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11/02/2020 | CEDH | N°001-200867

CEDH | CEDH, AFFAIRE BAYKIN ET AUTRES c. RUSSIE, 2020, 001-200867


TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BAYKIN ET AUTRES c. RUSSIE

(Requête no 45720/17)

ARRÊT


Art 1 P 1 • Réglementer l’usage des biens • Absence de base légale claire et prévisible pour une injonction de démolir une maison située à proximité d’un oléoduc

STRASBOURG

11 février 2020

DÉFINITIF

12/10/2020

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.




En l’affaire Baykin et autres c. Russie,

La Cour européenne des dro

its de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,

Georgios A. Serghides,

Paulo Pinto de Albuquerque,

...

TROISIÈME SECTION

AFFAIRE BAYKIN ET AUTRES c. RUSSIE

(Requête no 45720/17)

ARRÊT

Art 1 P 1 • Réglementer l’usage des biens • Absence de base légale claire et prévisible pour une injonction de démolir une maison située à proximité d’un oléoduc

STRASBOURG

11 février 2020

DÉFINITIF

12/10/2020

Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.

En l’affaire Baykin et autres c. Russie,

La Cour européenne des droits de l’homme (troisième section), siégeant en une Chambre composée de :

Paul Lemmens, président,

Georgios A. Serghides,

Paulo Pinto de Albuquerque,

Helen Keller,

Dmitry Dedov,

Alena Poláčková,

Erik Wennerström, juges,

et de Stephen Phillips, greffier de section,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 15 octobre 2019 et le 21 janvier 2020,

Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 45720/17) dirigée contre la Fédération de Russie et dont trois ressortissants de cet État, MM. Stanislav Anatolyevich Baykin (« le premier requérant »), Anatoliy Timpofeyevich Baykin (« le deuxième requérant ») et Mme Larisa Nikolayevna Baykina (« la troisième requérante »), ont saisi la Cour le 17 juin 2017 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).

2. Le gouvernement russe (« le Gouvernement ») a été représenté par M. M. Galperine, représentant de la Fédération de Russie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.

3. Les requérants alléguaient en particulier que leur droit au respect de leurs biens et de leur domicile avait été méconnu.

4. Le 3 septembre 2018, les griefs tirés de l’article 8 de la Convention et de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.

EN FAIT

1. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE

5. Le premier requérant est le fils du deuxième requérant et de la troisième requérante. Il est né en 1982 et réside à Dubovaya Roshcha (district Ramenski, région de Moscou). Le deuxième requérant et la troisième requérante sont nés respectivement en 1942 et 1950 et résident à Safonovskoïe (district Ramenski, région de Moscou).

1. Les informations relatives à l’oléoduc dans le district Ramenski

6. Depuis 1974, un oléoduc (кольцевой магистральный нефтепродуктопровод) souterrain est en service dans la région de Moscou. L’axe de l’oléoduc, qui est de la classe III (paragraphe 40 in fine ci-dessous) passe notamment par le district Ramenski.

7. La société AO Mostransnefteprodukt était propriétaire et exploitante de l’oléoduc jusqu’à ce qu’elle le vende, en 2016, à la société AO Transneft – Verkhnyaya Volga.

8. Le 11 juillet 1995, le chef de l’administration régionale de Moscou adopta le décret no 134-PG relatif aux mesures destinées à assurer la sécurité de l’exploitation des gazoducs et oléoducs dans la région de Moscou. Ce décret enjoignait aux chefs des administrations locales d’identifier les endroits où passaient les gazoducs et oléoducs et de s’assurer que ces installations étaient correctement indiquées sur les plans locaux d’urbanisme, d’identifier les zones protégées (охранные зоны) et les zones de distances minimales de sécurité (зоны минимально безопасных расстояний) par rapport aux axes des gazoducs et oléoducs, et de n’attribuer des parcelles de terrain aux particuliers qu’avec l’accord écrit des sociétés exploitantes de ces installations dangereuses.

9. Par deux lettres du 16 décembre 2003 et du 20 novembre 2011, la société AO Mostransnefteprodukt avertit le chef de l’administration du village de Safonovskoïe du passage de l’oléoduc sur le territoire du village et lui rappela l’interdiction de toute construction à proximité de l’oléoduc.

10. Le 19 mars 2004, la même société émit un « avertissement » à l’attention du chef de l’administration locale du sous-district Safonovski (district Ramenski) concernant la présence de l’oléoduc dans le sous-district et l’interdiction de toute construction dans les zones protégées le long de l’axe de celui-ci.

11. Par une lettre du 10 février 2013, l’administration régionale de Moscou attira l’attention des chefs des administrations locales sur le problème de la construction non agréée (несогласованное строительство) d’habitations dans les zones protégées et les zones de distances minimales (зоны минимальных расстояний) à proximité de l’oléoduc.

12. Le 12 septembre 2013, l’axe de l’oléoduc et la zone protégée de 25 mètres de chaque côté de celui-ci furent reportés sur la carte publique cadastrale. La zone protégée fut inscrite dans la rubrique intitulée « zones soumises à des conditions spéciales d’usage » (ЗОУИТ).

2. L’acquisition d’une parcelle et d’une maison par le requérant et les faits ultérieurs

13. Le 25 octobre 2013, M. G. enregistra au cadastre d’État une parcelle de terrain constructible, préalablement arpentée, se situant dans le village de Safonovskoïe. Le type de la parcelle permettait la construction d’une maison individuelle de campagne (для дачного строительства с правом возведения жилого дома). Une maison inachevée se trouvait sur cette parcelle.

14. Le 15 novembre 2013, M. G. enregistra dans le registre unifié des droits immobiliers son droit de propriété sur ladite parcelle.

15. Comme cela fut ultérieurement établi (voir infra), l’axe de l’oléoduc passait à 68 mètres de la limite de la parcelle et à 72 mètres de la maison.

16. Le 8 février 2014, le premier requérant acheta la parcelle susmentionnée ainsi que la maison inachevée qui s’y trouvait. Selon le certificat de propriété sur la parcelle, le droit de propriété sur celle-ci ne subissait aucune restriction.

Le 22 septembre 2014, ayant terminé la construction de la maison, le premier requérant enregistra son droit de propriété sur celle-ci selon la procédure simplifiée, c’est-à-dire sur présentation du titre de propriété sur la parcelle uniquement.

À un moment non précisé dans le dossier, le deuxième requérant et la troisième requérante s’installèrent dans la maison.

17. Le 27 octobre 2014, à la demande du premier requérant, l’administration de Safonovskoïe attribua à la maison une adresse postale.

18. Le 31 mars 2015, l’administration du district Ramenski, avec la participation des représentants de l’administration du village de Safonovskoïe et de la société AO Mostransnefteprodukt, procéda à un contrôle sur la parcelle du premier requérant et dressa un « acte de vérification du respect de la législation foncière ». À l’issue de ce contrôle, il fut établi que la distance entre la limite de la parcelle du requérant et l’axe de l’oléoduc était de 68 mètres, et que la distance entre la maison et l’axe de l’oléoduc était de 72 mètres.

19. Par une lettre du 11 mai 2015, l’administration du district Ramenski confirma au requérant qu’il n’était pas nécessaire qu’il obtînt un permis de construire pour édifier une maison de campagne individuelle sur sa parcelle.

20. Le 20 mai 2015, la société AO Mostransnefteprodukt émit à l’attention du premier requérant un ordre (предписание) de démolition de la maison afin que la « distance minimale admissible » entre la construction et l’axe de l’oléoduc fût respectée, dans un délai d’un mois à compter de la réception dudit ordre.

3. Le contentieux subséquent

21. En l’absence de l’exécution de l’ordre par le premier requérant, le 30 juillet 2015, la société AO Mostransnefteprodukt assigna l’intéressé devant le tribunal de la ville de Ramenskoïe et demanda que la démolition de la maison fût ordonnée.

L’administration du district Ramenski, qui participait au procès comme tierce partie, ne présenta pas de conclusions et s’en remit à la sagesse du tribunal.

22. Par un jugement du 30 septembre 2015, le tribunal de Ramenskoïe jugea que la maison du premier requérant était une construction illégale et ordonna sa démolition aux frais de l’intéressé.

Le premier et le deuxième requérants firent appel du jugement.

23. Dans le cadre de l’examen de l’affaire en appel, la cour régionale de Moscou (« la cour régionale ») convoqua le deuxième requérant comme tierce partie intéressée et constata par ailleurs que la véritable partie demanderesse était la société AO Transneft – Verkhnyaya Volga, propriétaire de l’oléoduc depuis 2016.

24. Par une lettre du 25 janvier 2016, l’administration de Safonovskoïe informa la cour régionale que, depuis la fondation officielle du village de Safonovskoïe, en 2005, elle n’avait jamais reçu d’informations relatives à la situation exacte de l’oléoduc et aux zones protégées.

25. Le 28 novembre 2016, la cour régionale rendit son arrêt, par lequel elle infirma le jugement du tribunal, mais accueillit l’action de la société AO Transneft – Verkhnyaya Volga.

26. D’une part, la cour régionale cita l’article 56 du code foncier et les règles de protection des gazoducs et oléoducs dans leurs parties relatives aux zones protégées (paragraphes 37 et 45 ci-dessous). Elle constata que l’oléoduc avait été construit plusieurs décennies avant la maison et que, déjà en 2013, la zone protégée le long de l’axe de celui-ci avait été enregistrée dans le cadastre d’État qui était accessible à tous.

27. D’autre part, se référant à l’article 7.15 et au tableau 4 y annexé du règlement actualisé de construction des gazoducs et oléoducs no 2.05.06‑85, en vigueur à compter du 1er juillet 2013, la cour régionale considéra que la distance minimale qui devait être respectée entre l’axe de l’oléoduc de la classe III et la maison était de 100 mètres. Elle jugea que le respect de l’article 7.15 du règlement actualisé de construction et du tableau 4 y annexé était obligatoire en vertu du décret du Gouvernement du 21 juin 2010 no 1047-r (paragraphes 40 et 41 ci-dessous).

28. La cour régionale conclut que la maison avait été construite « sans respecter les distances de sécurité (без соблюдения безопасных расстояний) jusqu’à [l’oléoduc] – 100 m », et donc en violation grave des normes d’urbanisme et de construction. Par conséquent, elle jugea que la maison devait être qualifiée de « construction illégale » et démolie aux frais du premier requérant.

29. Tous les requérants se pourvurent en cassation. Ils reprochaient entre autres à la juridiction d’appel de ne pas avoir pris en compte le fait qu’aucune restriction au droit de propriété du premier requérant sur la parcelle n’avait été enregistrée, et arguaient que les zones de distances minimales n’avaient été enregistrées dans aucun registre et n’avaient été mentionnées dans aucun document officiel. Ils alléguaient qu’aucune faute de leur part n’avait jamais été établie et, enfin, que la juridiction d’appel n’avait pas statué sur l’expulsion du deuxième requérant et de la troisième requérante de leur seul logement.

30. Les 3 et 4 avril 2017, un juge unique de la cour régionale de Moscou refusa de transmettre les pourvois en cassation des trois requérants pour examen au présidium de cette juridiction. Il fit siennes les conclusions de la juridiction d’appel et rajouta dans sa décision la référence à l’article 90 du code foncier concernant les zones protégées le long des gazoducs et oléoducs. Il considéra également que les besoins de protection de la vie et de la santé des citoyens, y compris des requérants, primaient sur les intérêts de ces derniers à habiter la maison litigieuse. Par conséquent, il estima que l’argument des requérants tiré de leur bonne foi et de l’absence de toute faute lors de la construction de la maison était sans pertinence. Enfin, en répondant au moyen relatif à la menace d’expulsion du logement du deuxième requérant et de la troisième requérante, il considéra que la maison en question, étant une construction illégale, n’était pas un « logement », et qu’aucune demande en expulsion n’avait été soumise aux juridictions du fond.

31. Le 22 mai 2017, un juge unique de la Cour suprême de Russie refusa de transmettre les pourvois en cassation des requérants pour examen à la chambre civile de cette juridiction.

4. Autres informations pertinentes

32. Le 21 avril 2017, la Chambre civique (Oбщественная палата), un organisme public consultatif, tint une table ronde autour du problème du contentieux relatif à la démolition des habitations situées à proximité des gazoducs et oléoducs. Elle releva que ce contentieux était présent dans près d’un tiers des régions de Russie et qu’il générait des tensions sociales et de la méfiance de la part des citoyens envers les autorités ; que, dans la vaste majorité des cas, les tribunaux accueillaient les demandes des sociétés exploitantes des installations dangereuses ; que le seul facteur que les tribunaux considéraient comme pertinent était la situation des habitations dans une zone protégée ou dans une zone de distances minimales ; que les propriétaires des habitations ne recevaient généralement aucune indemnisation ; et que ce problème dévalorisait la portée de l’enregistrement du droit de propriété dans le registre unifié.

33. La Chambre civique préconisa, inter alia : de fixer la notion de « zone de distances minimales » dans plusieurs lois et actes infralégislatifs ; de fixer dans le code foncier les restrictions aux droits réels sur les terrains situés dans les zones de distances minimales, à l’instar des restrictions aux droits réels existantes sur les terrains situés dans les zones protégées ; d’enregistrer dans le registre unifié et dans le cadastre d’État les informations relatives non seulement aux zones protégées mais aussi aux zones de distances minimales ; de prévoir une indemnisation pour les propriétaires de bonne foi en cas d’injonction de démolition de leurs habitations se situant à proximité des gazoducs et oléoducs.

34. À la date du 20 juin 2018, le type de la parcelle du premier requérant restait inchangé.

35. Par une lettre du 18 février 2019, l’autorité d’enregistrement des biens immobiliers et du cadastre informa le premier requérant que sa parcelle ne se situait dans aucune zone protégée et que son droit de propriété ne subissait aucune restriction.

36. Dans ses observations en réplique du 19 avril 2019, le Gouvernement a informé la Cour que le droit de propriété du premier requérant sur la maison litigieuse n’était pas annulé. Par une lettre du 24 juillet 2019, les requérants ont informé la Cour que leur maison n’avait pas été démolie.

2. LE DROIT INTERNE PERTINENT
1. Sur les zones protégées

37. Selon les règles de protection des gazoducs et oléoducs (Правила охраны магистральных трубопроводов), en vigueur depuis 1992, les zones protégées de 25 mètres de chaque côté des axes des gazoducs et oléoducs sont instaurées afin d’exclure la possibilité d’endommagement de ces installations.

38. Les règles relatives à l’exploitation technique des oléoducs (Правилa технической эксплуатации магистральных нефтепродуктопроводов), en vigueur depuis le 11 janvier 1999, citent également les zones protégées de 25 mètres de chaque côté des axes des oléoducs et mentionnent que celles-ci doivent être indiquées sur les plans généraux et locaux d’urbanisme.

2. Sur les distances minimales
1. L’ancien règlement de construction

39. Le règlement de construction des gazoducs et oléoducs no 2.05.06-85* (СНиП 2.05.06-85* «Магистральные трубопроводы») (« l’ancien règlement »), en vigueur entre le 1er janvier 1986 et le 1er juillet 2013, contenait les règles de construction pour ces installations. Selon son préambule, ce règlement était applicable à la conception et à la construction de nouveaux gazoducs et oléoducs et à la reconstruction de gazoducs et oléoducs existants.

40. Selon l’article 1.5 de l’ancien règlement, il était interdit d’installer des gazoducs et oléoducs dans les villes. La partie 3 de ce règlement, intitulée « Cahier des charges général applicable aux gazoducs et oléoducs » contenait l’article 3.16, selon lequel les distances minimales entre, d’un côté, l’axe du gazoduc ou de l’oléoduc et, d’un autre côté, les habitations ou autres immeubles, devaient être fixées en fonction du type et de la classe de l’installation et de la nécessité de la protéger ainsi que du type d’immeuble, et ne pouvaient pas être inférieures à celles indiquées dans le tableau 4 annexé à cet article. Selon ce tableau, en fonction des paramètres précités, ces distances peuvent aller de 30 mètres jusqu’à 3 kilomètres. En particulier, les distances minimales entre les axes des installations de classe III et les habitations sont de 100 mètres.

41. Le 21 juin 2010, le Gouvernement a adopté le décret no 1047-r, qui rendait obligatoire le respect de certaines dispositions de l’ancien règlement. Les dispositions de l’article 3.16 n’y étaient pas mentionnées.

2. Le règlement actualisé de construction

42. Le 1er juillet 2013, le règlement actualisé de construction des gazoducs et oléoducs no 2.05.06-85* (СП 36.13330.2012 Магистральные трубопроводы. Актуализированная редакция СНиП 2.05.06-85*) (« le règlement actualisé ») est entré en vigueur. Selon son préambule, ce règlement concerne la conception et la construction de nouveaux gazoducs et oléoducs et la reconstruction de gazoducs et oléoducs existants.

43. L’article 5.4 du règlement actualisé est identique à l’article 1.5 de l’ancien règlement, et l’intitulé de la partie 7 est identique à celui de la partie 3 de l’ancien règlement. L’article 7.15 est identique à l’article 3.16 de l’ancien règlement, et il contient le même tableau 4 que dans l’ancien règlement (paragraphe 40 ci-dessus).

44. Le 26 décembre 2014, le Gouvernement a adopté le décret no 1521 rendant obligatoire, à compter du 1er juillet 2015, le respect de certaines dispositions du règlement actualisé, dont les dispositions de l’article 7.15.

3. Autres dispositions pertinentes

45. Les autres dispositions internes pertinentes en l’espèce en vigueur à l’époque des faits, y compris celles des articles 56 et 90 du code foncier, sont exposées dans l’arrêt Zhidov et autres c. Russie (nos. 54490/10 et 3 autres, §§ 49-62, 16 octobre 2018).

46. À compter du 4 août 2018, un nouveau chapitre XIX du code foncier, intitulé « Zones soumises à des conditions spéciales d’usage », est entré en vigueur. L’article 105 de ce chapitre donne la liste de ces zones, qui inclut les zones protégées et les zones de distances minimales. Selon l’article 106 de ce chapitre, la réglementation du régime de chacune de ces zones relève de la compétence du Gouvernement. L’article 107 de ce chapitre traite, entre autres, des questions relatives à l’indemnisation pour les restrictions au droit de propriété sur les terrains situés dans ces zones et pour l’obligation de démolir les immeubles situés dans ces zones.

47. Toujours à compter du 4 août 2018, le code civil, le code d’urbanisme, la loi relative à l’enregistrement des biens immobiliers et d’autres lois furent modifiés en ce qui concerne les restrictions aux droits réels sur les terrains situés dans les zones soumises à des conditions spéciales d’usage.

48. Le 3 juillet 2019, la Cour constitutionnelle de Russie a rendu l’arrêt no 26-P concernant la réparation du préjudice causé aux propriétaires de bonne foi des immeubles se situant à proximité des gazoducs et oléoducs. Dans cet arrêt, la haute juridiction a noté que, malgré le principe de transparence des données contenues dans le registre unifié des droits immobiliers et dans le cadastre d’État, les données relatives aux zones de distances minimales avaient été absentes de ces registres jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi fédérale du 4 août 2018 (paragraphes 46 et 47 ci-dessus). La Cour constitutionnelle a estimé, inter alia, que, jusque-là, le mécanisme d’information des propriétaires des terrains quant aux zones de ceux-ci qui étaient soumises à des conditions spéciales d’usage avait été insuffisant.

EN DROIT

1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 du protocole No 1 à LA CONVENTION

49. Le premier requérant voit dans la qualification par la justice de sa maison de construction illégale et dans l’injonction de démolition de celle-ci une violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, ainsi libellé :

« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.

Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »

1. Thèses des parties
1. Le Gouvernement

50. Le Gouvernement allègue que la présence du gazoduc a été matérialisée sur le plan local d’urbanisme du village de Safonovskoïe validé par le conseil local les 6 et 27 décembre 2017. Il cite différentes dispositions internes régissant les zones protégées autour des oléoducs et indique que la zone protégée de chaque côté de l’axe de l’oléoduc est visible sur la carte publique cadastrale depuis le 12 septembre 2013 et que cette carte est accessible à tous.

51. Le Gouvernement cite par ailleurs le règlement actualisé de construction des gazoducs et oléoducs, devenu obligatoire à compter du 1er juillet 2015 en application du décret no 1521 du 26 décembre 2014 (paragraphes 42-44 ci-dessus).

52. Le Gouvernement en déduit que la construction de la maison en cause a été effectuée en violation des dispositions relatives aux zones protégées et aux distances minimales et que l’injonction de démolition de celle-ci était donc conforme à la loi.

53. S’agissant de l’existence d’un but légitime de l’ingérence des autorités dans le droit du requérant au respect de son bien – la protection de la vie et de la santé des requérants et la sécurité de l’exploitation de l’oléoduc –, le Gouvernement insiste sur la marge d’appréciation des autorités internes dans le domaine foncier et dans celui des installations dangereuses.

54. Enfin, le Gouvernement estime que l’ingérence était proportionnée et que la seule solution possible dans la présente affaire était la démolition de la maison litigieuse.

2. Le premier requérant

55. Le premier requérant soutient qu’il ne savait pas et ne pouvait pas savoir qu’un oléoduc se situait à côté de la parcelle qu’il avait achetée car le tracé de celui-ci n’aurait figuré sur le plan local d’urbanisme de Safonovskoïe qu’à partir de 2017. Il allègue aussi que ni l’oléoduc ni la zone protégée n’ont jamais été balisés, en violation, selon lui, des règles de protection des gazoducs et oléoducs et de la loi relative à la sécurité industrielle.

56. Le premier requérant considère que la construction de la maison avait été expressément permise par les autorités locales compétentes alors que, selon lui, celles-ci savaient pertinemment que l’oléoduc se situait à proximité. Par ailleurs, le requérant argue que les autorités au niveau fédéral (l’autorité d’enregistrement des droits immobiliers et celle du cadastre) ont également été négligentes en ce qu’elles auraient omis de vérifier, au besoin auprès de la société exploitante, si un oléoduc se situait à proximité de la parcelle et de la maison. Il indique que, à aucun moment, les autorités n’ont fait changer le type de sa parcelle et que celle-ci est toujours restée dans la catégorie permettant la construction d’une maison individuelle.

57. Le premier requérant soutient avoir été de bonne foi et n’avoir commis aucune faute lors de l’acquisition de la parcelle et de la construction de la maison litigieuse, mais que ces circonstances n’auraient aucunement été prises en compte par les juridictions internes.

58. Il indique par ailleurs que la qualification de la maison de construction illégale exclut pour lui toute possibilité de demander une indemnisation à la suite de l’injonction de démolition de celle-ci.

59. Le premier requérant conclut que l’injonction de démolition de la maison sans aucune indemnisation n’a pas été opérée selon les voies légales et lui a fait supporter une charge excessive incompatible avec l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

2. Appréciation de la Cour

60. Constatant que ce grief n’est pas manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’il ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour le déclare recevable.

1. Sur l’existence d’un bien et d’une ingérence et sur la règle applicable

61. La Cour note qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que la maison en question constitue un « bien » du premier requérant au sens de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention et que l’injonction de démolition de cette maison s’analyse en une ingérence dans le droit du premier requérant au respect de ses biens.

62. Quant au type d’ingérence et à la norme applicable, la Cour considère qu’il s’agissait d’une mesure de réglementation de l’usage des biens au sens du second alinéa de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention (Tumeliai c. Lituanie, no 25545/14, § 73, 9 janvier 2018, et Zhidov, précité, § 96, avec les références qui y sont citées).

63. La Cour doit rechercher si l’ingérence se justifie sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention. Pour être compatible avec cette disposition, une mesure doit remplir trois conditions : elle doit être effectuée « dans les conditions prévues par la loi », « pour cause d’utilité publique » et dans le respect d’un juste équilibre entre les droits du propriétaire et les intérêts de la communauté.

2. Sur la légalité de l’ingérence

64. La Cour rappelle que l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention exige, avant tout et surtout, qu’une ingérence de l’autorité publique dans la jouissance du droit au respect des biens soit légale. La prééminence du droit, l’un des principes fondamentaux d’une société démocratique, est une notion inhérente à l’ensemble des articles de la Convention (Vistiņš et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, §§ 94-95, 25 octobre 2012). Il en découle que la nécessité d’examiner la question du juste équilibre « ne peut se faire sentir que lorsqu’il s’est avéré que l’ingérence litigieuse a respecté le principe de légalité et n’était pas arbitraire » (Guiso-Gallisay c. Italie, no 58858/00, § 80, 8 décembre 2005, avec les références qui y sont citées). La « légalité » d’une mesure implique que celle-ci ait une base légale en droit interne et que les normes constituant cette base soient suffisamment accessibles, précises et prévisibles dans leur application (Vistiņš et Perepjolkins, précité, §§ 96-97).

65. En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que la maison du premier requérant se situait à 72 mètres de l’axe de l’oléoduc. C’est cette distance que la cour régionale de Moscou a pris en compte pour considérer que la maison avait été construite « sans respecter les distances de sécurité (...) de 100 m » et qu’elle était donc une construction illégale (paragraphe 28 ci-dessus). La Cour relève cependant que la notion de « distance de sécurité » n’existe pas en droit russe et qu’aucune partie n’a prétendu le contraire.

66. La lecture de l’arrêt d’appel et des décisions du juge unique de la cour régionale de Moscou laisse penser que les juridictions ont considéré la construction litigieuse comme contraire à deux types de dispositions internes.

67. D’une part, elles se sont référées aux règles de protection des gazoducs et oléoducs instaurant les zones protégées de 25 mètres de chaque côté de l’axe de l’oléoduc, ainsi qu’aux articles 56 et 90 du code foncier mentionnant, à l’époque des faits, les zones protégées. Or la maison du premier requérant se situait à 72 mètres de l’oléoduc, donc elle ne rentrait pas dans la zone protégée. C’est pourquoi, de l’avis de la Cour, l’indication de cette zone, dès septembre 2013, sur la carte publique cadastrale était sans pertinence pour les requérants.

68. D’autre part, les juridictions se sont référées à l’article 7.15 du règlement actualisé de construction et au tableau 4 annexé audit règlement. Ces dispositions concernaient la distance minimale de 100 mètres entre les oléoducs et les habitations. C’est le non-respect de cette distance minimale qui semble avoir été reproché au premier requérant.

69. Cependant, la Cour observe à cet égard qu’il n’a été ni démontré, ni même allégué que, à l’époque des faits, les zones de distances minimales aient été mentionnées où que ce soit, à l’exception dudit règlement et de l’ancien règlement de construction.

70. Se tournant vers l’analyse des règlements de construction précités (paragraphes 39‑44 ci-dessus), la Cour note d’emblée que, tandis que l’oléoduc en question avait commencé à fonctionner dès 1974, il ressort des intitulés, préambules et articles 1.5 et 5.4 respectifs desdits règlements que ceux-ci imposaient aux constructeurs d’installations, dès 1986, des règles de conception et de construction de nouveaux oléoducs à proximité des immeubles existants, et non pas l’inverse, c’est-à-dire qu’ils n’imposaient pas aux particuliers de règles de construction relatives aux immeubles situés à proximité des oléoducs (paragraphes 39-40 et 42-43 ci-dessus). La Cour relève qu’aucune des juridictions internes n’a procédé en l’espèce à une analyse de l’applicabilité de ces règlements à la construction de la maison en question.

71. S’agissant du caractère obligatoire desdits règlements, la Cour observe, et le Gouvernement le confirme dans ses observations (paragraphe 51 ci-dessus) que l’article 7.15 et le tableau 4 du règlement actualisé, adopté en 2013, n’ont été rendus obligatoires qu’en juillet 2015, donc bien après l’achèvement de la construction de la maison et l’enregistrement du droit de propriété par le premier requérant.

Quant à l’article 3.16 de l’ancien règlement, qui contenait les mêmes dispositions, il était exclu de la liste des dispositions à respecter, précisément en application de l’arrêté du Gouvernement du 21 juin 2010 (paragraphe 41 ci-dessus). Il s’ensuit que les dispositions dont la méconnaissance a été reprochée au requérant n’avaient pas de portée obligatoire.

72. Ainsi, ni les juridictions internes, ni le Gouvernement n’ont indiqué de disposition interne d’application obligatoire à l’époque des faits qui placerait la maison en cause dans une zone interdite, et dont le non-respect rendrait la construction « illégale » au sens de l’article 222 du code civil. La Cour ne peut pas déceler de telle disposition non plus.

73. En effet, d’un côté, les dispositions relatives aux zones protégées ne concernaient pas la maison en question. D’un autre côté, il n’a pas été démontré que les dispositions relatives aux zones de distances minimales s’appliquaient à la construction de la maison litigieuse et avaient un caractère obligatoire à l’époque. Enfin, jusqu’en août 2018, ces zones de distances minimales n’étaient ni identifiées, ni officiellement enregistrées, et n’engendraient pas de restriction au droit de propriété sur les parcelles concernées (comparer avec les distances minimales autour des gazoducs dans l’arrêt Zhidov, précité, § 58, voir également paragraphes 53, 62 et 106 de l’arrêt Zhidov, précité, ainsi que les préconisations de la Chambre civique et l’arrêt de la Cour constitutionnelle, paragraphes 33 et 48 ci-dessus).

74. Dans ces circonstances, l’ingérence dans le droit du premier requérant au respect de ses biens a manqué de « base légale » au sens de l’article 1 du Protocole no 1. Cette conclusion rend superflu l’examen des autres exigences de cette disposition.

Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention.

2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 8 DE LA CONVENTION

75. Le deuxième requérant et la troisième requérante voient dans leur expulsion prochaine de leur maison en raison de la démolition de celle-ci une violation de leur droit au respect de leur domicile. Ils invoquent l’article 8 de la Convention, ainsi libellé dans ses parties pertinentes en l’espèce :

« 1. Toute personne a droit au respect (...) de son domicile (...).

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien‑être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

1. Thèses des parties

76. Le deuxième requérant et la troisième requérante déclarent qu’ils peuvent être expulsés à tout moment de la maison en cause, qui constitue leur domicile, et qu’ils n’ont plus aucun fondement légal pour y demeurer. Selon eux, le fait que leur expulsion n’a pas été ordonnée ne fait qu’aggraver leur situation en engendrant une insécurité.

77. Tout en reconnaissant que la partie demanderesse n’a, depuis plus de deux ans et demi, jamais demandé l’exécution de l’arrêt ordonnant la démolition, ils estiment que celle-ci peut à tout moment exiger qu’ils quittent la maison, et, en cas de refus, saisir la justice qui ordonnera leur expulsion. Selon les requérants, cela peut entraîner leur placement sur la liste des personnes dans le besoin de logement.

78. Enfin, le deuxième requérant et la troisième requérante déplorent que les juridictions internes n’aient pas procédé à une mise en balance de leur droit au respect de leur domicile avec l’intérêt public, mais se sont penchées seulement sur la question de proximité, par rapport à l’oléoduc, du bien du premier requérant.

79. Le Gouvernement conteste ces thèses. Il considère que le respect du domicile des requérants ne pouvait pas primer sur l’intérêt impératif de la protection de la vie et de la santé tant des requérants eux-mêmes que d’autres personnes. Il soutient également que, du fait même de son illégalité, une construction illégale ne peut ni faire l’objet de transactions, ni constituer un « domicile ».

2. Appréciation de la Cour

80. La Cour relève tout d’abord que le deuxième requérant et la troisième requérante, qui ne pouvaient pas ignorer le litige affectant leur maison et impliquant leur fils, n’ont pas demandé à intervenir en première instance afin de défendre leurs droits, et qu’il ressort des documents du dossier qu’ils n’ont soulevé en substance le grief tiré de l’article 8 de la Convention que devant le juge de cassation qui est le juge de droit. Il apparaît ainsi que le deuxième requérant et la troisième requérante n’ont pas soumis aux juridictions compétentes d’éléments permettant de statuer sur le bien-fondé de leurs doléances et de procéder à une mise en balance entre le droit des intéressés au respect de leur domicile et les impératifs publics.

81. En outre, aux propres dires des requérants, un contentieux séparé en expulsion sera inévitable afin d’exiger qu’ils quittent la maison (paragraphe 77 ci-dessus). De l’avis de la Cour, c’est dans le cadre d’un tel futur contentieux que les intéressés pourraient porter à l’attention des juridictions, à l’appui de documents pertinents, leur droit au respect de leur domicile et s’attendre à une mise en balance entre ce droit et les impératifs publics.

82. Eu égard ce qui précède, la Cour considère que le grief du deuxième requérant et de la troisième requérante est manifestement mal fondé et qu’il doit être rejeté, en application de l’article 35 § 3 a) et 4 de la Convention.

3. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

83. Aux termes de l’article 41 de la Convention,

« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »

1. Dommage

84. Les requérants demandent que le droit de propriété du premier requérant sur la maison soit restauré, ou, alternativement, qu’un logement équivalent leur soit fourni. Ils réclament en outre 5 000 euros (EUR) au titre du préjudice moral qu’ils disent avoir subi.

85. Le Gouvernement estime que la somme réclamée est exagérée et que, dans tous les cas, aucune indemnisation n’est due aux requérants car, selon lui, leurs droits n’ont pas été violés.

86. La Cour note qu’il n’est pas contesté par les parties que le premier requérant reste propriétaire de la maison, que celle-ci n’a pas été démolie. Dans cette situation, elle estime que les demandes de restauration du titre de propriété et de fourniture d’un logement équivalent sont sans objet. En revanche, elle considère que le premier requérant a subi un préjudice moral certain du fait de la violation constatée. Statuant en équité, comme le veut l’article 41 de la Convention, elle décide de lui allouer 2 000 EUR à ce titre.

87. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

2. Frais et dépens

88. Les requérants demandent également 1 000 EUR pour les frais et dépens qu’ils disent avoir engagés. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter cette demande comme non étayée.

89. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce, la Cour constate que les requérants n’ont fourni aucun document à l’appui de leur demande, et elle la rejette.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1. Déclare la requête recevable en ce qui concerne le grief tiré de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, et irrecevable pour le surplus ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
3. Dit

a) que l’État défendeur doit verser au premier requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 2 000 EUR (deux mille euros), à convertir dans la monnaie de l’État défendeur, au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;

b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 11 février 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

Stephen PhillipsPaul Lemmens
GreffierPrésident


Synthèse
Formation : Cour (troisiÈme section)
Numéro d'arrêt : 001-200867
Date de la décision : 11/02/2020
Type d'affaire : au principal et satisfaction équitable
Type de recours : Violation de l'article 1 du Protocole n° 1 - Protection de la propriété (Article 1 al. 1 du Protocole n° 1 - Respect des biens)

Parties
Demandeurs : BAYKIN ET AUTRES
Défendeurs : RUSSIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2021
Fonds documentaire ?: HUDOC

Source

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