DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE RÜŞAN UYSAL c. TURQUIE
(Requête no 44502/14)
ARRÊT
Art 1 P1 • Respect des biens • Transfert à l’administration de la propriété d’une partie d’un terrain du requérant et absence d’indemnisation • Prélèvement du terrain par anticipation au titre de la participation aux frais de l’aménagement urbain en l’absence d’aménagement • Ingérence non prévue par la loi • Absence de proportionnalité
STRASBOURG
8 mars 2022
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention . Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Rüşan Uysal c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambre composée de :
Jon Fridrik Kjølbro, président,
Egidijus KÅ«ris,
Branko Lubarda,
Pauliine Koskelo,
Gilberto Felici,
Saadet Yüksel,
Diana Sârcu, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier adjoint de section,
Vu :
la requête (no 44502/14) dirigée contre la République de Turquie et dont un ressortissant de cet État, M. Rüşan Uysal (« le requérant ») a saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 11 juin 2014,
la décision de porter la requête à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement »),
les observations des parties,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 8 février 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne la qualification du transfert à l’administration de la propriété d’une partie d’un terrain appartenant au requérant et l’absence d’indemnisation.
EN FAIT
2. Le requérant est né en 1959 et réside à Istanbul. Il a été représenté par Me A. Yüksel, avocat exerçant dans la même ville.
3. Le Gouvernement a été représenté par M. Hacı Ali Açıkgül, chef du service des droits de l’homme du ministère de la Justice, co-agent de la Turquie devant la Cour européenne des droits de l’homme.
4. En 2004, le requérant fit l’acquisition d’un terrain de 3 540 m², immatriculé sous le numéro de parcelle cadastrale 4252 et situé à Bahçelievler, un quartier d’Istanbul. Au moment de l’acquisition, une partie du terrain était classée en zone d’habitation sur le plan d’urbanisme à l’échelle 1/1000 alors qu’une autre partie était réservée à la réalisation d’une route et d’espaces verts et à la protection d’un ruisseau (yol, yeşil alan ve dere koruma bandı).
5. Le 13 janvier 2005, l’administration prit une décision d’expropriation d’une partie de la parcelle du requérant ainsi que de nombreux autres terrains situés dans le même secteur en vue de la réalisation d’équipements publics et notamment d’une route.
6. Le 14 février 2005, le Conseil des ministres autorisa l’expropriation d’urgence des terrains.
7. Le 30 décembre 2005, conformément à l’article 8 de la loi relative à l’expropriation (« la LRE »), le service de l’expropriation de la mairie d’Istanbul invita le requérant à une entrevue dans le but de parvenir à un accord amiable sur le prix de cession du bien.
8. Il ressort des échanges écrits entre la mairie et le requérant, que ce dernier accepta de céder gracieusement les parties de son bien visées par la procédure d’expropriation.
9. Le 19 janvier 2007, la propriété de deux parties de 985.43 et 532.07 m² du bien fut vendue à la mairie par le requérant pour 10 livres turques (TRY) (soit environ 5 euros (EUR) à cette date). Elle fut transférée à la mairie sur le registre foncier alors que le reste (2022.54 m²) demeura propriété du requérant. Le registre indique comme motif de transfert la « vente du bien dans le cadre de l’expropriation » (istimlaken satış).
10. Le requérant soutient qu’il a cédé le bien pour un prix symbolique car il aurait été convenu avec la mairie qu’en contrepartie de cette cession le plan d’urbanisme serait modifié afin de classer le reste du terrain du requérant en zone « station-service ». Le Gouvernement conteste cette affirmation.
11. Le 14 mars 2007, malgré l’avis favorable de plusieurs services, la commission de l’urbanisme et de l’aménagement de la mairie d’Istanbul rejeta la demande de modification du plan d’urbanisme visant à autoriser le classement en « station-service » du reliquat du terrain.
12. Il ressort de la décision de cette commission que le service des expropriations de la mairie d’Istanbul émit un avis favorable au classement sollicité dans un document daté d’avril 2006 en indiquant qu’il y avait un intérêt public à obtenir, à la faveur du classement du reste de la parcelle en zone de station-service, la cession gracieuse des biens visés par la procédure d’expropriation. Ce service réitéra son avis dans un courrier du 26 juin suivant.
13. Le 18 décembre 2007, le requérant initia une action visant la restitution des terrains cédés à la mairie en se fondant sur les dispositions du code des obligations (« le CO ») relatives au dol et à la lésion (voir paragraphes 33 et 34 ci-dessous). Il affirma avoir été trompé par la mairie qui lui aurait affirmé que la partie restante de son terrain serait classée en zone de station-service en échange de la cession gracieuse des parties du bien visées par la procédure d’expropriation.
14. Par la suite, le requérant introduisit une demande subsidiaire tendant à l’octroi d’une indemnité d’expropriation au cas où la restitution ne serait pas possible.
15. Dans ses observations en défense, l’administration affirma que le requérant lui avait librement cédé son bien dans le cadre de la procédure d’expropriation.
16. Le 13 février 2007, le requérant informa le tribunal de grande instance de Bakırköy (« le TGI ») qu’il était disposé à retirer son action si l’administration procédait à la modification du plan d’urbanisme en échange de laquelle il soutenait avoir cédé son bien à titre gracieux.
17. Le 23 mars 2010, le TGI fit partiellement droit à l’action du requérant. Il releva que la valeur des terrains litigieux avait été estimée par expertise à 2 401 664 TRY à la date d’introduction de l’action (soit environ 1 400 000 EUR à cette date) et considéra qu’il était impensable que le requérant ait pu les céder pour la somme de 10 TRY. En conséquence, elle requalifia l’action du requérant en procédure pour expropriation de facto. Constatant qu’une route avait été construite sur les terrains, elle rejeta la demande de restitution, mais fit droit à la demande subsidiaire et alloua une indemnité de 2 401 664 TRY assortie d’intérêts moratoires à partir de la date d’introduction de l’action.
18. Le 18 octobre 2010, constatant que l’action avait été rejetée (sic), la Cour de cassation rejeta le pourvoi de l’administration et confirma le jugement en faisant référence à l’article 35 de la LRE.
19. Dans son arrêt du 31 mai 2011 rendu au sujet de la demande en rectification de l’administration, la haute juridiction releva que si elle avait dans son précédant arrêt confirmé le jugement, elle n’avait examiné que la partie de celui-ci concernant le rejet de la demande de réinscription (c’est-à -dire de restitution des biens) et ne s’était pas prononcée sur celle relative à l’octroi d’une indemnité.
20. Elle précisa qu’en vertu de l’article 35 de la LRE, « les anciens propriétaires des terrains qui ont fait l’objet d’un prélèvement - qui ne peut intervenir qu’une seule fois - au titre de la participation au coût d’aménagement dans le cadre d’un aménagement réalisé sur le fondement de la loi relative à l’urbanisme et affectés à la voirie, aux espaces verts et aux équipements et services publics similaires ainsi que les terrains cédés volontairement et affectés aux services et équipements publics ne peuvent prétendre à aucun droit sur ces biens ni en demander la contrepartie » (pour la citation complète de cette disposition voir paragraphe 42 ci-dessous).
21. Dès lors, en faisant droit à la demande d’indemnisation alors qu’il convenait de la rejeter, le tribunal avait fait une application erronée du droit.
22. Par un jugement du 20 décembre 2011, le TGI rejeta l’action sur le fondement de l’article 35 susmentionné, précisant que la superficie du terrain pour lequel l’indemnité était demandée correspondait à peu de chose de près à celle qui aurait dû être prélevée par la mairie au titre de la participation au coût d’aménagement.
Par ailleurs, le TGI condamna le requérant au paiement à l’administration de la somme de 73 369 TRY (soit plus de 20 000 EUR à cette date) au titre des frais de représentation par avocat de cette dernière.
23. Le requérant forma un pourvoi contre ce jugement.
24. Il fit valoir que l’article 35 de la LRE ne trouvait à s’appliquer aux transferts de propriété que dans deux cas : lorsque celui-ci constituait un prélèvement au titre de la participation au coût d’aménagement dans le cadre d’un aménagement parcellaire réalisé sur le fondement de l’article 18 de la loi relative à l’urbanisme (« la LRU ») et lorsqu’était en cause une cession gracieuse effectuée pour les besoins d’un aménagement privé. Or, le cas d’espèce n’entrait dans aucun de ces deux cas puisque son terrain - tout comme la zone où il se trouvait - n’avaient pas fait l’objet d’aménagement parcellaire, ni privé ni sur le fondement de la LRU. Il précisa à cet égard que son terrain était toujours une parcelle cadastrale et non une « parcelle urbaine », c’est-à -dire une parcelle issue d’un aménagement et pouvant être bâtie.
25. Il rappela en outre un arrêt de la Cour de cassation (5e Chambre civile, E. 1992/6540 K. 1992/15154 15 juin 1992) en vertu duquel l’administration ne pouvait acquérir un bien au titre de la participation au coût d’aménagement sans procéder à un aménagement parcellaire sur le fondement de la LRU. La haute juridiction avait estimé qu’à défaut d’un tel aménagement, la prise de possession devait être considérée comme une expropriation de facto ouvrant droit à une indemnité correspondant à la valeur marchande du bien.
26. Le requérant rappela en outre qu’en vertu de la LRU, la participation au coût d’aménagement ne pouvait excéder 40 % de la superficie du bien. Or, les parties du bien qui faisaient l’objet de l’affaire excédaient ce pourcentage.
27. Il indiqua en outre que tous les autres propriétaires des parcelles utilisées pour la réalisation de la route avaient été indemnisés, soit dans le cadre d’une procédure d’expropriation en bonne et due forme, soit dans le cadre de procédures judiciaires pour expropriation de facto, et qu’il était le seul à avoir été privé d’une partie de son bien sans percevoir d’indemnité.
28. Il réitéra qu’il n’avait pas cédé la parcelle sans contrepartie et affirma que les autorités lui avaient promis la délivrance d’une autorisation pour une station-service mais qu’elles n’avaient pas respecté leurs engagements. Son consentement avait ainsi été vicié par les agissements dolosifs de la municipalité.
29. À cet égard, il fit référence à un arrêt de l’Assemblée générale civile de la Cour de cassation (YHGK, E. 2002/5-338 K. 2002/386, 8 mais 2002) concernant une affaire où un individu avait cédé une partie de son terrain à l’administration dans le but d’obtenir un permis de construire et où la haute juridiction avait considéré que celle-ci n’avait pas agi de bonne foi dans la mesure où elle savait par avance que le permis en question ne pouvait être délivré.
30. Le 26 juin 2012, la Cour de cassation rejeta le pourvoi et confirma le jugement qu’elle considérait conforme au droit, précisant que les motifs avancés par le requérant « concern[aient] des points devenus définitifs en vertu de l’arrêt de cassation » (« bozma ile kesinleşen yönlere ilişkin olduğundan »).
31. Le 24 décembre 2012, la haute juridiction rejeta également le recours en rectification d’arrêt.
32. Le 28 juin 2013, la Cour constitutionnelle rejeta le recours individuel par lequel le requérant se plaignait notamment d’une atteinte à son droit de propriété. Elle estima que les griefs concernaient l’interprétation du droit et l’appréciation des éléments de preuves par les tribunaux ordinaires, qu’ils visaient l’issue de la procédure et qu’ils relevaient d’un examen de quatrième instance (kanun yolu şikâyeti). Considérant que le requérant avait disposé de l’opportunité de présenter ses arguments et que les tribunaux avaient motivé leurs décisions et qu’ils ne s’étaient pas livrés à une appréciation arbitraire ni n’avaient commis d’erreur manifeste d’appréciation, la Cour constitutionnelle déclara la requête manifestement mal fondée.
LE CADRE JURIDIQUE ET LA PRATIQUE INTERNES PERTINENTS
1. Le dol et la lésion
33. Jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau code des obligations le 1er juillet 2012, l’article 21 du CO intitulé « la lésion » disposait :
« En cas de disproportion évidente entre la prestation promise par l’une des parties et la contre-prestation de l’autre, la partie lésée peut, dans le délai d’un an, déclarer qu’elle résilie le contrat et obtenir la répétition de ce qu’elle a payé, si la lésion a été déterminée par l’exploitation de sa gêne, de sa légèreté ou de son inexpérience. »
34. L’article 28 du CO intitulé « le dol » prévoyait quant à lui :
« La partie induite à contracter par le dol de l’autre n’est pas obligée, même si son erreur n’est pas essentielle. »
2. L’expropriation
35. La procédure d’expropriation est exposée notamment dans l’arrêt Musa Tarhan c. Turquie (no 12055/17, §§ 31 à 36, 23 octobre 2018).
3. L’aménagement d’urbanisme (imar uygulaması)
36. L’article 18 de la LRU permet aux autorités (mairie ou préfecture, selon le cas) de mener des opérations d’aménagement urbain dans un périmètre précis en vue d’y mettre en œuvre le plan d’urbanisme.
37. L’opération consiste à mettre en commun l’ensemble des terrains d’un périmètre et de remodeler le parcellaire afin de créer des parcelles plus à même d’être urbanisées et de créer des infrastructures et des équipements publics (voieries, espaces verts, parkings, places, écoles, commissariats, établissements de santé, etc.) avant de redistribuer les nouvelles parcelles aux propriétaires fonciers.
38. Elle permet de remédier notamment aux problèmes de défectuosité des voies d’accès et des formes défavorables des terrains et, en mettant en place une parcellisation conforme au plan d’urbanisme, elle facilite un développement urbain sain, raisonné et ordonné.
39. Les parcelles issues de l’opération et distribuées aux propriétaires acquiert le statut de « parcelle d’urbanisme », c’est-à -dire de terrain à bâtir. Les propriétaires contribuent au coût de l’aménagement en abandonnant une partie de leur parcelle. Cette participation au coût d’aménagement (düzenleme ortaklık payı) (« la PCA ») ne peut excéder une certaine limite. À l’époque des faits, elle était de 40 % de la superficie de la parcelle initiale. Le taux de la PCA est unique pour l’ensemble du périmètre concerné par l’opération d’aménagement.
40. L’article 18 § 6 précise en outre que lorsqu’une expropriation est nécessaire, la PCA est calculée sur le restant de la parcelle.
41. Des cessions gratuites de terrains pour la réalisation d’infrastructures ou d’équipements publics peuvent également intervenir dans le cadre d’opérations privées d’aménagement parcellaire (özel parselasyon).
42. L’article 35 de la LRE dispose :
« Les anciens propriétaires des terrains qui ont fait l’objet d’un prélèvement, qui ne peut intervenir qu’une seule fois, au titre de la participation au coût d’aménagement dans le cadre d’un aménagement réalisé sur le fondement de la loi relative à l’urbanisme et affectés à la voirie, aux espaces verts et aux équipements et services publics similaires ainsi que les terrains cédés volontairement à l’issue d’un aménagement privé et affectés aux services et équipements public ne peuvent prétendre à aucun droit sur ces biens ni en demander la contrepartie ».
4. Le pourvoi
1. La cassation du jugement
43. En vertu du code de procédure civile, la Cour de cassation peut casser un jugement (bozma kararı) notamment lorsque les juges du fond ont fait une application erronée de la loi. Dans ce cas, elle renvoie l’affaire devant la juridiction concernée.
44. Lorsque la juridiction statue à nouveau sur l’affaire après un renvoi, elle peut soit se conformer à l’arrêt de cassation (uyma kararı) soit y opposer une résistance en adoptant une décision de maintien de son jugement antérieur (ısrar kararı).
45. Le pourvoi formé contre une décision de maintien est examiné par l’Assemblée générale civile de la Cour de cassation. L’arrêt rendu par cette formation lie le juge de première instance ainsi que la chambre ayant eu à connaître de l’affaire.
2. La confirmation du jugement
46. Lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour de cassation rend un arrêt de confirmation du jugement déféré (onama kararı).
47. Elle peut également rectifier une erreur d’application ou d’interprétation de la loi en confirmant un jugement après l’avoir corrigé (düzelterek onama kararı) plutôt que de le casser et de renvoyer l’affaire devant les juges du fond. Elle procède ainsi lorsque l’erreur constatée n’implique pas qu’il soit à nouveau statué sur le fond ou lorsque les faits lui permettent d’appliquer la règle de droit appropriée ou de corriger une interprétation erronée de la loi.
EN DROIT
1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 1 du protocole no 1 a LA CONVENTION
48. Le requérant se plaint d’une atteinte à son droit au respect de ses biens. Il invoque l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention, qui est ainsi libellé :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. »
1. Sur la recevabilité
1. Sur les arguments des parties
49. Le Gouvernement soulève plusieurs exceptions d’irrecevabilité.
50. Il reproche au requérant de ne pas avoir formé un pourvoi contre le jugement du TGI du 23 mars 2010 rejetant sa demande de réinscription du bien en son nom au registre foncier et invite la Cour à rejeter la requête pour non-épuisement des voies de recours.
51. Le requérant rétorque qu’il n’avait pas à contester ledit jugement dans la mesure où celui-ci avait fait droit à ses prétentions en lui octroyant une indemnité d’expropriation.
52. Le Gouvernement soutient en outre que la requête serait incompatible ratione materiae dans la mesure où l’intéressé aurait volontairement vendu les terrains concernés et qu’après cette vente lesdits terrains ne constituaient plus son bien au sens de la Convention. Il allègue en outre que le requérant ne pourrait, de ce fait, se prétendre victime.
53. Le requérant conteste cette affirmation et indique que sa requête porte précisément sur la privation de bien sans contrepartie qu’il considère avoir subie.
54. Enfin le Gouvernement estime que la requête est manifestement mal fondée.
2. Appréciation de la Cour
55. La Cour observe que le requérant disposait de terrains dont la propriété appartient désormais aux autorités. Il ne fait dès lors aucun doute que le requérant avait un bien au sens de la Convention. La question de savoir si les conditions de ce transfert de propriété ont été conformes ou non aux exigences de l’article 1 du Protocole no 1 relève du fond et ne saurait, en l’espèce, avoir d’incidence sur la question de l’existence d’un bien. Il y a donc lieu de rejeter les exceptions tirées de la prétendue incompatibilité ratione materiae de la requête avec les dispositions de la Convention et de l’absence de qualité de victime.
56. S’agissant de l’exception tirée de la règle de l’épuisement des voies de recours internes, la Cour souscrit à l’argument du requérant. En effet, celui-ci avait présenté une demande principale (la restitution des terrains) qui visait à obtenir la restitution et une demande subsidiaire qui consistait à réclamer une indemnité au cas où sa demande principale serait rejetée. Sa demande d’indemnité ayant été accueillie par le TGI, la Cour ne voit pas pour quels motifs l’intéressé aurait dû former un pourvoi contre ce jugement qui lui était favorable, d’autant plus que son grief ne consiste pas à se plaindre du refus de restitution mais de la privation sans indemnité.
57. Il convient dès lors de rejeter également cette exception.
58. Quant aux arguments relatifs au défaut manifeste de fondement et l’absence de qualité de victime, la Cour estime qu’ils portent sur des questions de droit et de faits complexes qui ne peuvent être tranchées qu’après un examen au fond de la requête.
59. Il s’ensuit que cette dernière n’est pas manifestement mal fondée.
60. Aucun autre motif d’irrecevabilité n’ayant été relevé, elle doit être déclarée recevable.
2. Sur le fond
1. Sur les thèses des parties
61. Le requérant se plaint d’avoir été privé de son bien sans indemnité et réitère les arguments qu’il a soumis aux juridictions internes (voir paragraphes 24 à 28 ci-dessus).
62. Le Gouvernement conteste les allégations du requérant et considère que l’ingérence dont se plaint le requérant est une expropriation conforme aux exigences de la Convention.
63. Il précise que celle-ci dispose d’une base légale, en l’occurrence la LRE, que la procédure a été menée en conformité avec cette loi et que l’expropriation poursuit un but légitime : la réalisation d’équipements publics.
64. Il ajoute que celle-ci a respecté le juste équilibre.
65. Il fait valoir que, dans le cadre de la procédure d’expropriation, le requérant a été invité à une négociation avec la mairie et qu’à l’issue de celle-ci il a librement décidé de céder son bien pour un prix symbolique alors que rien ne l’y obligeait. Il insiste sur le fait que cette décision relève de la liberté contractuelle du requérant et que l’intéressé n’a subi aucune pression. Il affirme que l’allégation selon laquelle la mairie aurait pris l’engagement de classer la partie restante du bien en zone « station-service » est fausse. Le requérant aurait lui-même décidé d’entreprendre des démarches pour obtenir ce classement et les documents internes à l’administration municipale présentés par l’intéressé ne seraient que des avis émis par les services consultés.
66. Dès lors, l’absence de versement d’une indemnité en rapport avec la valeur du bien ne compromettrait pas le juste équilibre.
67. Pour le Gouvernement, ce serait d’ailleurs en raison de cette cession volontairement consentie par le requérant à un prix symbolique que la Cour de cassation aurait rejeté l’action sur le fondement de l’article 35 de la LRE qui viserait, selon lui, d’une part les transferts de propriété au titre de la participation au coût d’aménagement et d’autre part les cessions gratuites volontaires.
68. C’est à tort que le TGI aurait estimé que le transfert de propriété relevait de la PCA alors qu’il aurait dû considérer qu’il constituait une cession gratuite visée par l’article 35 susmentionné. Le Gouvernement précise que la Cour de cassation n’aurait pas censuré la motivation du jugement dont la conclusion aurait été conforme au droit, pour des raisons procédurales tenant aux caractéristiques des arrêts de cassation.
69. En ce qui concerne la PCA, le Gouvernement confirme qu’aucune opération d’aménagement dans le cadre de la LRU n’a été menée dans la zone concernée et que par conséquent une quelconque participation au coût d’aménagement n’a pas été appliquée.
70. Dans l’éventualité où la Cour considèrerait que le transfert de propriété entrait dans le cadre de la PCA, le Gouvernement précise qu’une telle situation ne serait de nature à rompre le juste équilibre dans la mesure où aucun prélèvement ne serait plus exigé du requérant au titre de la PCA lorsqu’un aménagement urbain aurait lieu dans l’avenir.
2. Appréciation de la Cour
a) Rappel des principes
71. L’article 1 du Protocole no 1 contient trois normes distinctes : la première, qui s’exprime dans la première phrase du premier alinéa et revêt un caractère général, énonce le principe du respect de la propriété ; la deuxième, qui figure dans la seconde phrase du même alinéa, vise la privation de propriété et la soumet à certaines conditions ; quant à la troisième, consignée dans le second alinéa, elle reconnaît aux États le pouvoir, entre autres, de réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général. La deuxième et la troisième, qui ont trait à des exemples particuliers d’atteintes au respect des biens, doivent s’interpréter à la lumière du principe consacré par la première (voir, entre autres, Ališić et autres c. Bosnie-Herzégovine, Croatie, Serbie, Slovénie et l’ex-République yougoslave de Macédoine [GC], no 60642/08, § 98, CEDH 2014).
72. Toute atteinte aux droits protégés par l’article 1 du Protocole no 1 doit satisfaire l’exigence de légalité (Béláné Nagy c. Hongrie [GC], no 53080/13, § 112, 13 décembre 2016).
73. L’existence d’une base légale en droit interne ne suffit pas, en tant que telle, à satisfaire au principe de légalité. Il faut, en plus, que cette base légale présente une certaine qualité, celle d’être compatible avec la prééminence du droit et d’offrir des garanties contre l’arbitraire (Vistiņš et Perepjolkins c. Lettonie [GC], no 71243/01, § 96, 25 octobre 2012).
74. Pour être conforme à l’article 1 du Protocole no 1, l’ingérence doit respecter un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux des individus. Cet équilibre est rompu si la personne concernée a eu à subir « une charge spéciale et exorbitante ». Par ailleurs, sans le versement d’une somme raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, une privation de propriété constitue normalement une atteinte excessive, et une absence totale d’indemnisation ne saurait se justifier que dans des circonstances exceptionnelles (Vistiņš et Perepjolkins, précité).
b) Application au cas d’espèce
75. La Cour observe que le requérant a été privé de deux parties de son terrain et qu’il n’a perçu aucune indemnisation pour cette privation.
76. Elle considère que l’ingérence en cause relève de la seconde norme.
77. Pour pouvoir vérifier la conformité de cette ingérence à l’article 1 du Protocole no 1, elle estime devoir, en premier lieu, déterminer le motif du transfert de propriété et de l’absence d’indemnisation.
78. La Cour note que le requérant et le Gouvernement ne s’accordent pas sur cette question et estime, sur ce point, devoir prendre en compte les motifs avancés par les juridictions nationales.
79. Elle relève que le requérant n’apporte pas la preuve de son affirmation selon laquelle il aurait cédé les terrains en cause contre l’engagement que la partie restante du bien serait classée en zone de station-service et qu’il ne fournit pas d’explications raisonnables à l’absence de formalisation écrite d’une telle entente.
80. Elle observe toutefois que si les juridictions nationales ne se sont pas prononcées sur cette affirmation, elles n’ont pas considéré que la cession du bien constituait une donation sans contrepartie, inspirée par un sentiment de générosité ou de bienfaisance. Elles n’ont pas plus estimé que le bien aurait fait l’objet d’une expropriation en bonne et due forme et que le requérant l’aurait cédé sans contrepartie au moment de la négociation.
81. Les affirmations du Gouvernement quant à ces deux derniers points doivent dès lors être écartées tout comme l’allégation du requérant relative à l’existence d’un accord avec les autorités municipales.
82. Le motif avancé par les juridictions nationales pour justifier le refus de restituer le bien ou d’indemniser le requérant est que le transfert de propriété constituerait un prélèvement au titre de la PCA et qu’en vertu de l’article 35 de la LRE, ce type de transfert ne permet pas à l’ancien propriétaire de réclamer une indemnité ou un quelconque droit sur son ancien bien (voir paragraphe 42 ci-dessus).
83. La Cour observe qu’en vertu de l’article susmentionné un prélèvement ne peut intervenir que dans le cadre de la mise en œuvre d’un aménagement parcellaire sur la base de l’article 18 de la LRU.
84. Or, en l’espèce les parties confirment qu’il n’y pas eu d’aménagement parcellaire et qu’aucune décision de prélèvement au titre de la PCA n’a été prise par les autorités.
85. S’il est vrai que les tribunaux ont précisé que les autorités municipales auraient dû prélever une PCA, il n’en demeure pas moins qu’elles ne l’ont pas fait. À cet égard, la Cour observe que le seul fait que les autorités aient besoin d’un terrain pour y construire une route ou tout autre équipement public ne suffit pas pour obtenir le transfert de propriété au titre de la PCA, laquelle, la Cour le réitère, ne peut intervenir que dans le cadre d’un aménagement réalisé sur le fondement de l’article 18 de la LRU et décidé par les autorités compétentes. Par ailleurs, elle note que la PCA obéit à des règles strictes et est entourée de certaines garanties, notamment quant au taux, lequel doit être le même sur tout le périmètre de l’aménagement et qui ne peut en aucun cas excéder un certain pourcentage (qui était de 40 % à l’époque des faits et qui a été dépassé en l’espèce). En outre, les décisions administratives prises dans le cadre de l’aménagement, y compris celle relative au taux, peuvent faire l’objet d’un recours devant le juge administratif qui a compétence pour en vérifier la conformité au droit et aux principes de l’urbanisme.
86. La Cour constate donc que le transfert de propriété a été qualifié de PCA et que la demande d’indemnisation du requérant rejeté pour ce motif alors même que l’aménagement parcellaire exigé par la loi pour le prélèvement d’une PCA n’a pas eu lieu. Elle relève que rien dans le droit interne ne semble autoriser un tel prélèvement par anticipation d’un éventuel futur aménagement de surcroît sans respecter les conditions de la LRU. Elle considère par conséquent que cette approche des tribunaux procède d’une application manifestement déraisonnable du droit et qu’elle n’était donc pas prévisible. Le requérant a d’ailleurs soulevé ces éléments (voir paragraphes 24 à 28 ci-dessus) notamment en citant une jurisprudence de la Cour de cassation (voir paragraphe 25 ci-dessus), sans que cette dernière n’estime utile d’y répondre.
87. Il découle de ce qui précède que l’atteinte au droit de propriété du requérant n’a pas eu lieu « dans les conditions prévues par la loi » au sens de la Convention.
88. Cette conclusion suffirait à la Cour pour constater une violation de l’article 1 du Protocole no 1. Néanmoins, elle estime pertinent en l’espèce d’examiner également la question de la proportionnalité de l’ingérence.
89. Si une privation de propriété ne saurait en principe satisfaire à cette exigence en l’absence du versement d’une indemnité raisonnablement en rapport avec la valeur du bien, il est vrai que la Cour a déjà été amenée à considérer dans une autre affaire (Göksel Tütün Ticaret ve Sanayi A.Ş. c. Turquie, no 32600/03, § 32, 22 septembre 2009) que la privation de propriété que constitue la PCA était conforme à la Convention, dans la mesure où elle était la contrepartie de l’augmentation survenant dans la valeur du bien concerné en raison de l’aménagement parcellaire dont le périmètre où il se trouve a fait l’objet ; le terrain devenant une « parcelle urbaine » et pouvant être bâti.
90. Or, ainsi que le souligne le requérant devant la Cour, comme il l’avait d’ailleurs fait devant les juridictions internes, le terrain de l’intéressé (ni d’ailleurs le secteur où il se trouve) n’a fait l’objet d’un aménagement parcellaire. Le bien n’étant pas devenue une « parcelle urbaine », rien ne laisse supposer, que, comme dans l’affaire Göksel Tütün Ticaret ve Sanayi A.Ş., la partie restante du terrain ait bénéficié d’une augmentation de valeur venant compenser l’absence d’indemnisation pour la perte subie (voir, mutatis mutandis, Tsomtsos et autres c. Grèce, 15 novembre 1996, §§ 40 à 42, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V, et Katikaridis et autres c. Grèce, 15 novembre 1996, §§ 49 à 51, Recueil des arrêts et décisions 1996‑V).
91. Certes, la réalisation d’une route a pu bénéficier au requérant, mais comme elle a pu bénéficier à l’ensemble des propriétaires des terrains avoisinants, lesquels semblent tous avoir perçu des indemnités d’expropriation ; ce qui n’est pas le cas du requérant.
92. En ce qui concerne l’argument du Gouvernement selon lequel le prélèvement au titre la PCA serait proportionné dans la mesure où le requérant ne subira aucun autre prélèvement dans le cadre d’un futur plan d’aménagement, la Cour estime que celui-ci repose sur une hypothèse spéculative. Rien n’indique qu’un tel aménagement soit nécessaire et que les autorités y procèderont dans le futur. Rien n’indique non plus qu’ils recourront dans ce cas à une PCA au taux maximum dans le périmètre concerné. Au demeurant, non seulement le taux subi par le requérant est supérieur au plafond autorisé par la loi, mais en plus l’assiette de la PCA que le requérant a subie est supérieure à celle qu’il aurait à subir dans le cas d’un éventuel aménagement dans le futur, ce qui d’ailleurs semble également contraire au droit interne (voir paragraphe 40 ci-dessus).
93. En définitive, l’ingérence dans le droit du requérant au respect de ses biens, qui n’a pas respecté l’exigence de légalité, n’a pas plus respecté l’exigence de proportionnalité.
94. La Cour n’ignore pas l’affirmation du Gouvernement selon laquelle le TGI aurait commis une erreur dans l’interprétation de l’arrêt de cassation en prenant en compte le premier cas visé par l’article 35 de la LRE (c’est-à -dire la PCA) alors qu’il aurait dû se fonder sur le second cas et que cette erreur n’aurait pu être corrigé par la Cour de cassation pour des raisons procédurales.
95. Elle constate toutefois que même si elle devait suivre le raisonnement du Gouvernement, cela ne changerait rien à ses conclusions.
96. En effet, contrairement à ce que semble suggérer le Gouvernement, le second cas visé par l’article 35 de la LRE ne concerne pas les cessions gratuites en générale mais uniquement celles qui ont été consenties dans le cadre d’un aménagement parcellaire privé (voir paragraphe 42 ci-dessus). Or, un aménagement de ce type n’a pas eu lieu ni même été entrepris en l’espèce.
97. Partant, il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 de la Convention.
2. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
98. Aux termes de l’article 41 de la Convention :
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
1. Dommage
99. Le requérant demande 1 313 234 euros (EUR) au titre du dommage matériel. Cette somme correspondrait au montant de 2 401 644 livres turques qui lui avait été initialement octroyé par le TGI, augmenté des intérêts y afférents. Il réclame en outre 150 000 EUR pour le préjudice moral.
100. Le Gouvernement estime cette demande infondée et excessive. Par ailleurs, il invite la Cour à renvoyer la question de la satisfaction équitable vers la Commission d’indemnisation en faisant référence à l’affaire Kaynar et autres c. Turquie (nos 21104/06 et 2 autres, §§ 60 à 82, 7 mai 2019).
101. Eu égard aux particularités de l’espèce, la Cour estime que le moyen le plus approprié pour redresser la violation constatée serait une réouverture de la procédure. À cet égard, elle relève que l’article 375 § 1 du code de procédure civile prévoit de manière explicite qu’un arrêt de la Cour concluant à une violation de la Convention ou de ses Protocoles constitue une cause spécifique de réouverture d’une procédure.
102. En ce qui concerne le préjudice moral, la Cour estime raisonnable la somme de 5 000 EUR, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, et l’alloue au requérant.
2. Frais et dépens
103. Le requérant réclame 1 352 EUR pour les frais divers (notamment, expertise et droit de timbre) qu’il a exposé devant les tribunaux internes, 6 051 EUR pour ses frais d’avocat et 30 451 EUR qui correspondraient à la somme, convertie en euros à la date du prononcé, qu’il a été condamné à verser à la partie adverse au titre du remboursement des frais de représentation par avocat de cette dernière.
104. Le Gouvernement invite la Cour à rejeter ces demandes au motif que le requérant n’aurait pas soumis suffisamment de justificatifs.
105. Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux.
106. En l’espèce, compte tenu des documents en sa possession et des critères susmentionnés, la Cour juge raisonnable d’allouer au requérant la somme de 18 500 EUR tous frais confondus, plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt.
3. Intérêts moratoires
107. La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare la requête recevable ;
2. Dit qu’il y a eu violation de l’article 1 du Protocole no 1 à la Convention ;
3. Dit,
a) que l’État défendeur doit verser au requérant, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, les sommes suivantes, à convertir dans la monnaie de l’État défendeur au taux applicable à la date du règlement :
1. 5 000 EUR (cinq mille euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme à titre d’impôt, pour dommage moral ;
2. 18 500 EUR (dix-huit mille cinq cents euros), plus tout montant pouvant être dû sur cette somme par le requérant à titre d’impôt, pour frais et dépens ;
b) qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;
4. Rejette le surplus de la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 8 mars 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Hasan Bakırcı Jon Fridrik Kjølbro
Greffier adjoint Président