements par des États contractants vers la Serbie. Dans l’arrêt Mohammed c. Autriche (no 2283/12, 6 juin 2013), elle a reconnu le caractère alarmant des rapports publiés en 2011 et 2012 en ce qui concerne la Hongrie en tant que pays d’asile et en particulier les personnes transférées. Elle a noté que, pendant cette période, les autorités hongroises considéraient la Serbie comme un pays tiers sûr. Elle a cependant conclu que, compte tenu des réformes législatives entreprises en Hongrie depuis janvier 2013, en conséquence desquelles les demandeurs d’asile n’étaient plus expulsables au cours de la procédure d’asile, l’Autriche n’avait pas violé l’article 3 de la Convention en ordonnant le refoulement vers la Hongrie.
45. Dans l’arrêt Mohammadi c. Autriche (no 71932/12, 3 juillet 2014), la Cour a constaté que des rapports dressés par le HCR et le Comité Helsinki en Hongrie avaient confirmé de manière cohérente que la Hongrie ne refusait plus l’examen au fond des demandes d’asile dont les auteurs étaient passés par la Serbie ou l’Ukraine avant d’arriver sur son territoire. Elle était convaincue que les rapports pertinents (c’est-à-dire ceux postérieurs aux réformes législatives de 2013) sur la situation en Hongrie des demandeurs d’asile, et des rapatriés Dublin en particulier, ne faisaient ressortir aucune lacune structurelle dans le système d’asile en Hongrie, et que ce pays ne regardait plus la Serbie comme un pays tiers sûr (paragraphes 73 et 74 de l’arrêt).
46. Il peut en être conclu que, entre les réformes législatives de janvier 2013 et l’adoption du décret gouvernemental en 2015, les autorités hongroises ne considéraient plus automatiquement la Serbie comme un pays tiers sûr. La présomption à cet effet a été introduite par ce même décret.
47. Le 10 décembre 2015, la Commission européenne adressa à la Hongrie une lettre de mise en demeure, ouvrant une procédure en manquement concernant la législation hongroise en matière d’asile adoptée peu de temps auparavant. Elle estimait certains éléments de la législation hongroise incompatibles avec le droit de l’UE, plus précisément la directive 2013/32/UE relative aux procédures d’asile (refonte) et la directive 2010/64/UE relative au droit à l’interprétation et à la traduction dans le cadre des procédures pénales.
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
48. Les requérants voient dans leur internement à l’intérieur de la zone de transit une privation de liberté dépourvue de toute base légale, en violation de l’article 5 § 1 de la Convention, dont la partie pertinente :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. »
A. Sur la recevabilité
49. Le Gouvernement estime que, parce qu’ils étaient libres de quitter le territoire de la zone de transit pour gagner la Serbie, les requérants n’ont pas été concrètement privés de leur liberté personnelle, et que l’article 5 de la Convention était dès lors inapplicable.
50. Les requérants récusent cette thèse, soulignant que s’ils avaient quitté la zone de transit, ils auraient renoncé à leur demande d’asile, ce qui aurait été lourd de conséquences pour eux.
51. Pour la Cour, l’exception formée par le Gouvernement est tirée d’une incompatibilité ratione materiae du grief avec les dispositions de la Convention.
52. Il faut tout d’abord rechercher si l’internement des requérants dans la zone de transit s’analyse en une privation de liberté au sens de l’article 5 de la Convention. La Cour a déjà dit que le maintien d’étrangers dans une zone internationale comporte une restriction à la liberté qui n’est pas assimilable en tous points à celle subie dans des centres de rétention. Toutefois, un tel maintien n’est acceptable que s’il est assorti de garanties adéquates pour les personnes qui en font l’objet et s’il ne se prolonge pas de manière excessive, faute de quoi la simple restriction à la liberté se transforme en privation de liberté (Amuur c. France, 25 juin 1996, § 43, Recueil des arrêts et décisions 1996‑III, et Riad et Idiab c. Belgique, nos 29787/03 et 29810/03, § 68, 24 janvier 2008).
53. L’article 5 § 1 ne concerne pas les simples restrictions à la liberté de circuler, lesquelles obéissent à l’article 2 du Protocole no 4. Afin de déterminer si un individu se trouve « privé de sa liberté », au sens de l’article 5, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères (De Tommaso c. Italie [GC], no 43395/09, § 80, CEDH 2017 (extraits)). La notion de privation de liberté au sens de l’article 5 § 1 comporte non seulement un aspect objectif, à savoir l’internement d’une personne dans un espace restreint pendant un laps de temps non négligeable, mais aussi un aspect subjectif : elle n’a pas valablement consenti à son internement (Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06, § 117, CEDH 2012). Parmi les éléments objectifs, il y a le type, la durée, les effets et les modalités de mise en œuvre de la mesure en question, la possibilité de quitter la zone d’internement, le degré de surveillance et de contrôle des mouvements de l’intéressé et son degré d’isolement (voir, par exemple, Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 95, série A no 39, H.M. c. Suisse, no 39187/98, § 45, CEDH 2002-II, H.L. c. Royaume-Uni, no 45508/99, § 91, CEDH 2004-IX, et Storck c. Allemagne, no 61603/00, § 73, CEDH 2005-V). Entre privation et restriction de liberté, il n’y a qu’une différence de degré ou d’intensité, non de nature ou d’essence (Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, § 91, 23 février 2012, et Austin et autres c. Royaume-Uni [GC], nos 39692/09 et 2 autres, § 57, CEDH 2012 et les références y figurant). La simple possibilité pour les requérants de partir volontairement du pays ne saurait exclure une atteinte au droit à la liberté (Riad et Idiab, précité, § 68).
54. Les requérants en l’espèce ont été confinés pendant plus de trois semaines dans la zone frontalière – un lieu qui, aux yeux de la Cour, se rapproche beaucoup d’une zone internationale, l’une et l’autre étant sous le contrôle effectif de l’État quelle que soit la qualification qu’en donne le droit interne. Ils ont été internés dans une enceinte gardée non accessible depuis l’extérieur, même pour leur avocat. À l’inverse des requérants dans l’affaire Mogoş c. Roumanie ((déc.), no 20420/02, 6 mai 2004), qui étaient libres à tout moment d’entrer sur le territoire roumain mais qui avaient choisi de rester dans la zone de transit d’un aéroport, les requérants en l’espèce – à l’instar de ceux dans les affaires Amuur, Riad et Idiab (précitées) et Shamsa c. Pologne, nos 45355/99 et 45357/99, § 47, 27 novembre 2003 – n’avaient pas la possibilité d’entrer sur le territoire hongrois hors de la zone. Dans ces conditions, la Cour estime que les requérants n’ont pas choisi de rester dans la zone de transit et qu’ils ne sont pas réputés avoir valablement consenti à être privés de leur liberté (voir, mutatis mutandis, Austin et autres, précité, § 58).
55. La simple possibilité pour eux de regagner de leur plein gré la Serbie, laquelle n’avait jamais consenti à leur retour, ne saurait exclure une atteinte à leur droit à la liberté (Riad et Idiab, précité, § 68). La Cour note en particulier que, par l’effet de l’article 66 (2) d) de la loi relative à l’asile (paragraphe 31 ci-dessus), le départ des requérants du territoire hongrois aurait mis fin à leurs demandes d’asile sans la moindre possibilité d’examen au fond. Par conséquent, elle doit écarter d’emblée la thèse du Gouvernement selon laquelle il leur était possible de quitter volontairement la zone de transit. Au vu des circonstances, les requérants ne pouvaient quitter cette zone pour gagner la Serbie sans en subir de lourdes conséquences indésirables, à savoir sans renoncer à leurs demandes d’asile et s’exposer à un risque de refoulement.
56. La Cour en conclut que l’internement des requérants dans la zone de transit s’analyse en une privation de liberté de facto (voir, mutatis mutandis, Riad et Idiab, ibidem). L’article 5 § 1 de la Convention est donc applicable. Statuer autrement contraindrait les requérants à choisir entre leur liberté et la conduite d’une procédure visant en définitive à les préserver du risque d’exposition à un traitement contraire à l’article 3 de la Convention, ce qui anéantirait la protection offerte par l’article 5 de la Convention.
57. Ce volet de la requête n’est donc pas incompatible ratione materiae avec les dispositions de la Convention. De plus, il n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit dès lors être déclaré recevable.
B. Sur le fond
58. La Cour doit à présent examiner la compatibilité de la privation de liberté constatée en l’espèce avec le paragraphe 1 de l’article 5 de la Convention.
59. Les requérants plaident que la mesure incriminée était dépourvue de tout fondement en droit interne. Ils ajoutent que la Hongrie, État membre de l’Union européenne, était tenue d’agir en conformité avec l’article 8 § 1 de la directive 2013/33/UE (paragraphe 35 ci-dessus) interdisant aux États membres de placer une personne en rétention au seul motif qu’elle est un demandeur d’asile. Ils disent que le paragraphe 3 de l’article 8 énumère limitativement les motifs de détention des demandeurs d’asile et qu’aucun d’eux n’est applicable en l’espèce. Ils soulignent que la détention doit faire l’objet d’un examen individuel et être nécessaire et proportionnée. Ils soutiennent qu’un État membre ne peut y recourir que si aucune alternative non coercitive ne peut être retenue.
60. Le Gouvernement soutient que, quand bien même l’article 5 de la Convention serait applicable en l’espèce, la privation de liberté était justifiée au regard de la première branche de l’article 5 § 1 f). Il ajoute que l’article 71/A (1) et (2) de la loi relative à l’asile (paragraphe 31 ci-dessus) était en droit interne la base légale de la détention.
61. La Cour rappelle que l’article 5 consacre un droit fondamental de l’homme, à savoir la protection de l’individu contre les atteintes arbitraires de l’État à son droit à la liberté. Les alinéas a) à f) de l’article 5 § 1 contiennent une liste exhaustive des motifs autorisant la privation de liberté ; pareille mesure n’est pas régulière si elle ne relève pas de l’un de ces motifs (voir, par exemple, O.M. c. Hongrie, no 9912/15, § 40, 5 juillet 2016, et Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, § 43, CEDH 2008). Elle estime qu’en l’espèce la seule disposition susceptible d’offrir une justification à la mesure dénoncée est l’article 5 § 1 f) de la Convention.
62. La première branche de l’article 5 § 1 f) permet la détention des demandeurs d’asile ou des autres immigrants avant l’octroi par l’État d’une autorisation d’entrer. Pareille détention doit se concilier avec la finalité générale de l’article 5, qui est de protéger le droit à la liberté et d’assurer que nul ne soit dépouillé de sa liberté de manière arbitraire (Saadi c. Royaume-Uni, précité, § 66).
63. La Cour rappelle également qu’en matière de « régularité » d’une détention, y compris l’observation des « voies légales », l’article 5 § 1 renvoie pour l’essentiel à la législation nationale mais également, le cas échéant, à d’autres normes juridiques applicables aux intéressés, y compris celles qui trouvent leur source dans le droit international (Medvedyev et autres c. France [GC], no 3394/03, § 79, CEDH 2010, Takush c. Grèce, no 2853/09, § 40, 17 janvier 2012, et Kholmurodov c. Russie, no 58923/14, § 84, 1er mars 2016). Ces normes peuvent clairement découler aussi du droit de l’Union européenne. À cet égard, la Cour rappelle que c’est au premier chef aux autorités nationales, notamment aux juridictions, qu’il incombe d’interpréter la législation interne, le cas échéant conformément au droit de l’Union européenne. À moins que l’interprétation ne soit arbitraire ou manifestement déraisonnable (Anheuser-Busch Inc. c. Portugal [GC], no 73049/01, § 86, CEDH 2007‑I), son rôle se limite à vérifier la compatibilité avec la Convention des effets de cette interprétation (Waite et Kennedy c. Allemagne [GC], no 26083/94, § 54, CEDH 1999‑I, et Rohlena c. République tchèque [GC], no 59552/08, § 51, CEDH 2015 ; voir aussi, en particulier s’agissant du droit de l’Union européenne, Ullens de Schooten et Rezabek c. Belgique, nos 3989/07 et 38353/07, § 54, 20 septembre 2011, et Jeunesse c. Pays-Bas [GC], no 12738/10, § 110, 3 octobre 2014). La Convention exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire (Riad et Idiab, précité, § 71 et les précédents y cités).
64. Quant à la notion d’arbitraire dans ce domaine, la Cour se réfère aux principes énoncés dans sa jurisprudence (en particulier Saadi c. Royaume-Uni, précité, §§ 67 à 73) et souligne que, pour ne pas être taxée d’arbitraire, une mesure de détention relevant de l’article 5 § 1 f) doit être mise en œuvre de bonne foi ; elle doit être étroitement liée au but consistant à empêcher une personne de pénétrer irrégulièrement sur le territoire ; en outre, le lieu et les conditions de détention doivent être appropriés, car une telle mesure s’applique non pas à des auteurs d’infractions pénales mais à des étrangers qui, craignant souvent pour leur vie, fuient leur propre pays ; enfin, la durée de la détention ne doit pas excéder le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi (Lokpo et Touré c. Hongrie, no 10816/10, § 22, 20 septembre 2011). Elle ajoute que les États membres de l’Union européenne ne peuvent mettre en rétention une personne au seul motif qu’elle est un demandeur au sens de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (paragraphe 34 ci‑dessus).
65. Les requérants ont été détenus dans la zone du transit du 15 septembre 2015 au 8 octobre 2015, soit pendant 23 jours. Le Gouvernement dit que l’article 71/A (1) et (2) de la loi relative à l’asile offrait à cette mesure une base légale suffisante. Il ajoute que cette disposition renvoie à l’article 5 de cette même loi, qui interdit aux demandeurs d’asile faisant l’objet d’une procédure à la frontière de séjourner sur le territoire de la Hongrie et de demander à être logés dans un lieu précis.
66. La Cour estime que ces règles n’encadraient pas avec suffisamment de précision et de prévisibilité la possibilité que les demandeurs d’asile tels que les requérants soient internés dans la zone de transit – une mesure qui, au vu des circonstances, s’analysait en une privation de liberté quelle que fût la qualification qu’en donnait le droit interne. Elle a d’ailleurs du mal à voir dans ces dispositions la moindre mention de l’éventualité d’une détention dans la zone de transit. Les observations du Gouvernement selon lesquelles le séjour des requérants dans la zone de transit, bien que non constitutif d’une détention, n’en avait pas moins une base manifeste en droit interne (paragraphe 60 ci-dessus) ne font que jeter le doute sur la clarté et la prévisibilité des dispositions internes en question.
67. En tout état de cause, la Cour constate que la détention des requérants s’est apparemment déroulée de facto, c’est-à-dire comme s’il s’agissait d’un expédient. Cette solution n’était formalisée par aucune décision revêtant une portée juridique et fondée sur un raisonnement.
68. Il se peut très bien que les raisons expliquant la détention des requérants soient celles évoquées par le Gouvernement sur le terrain de l’article 5 § 1 f) de la Convention, à savoir la lutte contre les abus de la procédure d’asile. Il n’en reste pas moins aux yeux de la Cour que les requérants ont été privés de leur liberté en l’absence de toute décision formelle des autorités et seulement en vertu d’une disposition générale de la loi interprétée de manière extensive – une procédure qui pour la Cour ne répond pas aux exigences découlant de sa jurisprudence. Les conditions posées à l’article 31/A de la loi relative à l’asile n’ont pas été satisfaites et aucune décision formelle n’a été prise ; de surcroît, l’article 71/A ne prévoyait aucun motif spécial pour la détention dans la zone de transit. À cet égard, la Cour rappelle qu’elle a jugé incompatible avec le principe de protection contre l’arbitraire consacré par l’article 5 § 1 l’absence totale de motivation de décisions judiciaires autorisant une détention pendant une durée prolongée (Stašaitis c. Lituanie, no 47679/99, § 67, 21 mars 2002, Nakhmanovich c. Russie, no 55669/00, § 70, 2 mars 2006, Belevitski c. Russie, no 72967/01, § 91, 1er mars 2007, et Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 79, 9 juillet 2009).
69. Dès lors, la détention des requérants ne saurait être réputée conduite « selon les voies légales » pour les besoins de l’article 5 § 1 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 4 DE LA CONVENTION
70. Les requérants soutiennent également qu’aucun recours judiciaire approprié ne leur permettait de remédier à leur privation de liberté dans la zone de transit, en violation des articles 5 § 4 et 13 de la Convention.
71. La Cour considère qu’il y a lieu d’examiner ce grief sur le terrain du seul article 5 § 4 de la Convention, cette disposition, ainsi libellée, tenant lieu de lex specialis en la matière :
« Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
A. Sur la recevabilité
72. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit donc être déclaré recevable.
B. Sur le fond
73. Les requérants soutiennent que, leur détention n’ayant reposé sur aucune décision formelle, aucune procédure ne leur permettait de contester la légalité de la mesure.
74. Le Gouvernement plaide que la décision des autorités en matière d’asile sur l’applicabilité des règles régissant la procédure à la frontière, notamment en ce qu’elle refusait d’accorder un traitement préférentiel aux requérants, a fait l’objet d’un contrôle judiciaire intervenu seulement six jours après leur arrivée dans la zone de transit.
75. La Cour observe que la détention des requérants s’analyse en une mesure de facto qui ne reposait sur aucune décision statuant expressément sur la question de la privation de liberté (paragraphe 67 ci-dessus). De plus, la procédure évoquée par le Gouvernement avait pour objet non pas la question de la liberté personnelle mais celle des demandes d’asile des requérants. Dans ces conditions, on voit vraiment mal comment les requérants auraient pu former d’un quelconque recours judiciaire contre leur internement et leur détention dans la zone de transit – des mesures qui elles-mêmes n’avaient pas été ordonnées par le biais d’une quelconque procédure formelle ni n’avaient pris la forme d’une décision.
76. La Cour en conclut que les requérants n’ont pas disposé d’un « recours devant un tribunal [permettant de] statue[r] à bref délai sur la légalité de [leur] détention ».
77. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION À RAISON DES CONDITIONS DANS LA ZONE DE TRANSIT FRONTALIÈRE DE RÖSZKE
78. Les requérants voient dans leurs conditions d’internement dans la zone de transit de Röszke un traitement inhumain et dégradant. Ils invoquent l’article 3 de la Convention, ainsi libellé :
« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
A. Sur la recevabilité
79. La Cour constate que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit donc être déclaré recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
80. Les requérants voient dans leurs mauvaises conditions d’accueil dans la zone de transit, décrites par eux au paragraphe 10 ci-dessus, un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention.
81. Le Gouvernement dit que les désagréments que les requérants ont pu subir dans la zone de transit n’ont pas atteint le degré de gravité minimal pour que l’article 3 de la Convention puisse s’appliquer. À l’appui de sa thèse, il livre son propre récit des faits, exposé au paragraphe 11 ci-dessus.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
82. La Cour a récemment exposé, dans l’arrêt Khlaifia et autres c. Italie ([GC], no 16483/12, §§ 158-167, CEDH 2016), les principes généraux applicables au traitement des migrants en détention.
83. La Cour a déjà eu l’occasion de reconnaître que les États situés aux frontières extérieures de l’Union européenne rencontrent actuellement des difficultés considérables pour faire face à un flux croissant de migrants et de demandeurs d’asile (M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], no 30696/09, § 223, CEDH 2011). Cela étant, elle ne peut que réaffirmer sa jurisprudence bien établie selon laquelle, vu le caractère absolu de l’article 3 de la Convention, un afflux croissant de migrants ne peut pas exonérer les États contractants de leurs obligations au regard de cette disposition, qui exige que toute personne privée de sa liberté puisse jouir de conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine. Elle estime toutefois qu’il serait manifestement artificiel d’examiner les faits de l’espèce en faisant abstraction du contexte général dans lequel ils se sont déroulés. Dans son examen, elle gardera donc à l’esprit, parmi d’autres facteurs, que les difficultés et les désagréments indéniables que les requérants ont dû endurer découlaient dans une mesure significative de la situation d’extrême difficulté à laquelle les autorités ont dû faire face à l’époque litigieuse (Khlaifia et autres, précité, §§ 184-185).
b) Application en l’espèce des principes susmentionnés
84. Dans son rapport adressé au gouvernement hongrois relatif à sa visite en Hongrie du 21 au 27 octobre 2015, c’est-à-dire peu après le départ des requérants de la zone de transit, le CPT a qualifié d’acceptables les conditions dans les containers de logement utilisés à Rözke. Il a néanmoins dit que, si des ressortissants étrangers venaient à être détenus dans la zone de transit pendant une plus longue durée, il faudrait alors réduire la capacité maximale des containers de logement et les doter d’un mobilier rudimentaire (paragraphe 36 ci-dessus).
85. Pendant 23 jours, les requérants ont été confinés dans un espace clos d’une superficie d’environ 110 m², à côté duquel une chambre leur était fournie dans l’un des nombreux containers prévus à cet effet. Selon le CPT, ces chambres étaient d’une superficie de 13 m² au sol. La chambre des requérants contenait des lits pour cinq personnes mais il apparaît que, à l’époque des faits, ils en étaient les seuls occupants. Il y avait des sanitaires dans des containers séparés et le CPT a constaté que leur qualité n’appelait aucune observation particulière. Les requérants allèguent qu’aucun soin médical n’y était dispensé ; or, une psychiatre a pu se rendre auprès d’eux et les installations médicales ont fait plutôt bonne impression au CPT. Trois repas par jour étaient servis aux requérants. S’ils se sont certes plaints de l’absence d’installations de loisir et de matériel de communication, rien n’indique que les conditions matérielles fussent mauvaises, et en particulier qu’il y eût des carences en matière d’espace personnel, d’intimité, de ventilation, de lumière naturelle ou de promenade.
86. Cela dit, la Cour prend note de l’avis de la psychiatre, qui a conclu que les requérants souffraient de troubles de stress post-traumatique. Selon les requérants, ce problème montre qu’ils avaient été l’objet d’une « forme grave de violence psychologique », au sens de l’article 2 k) de la loi relative à l’asile, ce qui par voie de conséquence aurait dû selon eux faire échec à l’application à leur égard de la procédure à la frontière, par l’effet de l’article 71/A (7) de cette même loi (paragraphe 31 ci-dessus).
87. Indépendamment de la qualification de l’état de santé des requérants au regard du droit interne – à l’égard de laquelle elle ne peut substituer sa propre appréciation à celle des autorités nationales –, la Cour note que les événements qui se seraient produits au Bangladesh apparaissent antérieurs de plusieurs années à l’arrivée des requérants en Hongrie. Ces derniers n’ont passé qu’un bref moment en Serbie (paragraphe 9 ci-dessus) et n’ont fait état d’aucun incident dans d’autres pays. S’il est vrai que les demandeurs d’asile sont considérés comme particulièrement vulnérables du fait de leur parcours migratoire et des expériences traumatiques qu’ils peuvent avoir vécues en amont (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 232), les requérants en l’espèce, aux yeux de la Cour, n’étaient pas plus vulnérables que d’autres demandeurs d’asile majeurs détenus à l’époque (Mahamed Jama c. Malte, no 10290/13, § 100, 26 novembre 2015, et, à l’inverse, Aden Ahmed c. Malte, no 55352/12, §§ 97-99, 23 juillet 2013).
88. Certes, l’internement des requérants ne reposait sur aucune base juridique adéquate (paragraphes 49 à 57 ci-dessus), et cette absence de base légale à leur privation de liberté a pu contribuer au sentiment d’infériorité nourri dans les conditions dénoncées. Cependant, toute mesure privative de liberté emporte avec elle un sentiment de souffrance et d’humiliation qui, en lui-même, n’emporte pas violation de l’article 3 (Stanev, précité, § 204).
89. Les conditions matérielles du séjour étant satisfaisantes et celui-ci étant relativement bref, la Cour conclut que le traitement dénoncé n’a pas atteint le niveau minimal de gravité nécessaire pour constituer un traitement inhumain au sens de l’article 3 de la Convention.
90. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut à l’absence de violation de l’article 3 de la Convention.
IV. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION, EN COMBINAISON AVEC L’ARTICLE 3, À RAISON DES CONDITIONS DANS LA ZONE DE TRANSIT FRONTALIÈRE DE RÖZKE
91. Les requérants disent qu’aucun recours effectif ne leur permettait de se plaindre des conditions de leur détention dans la zone de transit. Ils invoquent article 13 de la Convention, en combinaison avec l’article 3.
L’article 13 est ainsi libellé :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnues dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles. »
A. Sur la recevabilité
92. Le Gouvernement estime que les requérants n’ont pas soulevé cette question dans leur requête, et certainement pas dans les six mois à compter de la date de leur départ de la zone de transit. Il en conclut que le grief a été formé au-delà du délai de six mois fixé par l’article 35 § 1 de la Convention.
93. Les requérants récusent cette thèse, estimant avoir déjà formulé ce grief dans leur demande fondée sur l’article 39 du règlement.
94. La Cour constate que, dans leur demande de mesures provisoires du 25 septembre 2015, présentée devant la Cour dans les délais, les requérants plaidaient qu’aucune voie de recours ne leur était ouverte contre leurs conditions d’internement dans la zone de transit (paragraphe 3 ci-dessus). La Cour ayant été saisie de ce grief antérieurement à leur départ de la zone de transit le 8 octobre 2015, l’exception formée par le Gouvernement doit être rejetée.
95. La Cour constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit donc être déclaré recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
96. Les requérants soutiennent qu’aucune voie de recours interne ne leur permettait de se plaindre de leurs conditions d’accueil dans la zone de transit. Ils estiment que ces conditions avaient certainement fait naître au moins un grief défendable, pour les besoins de l’article 13, de violation de leurs droits tirés de l’article 3 de la Convention.
97. Selon le Gouvernement, les requérants ne pouvaient tirer aucun grief défendable de violation de l’article 3 de la Convention en la matière parce que les conditions dénoncées n’avaient pas atteint le degré minimum de gravité requis, et l’article 13 n’était donc pas applicable.
2. Appréciation de la Cour
98. L’article 13 de la Convention garantit l’existence en droit interne d’un recours permettant de s’y prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu’ils peuvent s’y trouver consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d’exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d’un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié. La portée de l’obligation que l’article 13 fait peser sur les États contractants varie en fonction de la nature du grief du requérant. Toutefois, le recours exigé par l’article 13 doit être « effectif » en pratique comme en droit. L’« effectivité » d’un « recours » au sens de l’article 13 ne dépend pas de la certitude d’une issue favorable pour le requérant. De même, l’« instance » dont parle cette disposition n’a pas besoin d’être une institution judiciaire, mais alors ses pouvoirs et les garanties qu’elle présente entrent aussi en ligne de compte pour apprécier l’effectivité du recours s’exerçant devant elle. En outre, l’ensemble des recours offerts par le droit interne peuvent remplir les exigences de l’article 13, même si aucun d’eux n’y répond en entier à lui seul (voir, parmi de nombreux autres précédents, Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, § 157, CEDH 2000‑XI, et Hirsi Jamaa et autres c. Italie [GC], no 27765/09, § 197, CEDH 2012).
99. La Cour a jugé recevable le grief, tiré par les requérants sous le volet matériel de l’article 3, de leurs conditions de détention (paragraphe 79 ci‑dessus). Bien que, pour les motifs exposés ci-dessus, elle n’ait pas conclu à la violation de cette disposition, elle n’en considère pas moins que les griefs formulés par les requérants ne sont pas manifestement mal fondés et qu’ils soulèvent de graves questions de fait et de droit appelant un examen sur le fond. Les griefs en question étaient donc « défendables » pour les besoins de l’article 13 de la Convention (Khlaifia et autres, précité, §§ 268‑269).
100. La Cour constate par ailleurs que le Gouvernement n’a fait état d’aucun recours au moyen duquel les requérants auraient pu se plaindre de leurs conditions de détention dans la zone de transit.
101. Il y a donc eu violation de l’article 13 de la Convention, en combinaison avec l’article 3.
V. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION FONDÉE SUR LE RISQUE DE TRAITEMENT INHUMAIN ET DÉGRADANT
102. Les requérants allèguent que leur expulsion vers la Serbie, entourée de garanties procédurales inadéquates, les avait exposés à un risque réel de refoulement en chaîne s’analysant un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention.
A. Sur la recevabilité
103. Le Gouvernement soutient que, les requérants étant déjà revenus en Serbie mais n’ayant dirigé contre ce pays aucun grief tiré de leurs conditions d’accueil ou de leur expulsion imminente vers encore un autre pays, ils ne peuvent se prétendre victimes, pour les besoins de l’article 34, d’une violation de leurs droits découlant de l’article 3 de la Convention à raison de leur expulsion vers la Serbie.
104. Les requérants récusent cette thèse, estimant en particulier que la question principale est de savoir si, au cours de la procédure d’asile, les autorités hongroises s’étaient acquittées de leurs obligations matérielles et procédurales concernant l’appréciation d’un risque au regard de l’article 3. Qu’ils n’aient fait l’objet d’aucun traitement contraire à cette disposition en Serbie n’exonérerait pas l’État défendeur de sa responsabilité pour manquement à ses obligations.
105. Lorsqu’un requérant a déjà été expulsé, la Cour recherche si, à la date où il est sorti du territoire de l’État défendeur, il était exposé à un risque réel de traitement proscrit par l’article 3 dans l’État de destination (voir, par exemple, Mouminov c. Russie, no 42502/06, §§ 91-92, 11 décembre 2008). Cette démarche va dans le sens des conclusions antérieures de la Cour selon lesquelles, la nature de la responsabilité des États contractants sur le terrain de l’article 3 dans les affaires de ce type reposant sur le fait d’exposer un individu à un risque de mauvais traitement, il faut contrôler l’existence de ce risque en se référant en priorité aux circonstances dont l’État en cause avait ou devait avoir connaissance à la date de sortie du territoire. Cela n’empêche pas pour autant la Cour de tenir compte de renseignements ultérieurs ; ils peuvent servir à confirmer ou infirmer l’analyse que la Partie contractante concernée a faite du bien-fondé des craintes d’un requérant (voir, par exemple, Mamatkoulov et Askarov c. Turquie [GC], nos 46827/99 et 46951/99, § 69, CEDH 2005‑I).
106. De plus, la Cour a dit à plusieurs reprises qu’une décision ou une mesure favorable à un requérant ne suffit en principe à lui retirer la qualité de « victime » que si les autorités nationales ont reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation de la Convention (voir, parmi d’autres précédents, Murray c. Pays-Bas [GC], no 10511/10, § 83, CEDH 2016). Ce n’est que lorsque ces conditions sont satisfaites que la nature subsidiaire du mécanisme de protection de la Convention s’oppose à un examen de la requête (voir, par exemple, Arat c. Turquie, no 10309/03, § 46, 10 novembre 2009).
107. Dès lors, le simple fait que les requérants ont déjà été expulsés du territoire hongrois n’exonère pas la Cour de son obligation d’examiner leurs griefs formulés sur le terrain de l’article 3 de la Convention, faute d’une reconnaissance d’une violation et d’un redressement offert à eux. La Cour en conclut que les requérants ont conservé leur qualité de victimes pour les besoins de l’article 34 de la Convention. Elle constate en outre que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité. Il doit donc être déclaré recevable.
B. Sur le fond
1. Thèses des parties
a) Les requérants
108. Les requérants disent que les autorités internes auraient dû tout de suite prendre en compte leurs « besoins spéciaux » et que le régime de la procédure à la frontière n’aurait donc pas dû leur être appliqué (article 71/A de la loi relative à l’asile, cité au paragraphe 31 ci-dessus). Ils voient en outre une violation de l’article 3 de la Convention dans le fait que les autorités hongroises ont regardé la Serbie comme un « État tiers sûr » sans se livrer à une analyse détaillée et individualisée. Ils estiment que leurs dossiers ont été examinés superficiellement, sans considération de la pratique en Serbie en matière de procédure d’asile. Ils soutiennent que leur droit de lever la présomption faisant de la Serbie un « État tiers sûr » n’a pas été respecté du tout au cours de la première procédure d’asile et qu’il a été sérieusement entravé dans le cadre de la procédure rouverte. Ils ajoutent que la jurisprudence interne existante concernant la levée de cette présomption exigeait des preuves accablantes, dont la production aurait été irréaliste. Ils en concluent que les autorités leur avaient fermé l’accès à l’examen de la demande d’asile sur le fond. Ils ajoutent que cette situation avait été aggravée par le fait que les seules informations juridiques remises par les autorités à l’un des requérants concernant ses droits étaient rédigées en une langue qu’il ne comprenait pas, dans une brochure qu’il ne pouvait pas lire (paragraphe 13 ci-dessus).
b) Le Gouvernement
109. Le Gouvernement soutient que, les avis médicaux (paragraphes 19 et 20 ci-dessus) n’ayant pas conclu que les requérants avaient des besoins spéciaux qui ne pouvaient être satisfaits dans la zone de transit, le régime de la procédure à la frontière était applicable en l’espèce.
110. Concernant la qualité d’État tiers sûr de la Serbie, le Gouvernement estime que l’existence d’une présomption réfragable est conforme à la jurisprudence de la Cour et qu’elle vise à prévenir les abus du droit d’asile. Le règlement Dublin III et la directive 2013/32/UE disposeraient que les États membres de l’Union européenne sont libres de déterminer quels pays ils considèrent comme des États tiers sûrs et de dresser leurs propres listes énumérant ceux-ci (comme l’auraient fait par exemple l’Allemagne et la France). La Hongrie aurait établi sa liste de pays tiers, publiée dans le décret no 191/2015. (VII.21.) portant définition des pays d’origine sûrs et des pays tiers sûrs (paragraphe 33 ci-dessus). La Serbie aurait figuré sur cette liste parce que, selon le Gouvernement, elle pouvait être considérée comme un pays tiers sûr en général, étant partie à la Convention de Genève sur les réfugiés et candidate à l’adhésion à l’Union européenne. À ce titre, elle recevrait un soutien financier et technique de l’Union européenne afin de l’aider à satisfaire aux conditions d’adhésion et à réformer son système d’asile. De plus, pour autant que le Gouvernement le sache, rien dans la jurisprudence de la Cour n’indiquerait que la Serbie ne dispose pas d’un système d’asile fonctionnant correctement et n’est donc pas un État tiers sûr.
111. Par ailleurs, en l’espèce, les requérants auraient tenu devant les autorités des propos incohérents et contradictoires. De ce fait, ils n’auraient pas été en mesure de lever la présomption faisant de la Serbie un État tiers sûr. Ils ne seraient pas parvenus à établir qu’ils étaient exposés à la persécution ou à un risque de mauvais traitements dans leur pays d’origine, faute de quoi il ne pourrait y avoir le moindre risque valable de refoulement en Serbie.
2. Appréciation de la Cour
a) Principes généraux
112. La Cour rappelle tout d’abord que les États contractants ont, en vertu d’un principe de droit international bien établi et sans préjudice des obligations découlant pour eux de traités, y compris la Convention, le droit de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux (voir, par exemple, F.G. c. Suède [GC], no 43611/11, § 111, CEDH 2016, Hirsi Jamaa et autres, précité, § 113, et Üner c. Pays-Bas [GC], no 46410/99, § 54, CEDH 2006‑XII). En outre, ni la Convention ni ses Protocoles ne consacrent le droit à l’asile politique. Toutefois, l’expulsion par un État contractant peut soulever un problème au regard de l’article 3, et donc engager la responsabilité de cet État au titre de la Convention, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que l’intéressé, si on l’expulse vers le pays de destination, y courra un risque réel d’être soumis à un traitement contraire à l’article 3. Dans ce cas, cette disposition implique l’obligation de ne pas expulser la personne en question vers ce pays (voir, par exemple, Saadi c. Italie [GC], no 37201/06, §§ 124-125, CEDH 2008).
113. Dans les affaires mettant en cause l’expulsion de demandeurs d’asile, la Cour a précisé qu’elle se garde d’examiner elle-même les demandes d’asile ou de contrôler la manière dont les États remplissent leurs obligations découlant de la Convention de Genève. Sa préoccupation essentielle est de savoir s’il existe des garanties effectives qui protègent le requérant contre un refoulement arbitraire, direct ou indirect, vers le pays qu’il a fui (voir, par exemple, M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 286). Lorsqu’elle analyse l’existence d’un risque réel, la Cour se doit d’appliquer des critères rigoureux (voir, par exemple, F.G. c. Suède, précité, § 113).
114. Le caractère subsidiaire du mécanisme de saisine de la Cour découle des articles 13 et 35 § 1 de la Convention (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 287). Toujours est-il que la Cour doit estimer établi que l’appréciation livrée par les autorités de l’État contractant est adéquate et suffisamment étayée par les données internes et par celles provenant d’autres sources fiables et objectives, comme par exemple d’autres États contractants ou des États tiers, des organes des Nations unies et des organisations non gouvernementales réputées pour leur sérieux (NA. c. Royaume-Uni, no 25904/07, § 119, 17 juillet 2008). De plus, lorsque des procédures internes ont été menées, elle n’a pas à substituer sa propre appréciation des faits à celle des juridictions nationales, auxquelles il appartient en principe d’établir les faits sur la base des éléments du dossier (voir, par exemple, Nizomkhon Dzhurayev c. Russie, no 31890/11, § 113, 3 octobre 2013). En règle générale, les autorités nationales sont les mieux placées pour apprécier non seulement les faits mais, plus particulièrement, la crédibilité de témoins, car ce sont elles qui ont eu la possibilité de voir, examiner et évaluer le comportement de la personne concernée (voir, par exemple, F.G. c. Suède, précité, § 118, et R.C. c. Suède, no 41827/07, § 52, 9 mars 2010).
115. Il appartient en principe à la personne qui sollicite une protection internationale dans un État contractant de présenter, dès que possible, sa demande d’asile accompagnée des motifs qui la sous-tendent et de produire des éléments susceptibles d’établir l’existence de motifs sérieux et avérés de croire que son expulsion vers son pays d’origine impliquerait pour elle un risque réel et concret d’être exposée à un traitement contraire à l’article 3 (F.G. c. Suède, précité, § 125). Concernant toutefois les demandes d’asile fondées sur un risque général bien connu, lorsque les informations sur un tel risque sont faciles à vérifier à partir d’un grand nombre de sources, les obligations découlant pour les États de l’article 3 de la Convention dans les affaires d’expulsion impliquent que les autorités évaluent ce risque d’office (voir, par exemple, M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, § 366).
116. La Cour a déjà dit que le défaut d’information constituait un obstacle majeur à l’accès aux procédures d’asile. Elle rappelle l’importance de garantir aux personnes concernées par une mesure d’éloignement, dont les conséquences sont potentiellement irréversibles, le droit d’obtenir des informations suffisantes leur permettant d’avoir un accès effectif aux procédures et d’étayer leurs griefs (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, §§ 301 et 304, et Hirsi Jamaa et autres, précité, § 204).
b) Application en l’espèce des principes susmentionnés
117. La Cour doit rechercher si, à la date de leur expulsion du territoire hongrois le 8 octobre 2015, les requérants pouvaient soutenir de manière défendable que leur refoulement vers la Serbie serait contraire à l’article 3 de la Convention.
118. La Cour constate que les requérants ont été expulsés de Hongrie sur la base d’un décret gouvernemental énumérant la Serbie parmi les États tiers sûrs et créant une présomption à cet effet. C’est sous l’empire de ce texte que leur situation a été individuellement appréciée quant aux risques qu’ils encouraient en cas de retour en Serbie. Cette appréciation reposait effectivement sur un renversement de la charge de la preuve au détriment des requérants, qui étaient notamment tenus d’établir le risque réel de traitement inhumain et dégradant consistant en une situation de refoulement en chaîne vers la Serbie, puis vers l’ex-République yougoslave de Macédoine, et enfin vers la Grèce. Or c’est aux autorités internes qu’il appartient d’apprécier d’office ce risque lorsque les informations au sujet de celui-ci sont faciles à vérifier à partir d’un grand nombre de sources. Non seulement les autorités hongroises ne se sont pas livrées à cette appréciation des risques individuels, mais elles se sont même refusées à examiner au fond les éléments d’information produits par l’avocat, limitant leur raisonnement à la position adoptée dans le décret gouvernemental no 191/2015.
119. Il faut noter à ce stade que les articles 31 § 8 b), 33, 38 § 1 et 43 de la directive 2013/32/UE (paragraphe 34 ci-dessus) permettent une procédure accélérée/à la frontière pour les demandeurs d’asile venant d’un « pays d’origine sûr ». Toutefois, pour ce qui est de savoir si, et dans quelle mesure, le droit hongrois était conforme à ces dispositions, la Cour ne saurait se livrer à un examen de la manière dont les autorités internes appliquent le droit de l’Union européenne.
120. La Cour constate que, entre janvier 2013 et juillet 2015, la Serbie n’était pas considérée comme un pays tiers sûr en Hongrie (paragraphe 46 ci-dessus). Cette position était conforme aux constats d’organisations internationales faisant état de lacunes dans la procédure d’asile en Serbie (voir, par exemple, Mohammadi, précité, § 29). Or, la réforme législative de 2015 a constitué un brusque revirement de la position hongroise concernant la Serbie en matière de procédure d’asile (voir les rapports du HCR et de l’ECRE cités aux paragraphes 37 à 39 ci-dessus). Ce revirement des autorités hongroises à cet égard conduit à se demander s’il traduit une amélioration notable des garanties offertes aux demandeurs d’asile en Serbie. Cependant, le Gouvernement n’a fourni aucune explication ou raison convaincante à ce revirement, surtout compte tenu des réserves émises encore en décembre 2016 par le HCR et par des organes internationaux de protection des droits de l’homme réputés pour leur sérieux (paragraphe 41 ci-dessus).
121. Il s’agit d’un point particulièrement préoccupant aux yeux de la Cour, les requérants étant arrivés en Hongrie en passant par l’ex-République yougoslave de Macédoine, la Serbie et la Grèce (paragraphe 9 ci-dessus). La Cour constate que, en 2012, le HCR avait instamment appelé les États à ne pas refouler les demandeurs d’asile vers la Serbie (paragraphe 40 ci‑dessus), notamment parce que ce pays ne disposait pas d’une procédure d’asile équitable et effective, et qu’il existait un risque réel que les demandeurs d’asile fussent sommairement refoulés vers l’ex-République yougoslave de Macédoine.
122. S’agissant de ce dernier pays, le HCR a constaté en 2015 que, malgré de nouveaux éléments positifs, de graves lacunes persistaient dans le système d’asile en pratique ; que le pays n’était pas en mesure de garantir l’accès pour les demandeurs d’asile à une procédure d’asile équitable et effective ; que ces procédures d’asile inadéquates conduisaient à de faibles taux de reconnaissance, même pour la minorité des demandeurs d’asile restant sur le territoire du pays pour attendre l’issue de leur demande. Bien qu’il ait relevé que les demandeurs d’asile arrivant dans le pays étaient préservés du risque de refoulement grâce à l’instauration, en juin 2015, d’une procédure de prise d’acte de l’intention de présenter une demande d’asile à la frontière, la Cour ne peut que constater que les autorités hongroises n’ont pas cherché à veiller à ce que les requérants, refoulés en Serbie, ne soient pas ensuite expulsés vers la Grèce, notamment compte tenu des défaillances procédurales et du très faible taux de reconnaissance en ex-République yougoslave de Macédoine (paragraphe 42 ci-dessus).
123. S’agissant de la Grèce, la Cour a constaté que les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, en raison notamment des défaillances dans la procédure d’asile, étaient constitutives d’une violation de l’article 3, isolément ou en combinaison avec l’article 13 de la Convention (M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité, §§ 62 à 86, 231, 299 à 302 et 321). Bien que certains développements récents (paragraphe 43 ci-dessus) montrent une amélioration du traitement des demandeurs d’asile en Grèce, propice à un rétablissement progressif des transferts vers ce pays, tel n’était pas encore le cas à l’époque des faits.
124. Si la Cour est préoccupée par les défaillances ci-dessus, elle n’est pas appelée en l’espèce à statuer sur l’existence d’un risque systémique de mauvais traitements dans les pays susmentionnés, la procédure appliquée par les autorités hongroises n’étant pas à même d’offrir la protection nécessaire contre un risque réel de traitement inhumain ou dégradant. Les autorités se sont notamment référées schématiquement à la liste des pays tiers sûrs dressée par le Gouvernement (paragraphe 33 ci-dessus), elles ont méconnu les comptes rendus et autres éléments concernant les pays produits par les requérants, et elles ont fait reposer sur ceux-ci une charge excessive en matière de preuve. De plus, la Cour observe que, à cause d’une erreur, l’entretien avec le premier requérant a été conduit avec le concours d’un interprète en langue dari, qu’il ne parle pas, et que l’autorité en matière d’asile lui a fourni une brochure d’information sur la procédure d’asile rédigée dans cette langue aussi (paragraphe 13 ci-dessus). De ce fait, ses chances d’être activement associé à la procédure et de livrer un récit détaillé de sa fuite de son pays d’origine étaient extrêmement limitées. Les requérants sont analphabètes, or toutes les informations qu’ils ont reçues sur la procédure d’asile figuraient dans une brochure. Il apparaît donc que les autorités ne leur ont pas donné suffisamment d’informations sur la procédure, une carence aggravée par l’impossibilité pour eux de s’entretenir avec leur avocat avant l’audience de manière à discuter de leurs dossiers en détail (paragraphe 16 ci-dessus). De plus, une traduction des décisions en l’espèce n’a été communiquée à leur avocat que deux mois après leur adoption, alors que les requérants avaient quitté la Hongrie depuis déjà deux mois (paragraphe 30 ci-dessus).
125. La Cour conclut de ce qui précède que les requérants n’ont pas bénéficié de garanties effectives qui les auraient préservés de l’exposition à un risque réel de faire l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant contraire à l’article 3 de la Convention. Il y a donc eu violation de cette disposition à cet égard.
VI. SUR LES AUTRES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE LA CONVENTION
126. Les requérants soutiennent par ailleurs qu’ils ne disposaient d’aucun recours effectif pour contester leur expulsion vers la Serbie, en violation de l’article 13 de la Convention, combiné avec l’article 3.
127. Cependant, compte tenu de sa conclusion voyant dans l’expulsion des requérants vers la Serbie une violation de l’article 3 de la Convention, la Cour ne juge pas nécessaire de statuer séparément sur la recevabilité ou le fond du grief soulevé sur le terrain de l’article 13 de la Convention, en combinaison avec l’article 3.
VII. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
128. L’article 41 de la Convention dispose :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
129. Les requérants réclament 15 000 euros (EUR) chacun pour dommage moral.
130. Le Gouvernement s’oppose à cette demande.
131. La Cour considère que les requérants ont forcément subi un dommage moral, et elle leur alloue 10 000 EUR chacun à ce titre.
B. Frais et dépens
132. Les requérants réclament aussi, conjointement, 8 705 EUR pour leurs frais et dépens occasionnés devant la Cour, somme correspondant selon eux à 57 heures et 30 minutes de travail juridique facturables par leur avocat à un taux horaire de 150 EUR, plus 80 EUR de frais administratifs.
133. Le Gouvernement s’oppose à cette demande.
134. Selon la jurisprudence constante de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des pièces en sa possession et des critères ci‑dessus, la Cour juge raisonnable d’octroyer l’intégralité des sommes réclamées.
C. Intérêts moratoires
135. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne, majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare recevables les griefs tirés, sur le terrain des articles 5 §§ 1 et 4 et des articles 3 et 13 de la Convention, des conditions de détention dans la zone de transit de Rözke et, sous l’angle de l’article 3 de la Convention, de l’expulsion des requérants vers la Serbie ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
4. Dit qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 de la Convention à raison des conditions de détention dans la zone de transit de Rözke ;
5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 13 de la Convention, en combinaison avec l’article 3, à raison des conditions de détention dans la zone de transit de Rözke ;
6. Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention à raison de l’expulsion des requérants vers la Serbie ;
7. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité ou le fond du grief présenté sur le terrain de l’article 13 de la Convention, en combinaison avec l’article 3, à raison de l’expulsion des requérants vers la Serbie ;
8. Dit
a) que l’État défendeur doit verser, dans les trois mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans sa monnaie au taux applicable à la date du règlement :
i. à chacun des requérants, 10 000 EUR (dix mille euros), plus tout montant pouvant être dû par eux à titre d’impôt sur cette somme, pour dommage moral ;
ii. aux requérants, conjointement, 8 705 EUR (huit mille sept cent cinq euros), plus tout montant pouvant être dû par eux sur cette somme à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, majoré de trois points de pourcentage.
Fait en anglais, puis communiqué par écrit le 14 mars 2017, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Marialena TsirliGanna Yudkivska
GreffièrePrésidente
* * *
[1]. Le Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, Fifth Edition (DSM–5, 2013), rédigé par l’American Psychiatric Association, est l’ouvrage de référence sur la classification standard des troubles mentaux retenue par les professionnels de la santé mentale. Selon la définition que cet ouvrage en donne, le SSPT est un trouble lié à un événement extérieur. Il peut être diagnostiqué si les critères cumulés suivants sont tous satisfaits : un événement traumatisant vécu directement ou indirectement, une intrusion ou un renouvellement d’expérience, des symptômes d’évitement, des changements négatifs d’humeur ou de la cognition, et des symptômes aigus d’excitation. Ces symptômes doivent avoir duré au moins un mois et nuire gravement aux capacités à vivre, et ils ne peuvent avoir pour origine l’usage de stupéfiants, une maladie mentale ni toute autre chose que l’événement lui-même.
[2]. Ce qui inclut la Serbie et l’ex-République yougoslave de Macédoine.