La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2019 | CEDH | N°001-193741

CEDH | CEDH, AFFAIRE MEHMET REŞİT ARSLAN ET ORHAN BİNGÖL c. TURQUIE, 2019, 001-193741


DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE MEHMET REŞİT ARSLAN ET ORHAN BİNGÖL c. TURQUIE

(Requêtes nos 47121/06, 13988/07 et 34750/07)

ARRÉT

STRASBOURG

18 juin 2019

DÉFINITIF

07/10/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Mehmet Reşit Arslan et Orhan Bingöl c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Marko Boš

njak,
Işıl Karakaş,
Valeriu Griţco,
Egidijus Kūris,
Ivana Jelić,
Darian Pavli, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après ...

DEUXIÈME SECTION

AFFAIRE MEHMET REŞİT ARSLAN ET ORHAN BİNGÖL c. TURQUIE

(Requêtes nos 47121/06, 13988/07 et 34750/07)

ARRÉT

STRASBOURG

18 juin 2019

DÉFINITIF

07/10/2019

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Mehmet Reşit Arslan et Orhan Bingöl c. Turquie,

La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une chambre composée de :

Robert Spano, président,
Marko Bošnjak,
Işıl Karakaş,
Valeriu Griţco,
Egidijus Kūris,
Ivana Jelić,
Darian Pavli, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 28 mai 2019,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouvent trois requêtes (nos 47121/06, 13988/07 et 34750/07) dirigées contre la République de Turquie et dont deux ressortissants de cet État, M. Mehmet Reşit Arslan et M. Orhan Bingöl, ont saisi la Cour respectivement le 19 octobre 2006, le 26 février et le 20 juillet 2007 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. M. Arslan a été représenté par Me S. Dalgın, avocat exerçant à Diyarbakır. M. Bingöl a été représenté par Me F. Karakaş Doǧan, avocate exerçant à Istanbul. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.

3. Les requérants dénonçaient l’impossibilité qui leur aurait été faite d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet, des outils indispensables selon eux à la poursuite de leurs études supérieures et à l’approfondissement de leur culture générale. Ils se plaignaient notamment d’une violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention. Par ailleurs, sur le terrain de l’article 6 de la Convention, M. Arslan se plaignait d’une absence d’audience lors de la procédure menée devant les juridictions nationales.

4. Le 4 octobre 2011, les requêtes ont été communiquées au Gouvernement. Par ailleurs, le 4 octobre 2017, la Cour a invité les parties à présenter des observations complémentaires.

EN FAIT

I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. M. Mehmet Reşit Arslan est un ressortissant turc né en 1966. Condamné en 1992 pour appartenance à une organisation illégale armée, il purge actuellement une peine d’emprisonnement à perpétuité.

M. Orhan Bingöl est un ressortissant turc né en 1973. Condamné en 1995 pour appartenance à une organisation illégale armée, il purge actuellement lui aussi une peine d’emprisonnement à perpétuité.

A. M. Mehmet Reşit Arslan

1. Requête no 47121/06

6. À l’époque des faits, le requérant purgeait sa peine d’emprisonnement dans la prison de haute sécurité de type F à İzmir.

7. Selon la lettre du 12 mai 2005, signée par le vice-doyen de la faculté de médecine de l’université d’Istanbul, le requérant, ancien étudiant de cette faculté, avait la possibilité de demander sa réinscription deux mois après la fin de sa détention, et ce en vertu de la loi no 5316.

8. Le 13 mars 2006, le requérant demanda à l’administration de la prison d’İzmir de l’autoriser à avoir accès à un ordinateur et à internet, possibilité offerte sous condition par l’article 67 § 3 de la loi no 5275 relative à l’exécution des peines (« la loi no 5275 »).

9. Le 24 mars 2006, à la suite de la demande du requérant, le conseil d’administration et d’observation du centre pénitentiaire émit un avis défavorable aux motifs que le requérant maintenait en détention des relations avec les autres membres détenus de l’organisation illégale et qu’il ne s’était inscrit auprès d’aucun établissement d’enseignement.

10. Se rangeant à l’avis du conseil d’administration et d’observation, l’administration de la prison d’İzmir rejeta la demande en question sur le fondement de l’article 67 § 4 de la loi no 5275 prévoyant la possibilité de restreindre, s’agissant de personnes condamnées pour appartenance à une organisation illégale, le droit d’accès au matériel informatique ou audiovisuel destiné à la formation.

11. Le 3 avril 2006, le requérant saisit le juge de l’exécution d’İzmir d’une demande tendant à la levée des restrictions que l’administration pénitentiaire apportait, selon lui, à son droit à l’éducation. Il exposa que, avant sa condamnation, il était étudiant en dernière année à la faculté de médecine et qu’il souhaitait bénéficier, dans le cadre de la poursuite de ses études supérieures, de la possibilité d’utiliser du matériel audiovisuel. Il proposa également, dans le cas où l’administration pénitentiaire n’aurait pas été en mesure de lui fournir pareil matériel, de s’équiper par ses propres moyens.

12. Le 4 avril 2006, statuant sur dossier, le juge de l’exécution d’İzmir rejeta ce recours.

13. Le 14 avril 2006, le requérant forma opposition contre la décision du 4 avril 2006. Il réitéra ses arguments présentés dans le cadre de son recours du 3 avril 2006. Il exposa son intention de s’inscrire à une formation universitaire à distance. Par ailleurs, il déclara ne pas avoir fait l’objet d’une sanction disciplinaire pendant son incarcération.

14. Le 27 avril 2006, statuant sur dossier, la cour d’assises d’İzmir rejeta l’opposition formée par le requérant, estimant que la décision du juge de l’exécution n’avait été contraire ni à la procédure ni à la loi.

15. Le requérant participa au concours général d’entrée à l’université organisé en juin 2006 en vue de poursuivre ses études supérieures par le biais d’un programme d’enseignement à distance. À l’issue de ce concours, il s’inscrivit pour l’année scolaire 2006-2007 à la faculté d’économie gestion de l’université d’Anadolu, qui dispensait un enseignement à distance.

2. Requête no 34750/07

a) Demande relative à la restitution de l’appareil électronique avec fonction de calcul et de traduction

16. Durant sa détention à la prison de type F à İzmir, le requérant fit l’acquisition, par l’intermédiaire de l’administration pénitentiaire, d’un appareil électronique possédant les fonctions de calcul et de traduction anglais-turc. Il fut autorisé à disposer de cet appareil dans sa cellule.

17. Après le transfert du requérant dans une prison située à Bolu, l’appareil fut placé à la consigne et la demande de restitution du requérant fut rejetée par l’administration pénitentiaire de cette prison au motif que ce bien ne figurait pas sur la liste des objets autorisés par le décret du 17 juin 2005 relatif aux biens et produits autorisés dans les établissements pénitentiaires.

18. Le 15 janvier 2007, le requérant saisit le juge de l’exécution des peines d’une demande tendant à la levée des restrictions apportées par l’administration pénitentiaire à son droit à l’éducation.

19. Le juge de l’exécution des peines rendit sa décision le 29 janvier 2007 à l’issue d’un examen sur dossier. Il rappela que, aux termes de l’article 15 § 2 du décret susmentionné, l’administration pénitentiaire pouvait autoriser, dans la limite de ses moyens, que les biens pouvant être utilisés dans le cadre des activités culturelles ou éducatives destinées au développement personnel des condamnés fussent entreposés et utilisés dans des lieux – autres que les cellules et leurs annexes – spécialement désignés par elle à cet effet. Il précisa que les traducteurs électroniques entraient dans la catégorie visée. Il estima que le refus de l’administration d’autoriser le requérant à utiliser son appareil était contraire à la loi, indiquant néanmoins que le dispositif législatif ne permettait pas non plus d’autoriser le requérant à garder l’appareil en question dans sa cellule. Dès lors, il considéra qu’il convenait de rejeter la partie du recours concernant le refus d’autoriser la détention de l’appareil dans la cellule et d’accueillir favorablement la partie relative au refus d’autoriser son utilisation. Concernant cette seconde partie, il précisa qu’il revenait désormais à l’administration de faire connaître au requérant l’endroit dans lequel il pouvait à l’avenir utiliser son appareil sous surveillance.

20. Le requérant forma opposition contre cette décision. Il indiqua, à l’appui de son recours, que l’administration avait décidé d’autoriser l’usage de l’appareil dans la bibliothèque, mais que lui-même n’avait accès à ce lieu qu’une fois toutes les deux semaines, et ce durant une heure. Or, argua-t-il, la préparation de ses cours exigeait une fréquence d’utilisation beaucoup plus élevée. Il ajouta que c’était l’université elle-même qui recommandait vivement l’usage d’une calculatrice pour certains cours.

21. Ce recours fut rejeté par la cour d’assises d’İzmir le 16 février 2007 après un examen sur dossier.

b) Demande relative à l’acquisition et l’utilisation d’un ordinateur

22. Entre-temps, le requérant avait été transféré à la prison fermée de haute sécurité de Bolu. Le 9 mars 2007, il demanda à l’administration de cette prison l’autorisation d’acheter et d’utiliser un ordinateur, arguant qu’il suivait une formation à distance en économie-gestion auprès de l’université d’Anadolu et que les cours d’informatique étaient obligatoires.

23. Par une décision du 29 mars 2007, l’administration pénitentiaire rejeta la demande du requérant. Elle considérait que, si l’article 67 § 3 de la loi no 5275 autorisait non seulement l’achat mais aussi l’usage de matériel informatique, ce dernier n’était possible que dans le cadre des activités culturelles, de formation ou de réinsertion, et ce sous le contrôle de l’administration. Elle indiquait que, par ailleurs, l’article 67 § 4 de la même loi prévoyait la possibilité de restreindre ces droits à l’égard des personnes présentant une certaine dangerosité ou de celles condamnées, comme le requérant, pour appartenance à une organisation illégale.

24. Le requérant forma un recours contre cette décision devant le juge de l’exécution des peines. Il soutenait que la restriction prévue à l’article 67 § 4 susmentionné n’était pas automatique, arguant que l’article en question utilisait à cet égard le suffixe verbal « pouvoir » et non le suffixe verbal « devoir ». Or, selon le requérant, la décision de l’administration n’indiquait pas les motifs pour lesquels elle avait estimé nécessaire de l’exclure du bénéfice de ce droit. Il ajoutait que, par ailleurs, d’autres personnes condamnées sur le fondement des mêmes dispositions pénales bénéficiaient, dans d’autres établissements pénitentiaires de haute sécurité de type F, de la possibilité d’utiliser un ordinateur, alors même que cet usage n’aurait, dans leur cas, pas été justifié par la poursuite d’études.

25. Le juge de l’exécution des peines de Bolu rendit sa décision sur dossier le 19 avril 2007. Indiquant que l’article 67 § 3 de la loi no 5275 concernait uniquement les établissements pénitentiaires fermés (kapalı ceza infaz kurumları) et non les établissements pénitentiaires fermés de haute sécurité (yüksek güvenlikli kapalı ceza infaz kurumları), comme celui où le requérant était détenu, il estima qu’il n’y avait dès lors pas lieu de se pencher sur la question de savoir si celui-ci faisait ou non partie de la catégorie des détenus visés par le paragraphe 4 de cette disposition, dans la mesure où, d’après le juge de l’exécution des peines, l’intéressé ne pouvait de toute façon pas bénéficier de la possibilité d’utiliser un ordinateur. Il considéra que, en d’autres termes, la décision de l’administration de rejeter la demande était conforme au droit, bien que le raisonnement utilisé pour y parvenir fût erroné. Quant à la remarque du requérant selon laquelle certains détenus bénéficiaient de cette possibilité dans d’autres établissements fermés de haute sécurité, le juge considéra qu’il s’agissait là d’une interprétation erronée des textes par l’administration de ces établissements. Il précisa qu’une telle situation ne pouvait avoir aucune incidence quant au requérant. En conséquence, il rejeta le recours.

26. Le 16 mai 2007, la cour d’assises de Bolu, à l’issue d’un examen sur dossier, écarta l’opposition formée par le requérant contre cette décision.

c) Documents soumis par le Gouvernement

27. Le Gouvernement expose que le requérant a été détenu dans la prison fermée de haute sécurité de type F à Kırıkkale du 1er février 2008 au le 17 décembre 2013 et que l’administration de cette prison l’a autorisé à participer aux cours de l’université via un ordinateur. À cet égard, il présente à la Cour des autorisations d’utilisation d’un ordinateur par M. Arslan, adoptées en 2011 par la direction de cette prison.

28. Le requérant explique que, avant 2011, il n’a pas eu accès à son ordinateur malgré plusieurs demandes qu’il aurait présentées en vertu de l’article 67 § 3 de la loi no 5275. Il indique que, à partir de 2011, il a effectivement pu utiliser son ordinateur de manière très limitée. Il déplore que, après l’adoption du décret-loi d’état d’urgence no 677 publié au journal officiel le 22 novembre 2016 (paragraphe 38 ci-dessus), toute possibilité de poursuivre ses études ait été anéantie.

B. M. Orhan Bingöl

29. M. Bingöl, ancien étudiant à la faculté de droit à l’université d’Istanbul, participa lui aussi au concours général d’entrée à l’université organisé en juin 2006 en vue de poursuivre ses études supérieures par le biais d’un programme d’enseignement à distance. À l’issue de cet examen, il obtint une note qu’il estimait suffisante pour qu’il pût être admis dans un établissement d’enseignement supérieur. Ce requérant précise que, avant de s’inscrire dans la section de programmation informatique de l’école supérieure professionnelle de l’université de Sakarya, qui dispensait un enseignement à distance, il avait écrit à cet établissement afin d’obtenir des renseignements sur les modalités d’enseignement.

30. Le 1er août 2006, le requérant sollicita auprès de l’administration l’autorisation d’utiliser un ordinateur et d’avoir accès à internet. Il arguait qu’il souhaitait poursuivre ses études supérieures auprès d’un établissement d’enseignement supérieur dispensant des formations à distance et que, pour pouvoir suivre ces programmes, il devait impérativement pouvoir disposer de ces deux outils. Il ajoutait que le délai d’inscription expirait le 9 août 2006 et que, sans l’autorisation en question, il ne pouvait pas poursuivre ses études supérieures.

31. Le 8 août 2006, le directeur adjoint de la direction des centres pénitentiaires et de détention près le ministère de la Justice rejeta la demande du requérant sur le fondement de l’article 67 § 4 de la loi no 5275.

32. Par ailleurs, par une lettre du 10 août 2006, l’université de Sakarya indiqua au requérant que, au cas où il serait inscrit dans leur établissement, il pouvait soit différer son inscription jusqu’à la date de sa sortie de prison soit poursuivre le programme d’enseignement depuis la prison via internet. Selon les éléments du dossier, le requérant ne s’est inscrit à aucune formation universitaire pour l’année universitaire 2006-2007.

33. À une date non précisée, le requérant saisit le juge de l’exécution des peines d’un recours contre le refus de l’administration. Ce recours fut rejeté par une décision du 23 août 2006. Dans sa décision, le juge indiqua que, si la législation autorisait l’usage de matériel informatique dans le cadre des activités culturelles, de formation ou de réinsertion et sous le contrôle de l’administration, elle prévoyait néanmoins la possibilité de restreindre ces droits à l’égard des personnes présentant une certaine dangerosité ou de celles condamnées pour appartenance à une organisation illégale. Il estima par conséquent conforme à la loi le refus opposé à la demande du requérant.

34. Le 7 septembre 2006, la cour d’assises de Kocaeli rejeta l’opposition formée par le requérant.

35. Le Gouvernement a produit un document énumérant les vingt-deux sanctions disciplinaires infligées au requérant entre le 30 décembre 2003 et le 30 janvier 2008 durant sa détention dans la prison de Kocaeli.

II. LE DROIT ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS

36. L’article 42 de la Constitution est ainsi libellé :

« Nul ne peut être privé de son droit à l’éducation et à l’instruction.

Le contenu du droit à l’instruction est défini et réglementé par la loi.

(...) »

37. Les parties pertinentes en l’espèce de l’article 67 de la loi no 5275 relative à l’exécution des peines se lisent comme suit :

« 3. Dans les établissements pénitentiaires ouverts ou fermés ainsi que dans les centres d’éducation pour mineurs, l’utilisation d’outils de formation audiovisuels dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire ne peut être autorisée que dans le cadre de programmes de réinsertion ou de formation. Internet peut être utilisé sous contrôle et dans la mesure rendue nécessaire par les programmes de formation et de réinsertion. L’introduction dans les établissements pénitentiaires d’ordinateurs dans un but culturel ou de formation peut être autorisée après avis favorable du ministère de la Justice.

4. Ces droits peuvent être restreints à l’égard des personnes présentant une certaine dangerosité ou de celles condamnées pour appartenance à une organisation illégale. »

38. L’article 4 du décret-loi d’état d’urgence no 677, publié au Journal officiel le 22 novembre 2016, est ainsi libellé :

« Des personnes détenues ou condamnées dans le cadre d’une infraction pour appartenance à une organisation terroriste ou pour des activités terroristes et se trouvant dans les établissements pénitentiaires ne peuvent participer aux concours généraux, aux autres épreuves organisées par tous types d’établissements d’enseignement dans les locaux du centre pénitentiaire ou ailleurs (...) »

39. Le 10 décembre 2014, la Cour constitutionnelle turque (« la CCT ») a rendu un arrêt dans lequel elle a examiné un grief relatif à une mesure restreignant la durée d’utilisation de l’ordinateur et d’accès à internet (au lieu de 21 heures, la durée d’utilisation de l’ordinataire, qui permettait également d’accéder à internet, était limitée à 15 heures par semaine) pour les condamnés purgeant leur peine dans l’établissement pénitentiaire de haute sécurité de type F à Kırıkkale (Mehmet Reşit Arslan et autres, no 2013/583 du 10 décembre 2014). Le recours était introduit par Mehmet Reşit Arslan, le premier requérant, et par d’autres personnes afin de contester la mesure en question. La CCT a examiné ce grief dans le cadre du droit à l’éducation, garanti par l’article 42 de la Constitution. Dans son arrêt, elle a conclu à l’absence de violation du droit à l’éducation, considérant que la mesure en question était proportionnée et qu’elle ne privait pas les condamnés de leur droit à l’éducation. Se référant notamment à la loi no 4675 du 16 mai 2001 et à l’article 67 §§ 3 et 4 de la loi no 5275 du 13 décembre 2004 au règlement sur l’exécution des peines no 2006/10218 du 20 mars 2006 ainsi qu’à la Recommandation no 89/12 sur l’éducation en prison adoptée le 13 octobre 1989 par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, elle a notamment considéré qu’il convenait d’examiner un tel grief sur le terrain du droit à l’éducation. Les parties pertinentes en l’espèce de cet arrêt peuvent se lire comme suit :

« 71. Le droit à l’éducation ne peut s’interpréter comme obligeant l’État à créer ou subventionner des établissements d’enseignement particuliers. Cependant, l’État a l’obligation d’offrir un accès effectif aux établissements existants ou subventionnés (...). Si un établissement d’enseignement destiné aux personnes condamnées a été créé dans un centre pénitentiaire, il est impératif d’assurer l’accès des personnes condamnées à ce type d’établissement.

72. L’article 42 de la Constitution n’implique pas une obligation positive d’assurer aux condamnés la possibilité de suivre une éducation et un enseignement. Cependant la loi no 5275, le règlement sur l’exécution des peines et les circulaires du ministère de la Justice ont souligné l’importance que revêtaient les activités éducatives, culturelles et sociales au regard de la réinsertion des condamnés dans la société et, du point de vue légal, l’État s’est engagé à assurer l’enseignement et l’éducation à l’égard des personnes condamnées dans la mesure des moyens des établissements pénitentiaires. Les textes internationaux vont dans le même sens et soulignent qu’il est impératif d’assurer la participation des détenus et des condamnés aux activités éducatives. Par conséquent, une obligation qui n’a pas été prévue par la Constitution ou par la Convention (CEDH) a été créée par les lois dans la mesure des moyens des établissements pénitentiaires. Par conséquent, les établissements pénitentiaires ont l’obligation de ne pas empêcher l’accès à une activité éducative dispensée dans un établissement pénitentiaire. »

Dans son arrêt, la CCT a constaté qu’une mesure restreignant la durée d’utilisation de l’ordinateur et de l’accès à internet pour les condamnés avait constitué une ingérence dans le droit des requérants garantis par l’article 42 de la Constitution. Cependant, à ses yeux, cette mesure pouvait être admise comme une restriction proportionnée. À cet égard, elle a considéré que les recourants avaient commencé à poursuivre leurs études à distance et que l’administration pénitentiaire leur avaient fourni des facilités importantes conformément à la législation pertinente, à savoir la mise à disposition d’un local pour l’utilisation d’un ordinateur et l’accès à l’internet, en adoptant en revanche une restriction sur la durée d’utilisation de l’ordinateur et de l’accès à internet. Elle a jugé que cette restriction était prévisible et poursuivait un but légitime, à savoir la défense de l’ordre dans les établissements pénitentiaires. Par ailleurs, à ses yeux, la restriction en question pouvait passer pour proportionnée au but poursuivi, dans la mesure où il ne s’agissait pas d’une interdiction absolue mais d’une mesure restreignant simplement la durée d’utilisation, qui ne rendait pas impossible des études à distance et les condamnés avaient également la possibilité de travailler dans leurs cellules.

Dans son arrêt, la Cour constitutionnelle s’est également penchée sur l’applicabilité du droit à un procès équitable. À cet égard, elle a conclu que certaines des limitations apportées aux droits des personnes détenus ou condamnés, qui, d’une manière générale, continuaient de jouir de tous les droits et libertés fondamentaux, à l’exception du droit à la liberté, revêtaient un caractère civil et qu’elles devaient dès lors être examinées dans le cadre du droit à un procès équitable, pour autant qu’elles étaient soumises à un contrôle juridictionnel des juges d’exécution des peines. Cependant, elle a rejeté plusieurs griefs tirés d’une violation de ce droit – dont l’absence d’audience lors de la procédure devant les juges d’exécution des peines – pour défaut manifeste de fondement.

III. LES DOCUMENTS PERTINENTS DU CONSEIL DE L’EUROPE

40. Les documents pertinents en l’espèce du Conseil de l’Europe concernant le droit à l’éducation des détenus et des condamnés sont décrits dans l’arrêt Velyo Velev c. Bulgarie (no 16032/07, §§ 21-24, CEDH 2014 (extraits)).

EN DROIT

I. SUR LA JONCTION DES REQUÊTES

41. La Cour considère d’abord que, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et en application de l’article 42 § 1 de son règlement, il y a lieu de joindre les requêtes.

II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 2 DU PROTOCOLE No 1 À LA CONVENTION

42. Les requérants dénoncent l’impossibilité qui leur aurait été faite d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet, outils qu’ils estiment indispensables à la poursuite de leurs études supérieures et à l’approfondissement de leur culture générale. Ils dénoncent une violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention.

Se plaignant toujours des restrictions en question, M. Arslan dénonce une violation des articles 3, 7, 9, 10, 14 et 17 de la Convention. De même, M. Bingöl se plaint d’une violation des articles 8 et 14 de la Convention, ce dernier lu en combinaison avec son article 8 et/ou avec l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention.

La Cour observe que le grief que les requérants tirent des dispositions de la Convention concernent l’impossibilité d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet dans le milieu carcéral. Ce grief n’a pas spécifiquement trait à un moyen particulier d’accès, par internet, à des informations relevant du domaine public et publiées sur un site internet librement accessible (comparer avec Kalda c. Estonie, no 17429/10, 19 janvier 2016, où il s’agissait d’une restriction apportée à la possibilité pour un détenu d’accéder à des sites internet publiant des informations juridiques et Jankovskis c. Lituanie, no 21575/08, 17 janvier 2017 où le requérant se plaignait d’une restriction ayant frappé l’accès d’un détenu à un site internet fournissant des informations en matière d’éducation). En effet, d’après les requérants, l’impossibilité qui leur aurait été faite, en violation de l’article 67 § 3 de la loi no 5275, d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet a eu pour conséquence de les priver des outils indispensables à la poursuite de leurs études supérieures. Maîtresse de la qualification juridique des faits en cause, la Cour estime qu’il y a lieu d’examiner les allégations des requérants sous l’angle de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1, ainsi libellée :

« Nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. »

A. Thèses des parties

1. Le Gouvernement

43. À titre principal, le Gouvernement invite la Cour à rejeter ce grief pour incompatibilité ratione materiae avec les dispositions de la Convention. Il expose que l’article 2 du Protocole no 1 ne garantit pas un droit absolu à toutes les formes d’éducation, en particulier l’enseignement supérieur et l’enseignement des langues étrangères.

44. À titre subsidiaire, il avance qu’il n’y a pas eu violation de cette disposition pour les motifs exposés ci-dessous (voir aussi paragraphe 62 ci‑dessus).

45. S’agissant de la demande de M. Arslan relative à l’utilisation d’appareils électroniques dans sa cellule, le Gouvernement indique que l’intéressé a été informé par une lettre du 4 juin 2007 que, s’il n’était effectivement pas autorisé, sur la base de l’article 15 § 3 du règlement, à utiliser de tels appareils dans sa cellule, il avait en revanche la possibilité de les utiliser dans la bibliothèque du centre pénitentiaire sous le contrôle des autorités. Le Gouvernement ajoute que, par ailleurs, tout comme les autres condamnés, l’intéressé pouvait se servir des livres et autres matériels éducatifs mis à disposition dans la bibliothèque de la prison. Se fondant sur l’article 67 § 4 de la loi no 5275, il précise que, en tant que condamné pour activités terroristes, il n’avait cependant pas le droit d’accéder à internet.

46. Le Gouvernement indique en outre que M. Arslan a été détenu dans l’établissement pénitentiaire fermé de haute sécurité de type F à Kırıkkale du 1er février 2008 au 17 décembre 2013. Il expose que le conseil d’éducation de cette prison l’avait autorisé à participer aux cours de l’université via l’ordinateur en prenant en considération que M. Arslan suivait une formation à distance en programmation informatique dispensée par l’université de Kırıkkale et que, dès lors, l’intéressé a pu suivre les cours de l’université par l’intermédiaire d’un ordinateur.

47. Quant à M. Bingöl, le Gouvernement indique que ce requérant n’a été admis dans aucun établissement d’enseignement supérieur quel qu’il fût. Il en déduit que l’intéressé ne peut se prétendre victime d’une violation des dispositions invoquées. Il précise notamment que ses résultats au concours d’entrée dans l’établissement d’enseignement supérieur en question étaient insuffisants pour une inscription à l’université de Sakarya. Il ajoute que, alors même que le requérant aurait eu le droit de demander à s’inscrire dans un autre établissement d’enseignement supérieur (par exemple, un établissement d’enseignement à distance), il ne l’a pas fait. Le Gouvernement en conclut que, n’étant pas étudiant, le requérant n’avait pas besoin d’un ordinateur ni d’un accès à internet pour poursuivre des études.

2. Les requérants

48. M. Arslan soutient que ses requêtes concernent essentiellement l’impossibilité qui lui aurait été faite, en violation de l’article 67 § 3 de la loi no 5275, d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet. Il précise qu’il avait demandé à pouvoir utiliser un ordinateur et à avoir accès à internet non pas dans sa cellule, mais, en vertu de cette disposition, dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire. Quant à sa demande relative à l’utilisation d’une calculatrice-traductrice électronique, il argue avoir eu besoin de disposer dans sa cellule d’un appareil doté de ces fonctions pour pouvoir poursuivre ses études en économie-gestion. Il estime que le refus opposé à ses demandes constitue une illustration supplémentaire de l’attitude arbitraire des autorités pénitentiaires. Il allègue que les restrictions à l’utilisation d’un ordinateur équipé d’un accès à internet qui lui auraient été imposées rendaient presque impossible la poursuite de ses études.

Il indique encore que sa demande a été rejetée sur la base de l’article 63 § 4 de la même loi, selon lui sans motif valable. Il estime que sa qualité de condamné pour appartenance à une organisation illégale ne pouvait justifier une telle exclusion catégorique, quand son but aurait été de poursuivre ses études supérieures et d’approfondir ses connaissances, notamment linguistiques et culturelles.

49. Par ailleurs, M. Arslan expose qu’il avait été autorisé à utiliser un ordinateur de manière très restreinte après l’année 2011, mais que de nouvelles restrictions rendant impossible la poursuite de ses études supérieures ont été adoptées à la suite de la tentative de coup d’État du 15 juillet 2016 (paragraphe 28 ci-dessus).

50. M. Bingöl expose avoir passé le concours d’accès aux études supérieures et avoir été admis à la section de programmation informatique de l’école supérieure professionnelle de l’université de Sakarya dispensant une formation à distance. Il ajoute que, par une lettre du 10 août 2006, l’université lui a indiqué qu’il pouvait soit différer son inscription jusqu’à la date de sa sortie soit poursuivre la formation depuis la prison via internet. Il déplore que, en raison du refus des autorités pénitentiaires de lui accorder le droit d’utiliser un ordinateur et d’avoir accès à internet, et malgré l’effort acharné qu’il aurait fourni pour réussir le concours d’entrée à l’université, il n’a pas pu poursuivre ses études supérieures. Il précise que sa demande d’accès à un ordinateur et à internet a été rejetée arbitrairement et sans motif valable, en raison de sa seule condamnation pour appartenance à une organisation illégale.

B. Appréciation de la Cour

1. Champ d’application de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention

51. Aux termes de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1, nul ne peut se voir refuser le droit à l’instruction. Si l’article 2 du Protocole no 1 ne peut s’interpréter en ce sens qu’il obligerait les États contractants à créer ou subventionner des établissements d’enseignement particuliers, un État qui a créé de tels établissements a l’obligation d’offrir un accès effectif à ces établissements. En d’autres termes, l’accès à des institutions d’enseignement existant à un moment donné fait partie intégrante du droit consacré par la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 (Affaire « relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique » c. Belgique (fond), 23 juillet 1968, §§ 3-4, série A no 6, Ponomaryovi c. Bulgarie, no 5335/05, § 49, CEDH 2011, et Catan et autres c. République de Moldova et Russie [GC], nos 43370/04 et 2 autres, § 137, CEDH 2012 (extraits)). Cette disposition vaut pour les niveaux primaire, secondaire et supérieur de l’enseignement (Leyla Şahin c. Turquie [GC], no 44774/98, §§ 134 et 136, CEDH 2005‑XI).

52. En l’espèce, la Cour observe que, en 2006, les requérants avaient participé au concours d’entrée dans des établissements supérieurs. À l’issue de ce concours, M. Arslan, ancien étudiant de la faculté de médecine de l’université d’Istanbul, a été admis à la faculté d’économie-gestion à l’université d’Anadolu, qui dispensait un enseignement à distance pour l’année universitaire 2006-2007. Par ailleurs, M. Bingöl avait obtenu une note, d’après lui suffisante, qui devait lui permettre d’être admis dans un établissement d’enseignement supérieur, même s’il ne s’était inscrit à aucun établissement d’enseignement supérieur pour l’année universitaire 2006‑2007.

53. La Cour note que les demandes que les requérants ont présentées aux autorités des établissements pénitentiaires portaient pour l’essentiel sur l’utilisation de matériels audiovisuels, informatiques ou électroniques et qu’elles avaient pour but leur préparation au concours d’entrée à l’université ou la poursuite de leurs études universitaires. Par conséquent, aux yeux de la Cour, il importe peu que M. Bingöl se soit ou non inscrit auprès d’un établissement d’enseignement. Il ressort clairement des éléments du dossier que les deux requérants projetaient de poursuivre des études supérieures dans des établissements dispensant un enseignement à distance et que, pour ce faire, ils avaient participé en 2006 au concours d’entrée dans des établissements d’enseignement supérieur et qu’ils ont justifié leurs demandes dans le cadre de cette démarche.

À cet égard, comme la Cour constitutionnelle turque l’a précisé dans son arrêt du 10 décembre 2014, la législation turque pertinente en l’espèce (qui était également en vigueur à l’époque des faits des présentes affaires) offre aux condamnés la possibilité de poursuivre leurs études au sein des établissements pénitentiaires dans la mesure des moyens de ces centres. En particulier, selon la haute juridiction, les établissements pénitentiaires ont l’obligation de ne pas empêcher l’accès à une activité éducative dispensée en leur sein. À cet égard, en vertu de l’article 67 § 3 de la loi no 5275, l’utilisation d’outils de formation audiovisuels et d’ordinateurs et l’accès à internet ont été autorisés, sous contrôle, dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire dans le cadre de programmes de réinsertion ou de formation. Cette possibilité constitue certainement un moyen matériel indispensable à l’exercice réel du droit à l’éducation, dans la mesure où elle permet aux condamnés de se préparer aux concours d’entrée dans les établissements d’enseignement et de poursuivre, le cas échéant, leurs études. Selon la jurisprudence établie de la Cour, l’accès aux établissements d’enseignement existant à un moment donné fait partie intégrante du droit énoncé à la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 (Ponomaryovi, précité, § 49). Il s’ensuit que le grief en question relève du champ d’application de l’article 2 du Protocole no 1.

À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter également l’exception du Gouvernement tirée de l’absence de qualité de victime de M. Bingöl.

54. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

2. Sur le fond

a) Principes pertinents

55. La Cour souligne tout d’abord que, d’une manière générale, les détenus continuent de jouir de tous les droits et libertés fondamentaux garantis par la Convention, à l’exception du droit à la liberté, lorsqu’une détention régulière entre expressément dans le champ d’application de l’article 5 de la Convention. Par exemple, les détenus ne peuvent être soumis à des mauvais traitements ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants, interdits par l’article 3 ; ils continuent de jouir du droit au respect de la vie familiale, du droit à la liberté d’expression, du droit de pratiquer leur religion, du droit d’avoir un accès effectif à un avocat ou à un tribunal aux fins de l’article 6, du droit au respect de la correspondance et du droit de se marier. Toute restriction à ces autres droits doit être justifiée, même si pareille justification peut tout à fait reposer sur les considérations de sécurité, notamment la prévention du crime et la défense de l’ordre, qui découlent inévitablement des circonstances de l’emprisonnement (voir Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, § 69, CEDH 2005‑IX, et les arrêts qui y sont cités ; voir également Velyo Velev c. Bulgarie (no 16032/07 § 30). Dans l’arrêt Hirst (précité, § 70), la Cour s’est exprimée ainsi : « [i]l n’est (...) nullement question qu’un détenu soit déchu de ses droits garantis par la Convention du simple fait qu’il se trouve incarcéré à la suite d’une condamnation (...) »

56. En ce qui concerne le droit à l’instruction, la Cour reconnaît que, pour important qu’il soit, ce droit n’est pas absolu mais peut donner lieu à des limitations. Celles-ci sont implicitement admises tant qu’il n’y a pas d’atteinte à la substance du droit ; en effet, le droit d’accès « appelle de par sa nature même une réglementation par l’État ». Afin de s’assurer que les limitations mises en œuvre ne réduisent pas le droit dont il s’agit au point de l’atteindre dans sa substance même et de le priver de son effectivité, la Cour doit se convaincre que celles-ci sont prévisibles pour le justiciable et qu’elles tendent à un but légitime. Toutefois, à la différence des articles 8 à 11 de la Convention, l’article 2 du Protocole no 1 ne lie pas la Cour par une énumération exhaustive des « buts légitimes ». En outre, une limitation ne se concilie avec ladite clause que s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. S’il appartient à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention, les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation dans le domaine de l’instruction (Velyo Velev, précité, § 32).

57. Il est vrai que l’enseignement est un « service complexe » à organiser et onéreux à gérer tandis que les ressources que les autorités peuvent y consacrer sont nécessairement limitées. Il est vrai également que, lorsqu’il décide de la manière de réglementer l’accès à l’instruction, l’État doit ménager un équilibre entre, d’une part, les besoins éducatifs des personnes relevant de sa juridiction et, d’autre part, sa capacité limitée à y répondre. Cependant, la Cour ne peut faire abstraction du fait que, à la différence de certaines autres prestations assurées par les services publics, l’instruction est un droit directement protégé par la Convention. De plus, l’enseignement est un type très particulier de service public, qui ne profite pas seulement à ses usagers directs mais qui sert aussi d’autres buts sociétaux. En fait, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que « [d]ans une société démocratique, le droit à l’instruction [était] indispensable à la réalisation des droits de l’homme [et] occup[ait] une place (...) fondamentale » (idem, § 33).

58. Bien que la Cour soit consciente des recommandations du Comité des Ministres selon lesquelles des possibilités d’éducation doivent être offertes à tous les détenus (paragraphe 36 ci-dessus) (Velyo Velev, précité, §§ 21-24), elle rappelle que l’article 2 du Protocole no 1 n’impose pas aux États contractants l’obligation de prévoir de telles possibilités pour les détenus lorsqu’elles n’existent pas encore (idem, § 34 ; voir aussi les arrêts qui y sont cités). Elle relève toutefois que le grief des requérants en l’espèce porte sur le refus de les autoriser à accéder à une institution d’enseignement préexistante, à savoir la possibilité d’utiliser un ordinateur et internet, ainsi que d’autres matériels électroniques ou audiovisuels destinés à la formation, autant d’outils qui étaient indispensables à la poursuite de leurs études supérieures et à l’approfondissement de leur culturelle générale. Ainsi qu’il a été noté ci-dessus, le grief des requérants relève de l’article 2 du Protocole no 1. Toute restriction à ce droit doit donc être prévisible et poursuivre un but légitime auquel elle doit être proportionnée. Si l’article 2 du Protocole no 1 n’impose pas une obligation positive de prévoir un enseignement en prison en toutes circonstances, lorsqu’une telle possibilité existe elle ne doit pas être soumise à des restrictions arbitraires et déraisonnables (idem, § 34).

59. Enfin, la Cour relève que, comme expliqué ci-dessus, la restriction du droit à l’instruction des requérants reposait sur le refus de leurs demandes, fondées sur l’article 67 de la loi no 5275, d’utiliser un ordinateur et d’avoir accès à internet afin de participer aux études qu’ils souhaitaient poursuivre. Ainsi, ils ne se sont pas, en tant que tels, autorisés à demander l’admission à un programme éducatif existant de leur choix. En conséquence, lors de l’examen du grief des requérants au titre de l’article 2 du Protocole no 1, la Cour tiendra dûment compte de sa jurisprudence, développée jusqu’à présent au titre de l’article 10 de la Convention, relative au droit des détenus d’accéder à internet (voir les arrêts Kalda et Jankovskis, précités). Il ressort de cette jurisprudence que, pour déterminer si le refus de fournir l’accès à internet à des détenus est justifié dans une affaire donnée, il convient d’examiner la question de savoir si les juridictions nationales ont procédé à une évaluation suffisante des risques concrets pour la sécurité inhérents à un cas particulier, mettant en balance ainsi de manière adéquate les intérêts contradictoires en jeu.

Notamment, dans son arrêt Kalda (précité, § 45), la Cour a noté que la détention implique nécessairement un certain nombre de restrictions à la communication des détenus avec le monde extérieur, notamment à leur capacité de recevoir des informations. À cet égard, elle a estimé que l’article 10 ne saurait s’interpréter comme imposant une obligation générale de fournir aux détenus un accès à internet ou à des sites internet spécifiques. Tout en notant que, bien que les considérations sécuritaires et économiques invoquées par les autorités internes puissent être considérées comme pertinentes, la Cour a relevé que les juridictions nationales ne se sont livrées à aucune analyse détaillée des risques en matière de sécurité qui pouvaient découler du fait d’accorder au requérant l’autorisation d’accéder aux sites internet en question. Pour arriver à cette conclusion, la Cour a également tenu compte du fait que les juridictions nationales avaient limité leur analyse sur ce point à une affirmation assez générale selon laquelle l’octroi d’un accès à des sites internet en question pourrait accroître le risque que les détenus communiquent de manière interdite, ce qui nécessiterait un contrôle accru (ibidem, § 53, voir aussi, Jankovskis, précité, § 61).

b) Application de ces principes à l’espèce

60. En l’espèce, la Cour observe d’emblée que le droit interne reconnaissait aux prisonniers la possibilité d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet sous certaines conditions. Cet usage pouvait toutefois être soumis au contrôle de l’administration pénitentiaire et être restreint dans les conditions prévues à l’article 67 § 4 de la loi no 5275. La Cour est disposée à admettre que la restriction qui a été apportée aux droits des requérants à cet égard était prévue par la loi, même si la pratique des autorités pénitentiaires manquait de cohérence. Elle note que le Gouvernement ne précise pas le but légitime poursuivi par la mesure litigieuse. Elle estime qu’une disposition légale réglementant l’utilisation de l’ordinateur par des condamnés et l’accès de ceux-ci à internet pourrait poursuivre les buts légitimes de la défense de l’ordre et de la prévention du crime. En effet, en vertu du quatrième paragraphe de l’article 67, les droits en question peuvent être restreints à l’égard des personnes présentant une certaine dangerosité ou de celles condamnées pour appartenance à une organisation illégale.

61. En ce qui concerne le principe de proportionnalité, la Cour examinera les motifs avancés par les juridictions nationales et par le Gouvernement pour justifier la limitation litigieuse en l’espèce afin de déterminer s’ils étaient pertinents et suffisants et si la mesure en question était proportionnée au but légitime visé, compte tenu du juste équilibre à ménager entre le droit à l’instruction des requérants et les raisons exposées par les autorités turques à l’appui du refus qu’elles ont opposé aux demandes des intéressés.

62. La Cour relève ainsi que, durant la procédure interne et devant la Cour, les autorités nationales ont invoqué diverses raisons pour justifier le refus opposé aux demandes des requérants tendant à bénéficier de la possibilité offerte par la loi no 5275. La demande présentée par M. Arslan le 13 mars 2006 a été rejetée en application du quatrième paragraphe de l’article 67 de la loi no 5275, sur la base d’un avis des autorités pénitentiaires selon lequel l’intéressé maintenait des relations avec les autres détenus membres de l’organisation illégale durant sa détention et ne s’était inscrit à aucun établissement d’enseignement. Or la Cour observe que la demande que le requérant a faite le 9 mars 2007 après son inscription auprès d’un établissement d’enseignement supérieur a également été rejetée, cette fois au motif qu’il ne pouvait de toute façon pas bénéficier de la possibilité d’utiliser un ordinateur, au motif que les condamnés purgeant leur peine dans les établissements pénitentiaires fermés de haute sécurité avaient été exclus catégoriquement du bénéfice de l’article 67 § 3 de la loi no 5275. Il ressort toutefois des observations du Gouvernement que ce même requérant a été autorisé à bénéficier de ce droit à partir de 2011. Quant à M. Bingöl, selon les éléments présentés par les parties, sa demande a été rejetée en vertu de l’article 67 § 4 de la loi no 5275.

63. Durant la procédure devant la Cour, le Gouvernement a précisé la justification des refus opposés aux requérants. S’agissant de M. Arslan, condamné pour terrorisme, il s’est référé à l’article 67 § 4 de la loi no 5275 et il a indiqué que, si l’autorisation d’accéder à internet lui était accordée, ce détenu était susceptible de poursuivre ses activités terroristes. Par ailleurs, d’après le Gouvernement, M. Arslan avait la possibilité d’utiliser dans la bibliothèque de la prison les matériels qui lui auraient été nécessaires. Dès lors, selon le Gouvernement, le rejet de la demande que M. Arslan avait présentée aux fins de disposer des matériels en question dans sa cellule était justifié. Quant à M. Bingöl, selon le Gouvernement, le refus était justifié au motif que ce requérant ne s’était inscrit à aucun établissement d’enseignement et qu’il avait fait l’objet de nombreuses sanctions disciplinaires.

64. La Cour observe que la législation et la pratique turques ne prévoient pas une interdiction absolue relative à l’usage d’ordinateur et à l’accès à l’internet dans les établissements pénitentiaires, y compris des prisons de haute sécurité. L’article 67 § 3 de la loi no 5275 offre aux condamnés la possibilité d’utiliser les outils de formation audiovisuels et l’ordinateur et d’accéder à internet, sous contrôle, dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire dans le cadre de programmes de réinsertion ou de formation. Pour la Cour, il ne fait pas de doute que la manière de réglementer les modalités d’accès à ces types de possibilité dans le milieu carcéral relève de la marge d’appréciation de l’État contractant. Il lui suffit de rechercher si les juridictions nationales ont rempli, d’une part, leur tâche consistant à mettre en balance les différents intérêts en jeu dans la présente affaire et, d’autre part, leur obligation d’empêcher tout abus de la part de l’administration dans l’application des règles internes.

65. La Cour observe que l’article 67 § 3 de la loi no 5275 offre aux condamnés la possibilité d’utiliser un ordinateur et d’accéder à internet dans les locaux désignés à cet effet par l’administration pénitentiaire et dans le cadre de programmes de réinsertion ou de formation. Par ailleurs, internet peut être utilisé sous contrôle de l’administration et dans la mesure rendue nécessaire par les programmes de formation et de réinsertion. Il n’est pas contesté en l’espèce que les établissements pénitentiaires dont il s’agit disposaient des moyens permettant de fournir aux condamnés la possibilité offerte par l’article 67 § 3 de la loi no 5275. De plus, aucune justification concrète tenant à un manque de ressources des établissements en question n’a été avancée, ni lors des procédures internes ni devant la Cour.

66. Par ailleurs, rien ne permet de remettre en cause l’assertion des requérants selon laquelle leur souhait de bénéficier de la possibilité offerte par la législation pertinente découlait de leur volonté de poursuivre leurs études, circonstance que la Cour juge importante dans la présente affaire. Les deux requérants ont participé en 2006 aux concours d’entrée dans un établissement d’enseignement supérieur et ont manifesté un grand intérêt à poursuivre leurs études supérieures, qu’ils avaient interrompues à la suite de leur condamnation définitive. Selon les éléments du dossier, M. Bingöl n’a présenté aucune demande d’inscription à la suite du refus que les autorités pénitentiaires avaient opposé à sa demande d’utiliser un ordinateur dans les conditions prévues à la disposition en question. En revanche, M. Arslan a été ultérieurement admis dans un établissement d’enseignement supérieur.

67. Pour ce qui est de l’usage d’un appareil électronique possédant les fonctions de calcul et de traduction anglais-turc dans sa cellule, la Cour est disposée à admettre l’argument du Gouvernement selon lequel le refus opposé à la demande du requérant était justifié, ce d’autant plus que l’utilisation de cet appareil a été autorisée sous surveillance dans un endroit qui serait précisé par la prison. Toutefois, elle observe que cet élément a été porté à la connaissance de la Cour afin d’illustrer les différentes approches des autorités pénitentiaires en la matière. En effet, alors que M. Arslan était autorisé à disposer de cet appareil dans sa cellule à la prison d’Izmir, le même bénéfice lui avait été refusé par l’administration pénitentiaire et le juge à la prison de Bolu au motif que l’appareil électronique en question ne figurait pas sur la liste des objets autorisés par le décret du 17 juin 2005 relatif aux biens et produits autorisés dans les établissements pénitentiaires.

68. Quant à M. Bingöl, il est vrai que ce requérant a fait l’objet de plusieurs sanctions disciplinaires et était condamné pour appartenance à une organisation terroriste. Cependant, dans sa décision du 23 août 2006, le juge d’exécution des peines s’est borné à citer la disposition en question sans donner aucun motif susceptible de justifier le refus de l’administration et sans procéder à aucune mise en balance des intérêts en jeu.

69. Il convient à cet égard de rappeler que l’importance de l’éducation en prison a été reconnue par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe dans ses recommandations sur l’éducation en prison et dans ses Règles pénitentiaires européennes (Velyo Velev, précité, § 41 ; voir aussi, mutatis mutandis, Jankovskis, précité, § 61). La Cour réitère que la manière de réglementer les modalités d’accès à ces types de possibilité dans le milieu carcéral relève de la marge d’appréciation de l’État contractant. À cet égard, bien que les considérations de sécurité invoquées par les autorités nationales et par le Gouvernement puissent être considérées comme pertinentes en l’espèce, elle observe que, comme dans les affaires Kalda (arrêt précité, § 53) et Jankovskis (arrêt précité, § 61), les juridictions nationales n’ont procédé à aucune analyse détaillée des risques pour la sécurité et qu’elles n’ont pas rempli, d’une part, leur tâche consistant à mettre en balance les différents intérêts en jeu dans la présente affaire et, d’autre part, leur obligation d’empêcher tout abus de la part de l’administration. Dans ces conditions, elle n’est pas convaincue que des motifs suffisants ont été avancés en l’espèce pour justifier le refus que les autorités ont opposés aux demandes visant au bénéfice du droit créé par l’article 67 § 3 de la loi no 5275.

70. Les mêmes lacunes empêchent également la Cour d’exercer effectivement son contrôle européen sur la question de savoir si les autorités nationales ont appliqué les normes établies par sa jurisprudence concernant la mise en balance des intérêts en jeu.

71. Examinant ces circonstances, la Cour conclut que, au cours du processus décisionnel ayant abouti aux décisions en question, les juges ont failli à leur obligation de se livrer à un exercice de mise en balance entre l’intérêt des requérants et les impératifs de l’ordre public.

72. À la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que les juridictions nationales n’ont pas ménagé un juste équilibre entre le droit des requérants au droit à l’instruction, au sens de l’article 2 du Protocole no 1, et les impératifs de l’ordre public. Partant, elle juge qu’il y a eu, en l’espèce, violation de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 dans le chef des deux requérants.

III. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION

73. Dans le cadre des requêtes nos 47121/06 et 3470/07, M. Arslan se plaint d’une absence d’audience lors de la procédure devant les juges d’exécution des peines. Il invoque à cet égard les articles 6 et 13 de la Convention. La Cour examinera ce grief sur le terrain de l’article 6 de la Convention.

74. Eu égard au raisonnement qui l’a conduite à conclure à la violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention (paragraphe 71 ci-dessus), la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner la recevabilité et le bien-fondé de ce grief.

IV. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

75. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

76. M. Arslan n’a présenté aucune demande de satisfaction équitable. La Cour estime qu’il n’y a pas de circonstances justifiant de lui octroyer une somme à ce titre (Nagmetov c. Russie [GC], no 35589/08, §§ 57-61, 30 mars 2017).

Quant à M. Bingöl, il réclame 20 000 euros (EUR) pour dommage matériel et 2 000 EUR pour préjudice moral. Il demande également 7 000 EUR pour les frais et dépens engagés devant les juridictions internes et pour ceux engagés devant la Cour. Pour étayer sa demande, il se borne à faire référence au barème d’honoraires du barreau d’Istanbul.

77. Le Gouvernement conteste ces prétentions.

78. S’agissant du dommage matériel, la Cour ne voit aucun lien de causalité entre la violation constatée et le dommage matériel allégué. Par ailleurs, elle estime que le constat de violation constitue en soi une satisfaction équitable suffisante quant au dommage moral.

S’agissant des demandes au titre des frais et dépens, la Cour rappelle que, conformément à sa jurisprudence constante, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, compte tenu des documents dont elle dispose et à la lumière des termes de l’article 60 §§ 2 et 3 de son règlement, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens en raison de l’absence de justificatifs présentés par le requérant à cet égard (Hülya Ebru Demirel c. Turquie, no 30733/08, § 61, 19 juin 2018).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Décide de joindre les requêtes ;

2. Déclare les requêtes recevables quant au grief tiré de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention ;

3. Dit qu’il y a eu violation de la première phrase de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention dans le chef des deux requérants ;

4. Dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner ni la recevabilité ni le bien-fondé du grief de Mehmet Reşit Arslan tiré de l’article 6 de la Convention ;

5. Dit que le constat de violation de l’article 2 du Protocole no 1 à la Convention constitue une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral subi par M. Bingöl ;

6. Rejette la demande de satisfaction équitable de celui-ci.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 juin 2019, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.

Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident


Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award