DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE KAR c. TURQUIE
(Requête no 25257/05)
ARRÊT
(Révision)
STRASBOURG
26 mars 2019
DÉFINITIF
26/06/2019
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kar c. Turquie (demande en révision de l’arrêt du 21 novembre 2017),
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :
Robert Spano, président,
Julia Laffranque,
Işıl Karakaş,
Paul Lemmens,
Jon Fridrik Kjølbro,
Stéphanie Mourou-Vikström,
Ivana Jelić, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 5 mars 2019,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 25257/05) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Hasan Kar (« le requérant »), a saisi la Cour le 9 juillet 2005 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Par un arrêt du 29 mars 2011, la Cour a jugé qu’il y avait eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention en raison de l’annulation du titre de propriété de terrain appartenant au requérant et son réenregistrement au nom du Trésor public par les tribunaux internes sans le versement d’indemnités, au motif que ce terrain faisait partie du domaine forestier public. Ensuite, par un arrêt du 21 novembre 2017, la Cour a décidé de rayer du rôle la partie de l’affaire relative à l’article 41 de la Convention concernant la demande d’indemnisation pour dommage matériel découlant selon le requérant de la violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et a également décidé d’allouer au requérant 5 000 euros (EUR) pour dommage moral et a rejeté les demandes de satisfaction équitable pour le surplus.
3. Le 9 avril 2018, le représentant des héritiers du requérant, Mmes Keziban Kar et Mme Derya Deniz et MM. Mustafa Kar, Birol Kar et Necmettin Kar a informé la Cour, pour la première fois, de son décès survenu en date du 22 décembre 2016. À cet égard, il demande la révision de l’arrêt, au sens de l’article 80 du règlement de la Cour, et de remplacer le nom du requérant par les noms des héritiers.
4. Le 29 septembre 2018, la Cour a examiné la demande en révision et a décidé d’accorder au Gouvernement un délai de six semaines pour présenter d’éventuelles observations. À l’expiration de ce délai, le Gouvernement n’a pas formulé d’observations.
EN DROIT
SUR LA DEMANDE EN RÉVISION
5. Le représentant des héritiers du requérant demande la révision de l’arrêt du 21 novembre 2017, dont il n’a pu obtenir l’exécution en raison du décès du requérant avant l’adoption dudit arrêt. Mmes Keziban Kar et Mme Derya Deniz et MM. Mustafa Kar, Birol Kar et Necmettin Kar sont les héritiers de M. Hasan Kar. Ils devraient donc recevoir les sommes accordées au défunt.
6. Le Gouvernement n’a formulé aucune observation au sujet de la demande en révision.
7. La Cour constate que rien ne permet de distinguer la présente situation de celle ayant fait l’objet, par exemple, des arrêts de révision Lutz c. France (révision) (no 49531/99, 25 novembre 2003, et Hayati Çelebi et autres c. Turquie (révision), no 582/05, 24 janvier 2017).
8. La Cour estime qu’il y a lieu de réviser l’arrêt du 21 novembre 2017 par application de l’article 80 de son règlement qui, en ses parties pertinentes, est ainsi libellé :
« En cas de découverte d’un fait qui, par sa nature, aurait pu exercer une influence décisive sur l’issue d’une affaire déjà tranchée et qui, à l’époque de l’arrêt, était inconnu de la Cour et ne pouvait raisonnablement être connu d’une partie, cette dernière peut (...) saisir la Cour d’une demande en révision de l’arrêt dont il s’agit. (...) »
9. Elle décide en conséquence qu’il y a lieu d’octroyer conjointement à Mmes Keziban Kar et Mme Derya Deniz et MM. Mustafa Kar, Birol Kar et Necmettin Kar, héritiers de M. Hasan Kar, la somme précédemment accordée à ce dernier, à savoir 5 000 EUR pour dommage moral.
10. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Décide d’accueillir la demande en révision de l’arrêt du 21 novembre 2017, quant à l’application de l’article 41 de la Convention ;
en conséquence
2. Dit
a) que l’État défendeur doit verser conjointement à Mmes Keziban Kar et Mme Derya Deniz et MM. Mustafa Kar, Birol Kar et Necmettin Kar, héritiers de M. Hasan Kar, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 5 000 EUR (cinq mille euros) pour dommage moral, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 mars 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Hasan BakırcıRobert Spano
Greffier adjointPrésident