PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE ARNABOLDI c. ITALIE
(Requête no 43422/07)
ARRÊT
STRASBOURG
14 mars 2019
DÉFINITIF
14/06/2019
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Arnaboldi c. Italie,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :
Linos-Alexandre Sicilianos, président,
Ksenija Turković,
Guido Raimondi,
Armen Harutyunyan,
Pauliine Koskelo,
Tim Eicke,
Gilberto Felici, juges,
et de Abel Campos, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 février 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 43422/07) dirigée contre la République italienne et dont un ressortissant de cet État, M. Franco Arnaboldi (« le requérant »), a saisi la Cour le 3 octobre 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me M. De Stefano, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») a été représenté par son ancien agent, Mme E. Spatafora et ses anciens coagents, M. N. Lettieri et Mme P. Accardo, et son coagent, Mme M. L. Aversano.
3. Le requérant se plaignait en particulier de l’impossibilité d’obtenir le paiement de l’indemnité d’expropriation qui lui avait été allouée.
4. Le 26 janvier 2009, la requête a été communiquée au Gouvernement.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1941 et réside à Cecina.
A. Faits antérieurs à la communication de la requête
6. Le requérant était propriétaire d’un terrain et responsable d’une entreprise agricole. Il avait bâti sur le terrain susmentionné son habitation principale ainsi qu’un entrepôt.
7. Par un décret du 18 octobre 1980, le ministère des Travaux publics (Ministero dei lavori pubblici) approuva le projet de construction d’une route sur le terrain du requérant.
8. Par un arrêté du 12 décembre 1980, le préfet de Livourne autorisa l’Entreprise nationale des ponts et chaussées (« l’ANAS ») à occuper d’urgence une partie du terrain du requérant, à savoir 23 840 m2, pour une période maximale de cinq ans. Par un deuxième arrêté du 25 mars 1981, il autorisa l’occupation d’urgence d’une autre partie du terrain du requérant, correspondant à 120 m2.
9. Par les mêmes arrêtés, la société CIR S.p.A. fut déléguée pour agir au nom et pour le compte de l’ANAS pour occuper le terrain, construire la route et mener à bien la procédure d’expropriation.
10. Ladite société procéda à l’occupation matérielle du terrain le 18 mai 1981 et entama les travaux de construction le 17 février 1983. À une date non précisée, elle fusionna avec la société Impresa Rizzi S.p.A., laquelle termina les travaux de construction de la route le 7 juillet 1984.
11. Le 26 juin 1989, la société Impresa Rizzi S.p.A. fixa le montant de l’indemnité provisoire à accorder au propriétaire du terrain à 98 000 000 lires italiennes (ITL) (50 612,77 euros (EUR)). Le requérant refusa l’offre d’acompte, dont le montant fut ainsi versé à la Caisse des dépôts et prêts. Le 6 juillet 1989, le terrain du requérant fut exproprié.
12. En juillet 1989, le requérant saisit le tribunal de Livourne d’une action en dommages-intérêts à l’encontre de la société Impresa Rizzi S.p.A. Il alléguait que l’occupation de son terrain était sans titre et demandait un dédommagement pour la perte de la propriété dudit terrain à la suite de la construction de la route, ainsi qu’une indemnité d’occupation. De plus, il arguait que le décret d’expropriation était tardif et réclamait un dédommagement pour les dégâts subis par son terrain à la suite des travaux de construction.
13. Au cours du procès, la société Impresa Rizzi S.p.A. demanda l’extinction de la procédure au motif qu’elle avait fusionné avec la société SIPA S.r.l. le 27 février 1990. Le tribunal fit droit à la demande de la société Impresa Rizzi S.p.A.
14. Le 18 juillet 1992, le requérant introduisit devant le tribunal de Livourne une nouvelle action en dommages-intérêts à l’encontre de la société SIPA S.r.l. Au cours du procès, le 7 novembre 2000, la société défenderesse demanda l’interruption de la procédure au motif qu’elle avait, en 1995, fusionné avec la société immobilière Padana Appalti S.p.A. Le tribunal rejeta cette demande.
15. Par un jugement du 22 mars 2001, le tribunal de Livourne constata que le terrain avait été irréversiblement transformé par la construction de la route avant la prise du décret d’expropriation. Il note que, de ce fait, conformément au principe de l’expropriation indirecte (occupazione acquisitiva), le requérant avait été privé de son bien par l’effet de la transformation irréversible de celui-ci. À la lumière de ces considérations, le tribunal releva qu’une partie du terrain, à savoir 17 940 m2, était passée à l’administration par effet de l’expropriation indirecte, et condamna la société SIPA S.r.l. à payer au requérant la somme de 579 053 735 ITL (299 056 EUR) plus intérêts et réévaluation à partir du 1er janvier 1982.
16. Le 20 juin 2001, la société immobilière Padana Appalti S.p.A. interjeta appel de ce jugement, excipant entre autres qu’elle n’avait pas qualité pour agir. La cour d’appel ordonna une expertise visant à établir la valeur du terrain du requérant à la lumière de la loi no 662 de 1996, entre‑temps entrée en vigueur.
17. Le 8 octobre 2004, la société immobilière Padana Appalti S.p.A. informa la cour d’appel que, le 14 juin 2004, elle avait été placée en « administration extraordinaire » (amministrazione straordinaria) aux termes du décret législatif no 270 du 8 juillet 1999, et demanda l’interruption de la procédure. La cour d’appel fit droit à cette dernière demande. À une date non précisée, les commissaires liquidateurs de la société reprirent la procédure.
18. Par un arrêt du 13 novembre 2007, se référant à l’arrêt de la Cour constitutionnelle no 348 du 22 octobre 2007 qui avait déclaré inconstitutionnel l’article 5 bis du décret-loi no 333 du 11 juillet 1992 tel que modifié par la loi no 662 de 1996, la cour d’appel de Florence déclara que le requérant avait droit à un dédommagement correspondant à la valeur vénale du terrain illégitimement exproprié, telle qu’établie par l’expert, plus réévaluation et intérêts à partir de la date de transformation irréversible du terrain. Elle condamna notamment la société immobilière Padana Appalti S.p.A. à payer à l’intéressé 87 676,23 EUR à titre d’indemnité d’expropriation, 532 995,80 EUR pour la perte de valeur du restant de la propriété et 348,51 EUR à titre d’indemnité d’occupation, soit une somme totale de 621 020,54 EUR. La cour d’appel condamna en outre la société immobilière précitée à payer au requérant 32 801 EUR pour frais de procédure, soit une somme globale de 653 821,54 EUR.
19. Concernant la responsabilité de la société défenderesse, la cour d’appel affirma que, celle-ci ayant été déléguée par l’administration pour agir en son nom et pour son compte dans la procédure d’expropriation, elle avait la qualité pour agir (« legittimazione passiva ») et était donc responsable du paiement des indemnités d’expropriation et d’occupation, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation.
B. Faits postérieurs à la communication de la requête
20. À une date non précisée dans le dossier, le requérant se pourvut en cassation à l’encontre de l’arrêt du 13 novembre 2007. Il contestait notamment les critères d’estimation de la valeur de sa propriété utilisés par l’expert. Par un arrêt du 13 février 2014, la Cour de cassation débouta le requérant de son pourvoi au motif qu’il n’avait pas suffisamment étayé ses doléances et confirma les conclusions de la cour d’appel de Florence.
21. Le 21 juillet 2008, le requérant sollicita auprès des commissaires liquidateurs de la société Padana Appalti S.p.A. le paiement de sa créance. Le 30 juillet 2008, ceux-ci l’invitèrent à se constituer dans la procédure d’administration extraordinaire tout en précisant que le patrimoine de la société précitée était constitué d’un immeuble d’une valeur de 169 000 EUR environ et que la masse des créances privilégiées déjà enregistrées s’élevait à 278 000 EUR environ.
22. En 2010 et en 2011 respectivement, le requérant introduisit des recours devant le tribunal civil de Livourne et devant le tribunal administratif régional de Toscane tendant à obtenir la restitution de son terrain et/ou un dédommagement de la part de l’administration. Il se plaignait de l’impossibilité d’obtenir le paiement de l’indemnité d’expropriation de la part de la société Padana Appalti S.p.A. Ces recours furent rejetés par des jugements des 30 mai 2012 et 5 juillet 2014 respectivement, au motif que la reconnaissance par la cour d’appel de Florence d’un droit à être indemnisé pour la perte de propriété du terrain ne permettait pas d’accueillir une demande de restitution de propriété et, par ailleurs, que la condamnation à payer qui avait été prononcée à l’encontre de la société Padana Appalti S.p.A ne pouvait pas être mise à la charge de l’administration. Le requérant fut condamné à payer les frais de procédure.
23. La procédure d’administration extraordinaire de la société immobilière Padana Appalti S.p.A. se clôtura le 28 septembre 2015 par la répartition de son actif, soit la somme globale de 54 341,82 EUR, entre une partie des créanciers privilégiés.
24. Entre-temps, compte tenu de la mise en liquidation de la société immobilière Padana Appalti S.p.A., l’expert mandaté par le tribunal de Livourne, n’ayant pu obtenir le paiement de ses honoraires par ladite société, soit un montant de 11 928,44 EUR, entama, le 9 décembre 2005, une procédure exécutive à l’encontre du requérant qui était responsable solidaire pour le paiement des frais de procédure. Le requérant s’y opposa à plusieurs reprises.
25. Dans le cadre de cette procédure d’exécution, l’habitation principale du requérant fit l’objet d’une saisie immobilière et fut vendue aux enchères le 28 mars 2018.
II. LE DROIT INTERNE PERTINENT
26. Par l’arrêt no 10922 du 20 octobre 1995, la Cour de cassation, statuant en chambres réunies, a affirmé qu’en cas de délégation des pouvoirs liés à l’expropriation et à la réalisation d’un ouvrage public, l’organe public déléguant est co-responsable de l’entité déléguée des dommages subis par le propriétaire exproprié. En effet, l’expropriation est effectuée par l’entité déléguée non seulement en nom et pour compte de l’autorité publique déléguant mais également en accord (« d’intesa ») avec celle-ci, laquelle détient un pouvoir de contrôle et de surveillance sur le déroulement de la procédure.
EN DROIT
I. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DES ARTICLES 6 § 1 DE LA CONVENTION ET 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION EN RAISON DE LA NON-EXÉCUTION DU JUGEMENT
27. Le requérant se plaint de l’impossibilité d’obtenir le paiement de la somme qui lui a été allouée à titre de réparation par la cour d’appel de Florence. Il allègue une violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellés dans leurs parties pertinentes en l’espèce :
Article 6 § 1
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...), qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) »
Article 1 du Protocole no 1
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
28. Le requérant allègue que l’impossibilité d’obtenir l’exécution de l’arrêt rendu en sa faveur par la Cour d’appel de Florence a emporté violation de son droit d’accès à un tribunal et a porté atteinte à son droit au respect de ses biens.
A. Sur la recevabilité
1. Les observations des parties
a) Le Gouvernement
29. Le Gouvernement excipe tout d’abord du non-épuisement des voies de recours internes puisque le requérant a choisi d’assigner devant les juridictions nationales seulement la société privée qui avait été déléguée par l’ANAS pour occuper le terrain. Il soutient que le requérant a eu tort de ne pas formuler sa demande d’indemnisation également à l’encontre de cet organe public, lequel aurait pu être considéré comme responsable solidaire de la société en question et garantir le paiement effectif de la somme allouée par les juridictions.
30. Le Gouvernement indique que le fait de déléguer la société CIR S.p.A. pour effectuer les activités liées à la construction de l’ouvrage public n’exemptait pas l’ANAS de toutes ses responsabilités. Il fait valoir que l’administration déléguant demeure responsable de veiller sur la régularité de la procédure d’expropriation et d’assurer, le cas échéant, le paiement du montant dû à titre d’indemnisation ou de dédommagement. À cet égard, il expose que, bien que de manière non univoque, une certaine jurisprudence en la matière reconnaissait déjà à l’époque de l’introduction de la demande d’indemnisation du requérant la responsabilité conjointe, dans ce type de situations, de l’organe délégant et de l’entreprise déléguée. Il ajoute que cette jurisprudence a ensuite été confirmée par l’arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation no 10922 de 1995. Il s’ensuit, selon lui, qu’un recours introduit à l’encontre de l’administration aurait pu permettre au requérant d’obtenir un redressement adéquat de son grief.
31. Le Gouvernement estime que le non-paiement de la somme octroyée au requérant par la cour d’appel est la conséquence exclusive du manque de ressources financières du débiteur privé, lequel ne saurait être mis à la charge de l’État. De plus, selon lui, le requérant a omis de faire valoir ses prétentions dans le cadre de la procédure d’administration extraordinaire de la société. Le Gouvernement en déduit que la responsabilité de l’État n’est en aucune manière engagée en l’espèce et soulève à cet égard une exception d’incompatibilité ratione personae.
b) Le requérant
32. Le requérant allègue que la jurisprudence interne citée par le Gouvernement, établissant le principe de la responsabilité solidaire entre l’administration et l’entité privée déléguée par celle-ci pour procéder à l’expropriation, ne s’est consolidée qu’en 1995, soit postérieurement à l’introduction de son recours devant les juridictions civiles nationales. Il argue que, avant cette date, la jurisprudence majoritaire de la Cour de cassation considérait l’entreprise ou l’organe délégué par l’administration comme étant le seul responsable vis-à-vis de l’exproprié ainsi que le seul sujet ayant qualité pour agir dans la procédure d’expropriation. Compte tenu de cela, il estime s’être correctement prévalu des moyens offerts par le droit interne pour obtenir une réparation pour la violation alléguée de son droit de propriété.
33. Le requérant considère que l’État doit être tenu pour responsable des violations qu’il allègue. Il expose avoir perdu tout espoir d’obtenir le paiement de l’indemnisation d’expropriation en raison de la faillite de la société Padana Appalti S.p.A. et, de plus, avoir dû supporter les conséquences néfastes considérables de l’insolvabilité de celle-ci, ce qui a, selon lui, conduit à son endettement et à la vente aux enchères de son habitation principale.
34. Enfin, le requérant soutient que la procédure d’administration extraordinaire de la société Padana Appalti S.p.A. n’aurait pas constitué un remède effectif dans la mesure où le patrimoine de cette société était manifestement insuffisant pour satisfaire sa créance, qui n’était d’ailleurs pas privilégiée. Preuve en est, selon lui, que seule une partie des créanciers privilégiés de la société en question ont bénéficié de la répartition de l’actif de celle-ci.
35. Le requérant expose que son terrain a été acquis au patrimoine public en 1981 sans que l’État ne répare le préjudice qu’il aurait subi.
2. L’appréciation de la Cour
a) Sur l’exception relative à la compatibilité ratione personae
36. La Cour observe tout d’abord qu’il n’est pas contesté que le requérant a été privé de son terrain par effet de l’expropriation indirecte. Elle rappelle ensuite avoir déjà jugé que le mécanisme de l’expropriation indirecte permet à l’administration d’occuper un terrain et de le transformer irréversiblement, de telle sorte qu’il soit considéré comme acquis au patrimoine public, sans qu’en parallèle un acte formel déclarant le transfert de propriété ne soit adopté et sans verser d’indemnité en même temps (voir, parmi beaucoup d’autres, Belvedere Alberghiera S.r.l. c. Italie, no 31524/96, CEDH 2000-VI, Guiso-Gallisay c. Italie, no 58858/00, 8 décembre 2005, et Immobiliare Cerro S.A.S. c. Italie, no 35638/03, 23 février 2006).
37. Elle note que, dans le cas d’espèce, l’administration a délégué une entreprise privée, la CIR S.p.A., pour effectuer les travaux de construction de l’ouvrage public et pour agir dans la procédure d’expropriation. C’est à l’encontre de ladite entreprise – ayant entre-temps fusionné avec la société Impresa Rizzi S.p.A. – et, dans un second temps, à l’encontre de la nouvelle société, Padana Appalti S.p.A., que le requérant a demandé et obtenu la reconnaissance d’une indemnisation. Cependant, celle-ci ne lui a jamais été versée en raison de la mise en liquidation de la société précitée.
38. Le Gouvernement estime que la présente affaire relève d’un contentieux entre le requérant et une société privée insolvable et qu’elle n’engage en rien la responsabilité de l’État italien.
39. La Cour rappelle que, s’il est vrai que l’insolvabilité d’une société privée ne peut pas entraîner une responsabilité de l’État au regard de la Convention et ses Protocoles (Shestakov c. Russie (déc.), no 48757/99, 18 juin 2002), l’État ne saurait se soustraire à sa responsabilité en déléguant ses obligations à des organismes privés ou à des particuliers. En d’autres termes, le fait que l’État choisisse une forme de délégation selon laquelle certains de ses pouvoirs sont exercés par un autre organe ne suffit pas à trancher la question de sa responsabilité. Pour la Cour, l’exercice de pouvoirs étatiques ayant une influence sur des droits et libertés inscrits dans la Convention est susceptible de mettre en jeu la responsabilité de l’État, indépendamment de la forme sous laquelle ces pouvoirs se trouvent être exercés, fût-ce par une entité de droit privé (Costello-Roberts c. Royaume‑Uni, 25 mars 1993, § 27, série A no 247‑C, Wos c. Pologne (déc.), no 22860/02, § 72, CEDH 2005‑IV, Sychev c. Ukraine, no 4773/02, § 54, 11 octobre 2005, et Kotov c. Russie [GC], no 54522/00, § 92, 3 avril 2012).
40. En l’espèce, la Cour considère qu’il ne fait aucun doute que la société Padana Appalti SPA - tout comme les sociétés qui l’ont précédée dans la présente affaire - a été investie d’une mission de service public en étant déléguée de l’ensemble des pouvoirs liés à l’expropriation d’un terrain en vue de son acquisition au patrimoine public et à la construction d’un ouvrage public. Selon la Cour, le choix de recourir à la délégation de tels pouvoirs ne saurait soustraire l’État italien aux responsabilités qui auraient été les siennes s’il avait préféré s’acquitter de ces obligations lui-même, comme il aurait pu le faire. Elle constate d’ailleurs que le Gouvernement reconnaît au passage que la délégation administrative n’était pas, en l’espèce, de nature à dégager l’administration publique de ses responsabilités vis-à-vis du propriétaire exproprié (paragraphe 30 ci-dessus). De plus, la Cour observe avec intérêt que les chambres réunies de la Cour de cassation ont expressément affirmé le principe de la coresponsabilité de l’administration déléguant dans l’arrêt no 10922 du 20 octobre 1995 (voir paragraphe 26 ci-dessus).
41. Il s’ensuit que l’État italien demeurait tenu d’exercer une surveillance et un contrôle tout au long de la procédure d’expropriation, y compris jusqu’au paiement de l’indemnité y relative, de sorte que sa responsabilité est engagée pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin que les sommes accordées à titre de réparation pour l’expropriation soient effectivement versées au requérant. Il convient de rappeler à ce propos que la Convention vise à garantir des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs (voir, parmi d’autres, Matthews c. Royaume-Uni [GC], no 24833/94, § 34, CEDH 1999-I).
42. Il s’ensuit que cette partie de la requête ne saurait être déclarée incompatible ratione personae avec les dispositions de la Convention et que l’exception soulevée par le Gouvernement de ce chef doit être écartée.
b) Sur l’épuisement des voies de recours internes
43. La Cour n’est pas convaincue par l’argument du Gouvernement selon lequel le requérant n’aurait pas correctement épuisé les voies de recours internes à sa disposition du fait de ne pas avoir assigné l’ANAS en justice. Elle observe à cet égard que selon la jurisprudence de la Cour de cassation indiquée par le requérant comme étant majoritaire à l’époque de l’introduction de ses demandes d’indemnisation – ce qui n’a pas été contesté par le Gouvernement - l’organisme délégué par l’administration pour mener à bien une expropriation avait la qualité pour agir et était investi, par l’effet de la délégation administrative, de l’ensemble des pouvoirs et des obligations relatifs à la procédure d’expropriation.
44. La Cour ne peut donc que partir de l’hypothèse que, bien que l’entreprise Padana Appalti S.p.A. s’était acquittée de ses obligations pour le compte de l’ANAS, c’était à l’encontre de ladite entreprise que le requérant devait saisir la justice pour faire valoir son droit à être indemnisé. Ce principe a d’ailleurs été affirmé par la cour d’appel de Florence qui, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, a écarté l’exception tirée du défaut de qualité pour agir soulevée par l’entreprise Padana Appalti S.p.A (paragraphe 19 ci-dessus).
45. Cela lui suffit pour conclure que l’on ne saurait reprocher au requérant de ne pas avoir multiplié ses demandes d’indemnisation en les dirigeant également à l’encontre de l’ANAS.
46. Quant à l’argument selon lequel le requérant aurait omis de prendre part à la procédure d’administration extraordinaire de la société Padana Appalti S.p.A., la Cour observe que le Gouvernement n’a pas démontré en quoi ladite procédure aurait constitué un remède efficace dans le cas d’espèce, permettant au requérant de percevoir son dû, compte tenu notamment du fait que le montant de l’actif de la société était largement insuffisant pour satisfaire la créance de l’intéressé (paragraphes 21 et 23 ci‑dessus) (voir, mutatis mutandis, Boyadzhieva et Gloria International Limited EOOD c. Bulgarie, nos 41299/09 et 11132/10, § 46, 5 juillet 2018).
47. La Cour observe de plus que le requérant n’est pas resté inactif par ailleurs. En effet, il n’a pas cessé d’alléguer devant les autorités nationales l’impossibilité d’obtenir le paiement de sa créance par la société Padana Appalti S.p.A, dont l’état d’insolvabilité était d’ailleurs connu par les autorités depuis 2004, et de réclamer sans succès l’intervention de l’administration dans son cas (paragraphes 17, 21 et 22 ci-dessus). La Cour considère que, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’obligation d’agir pesait sur les autorités, lesquelles auraient dû prendre les mesures nécessaires pour permettre le versement de la somme octroyée au requérant à titre d’indemnité d’expropriation.
48. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il s’ensuit que l’exception du Gouvernement tirée du non-épuisement des voies de recours internes doit être rejetée. Constatant par ailleurs que cette partie de la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
1. Sur la violation de l’article 6 § 1 de la Convention
49. La Cour rappelle que l’article 6 § 1 de la Convention garantit à chacun le droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits et obligations de caractère civil présentée devant une juridiction ou un tribunal. Il consacre de la sorte le « droit à un tribunal » dont le droit d’accès, à savoir le droit de saisir un tribunal en matière civile, constitue un aspect. Toutefois, ce droit serait illusoire si l’ordre juridique interne d’un État contractant permettait qu’une décision judiciaire définitive et obligatoire reste inopérante au détriment d’une partie. On ne comprendrait pas que l’article 6 § 1 décrive en détail les garanties de procédure – équité, publicité et célérité – accordées aux parties et qu’il ne protège pas la mise en œuvre des décisions judiciaires. Si cet article devait passer pour concerner exclusivement l’accès au juge et le déroulement de l’instance, cela risquerait de créer des situations incompatibles avec le principe de la prééminence du droit que les États contractants se sont engagés à respecter en ratifiant la Convention. L’exécution d’un jugement ou arrêt, de quelque juridiction que ce soit, doit donc être considérée comme faisant partie intégrante du « procès » au sens de l’article 6 de la Convention (Bourdov c. Russie, no 59498/00, § 34, CEDH 2002-III).
50. En l’occurrence, le requérant se plaint de l’impossibilité d’obtenir le paiement de l’indemnité octroyée par l’arrêt de la cour d’appel de Florence. La Cour observe qu’il ne fait aucun doute que ledit arrêt avait la force de la chose jugée et que le requérant a désormais perdu tout espoir d’en obtenir l’exécution en raison, notamment, de la mise en liquidation de la société condamnée au paiement de l’indemnité lui ayant été accordée.
51. Certes, la cour d’appel a rendu son arrêt à l’encontre de l’entreprise Padana Appalti S.p.A, laquelle avait la qualité pour agir en tant qu’organisme délégué par l’ANAS. Néanmoins, eu égard à la nature de la délégation administrative mise en place en l’espèce, il n’en reste pas moins que l’arrêt litigieux portait sur une obligation exercée au nom et pour le compte de l’ANAS, laquelle – comme il ressort de la jurisprudence des chambres réunies de la Cour de cassation et a été reconnu par le Gouvernement – demeurait responsable vis-à-vis du propriétaire exproprié pour le paiement de l’indemnisation (voir paragraphes 26 et 30 ci-dessus).
52. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle une personne ayant obtenu un jugement contre l’État n’est pas tenu d’engager par la suite une procédure distincte pour en obtenir l’exécution (Sharxhi et autres c. Albanie, no 10613/16, § 93, 11 janvier 2018). Elle considère que dans les circonstances de l’espèce il y a lieu d’appliquer un principe similaire. En effet, aux yeux de la Cour, l’on ne saurait accepter que l’Etat puisse refuser de se conformer à un jugement définitif prononcé à l’encontre d’une entreprise déléguée devenue insolvable, dès lors qu’il concerne une dette qui relève en définitive de la responsabilité de l’administration délégant.
53. Par conséquent, eu égard au constat relatif à la mise en cause de la responsabilité de l’État pour les sommes dues au requérant en l’espèce (paragraphe 41 ci-dessus), la Cour considère que le refus des autorités de prendre les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt de la cour d’appel de Florence a entravé le droit de l’intéressé à une protection judiciaire effective garanti par l’article 6 § 1 de la Convention et a privé les dispositions dudit article de tout effet utile.
54. Dès lors, il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention.
2. Sur la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention
55. La Cour rappelle qu’une « créance » peut constituer un « bien » au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention si elle est suffisamment établie pour être exigible (Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, 9 décembre 1994, série A no 301-B, p. 84, § 59).
56. Elle estime que, en se dégageant de la responsabilité qui était la leur de prendre les mesures nécessaires pour permettre le versement effectif d’une créance définitive et exigible, les autorités ont porté atteinte au droit au respect des biens du requérant au sens de la première phrase du premier alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Selon elle, cette ingérence ne se fondait sur aucune justification valable ; elle était donc arbitraire et emportait violation du principe de la légalité.
57. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION EN RAISON DE L’EXPROPRIATION DU TERRAIN
58. Toujours sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1, le requérant allègue également avoir été privé de son terrain de manière incompatible avec son droit au respect de ses biens. Il se plaint notamment du caractère inadéquat de l’indemnisation accordée par la cour d’appel de Florence pour réparer le préjudice qu’il estime avoir subi.
59. Le Gouvernement soutient que les juridictions nationales ont reconnu au requérant un dédommagement compatible avec la Convention, calculé sur la base de la valeur vénale du terrain en cause.
60. La Cour observe que ce grief concerne le montant prétendument insuffisant de l’indemnisation d’expropriation calculé par les juridictions nationales. A cet égard, elle relève que par ses arrêts nos 348 et 349, la Cour constitutionnelle italienne a déclaré l’inconstitutionnalité de l’article 5 bis du décret-loi no 333 du 11 juillet 1992 modifié par la loi no 662 de 1996 en raison de la contrariété de cet article à l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour. Par la suite, il a été établi que les propriétaires expropriés doivent obtenir un dédommagement correspondant à la valeur entière du bien, aucune réduction n’étant plus admise (concernant le changement de législation intervenu à la suite des arrêts de la Cour constitutionnelle, voir Armando Iannelli c. Italie, §§ 23-27, no 24818/03, 12 février 2013).
61. En appliquant ces principes, la cour d’appel de Florence a estimé que le requérant avait subi une violation de son droit de propriété du fait de l’expropriation indirecte de son terrain et a considéré que celui-ci avait droit à une indemnité correspondant à la valeur vénale du bien illégitimement exproprié, telle qu’établie par l’expertise ordonnée par la juridiction compétente au cours de la procédure interne, plus réévaluation et intérêts à partir de la date de la perte de la propriété, ainsi qu’à un dédommagement pour la perte de valeur du restant de sa propriété et une indemnité d’occupation pour la période d’occupation autorisée.
62. La Cour considère que le montant de l’indemnisation calculé par la cour d’appel de Florence est conforme aux critères de calcul qu’elle a établis dans l’arrêt Guiso-Gallisay (précité, § 105). Il s’ensuit que ce grief, dans la mesure où il concerne le montant de l’indemnisation, est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 13 DE LA CONVENTION
63. Le requérant se plaint également de ne pas disposer d’un recours effectif lui permettant de recouvrer sa créance. Il invoque l’article 13 de la Convention.
64. La Cour relève que ce grief est lié à celui examiné sous l’angle de l’article 6 § 1 de la Convention et qu’il doit donc aussi être déclaré recevable. Eu égard au constat relatif à l’article 6 § 1 (paragraphe 54 ci‑dessus), la Cour estime cependant qu’il n’y a pas lieu d’examiner s’il y a eu, en l’espèce, violation de cette disposition.
IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
65. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
66. Dans ses demandes de satisfaction équitable du 13 juillet 2009, le requérant demande tout d’abord une réparation adéquate pour l’expropriation de son terrain. Il réclame à cet égard la restitution du terrain ou, à défaut, le remboursement de la valeur marchande actualisée de celui‑ci, y compris de la valeur de l’entreprise agricole qui en faisait partie, soit un montant de 12 300 000 EUR. Il appuie sa demande sur les résultats d’une expertise réalisée à sa demande en 2008.
67. À titre subsidiaire, le requérant demande à la Cour le versement de l’indemnisation d’expropriation reconnue par la cour d’appel de Florence, plus les intérêts légaux et la réévaluation à compter du 13 novembre 2007, date à laquelle sa créance a été déclarée exécutoire.
68. Le requérant sollicite en outre 200 000 EUR pour dommage moral.
69. Le 12 juin 2018, à la suite des développements de la procédure nationale, le requérant a intégré ses demandes de satisfaction équitable demandant en outre à la Cour l’allocation d’une somme de 465 836 EUR à titre de dédommagement matériel pour la vente aux enchères de son habitation principale, ainsi qu’une somme subsidiaire pour dommage moral.
70. Le Gouvernement conteste les prétentions du requérant, qu’il considère comme étant soit exorbitantes soit injustifiées.
71. La Cour rappelle qu’un arrêt constatant une violation entraîne pour l’État défendeur l’obligation juridique au regard de la Convention de mettre un terme à la violation et d’en effacer les conséquences de manière à rétablir autant que faire se peut la situation antérieure à cette violation (Metaxas, précité, § 35, et Iatridis c. Grèce (satisfaction équitable) [GC], no 31107/96, § 32, CEDH 2000-XI).
72. En l’espèce, elle a conclu à la violation des articles 6 § 1 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison du refus des autorités nationales de prendre les mesures nécessaires pour garantir le paiement de la créance du requérant.
73. Par conséquent, toute prétention du requérant concernant le calcul du montant de l’indemnité d’expropriation de son terrain (paragraphe 63 ci‑dessus), n’entre pas en ligne de compte pour l’octroi d’une satisfaction équitable en l’espèce et doit être dès lors écartée. En outre, la Cour n’aperçoit pas de lien de causalité direct entre les violations constatées et la vente aux enchères de l’habitation du requérant. Elle rejette donc également les demandes de l’intéressé de ce chef.
74. En revanche, la Cour estime que le requérant a subi un préjudice matériel certain en raison du non-paiement de la somme allouée par la cour d’appel de Florence, et décide qu’il y a lieu d’accorder à l’intéressé l’intégralité de ladite somme, soit 653 821,54 EUR (paragraphe 18 ci‑dessus). Étant donné que le caractère adéquat d’un dédommagement diminuerait si le paiement de celui-ci faisait abstraction d’éléments susceptibles d’en réduire la valeur, tel l’écoulement d’un laps de temps que l’on ne saurait qualifier de raisonnable (Akkuş c. Turquie, 9 juillet 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997-IV, pp. 1309-1310, § 29), cette somme devra être actualisée et assortie d’intérêts légaux susceptibles de compenser, au moins en partie, le laps de temps qui s’est écoulé depuis novembre 2007, soit la date à laquelle la créance est devenue exécutoire.
75. La Cour estime par ailleurs que le requérant a également subi un préjudice moral certain en raison des sentiments d’impuissance et de frustration provoqués par l’impossibilité de voir exécuter la décision rendue en sa faveur et que ce préjudice n’est pas suffisamment compensé par un constat de violation.
76. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments et statuant en équité, la Cour estime raisonnable d’accorder au requérant la somme globale de 880 000 EUR, tous préjudices confondus, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt sur cette somme.
B. Frais et dépens
77. Le requérant demande également 85 274 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes ainsi qu’une somme équitable pour ceux engagés devant la Cour.
78. Le Gouvernement considère que la demande du requérant relative aux frais que celui-ci dit avoir engagés pour les procédures nationales est exorbitante et non justifiée.
79. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 8 000 EUR tous frais confondus et l’accorde au requérant.
C. Intérêts moratoires
80. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
1. Déclare, à la majorité, la requête recevable quant au grief tiré de l’article 6 § 1 de la Convention ;
2. Déclare, à l’unanimité, la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 13 de la Convention et 1 du Protocole no 1 à la Convention, en raison de l’impossibilité d’obtenir le paiement de la somme octroyée par la cour d’appel de Florence, et irrecevable pour le surplus ;
3. Dit, par cinq voix contre deux, qu’il y a eu violation de l’article 6 § 1 de la Convention ;
4. Dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
5. Dit, à l’unanimité, qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief tiré de l’article 13 de la Convention ;
6. Dit, à l’unanimité,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
i. 880 000 EUR (huit cent quatre-vingt mille euros), plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage matériel et moral ;
ii. 8 000 EUR (huit mille euros), plus tout montant pouvant être dû par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
7. Rejette, à l’unanimité, la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 14 mars 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Abel CamposLinos-Alexandre Sicilianos
GreffierPrésident
Au présent arrêt se trouve joint, conformément aux articles 45 § 2 de la Convention et 74 § 2 du règlement, l’exposé de l’opinion séparée des juges Eicke et Felici.
L.A.S
A.C
PARTLY CONCURRING, PARTLY DISSENTING OPINION OF JUDGES EICKE AND FELICI
A. Introduction
1. While we share the majority’s conclusion that there has here been a clear breach of the applicant’s rights under Article 1 of the First Protocol to the Convention and Article 13 of the Convention in relation to the non-payment of compensation for the expropriation of his property, unfortunately we cannot agree either that there was in this case a breach of Article 6 of the Convention nor with the reasons for the finding of a breach of Article 1 of the First Protocol. We also agree that there has been no violation of Article 1 of the First Protocol in relation to the alleged inadequacy of the amount of compensation calculated by the Florence Court of Appeal.
2. Before we set out briefly the reasons for our disagreement, it is important to note that it is particularly disappointing that the applicant, to this day, has not received any compensation for the acknowledged expropriation, carried out for and on behalf of the State (even if ultimately carried out by a private company expressly empowered by the State to undertake these acts), which took place in fact on 18 May 1981 (§ 10) and formally on 6 July 1989 (§ 11) and which was first recognised as an expropriation by the domestic courts by the first instance court in Livorno on 22 March 2001. That said we have to acknowledge that this Court has also not acted as swiftly as would have been desirable in resolving this case and establishing the international responsibility of the Italian State for the clear violation of the applicant’s rights under the Convention.
B. Article 6
3. In § 52 of the judgment, the majority recall the Court’s consistent jurisprudence that a person who has obtained a judgment against the State at the end of legal proceedings should not be expected to bring separate enforcement proceedings (see e.g. Metaxas v. Greece, no. 8415/02, § 19, 27 May 2004, Burdov v. Russia (no. 2), no. 33509/04, § 68, ECHR 2009 and Sharxhi and Others v. Albania, no. 10613/16, § 93, 11 January 2018). That is, of course, right and we completely agree but, and this is where we disagree with the majority, this applies only where there has been a “judgment against the State” as a matter of domestic law.
4. In the context of enforcement of judgments against the State, the Court’s case law, of course, also confirms that the requirement of the creditor’s cooperation must not go beyond what is strictly necessary and, in any event, does not relieve the authorities of their obligation under the Convention to take timely action of their own motion, on the basis of the information available to them, with a view to honouring the judgment against the State (see Akashev v. Russia, no. 30616/05, § 22, 12 June 2008). The Court thus considers that the burden to ensure compliance with a judgment against the State lies primarily with the State authorities starting from the date on which the judgment becomes binding and enforceable (Burdov v. Russia (no. 2), cited above, § 69).
5. Finally, in this context, the Court has confirmed that it is not open to a State authority to cite the lack of funds or other resources as an excuse for not honouring a judgment debt (see Burdov v. Russia, no. 59498/00, § 35, ECHR 2002-II, Kukalo v. Russia, no. 63995/00, § 49, 3 November 2005 and Burdov v. Russia (no. 2), cited above, § 70).
6. As indicated above, the need for there to have been a “judgment against the State”, as a matter of domestic law, is, however, crucial in this context because the Court’s approach under Article 6 to the enforcement of judgments against private entities is very different (see mutatis mutandis, Bozza v. Italy, no. 17739/09, § 44, 14 September 2017).
7. In this latter context, the Court has consistently held that State responsibility for the enforcement of a judgment against a private company extends no further than the involvement of State bodies in the enforcement procedures (Fuklev v. Ukraine, no. 71186/01, § 67 and §§ 90-11, 7 June 2005 and Ciocodeică v. Romania, no. 27413/09, § 85, 16 January 2018). Once the enforcement procedures were closed by a court in accordance with the national legislation, the responsibility of the State ended (Shestakov v. Russia (dec), no. 48757/99, 18 June 2002).
8. Furthermore and of particular importance in the present case, the Court has further confirmed that where the debtor is a private individual, the responsibility of the State cannot be engaged on account of non-payment of an enforceable debt as a result of the insolvency of that “private” debtor (Sanglier v. France, no. 50342/99, § 39, 27 May 2003; Ciprová v. the Czech Republic (dec.), no. 33273/03, 22 March 2005; Cubanit v. Romania (dec.), no. 31510/02, 4 January 2007; and Bozza v. Italy, cited above).
9. Applying these principles to the facts of the present case, we come to the conclusion that there is in fact, as a matter of Italian domestic law, no “judgment” against the State. On the basis of the evidence before the Court, it is clear that it was in proceedings against the private company, by then in the form of Padana Appalti S.p.A., that the first instance court in Livorno (§ 15) and later the Court of Appeal in Florence (§ 18) established that the private company was liable to pay the applicant compensation amounting to a total of EUR 621,020.54 in total (“in accoglimento della domanda proposta da Franco Arnaboldi, condanna l’appellante al pagamento della somma di € 87,676.23 a titolo di risarcimento del danno per l’illegittima privazione del diritto di proprietà, € 532,995.80 a titolo di risarcimento del danno arrecato alla residua proprietà dell’Arnaboldi, € 348.51 a titolo di indennizzo per l’espropriazione e per il periodo di occupazione legittima”).
10. In fact, as the judgment records (§ 22), when in 2011 the applicant sought an order from the administrative court for the Toscana for compensation from the State, that application was rejected on the basis that the order against Padana Appalti S.p.A. to pay compensation could not be charged against the State. It does not appear that the applicant sought to appeal against this decision; nor that he had previously sought to join the State to the civil proceedings against Padana Appalti S.p.A. with a view to obtaining a judgment or an order (equally) enforceable against the State.
11. That decision, however, fundamentally undermines the basis on which the majority seeks to build their finding of a violation of Article 6 as it confirms that (even if there may have been, as a matter of law, an abstract and concurrent liability of the State) there was, as a matter of domestic law, no “judgment” against the Italian State (in whatever emanation) in relation to which that State could be held responsible for its failure to execute.
12. It was the fact that the private company, against whom there was a final judgment, was placed in receivership and did not have sufficient funds to satisfy the debt it owed to the applicant which led to the non-execution of the judgment of the Florence Court of Appeal. Applying the Court’s consistent case law, the responsibility of the Italian State under Article 6 of the Convention cannot, therefore, be engaged on account of this non-payment of an enforceable debt as a result of the insolvency of that “private” debtor.
C. Article 1 of the First Protocol
13. Under Article 1 of the First Protocol, in reliance on the judgment in Stran Greek Refineries and Stratis Andreadis v. Greece, 9 December 1994, § 59, Series A no. 301‑B, the majority identify the relevant “possession” for the purposes of Article 1 of the First Protocol as being the judgment debt arising as a result of the judgment of the Florence Court of Appeal.
14. However, in § 59 of Stran Greek Refineries and Stratis Andreadis the Court makes clear that in order to determine whether the applicant had a “possession” for the purposes of Article 1 of the First Protocol, it is necessary to ascertain whether the domestic judgment had given rise to a debt against the State and in his favour that was sufficiently established to be enforceable.
15. For the reasons set out above, it seems clear to us that there was no such enforceable judgment debt against the State capable of amounting to a “possession” for the purposes of Article 1 of the First Protocol.
16. That said it is also clear that the applicant’s land in question did amount to a “possession” and that, as the domestic courts have confirmed, the applicant was deprived of that possession (§ 15). As a consequence, Article 1 of the First Protocol is plainly engaged.
17. As the Court has consistently held an interference with the peaceful enjoyment of possessions must strike a “fair balance” between the demands of the general interest of the community and the requirements of the protection of the individual’s fundamental rights. The concern to achieve this balance is reflected in the structure of Article 1 of the First Protocol as a whole, including therefore the second sentence, which is to be read in the light of the general principle enunciated in the first sentence. In particular, there must be a reasonable relationship of proportionality between the means employed and the aim sought to be realised by any measure depriving a person of his possessions. Compensation terms are material to the assessment whether the contested measure respects the requisite fair balance and, notably, whether it imposes a disproportionate burden on the applicants. In this connection, the taking of property without payment of an amount reasonably related to its value will normally constitute a disproportionate interference and a total lack of compensation can be considered justifiable under Article 1 of the First Protocol only in exceptional circumstances (The Holy Monasteries v. Greece, judgment of 9 December 1994, Series A no. 301-A, pp. 34-35, §§ 70-71; Pressos Compania Naviera S.A. and Others v. Belgium, judgment of 20 November 1995, Series A no. 332, p. 23, § 38; and Pincová and Pinc v. the Czech Republic, no. 36548/97, § 52, ECHR 2002‑VIII).
18. In this case, the domestic courts have clearly identified the amount of compensation the applicant should have received and, for the reasons set out in §§ 58-62 of the judgment, it is not for us to go behind those findings. Furthermore, neither they nor the Italian government before this Court have identified any exceptional circumstances which would justify leaving the applicant without the compensation ordered and even less without any compensation at all. The applicant was therefore plainly left to bear an individual and excessive burden which has upset the fair balance that should be maintained between the demands of the general interest on the one hand and protection of the right to the peaceful enjoyment of possessions on the other.
19. It is on this basis that we agree with the majority that there has therefore been a violation of Article 1 of the First Protocol to the Convention.