DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE KEMAL ÇETİN c. TURQUIE
(Requête no 3704/13)
ARRÊT
Art 35 § 1 • Épuisement des voies de recours internes • Invocation de la Convention en substance • Requérant ayant contesté les faits fondant sa condamnation comme organisateur d’un rassemblement émaillé d’incidents • Liberté de réunion pacifique (art 11) implicitement au cœur du contentieux • Possibilité suffisante de redressement offerte aux autorités nationales
Art 11 • Liberté de réunion pacifique • Condamnation pénale de l’organisateur d’une manifestation festive à raison des agissements de certains participants • Animation musicale ayant commencé une heure avant le début déclaré de la manifestation, à l’initiative d’artistes non prévus : absence d’incidence pour l’ordre public • Slogans politiques illégaux : réaction suffisante des organisateurs par le rappel à l’ordre des participants quant aux slogans prévus • Imputation du fait d’autrui non justifiée • Absence de besoin social impérieux
STRASBOURG
26 mai 2020
DÉFINITIF
26/08/2020
Cet arrêt est devenu définitif en vertu de l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Kemal Çetin c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :
Robert Spano, président,
Marko Bošnjak,
Valeriu Griţco,
Egidijus Kūris,
Darian Pavli,
Saadet Yüksel,
Peeter Roosma, juges,
et de Stanley Naismith, greffier de section,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 21 avril 2020,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
PROCÉDURE
1. À l’origine de l’affaire se trouve une requête (no 3704/13) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Kemal Çetin (« le requérant »), a saisi la Cour le 4 décembre 2012 en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention »).
2. Le requérant a été représenté par Me S. Kaya, avocat à Ankara. Le gouvernement turc (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent.
3. Le requérant alléguait en particulier que sa condamnation en tant que membre du comité d’organisation d’une manifestation avait enfreint son droit à la liberté d’expression et de réunion.
4. Le 7 décembre 2017, les griefs tirés des articles 10 et 11 de la Convention ont été communiqués au Gouvernement et la requête a été déclarée irrecevable pour le surplus conformément à l’article 54 § 3 du règlement de la Cour.
EN FAIT
I. LES CIRCONSTANCES DE L’ESPÈCE
5. Le requérant est né en 1964 et réside à Muş.
6. Le 12 mars 2007, un comité de sept personnes, parmi lesquelles figurait le requérant, informa les autorités de son intention d’organiser des festivités à Malazgirt le 19 mars 2007 à l’occasion de la fête du Nevruz. Selon la déclaration préalable déposée à la préfecture, les festivités devaient se dérouler entre 11 heures et 15 heures à la gare routière de Malazgirt. La déclaration contenait la liste des slogans et pancartes devant être utilisés lors de cet évènement. Un commissaire du gouvernement fut désigné pour suivre le bon déroulement de la manifestation.
7. Le 19 mars 2007, le commissaire du gouvernement arriva sur place avant le début de l’évènement. Vers 10 heures, il rencontra les membres du comité d’organisation. À cette occasion, il leur demanda d’intervenir au cas où des agissements délictueux consistant en l’utilisation de slogans et pancartes provocateurs seraient commis, afin de faire cesser de tels agissements. Selon le procès-verbal rédigé par le commissaire du gouvernement, l’évènement commença avant l’heure indiquée dans la déclaration préalable, et le comité d’organisation ne prit pas en considération les avertissements formulés à ce sujet.
8. Il ressort des autres procès-verbaux établis par le commissaire du gouvernement et du procès-verbal de transcription de l’enregistrement vidéo que la manifestation se déroula sous la forme de discours prononcés par plusieurs personnes et de concerts de musique. La foule scanda entre autres les slogans suivants : « Biji Serok Apo . Siyasi tutsaklar onurumuzdur . Selam selam İmralı’ya bin selam - Öcalan’a uzanan eller kırılsın [Vive le président Apo - Les prisonniers politiques sont notre fierté - Salut, salut, mille saluts à İmralı . Que les mains qui s’élèvent contre Öcalan soient brisées] ». Par ailleurs, des pancartes comportant l’inscription « Biji Serok Apo » furent brandies par certains participants. À deux reprises, à 10 h 32 et à 10 h 39, il fut demandé à la foule, qui scandait « Biji Serok Apo », de ne pas utiliser des slogans autres que ceux indiqués dans la déclaration préalable. La manifestation prit fin sans incident.
9. Le 5 avril 2007, le requérant fut convoqué par le procureur de la République de Malazgirt pour être entendu. Il expliqua qu’il était arrivé sur le lieu de la manifestation vers 10 heures pour accueillir les participants et les mettre en garde contre tout acte répréhensible, en vue du bon déroulement de la manifestation. Interrogé sur le commencement de la manifestation avant l’heure annoncée, le requérant déclara que des chanteurs et musiciens locaux étaient montés spontanément sur scène avant 11 heures, qu’ils y étaient restés brièvement et que les festivités n’avaient réellement débuté qu’à 11 heures avec le discours d’ouverture. Il indiqua aussi que le comité d’organisation n’avait pas déployé de pancartes autres que celles mentionnées dans la déclaration préalable, et il précisa que les pancartes des manifestants avaient été contrôlées par la police lors de l’accès sur le lieu de la manifestation. Il ajouta qu’il n’avait pas non plus été scandé de slogans interdits. Il indiqua également que le comité d’organisation avait fait plusieurs annonces pour le bon déroulement de la manifestation et que, si des slogans illégaux avaient été scandés malgré les mesures prises par lui, il n’était pas au courant d’une telle situation. Le requérant finit sa déposition en rejetant les accusations portées contre lui.
10. Le 17 avril 2007, le procureur de la République recueillit les déclarations d’E.Ç., l’animateur présentateur de la manifestation. Ce dernier expliqua que c’est sur demande du comité d’organisation qu’il avait invité la foule à ne pas scander des slogans considérés comme illégaux (paragraphe 8 ci-dessus).
11. Le 27 avril 2007, le procureur de la République de Malazgirt inculpa le requérant ainsi que les six autres membres du comité d’organisation sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911 sur les réunions et les défilés publics (« loi no 2911 »), lu à la lumière de l’article 23 §§ a) et b) de la même loi. Il leur reprocha de n’avoir pas agi pour empêcher le commencement de la manifestation avant l’heure déclarée et l’utilisation des slogans et pancartes incriminés (paragraphe 8 ci-dessus).
12. Le procès s’ouvrit devant le tribunal correctionnel de Malazgirt. Devant le tribunal, le requérant confirma ses déclarations faites devant le procureur de la République.
13. Le 19 septembre 2008, le tribunal correctionnel reconnut le requérant et les autres membres du comité d’organisation coupables du chef d’organisation d’une manifestation illégale, et il les condamna chacun à un an et trois mois d’emprisonnement sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911, combiné avec l’article 23 §§ a), b) et g) de la même loi (paragraphes 17‑21 ci-dessous).
Le tribunal reprocha aux membres du comité d’organisation de n’avoir pas réagi au commencement de la manifestation avant l’heure prévue dans la déclaration préalable et de n’avoir pas empêché les manifestants de scander des slogans illégaux et de brandir des pancartes illégales, autres que celles autorisées dans la déclaration préalable.
Après avoir constaté qu’une mention figurait sur le casier judiciaire du requérant et noté que celui-ci avait déjà fait l’objet de dix-neuf enquêtes et procédures pénales, et n’étant pas convaincu que l’intéressé ne commettrait plus d’infractions, le tribunal considéra qu’il n’y avait lieu de surseoir ni à l’exécution de la peine ni au prononcé du jugement.
14. Le 9 mai 2012, ce jugement fut confirmé par un arrêt de la Cour de cassation, lequel fut versé le 6 juillet 2012 au dossier de l’affaire se trouvant au greffe du tribunal correctionnel.
15. Le 5 juillet 2012, la loi no 6352, intitulée « loi portant modification de diverses lois aux fins de l’optimisation de l’efficacité des services judiciaires et de la suspension des procès et des peines imposées dans les affaires concernant les infractions commises par le biais de la presse et des médias », entra en vigueur.
16. Le 31 juillet 2012, le tribunal correctionnel décida de surseoir à l’exécution de la peine prononcée contre le requérant, pendant une durée de trois ans, en application de l’article 1 provisoire de la loi no 6352.
II. LE DROIT INTERNE ET LES DOCUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS
17. L’article 12 de la loi no 2911 indique les devoirs et responsabilités du comité d’organisation d’une manifestation. À l’époque des faits, cette disposition se lisait comme suit :
« Le comité d’organisation a le devoir et la responsabilité d’assurer la sécurité et l’ordre de la manifestation, [et d’assurer que la réunion] ne déborde pas de son objet indiqué dans la déclaration. Le comité prend les mesures nécessaires pour cela et demande si nécessaire l’aide des forces de l’ordre. Au cas où la sécurité et l’ordre ne sont pas assurés malgré les mesures adoptées, le président du comité peut demander au commissaire du gouvernement de mettre fin à la manifestation.
La responsabilité du comité d’organisation perdure jusqu’à la dispersion de la foule du lieu de la manifestation. »
18. L’article 13 de la loi no 2911 a été abrogé le 2 mars 2014. Il indiquait les prérogatives du commissaire du gouvernement et était rédigé comme suit en sa partie pertinente :
« (...) Le commissaire du gouvernement est compétent pour mettre fin à la manifestation sur demande du président du comité d’organisation dans les conditions prévues à l’article 12 ou lorsqu’elle [la manifestation] est de nature à porter atteinte à la sécurité et à l’ordre générales, de façon à rendre impossible la poursuite de la manifestation, et qu’elle prend une forme agressive par des déclarations ou actions constitutives d’une infraction. »
L’article 12 du règlement sur la mise en application de la loi no 2911 énumère les devoirs du commissaire du gouvernement. Cette disposition qui a été abrogée le 5 août 2015, se lisait comme suit en son alinéa g) :
« g) Lorsqu’une manifestation qui commence légalement devient illégale du fait de la survenance d’un ou de plusieurs des cas énumérés à l’article 23, [le commissaire du gouvernement a pour devoir] de mettre fin à la manifestation, en l’annonçant par l’intermédiaire du comité d’organisation, ou personnellement si cela n’est pas possible, et d’informer le préfet de la situation par le moyen le plus rapide. »
19. L’article 23 de la loi no 2911 sur les réunions et les défilés publics, relatif aux manifestations illégales, indique, en ses alinéas a) à l), dans quelles situations une manifestation est considérée comme illégale.
20. Selon l’alinéa a), est considérée comme illégale la manifestation qui n’a pas fait l’objet d’une déclaration préalable ou bien dont l’heure de début ou de fin indiquée dans la déclaration préalable n’a pas été respectée.
21. L’alinéa b) se traduit comme suit en sa partie pertinente :
« [Sont considérés comme illégaux] (...) les réunions et défilés publics au cours desquels sont portés des affiches, pancartes, devises, photographies, panneaux ou objets considérés de par leur nature comme une infraction par les lois ou bien [les réunions et défilés publics au cours desquels] sont scandés ou diffusés à l’aide de systèmes sonores des slogans de cette nature. »
22. Enfin, selon l’alinéa g), est considérée comme illégale la manifestation dont l’objet peut être tenu pour être constitutif d’une infraction (Kanunların suç saydığı maksatlar için).
23. D’après l’article 28 de la loi no 2911, le fait d’organiser ou de diriger une manifestation illégale ou bien de participer aux agissements des personnes ayant organisé et/ou dirigé ladite manifestation est puni d’une peine d’emprisonnement allant de un an et six mois à trois ans.
24. La loi no 6352, intitulée « loi portant modification de diverses lois aux fins de l’optimisation de l’efficacité des services judiciaires et de la suspension des procès et des peines imposées dans les affaires concernant les infractions commises par le biais de la presse et des médias » (« la loi no 6352 »), est entrée en vigueur le 5 juillet 2012. Elle prévoit en son article 1 provisoire, alinéas 1 c) et 3, qu’il sera sursis pendant une période de trois ans à l’exécution de toute peine devenue définitive consistant en une amende ou en un emprisonnement inférieur à cinq ans infligée pour la commission d’une infraction réalisée par le biais de la presse, des médias ou d’autres moyens de communication de la pensée et de l’opinion, à la condition que l’infraction sanctionnée par une telle peine ait été commise avant le 31 décembre 2011.
25. Le point 5.7 des Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique ([http://www.osce.org/fr/odihr/119674?download=true](http://www.osce.org/fr/odihr/119674?download=true)), préparées par le Groupe consultatif sur la liberté de réunion du Bureau pour les institutions démocratiques et les droits de l’homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en consultation avec la Commission de Venise, adoptées le 4 juin 2010 (CDL‑AD(2010)020), se lit comme suit :
« Les organisateurs des réunions ne devraient pas être considérés comme ayant failli à leur responsabilité dès lors qu’ils ont déployé des efforts raisonnables en ce sens. Ils ne devraient pas être tenus [pour] responsables des actes de participants individuels ou bien de non-participants ou d’agents provocateurs. Par contre, la responsabilité individuelle de toute personne ayant commis personnellement une infraction ou s’étant abstenu[e] de se conformer aux ordres des responsables des forces de l’ordre devrait être engagée. »
EN DROIT
I. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION
26. Le requérant se plaint que sa condamnation, en sa qualité de membre du comité d’organisation, au motif que la manifestation a commencé une heure plus tôt et parce que des slogans ont été scandés par la foule à cette occasion, ait porté atteinte à son droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique. Arguant d’une absence d’incident de nature à présenter un risque pour l’ordre public, il soutient que sa condamnation était disproportionnée. Il y voit une violation des articles 10 et 11 de la Convention.
La Cour estime qu’il convient d’examiner ce grief sous l’angle de l’article 11 de la Convention, ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »
A. Sur la recevabilité
1. Sur l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes
27. Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, indiquant à cet égard que le requérant n’a pas porté devant les juridictions nationales son grief relatif à la liberté de réunion.
28. La Cour rappelle que la règle de l’épuisement des voies de recours internes telle que prévue par l’article 35 § 1 de la Convention a pour finalité de permettre à un État contractant d’examiner, et ainsi de prévenir ou de redresser la violation au regard de la Convention qui est alléguée contre lui, avant qu’elle-même n’en soit saisie (voir, par exemple, Azinas c. Chypre [GC], no 56679/00, § 41, CEDH 2004‑III). Cette disposition doit s’appliquer « avec une certaine souplesse » et « sans formalisme excessif » (Cardot c. France, 19 mars 1991, § 34, série A no 200). Ainsi, en vertu de la jurisprudence de la Cour, il n’est pas toujours nécessaire que la Convention soit explicitement invoquée dans la procédure interne : il suffit que le grief soit soulevé « au moins en substance » (voir, entre autres, Glasenapp c. Allemagne, 28 août 1986, § 44, série A no 104, et Castells c. Espagne, 23 avril 1992, § 32, série A no 236). Cela signifie que le requérant doit avancer des arguments juridiques d’effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne, de manière à permettre aux juridictions nationales de redresser la violation alléguée (Van Oosterwijck c. Belgique, 6 novembre 1980, § 34, série A no 40, et, plus récemment, Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 117, 20 mars 2018).
29. En l’espèce, la Cour observe que le requérant a été jugé et condamné au pénal sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911 sur les réunions et les défilés publics, en sa qualité de membre du comité d’organisation, pour avoir organisé une manifestation illégale. Elle note que la loi no 2911 consacre le droit à la liberté de réunion pacifique, à l’instar de l’article 11 de la Convention, et réglemente l’exercice de ce droit. Eu égard à la nature de l’infraction reprochée et sanctionnée en l’espèce, la Cour considère que la liberté de réunion se trouvait au cœur même de la procédure pénale menée contre le requérant devant les juridictions nationales et l’objet de cette procédure impliquait par nature un débat sur la liberté de réunion (voir, en ce sens, Nur Radyo Ve Televizyon Yayıncılığı A.Ş. c. Turquie (no 2), no 42284/05, § 34, 12 octobre 2010). Étant donné que le requérant a contesté les faits qui lui étaient reprochés, en fournissant des explications sur les éléments ayant conduit les autorités à considérer que la manifestation revêtait un caractère illégal au regard de la loi no 2911, la Cour estime que l’intéressé a avancé des arguments fondés sur le droit interne de manière à permettre aux juridictions nationales de redresser la violation alléguée. Dans ces conditions, la Cour estime que la liberté de réunion était en cause, fût-ce de façon sous-jacente, dans la procédure devant les juridictions nationales, et que les arguments juridiques avancés par le requérant devant elles contenaient bien une doléance liée à l’article 11 de la Convention (pour une approche similaire, Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, §§ 38-39, CEDH 1999‑I). La Cour note également que le requérant n’était pas assisté par un avocat, ni lors de son audition par le procureur de la République ni lors de sa comparution devant le tribunal correctionnel. Il n’est pas non plus établi que l’intéressé disposait d’une formation juridique. Dans ces conditions, l’on ne saurait tenir rigueur au requérant de n’avoir pas explicitement invoqué le droit à la liberté de réunion.
30. Par conséquent, la Cour considère que, même si le requérant ne s’est pas explicitement prévalu du droit à la liberté de réunion, l’on peut admettre qu’il a soulevé « au moins en substance » son grief tiré de l’article 11 de la Convention. Partant, elle rejette l’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes.
2. Sur l’exception tirée de l’absence de qualité de victime
31. Le Gouvernement soulève également une exception d’irrecevabilité tirée de l’absence de qualité de victime du requérant. Il indique que, après l’entrée en vigueur de la loi no 6352, il a été décidé de surseoir à l’exécution de la peine prononcée contre l’intéressé. Aussi, à ses dires, le requérant n’a‑t-il plus la qualité de victime.
32. Le requérant conteste cette thèse.
33. La Cour estime que le sursis à l’exécution de la peine pour une durée de trois ans ne peut passer pour prévenir ou réparer les conséquences de la procédure pénale dont le requérant a directement subi les effets dommageables à raison de l’atteinte en découlant à l’exercice de sa liberté de réunion (Aslı Güneş c. Turquie (déc.), no 53916/00, 13 mai 2004, et Yaşar Kaplan c. Turquie, no 56566/00, §§ 32 et 33, 24 janvier 2006). Il convient donc de rejeter l’exception du Gouvernement tirée de l’absence de qualité de victime du requérant.
3. Conclusion
34. Constatant par ailleurs que la requête n’est pas manifestement mal fondée au sens de l’article 35 § 3 a) de la Convention et qu’elle ne se heurte par ailleurs à aucun autre motif d’irrecevabilité, la Cour la déclare recevable.
B. Sur le fond
35. Le Gouvernement estime qu’il n’y a pas eu d’ingérence dans le droit à la liberté de réunion du requérant. Il indique qu’au cours de la manifestation des slogans et pancartes faisant l’éloge de l’organisation terroriste PKK ont été utilisés et que le requérant n’a pas tenté d’empêcher les manifestants d’agir de la sorte. Au contraire, le requérant se serait mêlé aux manifestants pour les provoquer et les amener à chanter ces slogans. Le Gouvernement ajoute que des discours incitant le peuple à commettre des crimes ont été prononcés lors de cet évènement. Il en conclut que les actions en question ne peuvent pas se rapporter à l’exercice du droit de réunion pacifique.
36. Le requérant affirme qu’aucun agissement constitutif d’une infraction ne peut lui être reproché, et qu’en conséquence sa condamnation, en sa qualité de membre du comité d’organisation, n’est pas justifiée.
37. La Cour rappelle que le droit à la liberté de réunion est un droit fondamental dans une société démocratique et, à l’instar du droit à la liberté d’expression, l’un des fondements de pareille société. Dès lors, il ne doit pas faire l’objet d’une interprétation restrictive (Kudrevičius et autres c. Lituanie [GC], no 37553/05, § 91, CEDH 2015).
38. La Cour rappelle également que l’article 11 de la Convention ne protège que le droit à la liberté de « réunion pacifique », notion qui ne couvre pas les manifestations dont les organisateurs et participants ont des intentions violentes (Stankov et Organisation macédonienne unie Ilinden c. Bulgarie, nos 29221/95 et 29225/95, § 77, CEDH 2001‑IX, et les références qui y sont citées, et Organisation macédonienne unie Ilinden et Ivanov c. Bulgarie, no 44079/98, § 99, 20 octobre 2005). C’est de plus une liberté qui peut être exercée non seulement par les individus participant à pareille manifestation mais aussi par les organisateurs (Christians Against Racism and Fascism c. Royaume-Uni, no 8440/78, décision de la Commission du 16 juillet 1980, Décisions et rapports (DR) 21, p. 162).
39. En l’espèce, la Cour note que le requérant faisait partie du comité d’organisation d’une manifestation ayant eu lieu le 19 mars 2007, à l’occasion de la fête du Nevruz. Il s’agissait d’une manifestation organisée dans le respect de la réglementation en vigueur, puisqu’elle avait fait l’objet d’une déclaration préalable formelle, conformément à l’article 10 de la loi no 2911. Il n’est pas établi – ni allégué du reste – que le requérant et ledit comité aient organisé cet évènement en étant animés par des intentions violentes. La manifestation litigieuse a réuni plus de trois cents personnes ; elle a donné lieu à des discours et des chants, et les festivités se sont terminées sans actes de violence. Aux yeux de la Cour, le fait que certains manifestants ont utilisé, à cette occasion, des slogans et pancartes considérés comme illégaux ne peut en soi justifier la suppression du droit de manifester à l’égard du requérant. La Cour rappelle ici que, même s’il existe un risque réel qu’une manifestation publique soit à l’origine de troubles en raison d’évènements échappant au contrôle des organisateurs, cette manifestation ne sort pas pour cette seule raison du champ d’application du paragraphe 1 de l’article 11, et que toute restriction imposée à pareille réunion doit être conforme aux termes du paragraphe 2 de cette disposition (Schwabe et M.G. c. Allemagne, nos 8080/08 et 8577/08, § 92, CEDH 2011, et, voir aussi, Gün et autres c. Turquie, no 8029/07, § 51, 18 juin 2013). Par conséquent, l’article 11 trouve à s’appliquer en l’espèce. Il apparaît que la condamnation du requérant à une peine d’emprisonnement s’analyse en une ingérence dans le droit de l’intéressé à la liberté de réunion. La Cour rappelle que pareille ingérence enfreint l’article 11 de la Convention, sauf si elle était « prévue par la loi », dirigée vers un ou des buts légitimes au regard du paragraphe 2 de cette disposition et « nécessaire dans une société démocratique » pour atteindre ces buts.
40. La Cour note en l’occurrence qu’il ne prête pas à controverse entre les parties que l’ingérence litigieuse était prévue par la loi et qu’elle poursuivait un but légitime, au sens de l’article 11 § 2 de la Convention (Yılmaz et Kılıç c. Turquie, no 68514/01, § 60, 17 juillet 2008). Le différend en l’espèce porte sur la question de savoir si l’ingérence était « nécessaire dans une société démocratique ».
41. La Cour renvoie aux principes qui se dégagent de sa jurisprudence relative à l’article 11 de la Convention (Kudrevičius et autres, précité, § 144, et, plus récemment, Navalnyy c. Russie [GC], nos 29580/12 et 4 autres, § 128, 15 novembre 2018).
42. La Cour relève que le requérant a été condamné sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911. La disposition en question punit d’une peine d’emprisonnement le fait d’organiser et de diriger une manifestation illégale. Elle note qu’en l’espèce la manifestation a été considérée comme illégale au regard des alinéas a), b) et g) de l’article 23 de cette même loi pour trois motifs : d’abord en raison du commencement de cet évènement avant l’heure indiquée dans la déclaration préalable (alinéa a) ; ensuite en raison de l’utilisation de pancartes et slogans illégaux par certains participants (alinéa b) ; enfin en raison de l’objet délictueux de la manifestation (alinéa g). Sur ce dernier point, dans la mesure où le jugement du tribunal correctionnel n’apporte aucune explication quant à la raison pour laquelle la manifestation a été considérée par lui comme ayant un objet délictueux, la Cour ne tiendra pas compte de ce motif lors de son examen.
43. Pour autant qu’il est reproché au requérant, de même qu’aux autres membres du comité d’organisation, de n’avoir pas réagi au commencement de la manifestation avant l’heure prévue, la Cour note qu’il ressort du dossier que des participants ont commencé à se réunir à l’endroit où devait se tenir la manifestation environ une heure avant l’heure déclarée, que des artistes locaux – non prévus initialement au programme de la manifestation, selon le requérant – sont montés sur scène et ont commencé à jouer de la musique, et que ce n’est que vers 11 heures que le programme officiel a commencé. Il n’est pas établi, ni même allégué, que le commencement de la manifestation environ une heure avant l’heure prévue ait entraîné une quelconque atteinte à l’ordre public et/ou porté atteinte aux droits et libertés des tiers, ni même qu’il ait engendré des perturbations de la vie quotidienne. À la lumière de ces éléments, la Cour estime que le fait que la manifestation a commencé une heure avant l’heure annoncée n’a pas constitué une violation flagrante des conditions énoncées dans l’autorisation préalable et qu’il ne saurait être considéré comme un acte répréhensible au sens de sa jurisprudence (voir, s’agissant d’un changement de lieu de la manifestation, Şolari c. République de Moldova, no 42878/05, §§ 31-33, 28 mars 2017). Il n’apparaît non plus que le commencement de la manifestation avant l’heure déclarée ait pris les autorités au dépourvu et qu’il ait affecté leur capacité à maintenir l’ordre et à garantir de manière générale le bon déroulement de l’évènement. Cela n’a d’ailleurs été allégué ni par les autorités elles-mêmes ni par le Gouvernement.
44. S’agissant des slogans et pancartes utilisés lors de la manifestation, la Cour prend note de la position du Gouvernement, selon laquelle ces véhicules de messages faisaient l’éloge de l’organisation terroriste PKK. Elle estime toutefois qu’il n’est pas nécessaire de rechercher si, dans les circonstances de l’espèce, les slogans et pancartes en question étaient supposés faire l’éloge d’une organisation terroriste comme l’affirme le Gouvernement.
45. Elle note que le requérant et les autres membres du comité susmentionné ont été condamnés, en tant qu’organisateurs de la manifestation, pour n’avoir pas empêché l’utilisation par certains participants de slogans et pancartes considérés comme illégaux, et non pour avoir eu un comportement précis qui aurait été constitutif d’une infraction pénalement condamnable (voir, a contrario, Barraco c. France, no 31684/05, § 46, 5 mars 2009, et Gün et autres, précité, § 79). Il n’est pas reproché personnellement au requérant d’avoir utilisé des slogans et pancartes interdits. Même si le Gouvernement accuse le requérant de s’être mêlé aux manifestants pour électriser la foule, il ressort clairement du jugement daté du 8 juin 2006 que tous les membres du comité d’organisation, y compris le requérant, ont été condamnés en tant qu’organisateurs de la manifestation, pour n’avoir pas empêché les manifestants d’utiliser des slogans et pancartes illégaux (paragraphe 10 ci‑dessus). De même, bien que le Gouvernement indique que des discours menaçants et incitant le peuple à commettre des crimes ont été prononcés à cette occasion, force est de constater que le jugement du tribunal correctionnel ne se fonde nullement sur une telle circonstance, ni n’en fait mention.
46. Aussi, à supposer que les slogans et pancartes utilisés par les manifestants puissent être considérés comme illégaux, la question qui se pose en l’espèce est de savoir dans quelle mesure le requérant peut, en sa qualité d’organisateur de la manifestation, être tenu pour responsable des agissements prétendument délictueux de certains participants, et condamné pour cela sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911.
47. La Cour rappelle que la responsabilité pénale des organisateurs de manifestations ne saurait être engagée dès lors que ces derniers ne participent pas directement aux actes incriminés, qu’ils ne les encouragent pas ou qu’ils ne font pas preuve de complaisance en faveur des comportements illégaux. Il relève de la responsabilité des organisateurs d’apprécier si les agissements des manifestants constituent des dérapages condamnables. Toutefois, les organisateurs ne sauraient être tenus pour responsables des agissements d’autrui s’ils n’y ont pris part ni explicitement, par une participation active et directe, ni implicitement, en s’abstenant, par exemple, d’intervenir par des avertissements ou des injonctions d’arrêter de scander des slogans illégaux. Les organisateurs d’une manifestation illégale peuvent donc s’exonérer de leur responsabilité pénale par leurs comportements pacificateurs (Mesut Yıldız et autres c. Turquie, no 8157/10, § 34, 18 juillet 2017).
48. La Cour note aussi que, selon les Lignes directrices sur la liberté de réunion pacifique (paragraphe 25 ci-dessus), les organisateurs des réunions ne devraient pas être tenus pour responsables des actes délictueux de participants individuels, ils ne devraient pas être considérés comme ayant failli à leur responsabilité dès lors qu’ils ont déployé des efforts raisonnables pour prévenir ces agissements, et, en revanche, la responsabilité individuelle de toute personne ayant commis personnellement une infraction ou s’étant abstenue de se conformer aux ordres des responsables des forces de l’ordre devrait être engagée.
49. En l’espèce, la Cour relève d’abord qu’il n’est pas établi que les manifestants ayant scandé les slogans incriminés ou brandi les pancartes litigieuses aient été poursuivis pour leurs agissements, bien que ces individus aient été identifiés par les autorités. Invité par la Cour à répondre à la question de savoir si des mesures avaient été prises à l’encontre de ces manifestants, le Gouvernement n’a fourni aucune explication à ce sujet.
50. La Cour note ensuite qu’à deux reprises, après que la foule ait scandé au début de la manifestation des slogans considérés comme illégaux, les participants ont été invités par l’animateur présentateur, sur demande du comité d’organisation, à ne pas utiliser des slogans autres que ceux indiqués par le comité d’organisation (paragraphe 10 ci-dessus). On peut dès lors considérer que les membres du comité d’organisation, dont le requérant, se sont désolidarisés, dès le début de l’évènement, des agissements de certains des manifestants.
51. La Cour note aussi que la cour d’assises n’a pas expliqué le lien qui aurait existé entre les actes commis par la foule lors de cette manifestation, d’une part, et la réaction, jugée insuffisante, que le requérant aurait eue face à ces actes, en tant que membre du comité d’organisation, d’autre part, de manière à démontrer la volonté et le dessein de ce dernier de participer à ces actes (voir, mutatis mutandis, Nejdet Atalay c. Turquie, no 76224/12, § 20, 19 novembre 2019).
52. Eu égard à ce qui précède, la Cour conclut que, dans les circonstances de l’espèce, en condamnant le requérant sur le fondement de l’article 28 de la loi no 2911, pour organisation de manifestation illégale, pour les faits susmentionnés survenus lors de la manifestation du 19 mars 2007, les autorités nationales n’ont pas mis en balance le droit de l’intéressé à la liberté de réunion pacifique et les buts légitimes poursuivis de façon adéquate et conforme aux critères établis par sa jurisprudence (Ergündoğan c. Turquie, no 48979/10, § 34, 17 avril 2018, et Fatih Taş c. Turquie (no 5), no 6810/09, § 40, 4 septembre 2018).
53. À la lumière de ces considérations, la Cour estime que ni les arguments avancés par le Gouvernement ni les motifs avancés par les juridictions nationales ne permettent de penser que la condamnation pénale du requérant pouvait raisonnablement être perçue comme ayant répondu à un « besoin social impérieux ».
54. Enfin, quant à la proportionnalité de l’ingérence, la Cour rappelle que la nature et la gravité des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en compte, et elle renvoie à cet égard à sa jurisprudence selon laquelle les sanctions pénales appellent une justification particulière (Kudrevičius et autres, précité, § 146). En l’occurrence, même s’il a été décidé, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi no 6352, de surseoir à l’exécution de la condamnation du requérant, avec une mise à l’épreuve pendant une période de trois ans (paragraphe 16 ci‑dessus), la Cour estime que la peine infligée était de nature à avoir un « effet dissuasif » pour l’exercice par l’intéressé de son droit de manifester garanti par l’article 11 de la Convention (voir, en ce sens, Akgöl et Göl c. Turquie, nos 28495/06 et 28516/06, § 43, 17 mai 2011 et, voir, mutatis mutandis, İsmail Sezer c. Turquie, no 36807/07, § 55, 24 mars 2015, et Mesut Yıldız et autres, précité, § 36).
55. Partant, la Cour conclut que l’ingérence dans la liberté de manifestation du requérant ne peut passer pour « nécessaire dans une société démocratique », au sens de l’article 11 de la Convention.
56. Partant, il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.
II. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
57. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
A. Dommage
58. Le requérant réclame 10 000 euros (EUR) au titre des préjudices matériel et moral qu’il estime avoir subis.
59. Le Gouvernement conteste les prétentions du requérant.
60. La Cour observe que le requérant n’a soumis aucun document à l’appui de sa prétention pour dommage matériel. Partant, elle rejette la demande à cet égard. En revanche, elle considère qu’il y a lieu d’octroyer au requérant 1 500 EUR au titre du préjudice moral.
B. Frais et dépens
61. Le requérant demande également 20 160 EUR pour les frais et dépens engagés devant la Cour.
62. Le Gouvernement juge ces prétentions excessives.
63. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.
En l’espèce, la Cour rejette la demande relative aux frais et dépens, le requérant n’ayant soumis aucun justificatif à l’appui de celle-ci.
C. Intérêts moratoires
64. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;
3. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 1 500 EUR (mille cinq cents euros), à convertir en livres turques au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt, pour dommage moral ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ce montant sera à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 26 mai 2020, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement de la Cour.
Stanley NaismithRobert Spano
GreffierPrésident