PREMIÈRE SECTION
AFFAIRE LOIZOU c. GRÈCE
(Requête no 17789/16)
ARRÊT
Art 5 §§ 1 et 1 c) • Illégalité du maintien en détention provisoire, interrompue pour exécuter une peine d’emprisonnement pour d’autres infractions, en l’absence de base juridique claire en droit national • Pas de notification rapide du jugement prévoyant la transformation de la peine d’emprisonnement en peine pécuniaire et de l’interruption de la détention provisoire • Requérant n’ayant pas pu déclarer rapidement son intention de racheter la peine d’emprisonnement et de payer le montant afin de ne pas interrompre sa détention • Incertitudes quant à la base légale et les motifs de sa détention • Protection insuffisante des autorités nationales contre l’arbitraire
STRASBOURG
18 mars 2021
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Loizou c. Grèce,
La Cour européenne des droits de l’homme (première section), siégeant en une Chambre composée de :
Ksenija Turković, présidente,
Krzysztof Wojtyczek,
Linos-Alexandre Sicilianos,
Alena Poláčková,
Péter Paczolay,
Gilberto Felici,
Erik Wennerström, juges,
et de Renata Degener, Greffière de section,
Vu :
la requête (no 17789/16) dirigée contre la République hellénique et dont un ressortissant cypriote, M. Andreas Loizou (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 21 mars 2016,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement grec (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 3 (conditions de détention dans la prison de Diavata), 13 combiné avec 3, 5 § 1 et 5 § 4 de la Convention et de déclarer irrecevable le grief tiré de l’article 3 en ce qui concerne les conditions de détention à la Direction des étrangers de la Direction générale de la police de Thessalonique,
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 9 février 2021,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La présente affaire concerne la légalité du maintien en détention provisoire du requérant qui avait été interrompue pour que celui‑ci purge une peine d’emprisonnement pour d’autres infractions ainsi que la durée du délai pendant lequel la chambre d’accusation du requérant s’est prononcée sur le recours du requérant contre ce maintien en détention.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1966 et à la date de l’introduction de la requête, il était détenu à la prison de Diavata. Il est représenté par Me A. Kazanas, avocat.
3. Le Gouvernement est représenté par les déléguées de son agent, Mme A. Dimitrakopoulou, assesseure au Conseil juridique de l’État, et Mme I. Kotsoni, auditrice au Conseil juridique de l’État.
4. Le Gouvernement chypriote n’a pas exercé son droit d’intervenir dans la procédure (article 36 § 1 de la Convention).
5. Soupçonné d’avoir commis plusieurs infractions et notamment celle de direction d’une organisation criminelle et de facilitation d’acheminement illégal de migrants, le requérant fut arrêté le 30 septembre 2014 et transféré à la Direction des étrangers de la Direction générale de police de Thessalonique. Il fut placé en détention provisoire en application d’un mandat du 6 octobre 2014.
6. Le 12 décembre 2014, la détention provisoire du requérant fut interrompue pour qu’il purge une peine de 18 mois à laquelle il avait été condamné le 10 mars 2011 par le tribunal correctionnel du Pirée.
7. En effet, le 10 mars 2011, le tribunal correctionnel du Pirée avait condamné le requérant in absentia à une peine de 18 mois d’emprisonnement qui était transformable en une peine pécuniaire de 10 euros par jour. Le requérant n’avait pas été présent au procès car la citation à comparaître lui avait été notifiée comme à une personne au domicile inconnu alors qu’à la date de cette notification le requérant était détenu à la Direction générale de police de Thessalonique.
8. Le requérant allègue que ce jugement ne lui fut pas notifié de manière valide et qu’il en avait appris qu’il purgeait une peine en vertu de ce jugement et non en tant que détenu provisoirement, le 4 février 2015, lorsqu’il avait demandé et avait reçu de la prison de Diavata un certificat de détention. En revanche, le Gouvernement affirme que le requérant eut connaissance du jugement le 3 décembre 2014, lorsque le ministère public du Pirée l’envoya par fax au commissariat d’Aghios Athanasios où le requérant était détenu. Le Gouvernement en veut pour preuve le fait que le requérant forma appel contre ce jugement dès le 4 décembre 2014.
9. Le 27 janvier 2015, le requérant fut transféré à la prison de Diavata où il se trouvait au jour de l’introduction de sa requête. Le requérant allègue qu’il fut placé dans une chambrée de 20 m² avec 9 autres détenus. Il allègue aussi que la chambrée n’était pas suffisamment chauffée et qu’il n’avait reçu, jusqu’à la date de la saisine de la Cour, aucune réponse à sa demande, formulée en juillet 2015, de se faire examiner la prostate dans un hôpital.
10. Le 5 mai 2015, le requérant fut mis en liberté de manière fictive par rapport au jugement du tribunal correctionnel du 10 mars 2011, car la cour d’appel du Pirée accueillit son appel contre le jugement précité. Par un arrêt du 5 mai 2015, la cour d’appel mit fin aux poursuites contre le requérant pour cause de prescription. Il avait auparavant admis que l’appel du requérant n’était pas tardif, car à la date de la notification du jugement le requérant était détenu à la Direction générale de police de Thessalonique, fait qui était connu des autorités judiciaires. Par conséquent, le délai pour former un appel n’avait jamais commencé à courir.
11. Toutefois, le requérant fut maintenu en détention en application du mandat précité du 6 octobre 2014.
12. Le 8 mai 2015, le requérant formula des objections devant la chambre d’accusation de la cour d’appel de Thessalonique (article 287 § 5 du code de procédure pénale paragraphe 19 ci-dessous) par lesquelles il soutenait que sa détention n’était pas légale et demandait sa mise en liberté. Plus précisément, il invoquait l’article 3 § 10 de la loi no 2408/1996 (paragraphe 20 ci-dessous) et précisait qu’il n’avait jamais été invité à déclarer s’il souhaitait verser la somme de la peine pécuniaire correspondant à la transformation de la peine d’emprisonnement, qu’il n’avait jamais dit qu’il ne souhaitait pas le faire et ne savait même pas qu’il avait une telle possibilité. Il soutenait alors qu’il n’avait pas encore commencé à purger la peine d’emprisonnement précitée et qu’il était toujours en détention provisoire en application du mandat du 6 octobre 2014. En ce qui concerne la détention provisoire, il soutenait qu’un laps de temps de plus de sept mois s’était écoulé sans que son maintien en détention ait été ordonné. Par conséquent, affirmait-il, la détention n’était plus fondée sur un titre légal.
13. La prison de Diavata transmit les objections du requérant au procureur près la cour d’appel de Thessalonique le 11 mai 2015. Le procureur formula sa proposition à l’attention de la chambre d’accusation le 4 septembre 2015.
14. Le 16 septembre 2015, la chambre d’accusation de la cour d’appel entérina la proposition du procureur et rejeta les objections du requérant (décision 686/2015). Elle souligna que l’article 287 §§ 1, 2 et 5 du code de procédure pénale établissait deux types de contrôle d’office de la détention provisoire : le premier concernait le maintien en détention, et le deuxième l’examen de la prolongation compte tenu de la limite maximale de la détention. Or, il ressortait des paragraphes précités de cet article que l’accusé pouvait formuler des objections seulement en cas de prolongation supplémentaire de six mois de sa détention pour atteindre la limite maximale de celle-ci (de 18 mois – paragraphe 2 de l’article 287) et non en cas de prolongation de 6 à 12 mois (paragraphe 1 de l’article 287). Si le législateur avait souhaité donner à l’accusé la possibilité de formuler des objections dans le cas de la prolongation de 6 à 12 mois, il l’aurait précisé dans le paragraphe 5 de l’article 287, comme il l’a fait d’ailleurs en se référant au paragraphe 1 du même article concernant l’audition de l’accusé et du procureur.
15. La chambre d’accusation releva que la détention provisoire du requérant avait commencé le 30 septembre 2014 et avait été interrompue le 12 décembre 2014 afin que celui-ci purge une peine d’emprisonnement de dix-huit mois qui lui avait été imposée par le tribunal correctionnel du Pirée, transformable en une peine pécuniaire de 10 euros par jour, et qui avait été poursuivie jusqu’au 5 mai 2015, date à laquelle la peine du requérant était considérée comme purgée. Par conséquent, selon la chambre d’accusation, comme les objections du requérant étaient dirigées contre la prolongation de la détention de 6 à 12 mois, qui n’avait pas été ordonnée par la chambre d’accusation, elles étaient mal fondées. Par une décision 687/2015 du 16 septembre 2015, la chambre d’accusation ordonna le maintien en détention provisoire du requérant.
16. Les décisions 686/2015 et 687/2015 furent notifiées au requérant à la prison de Diavata le 21 septembre 2015.
17. La détention provisoire du requérant pris fin le 8 janvier 2016, date à laquelle il fut condamné par la cour d’appel criminelle de Thessalonique, composée de trois juges, à une peine de réclusion de 14 ans et 7 mois, pour les infractions pour lesquelles il avait été arrêté le 30 septembre 2014. Par un arrêt du 5 avril 2017, la cour d’appel criminelle de Thessalonique, composée de cinq juges, réduisit la peine à 7 ans et 4 mois de réclusion.
18. Le requérant fut mis en liberté de manière définitive le 13 avril 2017 par décision du procureur près le tribunal correctionnel de Thessalonique.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
19. Les dispositions pertinentes de l’article 287 du code de procédure pénale sont ainsi libellées :
« 1. Si la détention provisoire a duré six mois (...), la chambre d’accusation se prononce par une décision suffisamment motivée sur la question de la mise en liberté de l’accusé ou sur son maintien en détention. (...)
2. Dans tous les cas et jusqu’à la prise d’une décision définitive, la détention provisoire pour une même infraction ne peut pas dépasser un an. Dans des cas particulièrement exceptionnels et lorsque l’accusation porte sur des infractions passibles des peines de réclusion à perpétuité ou des peines de réclusion jusqu’à une durée de vingt ans, la détention provisoire peut être prolongée de six mois supplémentaires par décision suffisamment motivée. (...)
5. Tout doute et toute objection concernant la prolongation de la détention provisoire (...) sont résolus par la chambre d’accusation dans le cas prévu au paragraphe 2 (...). »
Selon la jurisprudence en la matière (arrêts de la Cour de cassation no 1262/2008, no 1329/1999, no 353/1985, no 1822/1983 et décision no 2169/2017 de la chambre d’accusation de la cour d’appel d’Athènes), lorsque la période de la détention provisoire coïncide avec celle de l’exécution d’une peine d’emprisonnement pour une autre infraction que celle pour laquelle la détention provisoire a été imposée, la période de la détention provisoire est interrompue jusqu’à ce que le détenu provisoirement purge l’intégralité de la peine d’emprisonnement.
20. L’article 3 § 10 de la loi no 2408/1996 dispose :
« Afin que de peines d’emprisonnement, qui ont été transformées en peines pécuniaires, soient purgées par une personne qui est provisoirement détenue pour une autre infraction, il y a une interruption fictive de la détention provisoire et remise en détention, seulement lorsque le détenu provisoirement déclare qu’il ne versera pas le montant de la peine pécuniaire. (...) »
Le rapport explicatif de la loi no 2408/1996 précisait qu’il arrivait à un grand nombre de détenus dans différentes prisons, pendant la période qui étaient détenus provisoirement jusqu’à l’audience, de se voir notifier diverses décisions définitives des juridictions pénales. Dans ces cas, les directeurs des prisons mettaient fictivement en liberté le détenu et le remettaient automatiquement en détention en exécution de la décision notifiée. Cela se passait indistinctement de la question de savoir si les peines imposées pouvaient être transformées en peines pécuniaires. Il arrivait aussi souvent que le détenu ne soit pas informé qu’il avait cessé d’être détenu provisoirement et qu’il était détenu en vertu des peines qui étaient transformables en peines pécuniaires. Lorsqu’il en était informé, il était déjà trop tard, car il n’avait plus la possibilité de payer (même postérieurement) les sommes fixées par le tribunal et obtenir ainsi que la peine purgée soit considérée comme l’ayant été au titre de la détention provisoire et non au titre de la condamnation.
Au sujet de cet article, la Cour de cassation (arrêts no 1301/2009, no 996/1998 et no 628/1997) a souligné que cette disposition établissait une nouvelle règlementation, selon laquelle, si le détenu déclare qu’il ne versera pas la somme de la transformation de sa peine d’emprisonnement en peine pécuniaire, la détention provisoire est interrompue de manière fictive et commence la période d’exécution de la peine d’emprisonnement. L’interruption de la détention provisoire dure jusqu’à ce que la peine d’emprisonnement soit intégralement purgée. En revanche, la détention provisoire n’est pas interrompue lorsque le détenu ne fait pas de déclaration de non-paiement et verse le montant de la peine pécuniaire fixée au moment de la transformation (arrêt no 756/2011 de la Cour de cassation). Par conséquent, si la peine qui a été rachetée a interrompu la détention provisoire, la période d’exécution de la peine d’emprisonnement est créditée à celle de la détention provisoire.
EN DROIT
1. SUR LA DEMANDE DU GOUVERNEMENT VISANT À FAIRE RAYER LA REQUȆTE DU RȎLE EN APPLICATION DE L’ARTICLE 37 DE LA CONVENTION DANS SA PARTIE CONCERNANT LES GRIEFS TIRÉS DES ARTICLES 3 ET 13 DE LA CONVENTION
21. Après l’échec des tentatives de règlement amiable, le Gouvernement a formulé le 29 avril 2020 une déclaration unilatérale tendant à répondre à la question soulevée par cette partie de la requête. Il a en outre invité la Cour à rayer l’affaire du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention.
La déclaration se lit ainsi :
« (...) The Government would wish to acknowledge – by way of a unilateral declaration – that the conditions of detention of the (...) applicant in the prison of Diavata, in particular overcrowding, were incompatible with the requirements of Article 3 of the European Convention on Human Rights (“the Convention”), as identified by the Court in the cases of Papadakis and others v. Greece (judgment of 25-2-2016, application no. 34083/13) and Papakonstantiniou v. Greece (judgment of 13-11-2014, application no. 50765/11) and that this applicant did not have an effective remedy before a national authority enabling him to complain of such incompatibility within the meaning of Article 13 of the Convention.
If the Court strikes the case from the list, the Government is willing to offer compensation to Andreas Loizou the amount of EUR 7 500. This sum, which is to cover any pecuniary and non-pecuniary damage as well as costs and expenses, is free of any taxes that may be applicable and will be payable within three months from the date of notification of the decision by the Court pursuant to Article 37 § 1 of the Convention. In the event of failure to pay these sums within the said three-month period, the Government undertake to pay simple interest on it, from the expiry of that period until settlement, at a rate equal to the marginal lending rate of the European Central Bank during the default period plus three percentage points. The payment will constitute the final resolution of the case. »
22. La Cour rappelle que l’article 37 de la Convention dispose que, à tout moment de la procédure, elle peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de tirer l’une des conclusions exposées aux alinéas a), b) ou c) du paragraphe 1 de cet article. En particulier, l’article 37 § 1 c) l’autorise à rayer une requête du rôle lorsque :
« (...) pour tout autre motif dont [elle] constate l’existence, il ne se justifie plus de poursuivre l’examen de la requête. »
23. Elle rappelle aussi que, dans certaines circonstances, elle peut rayer une requête du rôle en application de l’article 37 § 1 c) de la Convention sur la base d’une déclaration unilatérale du Gouvernement même si le requérant souhaite que l’examen de l’affaire se poursuive.
24. En pareil cas, pour déterminer si elle doit procéder à la radiation, la Cour examine attentivement la déclaration à la lumière des principes se dégageant de sa jurisprudence et, en particulier, des affaires Tahsin Acar c. Turquie (question préliminaire) [GC], no 26307/95, §§ 75‑77, CEDH 2003-VI, WAZA Spółka z o.o. c. Pologne (déc.), no 11602/02, 26 juin 2007, et Sulwińska c. Pologne (déc.), no 28953/03, 18 septembre 2007.
25. Après avoir examiné les termes de la déclaration unilatérale du Gouvernement, la Cour estime, compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, que le montant de l’indemnité que le Gouvernement propose de verser au requérant est analogue à celui que la Cour aurait versé dans des circonstances similaires. Dans ces conditions, la Cour considère que la déclaration unilatérale litigieuse constitue une base suffisante pour lui permettre de conclure que le respect des droits de l’homme garantis par la Convention n’exige pas la poursuite de l’examen de la requête à l’égard des allégations précitées, d’autant plus qu’elle a eu à maintes reprises de se prononcer sur les conditions de détention dans la prison de Diavata (voir, dans le même sens, Fraggopoulos et autres c. Grèce (déc.), no 550/17, § 56, 17 novembre 2020.
26. Par conséquent, il y a lieu de rayer l’affaire du rôle pour autant qu’elle concerne les griefs tirés des articles 3 et 13 de la Convention.
2. SUR LES VIOLATIONS ALLÉGUÉES DE L’ARTICLE 5 §§ 1 ET 4 DE LA CONVENTION
27. Le requérant se plaint de son maintien en détention provisoire au‑delà du premier semestre de celle-ci sans décision judiciaire, la chambre d’accusation de la cour d’appel ayant statué six mois après la fin du premier semestre. Il se plaint aussi que la chambre d’accusation de la cour d’appel n’a pas statué à « bref délai », mais seulement 4 mois et 8 jours après sa saisine. Il allègue une violation de l’article 5 §§ 1 et 4 de la Convention qui se lit ainsi :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle‑ci ;
(...)
4. Toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. »
1. Sur la recevabilité
28. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces griefs pour non‑respect du délai de six mois. Il souligne que la requête a été introduite à la Cour le 21 mars 2016 et que les décisions 686/2015 et 687/2015 de la chambre d’accusation de la cour d’appel ont été rendues le 16 septembre 2015.
29. Le requérant rétorque que le délai de six mois commence à courir à compter de la date à laquelle la décision interne est devenue définitive. Or, les décisions 686/2015 et 687/2015 ne sont devenues définitives en droit grec qu’après l’écoulement d’une période d’un mois à compter de leur adoption et pendant laquelle le procureur près la Cour de cassation peut introduire un recours contre elles (article 483 § 3 du code de procédure pénale).
30. La Cour rappelle qu’en règle générale, le délai de six mois commence à courir à la date de la décision définitive intervenue dans le cadre du processus d’épuisement des voies de recours internes (Lekić c. Slovénie [GC], no 36480/07, § 65, 11 décembre 2018). Elle rappelle aussi que la période des six mois commence à courir à partir de la date où le requérant et/ou son représentant a une connaissance suffisante de la décision interne définitive, étant entendu que cette date est, en principe, celle de la signification de la décision, si ce moyen est prévu par le droit interne, sauf s’il est démontré que les intéressés en ont eu connaissance auparavant (Koç et Tosun c. Turquie (déc.), no 23852/04, 13 novembre 2008).
31. La Cour estime qu’à supposer même que les décisions susmentionnées soient devenues définitives selon le droit grec un mois après leur adoption, comme le prétend le requérant, elle note que ces décisions ont été notifiés au requérant en prison le 21 septembre 2015, comme cela ressort des certificats de notification produits par le requérant devant la Cour. La requête ayant été introduite le 21 mars 2016, le délai de six mois a été respecté.
32. La Cour rejette donc l’exception du Gouvernement.
33. Constatant que ces griefs ne sont pas manifestement mal fondés ni irrecevables pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour les déclare recevables.
2. Sur le fond
1. Article 5 § 1
a) Arguments des parties
34. Le requérant soutient que sa détention du 30 mars au 16 septembre 2015 n’était pas légale car aucune décision à cet égard n’était en vigueur. Il souligne qu’il n’a jamais déclaré qu’il n’avait pas l’intention de payer la somme correspondant à la transformation de sa peine d’emprisonnement en peine pécuniaire, comme le prévoit l’article 3 § 10 de la loi no 2408/1996. Par conséquent, il affirme que sa détention provisoire n’a jamais été interrompue le 12 décembre 2014 afin qu’il purge sa peine d’emprisonnement prononcée par le tribunal correctionnel du Pirée et qu’il n’a jamais été informé d’une telle interruption ce qui était illégal.
35. Le Gouvernement soutient que, du 5 mai 2015 au 16 septembre 2015, le requérant était détenu légalement en application du mandat du 6 octobre 2014. Il affirme que le requérant n’a pas été détenu provisoirement de manière illégale au-delà du délai de six mois, mais qu’il a été maintenu en détention en application du mandat précité : la détention provisoire a été interrompue le 12 décembre 2014 pour qu’il purge sa peine d’emprisonnement et elle a continué le 5 mai 2015 après sa libération fictive lorsqu’il a été acquitté par la cour d’appel.
36. Le Gouvernement soutient aussi que le requérant connaissait l’existence du jugement du tribunal correctionnel du Pirée qui était faxé le 3 décembre 2014 au commissariat d’Aghios Athanasios où il était détenu, car le lendemain il a formé appel contre ce jugement mais dans lequel il n’a ni demandé la suspension de l’exécution de la peine d’emprisonnement ni sa volonté de payer la somme requise par suite de la transformation de la peine en peine pécuniaire. L’absence de déclaration concernant son intention de payer ou non la somme de la peine pécuniaire ne suffit pas pour interrompre la détention provisoire : même si le requérant avait déclaré qu’il avait l’intention de payer, le retard dans le paiement équivaut, selon la doctrine et la jurisprudence (arrêt no 382/2013 de la Cour de cassation) en la matière, comme un refus de payer. Le Gouvernement allègue alors qu’en cas de retard dans le paiement du rachat, il est présumé que le détenu ne souhaite pas la racheter. Il en va de même en cas de souhait du détenu de verser le montant requis en plusieurs mensualités, ce qu’une partie de la jurisprudence n’admet pas aux fins de l’article 3 § 10 précité.
b) Appréciation de la Cour
1. Principes généraux
37. La Cour rappelle que, pour respecter l’article 5 § 1 de la Convention, la détention doit avoir lieu « selon les voies légales » et « être régulière ». En la matière, la Convention renvoie pour l’essentiel à la législation nationale et consacre l’obligation d’en respecter les normes de fond comme de procédure, mais elle exige de surcroît la conformité de toute privation de liberté au but de l’article 5 de la Convention : protéger l’individu contre l’arbitraire (voir, parmi beaucoup d’autres, Ilnseher c. Allemagne [GC], nos 10211/12 et 27505/14, §§ 135‑136, 4 décembre 2018, avec les références qui y sont citées).
38. Par ailleurs, il incombe au premier chef aux autorités nationales, et notamment aux tribunaux, d’interpréter et d’appliquer le droit interne. Toutefois, dès lors qu’au regard de l’article 5 § 1 l’inobservation du droit interne emporte violation de la Convention, la Cour peut et doit exercer un certain contrôle pour rechercher si le droit interne – dispositions législatives ou jurisprudence – a été respecté (I.L. c. Suisse, no 72939/16, § 39, avec les références qui y sont citées, 3 décembre 2019). Toutefois, à supposer même que le maintien du requérant en détention provisoire satisfasse au critère de légalité au regard du droit interne, la Cour considère qu’il convient aussi de rechercher si la détention en question était conforme à l’article 5 § 1 de la Convention, qui vise à empêcher que des personnes soient arbitrairement privées de leur liberté (voir, parmi beaucoup d’autres, Johnson c. Royaume‑Uni, 24 octobre 1997, § 60, Recueil 1997‑VII).
2. Application des principes en l’espèce
39. Afin de se prononcer si, dans la présente affaire, le maintien en détention du requérant entre le 30 mars 2015 (date de la fin de la période initiale de six mois prévue par l’article 287 § 1 du code de procédure pénale) et le 16 septembre 2015 (date de la décision de la chambre d’accusation ordonnant le maintien en détention), s’était effectué « selon les voies légales » et n’était pas arbitraire, la Cour estime opportun de rappeler brièvement les faits de la cause.
40. Ainsi, la Cour relève que le requérant a été arrêté et placé en détention provisoire le 30 septembre 2014 (en exécution d’un mandat daté du 6 octobre 2014). Le 12 décembre 2014, la détention provisoire a été interrompue afin que le requérant purge une peine d’emprisonnement infligée pour d’autres infractions le 10 mars 2011. Condamné à cette dernière date par contumace, le requérant n’a eu connaissance du jugement de condamnation que le 3 décembre 2014 et contre lequel il a fait appel le 4 décembre 2014. L’appel du requérant ayant été accueilli, le requérant a été mis en liberté le 5 mai 2015 mais seulement fictivement car il a été maintenu en détention en vertu du mandat de mise en détention du 6 octobre 2014 dont l’exécution avait été suspendu le 12 décembre 2016. Le 16 septembre 2015, la chambre d’accusation a rejeté les objections du requérant quant à la légalité de sa détention et a ordonné le maintien en détention. Le requérant a été maintenu en détention en vertu du mandat précité jusqu’au 8 janvier 2016.
41. La Cour note, par ailleurs, que selon le droit interne pertinent, en cas de coïncidence entre la période d’une détention provisoire et celle de l’exécution d’une peine d’emprisonnement prononcée pour une autre infraction que celle pour laquelle il y placement en détention provisoire, la période d’exécution de la peine d’emprisonnement ne compte pas comme période de détention provisoire. La seule exception à ce principe est le cas prévu par l’article 3 § 10 de la loi no 2408/1996. Dans ce cas, lorsqu’il est question d’exécution simultanée d’une peine d’emprisonnement transformée en peine pécuniaire et d’une détention provisoire, le procureur chargé de cette exécution doit demander au détenu une déclaration écrite quant à son intention de verser la somme résultant de la transformation de la peine d’emprisonnement. Cette déclaration doit être faite au moment de la notification au détenu de la décision de transformation de la peine. Au cas où ce dernier déclare qu’il ne paiera pas le montant de la peine pécuniaire, la détention provisoire est interrompue et le détenu est considéré comme purgeant la peine d’emprisonnement. En revanche, la détention provisoire n’est pas interrompue si le détenu déclare souhaiter payer et verse effectivement le montant requis.
42. Il est donc évident que la prise en compte de l’exécution d’une peine d’emprisonnement dans le calcul de la durée de la détention provisoire peut avoir une influence sur une éventuelle mise en liberté du détenu. Ce qui aurait été le cas du requérant qui aurait été mis en liberté le 5 mai 2015 au lieu du 8 janvier 2016. La Cour doit donc examiner si la procédure prévue par le droit interne a été respectée en l’espèce.
43. Or, la Cour note que le jugement de condamnation du 10 mars 2011 qui prévoyait la transformation de la peine d’emprisonnement en peine pécuniaire, n’a été portée à la connaissance du requérant que le 3 décembre 2014 lorsque celui-ci était en détention à la Direction générale de la police de Thessalonique. En outre, il ne ressort pas du dossier, et le Gouvernement ne le soutient pas non plus, que le requérant a été informé, de manière formelle et dans un délai raisonnable, par les autorités que la période de sa détention provisoire avait été interrompue pour laisser commencer celle de l’exécution de la peine d’emprisonnement. Selon le requérant, celui‑ci ne l’aurait appris que le 4 février 2015 lorsqu’il avait demandé à la prison de Diavata un certificat de détention.
44. À supposer même que le requérant aurait pu savoir aux dates auxquelles il a pris connaissance du jugement de condamnation ou il a interjeté appel, soit respectivement les 3 ou 4 décembre 2014, qu’il devait déclarer son intention de racheter ou non la peine d’emprisonnement comme le prévoit l’article 3 § 10 de la loi no 2408/1996, il ne ressort pas du dossier, et le Gouvernement ne l’allègue pas non plus, que le procureur l’avait invité à la faire, soit oralement soi par écrit.
45. Quant à l’argument du Gouvernement selon lequel le rachat de la peine doit avoir lieu immédiatement et en un seul versement, la Cour note que le délai dont disposait le requérant a été très court car le 12 décembre 2014 la détention provisoire a déjà été interrompue.
46. À cet égard, la Cour estime que ce qui doit déterminer la volonté du détenu de s’acquitter de l’obligation de racheter sa peine d’emprisonnement doit dépendre des trois critères que les tribunaux doivent prendre en considération de manière explicite : la notification rapide du jugement prévoyant la transformation d’une peine d’emprisonnement en peine pécuniaire ; la déclaration expresse du détenu, et sur invitation expresse des autorités, qu’il compte verser le montant requis afin de ne pas interrompre l’exécution de la détention provisoire ; le versement de la somme dans un délai raisonnable et selon des modalités posées d’avance.
47. La Cour rappelle que le principe de sécurité juridique en matière de détention provisoire risque d’être compromis si les juridictions internes appliquent le droit interne de manière qu’il reporte l’élargissement de l’intéressé de manière déraisonnable (voir, mutatis mutandis, Tsitsiriggos c. Grèce, no 29747/09, § 55, 17 janvier 2012).
48. En outre, la Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle une détention subie en vertu d’un arrêt de condamnation rendu dans une procédure déterminée est déduite de la période de détention provisoire ordonnée dans une autre procédure, seulement lorsqu’il y a un lien de causalité entre la privation de liberté suite à la condamnation du requérant et celle imposée au titre de la détention provisoire (Dervishi c. Croatie, no 67341/10, § 125, 23 septembre 2012, et Selahattin Demirtaş c. Turquie (no 2) [GC], no 14305/17, § 296, 22 décembre 2020). Or, en l’espèce, un tel lien de causalité n’existe pas, la peine d’emprisonnement prononcée le 10 mars 2011 ayant été infligée au requérant pour d’autres infractions (paragraphes 6 et 40 ci-dessus) que celles pour lesquelles il a été placé en détention provisoire (paragraphe 5 ci-dessus).
49. Compte tenu des considérations susmentionnées et dans les circonstances spécifiques de l’espèce, la Cour estime qu’entre le 30 mars 2015 (date de l’expiration du délai de six mois prévu par l’article 287 du code de procédure pénale) et le 16 septembre 2015, la détention du requérant n’avait pas une base juridique claire en droit national pour qu’elle puisse être considérée comme conforme à l’article 5 § 1 c) de la Convention. Cette situation a laissé le requérant dans un état d’incertitude quant à la base légale et les motifs de sa détention. Dans ces conditions, la Cour considère que les autorités judiciaires n’ont pas offert au requérant une protection suffisante contre l’arbitraire, ce qui constitue un élément essentiel de la légalité de la détention au sens de l’article 5 § 1 c) (Tsitsiriggos, précité, § 58).
50. Il y a donc eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
2. Article 5 § 4
a) Arguments des parties
51. Le requérant souligne qu’il a formulé ses objections quant à la légalité de sa détention le 8 mai 2015 et que la chambre d’accusation n’a statué que le 16 septembre 2015. Or, ce délai de quatre mois et huit jours n’est pas compatible avec le « bref délai » prévu par l’article 5 § 4 de la Convention. Il précise aussi que si la fin de la période initiale de six mois était le 30 mars 2015, il devait attendre encore, à compter de cette date, pendant une période de trente jours avant d’être mis en liberté. Il ne pouvait donc pas formuler des objections devant la chambre d’accusation avant le 1er mai 2015.
52. Le Gouvernement soutient que le délai qu’il a fallu à la chambre d’accusation pour se prononcer sur les objections du requérant était raisonnable et justifié compte tenu de l’ensemble des actes effectués par les autorités judiciaires. En outre, le Gouvernement soutient que si le requérant avait formé des objections sur le fondement de l’article 565 du code de procédure pénale, et non sur celui de l’article 287 § 5 du même code, il n’y aurait pas eu de problème au regard de l’article 5 § 4. Le Gouvernement allègue que si le requérant croyait réellement qu’il était en détention provisoire à partir du 30 septembre 2014, il n’explique pas pour quelle raison il a choisi de former ses objections, non pas tout de suite après la fin du délai initial de six mois (le 30 mars 2015), mais après sa mise en liberté fictive à la suite de la décision de la cour d’appel.
b) Appréciation de la Cour
1. Principes généraux
53. La Cour rappelle sa jurisprudence selon laquelle l’article 5 § 4 n’astreint pas les États contractants à instaurer plus d’un degré de juridiction pour l’examen de la légalité de la détention et pour celui des demandes d’élargissement. Néanmoins, un État qui offre un second degré de juridiction doit en principe accorder aux détenus les mêmes garanties aussi bien en appel qu’en première instance, y compris en ce qui concerne la célérité du contrôle par l’organe d’appel d’une ordonnance de détention imposée par une juridiction inférieure (Ilnseher, précité, § 254).
54. Pour déterminer s’il a été satisfait à l’exigence de respect d’un « bref délai », il faut se livrer à une appréciation globale lorsque la procédure s’est déroulée devant plusieurs degrés de juridiction. Lorsque l’ordonnance initiale de placement en détention a été prise par un tribunal (c’est‑à‑dire par un organe judiciaire indépendant et impartial) dans le cadre d’une procédure offrant les garanties judiciaires appropriées, et lorsque le droit interne instaure un double degré de juridiction, la Cour est disposée à tolérer que le contrôle devant une juridiction de deuxième instance prenne plus de temps (Ilnseher, précité, § 255).
55. Dans l’affaire Ilnseher, la Cour a aussi affirmé que dans le cas où une instance supplémentaire uniquement chargée d’examiner la conformité d’une mesure de détention avec le droit à la liberté, l’exigence de célérité peut répondre à des critères moins strictes lorsque : la complexité d’une procédure spécifique (comme celle dans l’affaire Ilnseher devant une Cour constitutionnelle) le justifie ; cette instance supplémentaire ne reste pas inactive ; le requérant a la possibilité de saisir en même temps une autre juridiction d’une nouvelle demande de contrôle juridictionnel de sa détention.
2. Application des principes en l’espèce
56. En l’espèce, la Cour note que le requérant a rédigé ses objections le 8 mai 2015. La prison de Diavata a transmis ces objections au procureur près la cour d’appel de Thessalonique le 11 mai 2015. La proposition du procureur sur ces objections à l’attention de la chambre d’accusation de la cour d’appel a été envoyée à celle-ci le 4 septembre 2015. La délibération devant celle-ci a eu lieu le 16 septembre 2015 et la décision a été prise le même jour. La Cour constate donc que la procédure a duré quatre mois et huit jours.
57. Il n’apparaît pas que le requérant ait contribué à la durée de la procédure devant cette juridiction. La Cour note, en outre, que la procédure n’était pas complexe d’un point de vue juridique ou factuel : elle ne soulevait qu’une seule question, celle de savoir si la détention provisoire du requérant était ou non interrompue. La Cour estime, par conséquent, qu’il faut distinguer la présente affaire de l’affaire Ilnseher précitée.
58. La Cour conclut alors que la procédure devant la chambre d’accusation de la cour d’appel n’a pas satisfait à l’exigence de célérité dans les circonstances de l’espèce.
59. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention à cet égard.
3. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
60. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
1. Dommage
61. Le requérant demande 20 000 euros (EUR) au titre du dommage moral qu’il estime avoir subi du fait de la violation de l’article 5 § 1. Il réclame aussi 25 000 EUR pour la violation des articles 5 § 4, 6 et 13 de la Convention. Enfin, il demande que ces sommes soient versées directement sur le compte bancaire de son avocat.
62. Le Gouvernement soutient que les sommes réclamées sont excessives et que si la Cour constate une violation, ce constat constituerait une satisfaction suffisante. Il souligne aussi que seuls les griefs tirés des articles 5 § 1 et 5 § 4 ont été communiqués au Gouvernement.
63. La Cour octroie au requérant 4 500 EUR pour dommage moral, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
2. Frais et dépens
64. Le requérant réclame 3 000 EUR au titre des frais et dépens qu’il a engagés dans le cadre de la procédure menée devant la Cour. Il demande que cette somme soit versée directement sur le compte bancaire de son avocat.
65. Le Gouvernement soutient que, outre le fait que les frais réclamés ne sont ni réels, ni nécessaires, ni raisonnables, le requérant ne produit aucun justificatif de nature à prouver la manière dont ces frais ont été calculés ou leur paiement effectif. Le Gouvernement rajoute que, de toute manière, la somme demandée est excessive et que si la Cour estime devoir une somme, celle‑ci ne devrait pas dépasser 500 EUR.
66. La Cour rappelle qu’elle a conclu à une violation de l’article 5 § 1 et de l’article 5 § 4 de la Convention. Compte tenu des documents dont elle dispose et de sa jurisprudence, elle estime raisonnable d’accorder au requérant la somme de 1 000 EUR au titre des frais et dépens pour la procédure devant elle. Elle accueille aussi la demande du requérant concernant le versement direct de cette somme sur le compte bancaire de son avocat.
3. Intérêts moratoires
67. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Accueille la demande tendant à faire rayer la requête du rôle formulée par le Gouvernement sur le fondement de sa déclaration unilatérale relativement aux griefs tirés des articles 3 et 13 concernant les conditions générales dans lesquelles le requérant a été détenu à la prison de Diavata ;
2. Prend acte des modalités permettant d’assurer le respect des engagements qui s’y trouvent contenus ;
3. Déclare la requête recevable ;
4. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
5. Dit qu’il y a eu violation de l’article 5 § 4 de la Convention ;
6. Dit
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes :
1. 4 500 EUR (quatre mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
2. 1 000 EUR (mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens, à verser directement sur le compte bancaire de l’avocat de l’intéressé ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
7. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 mars 2021, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Renata DegenerKsenija Turković
GreffièrePrésidente