DEUXIÈME SECTION
AFFAIRE ALICI ET AUTRES c. TURQUIE
(Requête no 70098/12)
ARRÊT
Art 5 § 1 • Arrestation et détention irrégulières des requérants pour les empêcher de se rendre à Ankara et de participer aux manifestations organisées par leur syndicat qualifiées d’illégales
Art 11 • Liberté de réunion pacifique • Empêchement disproportionné des requérants de se rendre aux manifestations
STRASBOURG
24 mai 2022
Cet arrêt deviendra définitif dans les conditions définies à l’article 44 § 2 de la Convention. Il peut subir des retouches de forme.
En l’affaire Alıcı et autres c. Turquie,
La Cour européenne des droits de l’homme (deuxième section), siégeant en une Chambrecomposée de :
Jon Fridrik Kjølbro, président,
Egidijus Kūris,
Branko Lubarda,
Pauliine Koskelo,
Jovan Ilievski,
Gilberto Felici,
Saadet Yüksel, juges,
et de Hasan Bakırcı, greffier de section,
Vu :
la requête (no 70098/12) dirigée contre la République de Turquie et dont vingt-deux ressortissants de cet État (« les requérants », », dont les noms figurent en annexe) ont saisi la Cour en vertu de l’article 34 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») le 12 octobre 2012,
la décision de porter à la connaissance du gouvernement turc (« le Gouvernement ») les griefs concernant les articles 5, 6 et 11 de la Convention,
les observations du Gouvernement,
les observations tardives des requérants, et la décision du président de la chambre du 21 août 2015 de ne pas verser ces éléments au dossier en raison de l’absence de justification de la part du conseil des requérants sur l’inobservation du délai imparti, en application des articles 38 § 1 et 60 du règlement de la Cour,
Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 3 mai 2022,
Rend l’arrêt que voici, adopté à cette date :
INTRODUCTION
1. La requête concerne l’arrestation des requérants alors qu’ils se trouvaient dans un bus pour se rendre à Ankara afin de participer à une manifestation et leur condamnation à une amende administrative pour avoir refusé de divulguer leur identité à la police qui arrêta leur bus.
EN FAIT
2. Les requérants sont membres de Eğitim-Sen (Eğitim ve Bilim Emekçiler Sendikası – le Syndicat des agents de l’éducation, de la science et de la culture) (voir la liste), résident à Adana et sont représentés par Me S. Aracı Bek, avocate à Adana.
3. Le Gouvernement a été représenté par M. Hacı Ali Açıkgül, directeur du service des droits de l’homme auprès du ministère de la Justice de Turquie, co-agent de la Turquie auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
4. Le 27 mars 2012, un projet de loi visant à modifier la loi sur les syndicats de travailleurs publics, ainsi que le système général de l’enseignement scolaire, a été déposé. Alors que ce projet était en cours de discussion devant le parlement, les syndicats organisèrent une manifestation à Ankara.
5. Le 27 mars 2012, les requérants partirent d’Adana dans la nuit pour se rendre à Ankara afin de participer à la manifestation. Vers 23 h 40, les deux bus transportant 74 personnes, dont les requérants, furent arrêtés par des policiers sur l’autoroute à la sortie d’Adana. Selon le procès-verbal établi le 28 mars 2012 à 03 h 30 par le commissaire M.K. et l’agent de police M.A., les deux bus transportant les requérants ont été arrêtés afin de contrôler les manifestants et vérifier l’identité des personnes qui pourraient participer aux actions qui risquaient de créer un conflit avec les forces de sécurité et perturber l’ordre public, en raison de l’interdiction des actions illégales à Ankara, où des réunions et des manifestations et des actions similaires auraient lieu sous couvert de communiqué de presse et de grève pendant deux jours et nuits.
Il ressort du second procès-verbal (signé par 55 agents de sécurité et 74 personnes, dont les requérants) du 28 mars 2012 établi à 4 h 50, que la police informa les requérants que, par un arrêté préfectoral no 6136 daté du 26 mars 2012, établi par la préfecture d’Ankara, toutes les manifestations prévues les 28 et 29 mars 2012 dans la capitale avaient été interdites pour des raisons de sécurité et d’ordre public. Les policiers leur demandèrent de retourner chez eux. Concernant le refus, par les passagers du bus, d’obtempérer et de déclarer leur identité, la police demanda des instructions au procureur de la République d’Adana. Celui-ci ordonna de conduire les manifestants au commissariat pour obtenir leur déclaration, pour vérifier leur identité et de les relâcher par la suite. La police conduisit 74 personnes, parmi lesquelles figuraient les requérants, au commissariat.
6. Toujours le 28 mars 2012, à 10 h 45, les avocats des requérants arrivèrent au commissariat. Aux alentours de 14 h 50, les requérants furent relaxés après avoir effectué leur déposition et subi un examen médical.
7. À des dates différentes, les requérants se virent infligés, par la préfecture d’Adana, des amendes administratives d’un montant de 82 livres turques (environ 28 euros à l’époque des faits) en vertu de l’article 40 de la loi sur les délits (loi no 5326) pour avoir refusé de divulguer leur identité à la police qui arrêta leur bus dans la nuit du 27 mars 2012.
8. À des dates différentes, les requérants contestèrent ces décisions devant le tribunal d’instance pénal d’Adana (« tribunal). Le requérant M. Alıcı, dans sa requête datée du 9 avril 2012, adressée au tribunal, soutint que les forces de sécurité n’avaient pas contrôlé son identité, que la véritable intention des forces de sécurité était de les empêcher de participer à la manifestation sur les ordres du gouvernement et du ministère de l’intérieur. Il demanda au tribunal d’examiner l’affaire à la lumière de l’article 10 de la Convention et annuler l’amende administrative.
9. Le 9 mai 2012, le 25 mai 2012, le 12 juillet 2012, le 31 août 2012, le 3 septembre 2012, le 4 septembre 2012, les différentes chambres du tribunal, sans tenir d’audience, rejetèrent les objections des requérants par des décisions contre lesquelles aucun appel n’était possible.
La 2e chambre du tribunal nota dans son arrêt que les requérants avaient admis que la police leur avait demandé de justifier de leur identité, mais qu’ils avaient déclaré qu’ils n’étaient pas obligés de la leur décliner, tandis que la 3e chambre nota dans certains de ses arrêts que certains requérants avaient déclaré que la police n’avait pas demandé à effectuer un tel contrôle.
Dans son arrêt concernant le requérant Murat Ilgaz, la 3e chambre du tribunal constata que les deux bus transportant les 74 personnes, dont les requérants, avaient été arrêtés sur l’ordre no 2012/782 85 3876.2591/69648 du 27 mars 2012 du ministère de l’Intérieur, conformément à la mission de la Direction de sûreté d’Adana et sur la base des dispositions des lois nos 2559 (du 14 juillet 1934 sur les attributions et obligations de la police), 5442 (relative à l’administration des départements) et 5326 afin d’effectuer un contrôle d’identité conformément aux dispositions de la loi no 1774.
10. Selon les arrêts versés au dossier par les requérants, les 6, 19 et 20 juin 2012, les 6e, 1ère et 5e chambres du même tribunal annulèrent l’amende administrative infligée aux personnes qui étaient dans le même groupe que les requérants, en observant notamment qu’elle était illégale, qu’il n’y avait pas de flagrant délit, que l’arrêt des bus et l’évacuation des personnes n’étaient pas conformes aux dispositions législatives en la matière, que, selon le procès-verbal, les identités des personnes avaient été établies ; que le but était d’empêcher les intéressés d’aller participer à la manifestation à Ankara, que les droits et libertés garantis par la Convention ne pouvaient pas être limitées par des moyens détournés.
LE CADRE JURIDIQUE INTERNE PERTINENT
11. L’article 4 de la loi no 5442 relative à l’administration des départements (İller İdaresi Kanunu) dispose notamment :
« Le préfet est le chef hiérarchique de tout le corps administratif de la ville. Chaque ministère, conformément à son règlement interne, dispose de structures suffisantes dans les villes (...) Toutes ces structures sont placées sous les ordres du préfet. »
12. L’article 11/A de la même loi énonce :
« Le préfet est le chef de toutes les forces de l’ordre, qu’elles soient générales (par exemple les gendarmes et la police) ou spéciales (par exemple les gardes forestiers), et le chef de leur structure administrative. Il prend les mesures qu’il estime nécessaires pour empêcher les actes criminels et assurer le maintien de la paix, de la sûreté et de l’ordre publics. Dans ce but, il emploie les forces de l’ordre générales et spéciales de l’État. Les fonctionnaires et les supérieurs hiérarchiques de ces entités doivent exécuter les ordres donnés par le préfet. »
13. L’article 4/A de la loi no 2559 relative aux fonctions et compétences de la police du 4 juillet 1934, tel qu’il a été modifié le 2 juin 2007 par l’article premier de la loi no 5681, intitulé « l’arrêt et le contrôle d’identité » (« Durdurma ve kimlik sorma ») énonce, dans ses parties pertinentes, ce qui suit :
« La police peut arrêter les particuliers et les véhicules dans le but de
a) prévenir la perpétration d’un crime ou d’un délit,
b) assurer l’arrestation des auteurs qui ont fui après la commission du crime, identifier les auteurs des crimes ou délits commis,
c) identifier les personnes qui ont fait l’objet d’un mandat d’arrêt ou d’un mandat d’aller chercher de force,
ç) prévenir un danger existant ou potentiel pour la vie, l’intégrité corporelle ou biens des personnes ou pour la société (...)
La police informe la personne qu’elle a arrêté de la raison pour laquelle elle a été arrêtée et peut poser des questions sur la raison de l’arrestation ; peut lui demander de présenter la carte d’identité ou d’autres documents qui doivent être portés sur soi ;
Le temps d’arrêt ne peut pas être supérieur au temps nécessaire à l’exécution de l’acte qui constitue le motif de l’arrêt.
Les individus et les véhicules sont autorisés à partir si la raison de l’arrêt disparaît. »
14. L’article 40 de la loi no 5326 du 31 mars 2005 relative aux fautes administratives peut se lire comme suit :
« (1) Dans le cas où une personne est questionnée dans le cadre de la fonction, la personne qui refuse de fournir des informations sur son identité ou son adresse à l’agent public ou fait de fausses déclarations, est condamnée à une amende de cinquante livres turques par cet agent.
(2) Le procureur de la République est immédiatement informé de la rétention de la personne non identifiée pour s’être abstenue de faire une déclaration ou de faire de fausses déclarations. Cette personne est détenue et, si nécessaire, arrêtée jusqu’à ce que son identité soit clairement comprise. Les dispositions de la loi de procédure pénale sont appliquées en termes de pouvoir et de procédure pour décider de la détention et de l’arrestation.
(3) Si la personne est identifiée, il est donc immédiatement mis fin à l’état de détention ou d’arrestation. »
15. L’article 265 § 1 du Code pénal, intitulé « Résistance dans le but d’entraver l’exécution des fonctions », dans ses parties pertinentes, se lit comme suit :
« Article 265 - (1) Quiconque utilise de la violence ou des menaces contre un agent public en vue d’empêcher l’exercice de ses fonctions est passible d’une peine de prison allant de six mois à trois ans. ».
EN DROIT
1. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION
16. Les requérants se plaignent d’une atteinte à leur droit à la liberté protégé par l’article 5 de la Convention, en raison de leur détention du 28 mars 2012 sans base légale.
17. Le Gouvernement conteste cette thèse.
18. L’article 5 de la Convention, en ses parties pertinents, est ainsi libellé :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales :
(...)
b) s’il a fait l’objet d’une arrestation ou d’une détention régulière pour insoumission à une ordonnance rendue, conformément à la loi, par un tribunal ou en vue de garantir l’exécution d’une obligation prescrite par la loi ;
c) s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ;
2. Toute personne arrêtée doit être informée, dans le plus court délai et dans une langue qu’elle comprend, des raisons de son arrestation et de toute accusation portée contre elle. »
1. Sur la recevabilité
19. Le Gouvernement estime que les requérants auraient pu déposer un recours en indemnisation devant les juridictions internes sur le fondement de l’article 141 du Code de procédure pénale. Il explique que cet article dispose que les personnes peuvent introduire une demande d’indemnisation contre l’État si elles ont été illégalement privées de liberté. Les requérants n’ont pas épuisé ce recours. Il soutient en outre que les requérants n’ont pas été formellement placés en détention. Le Gouvernement estime donc que la présente requête doit être déclarée irrecevable pour non-épuisement des recours internes.
20. Concernant l’exception préliminaire du Gouvernement selon laquelle les requérants devaient épuiser la voie de recours prévue à l’article 141 du code de procédure pénale, la Cour rappelle qu’elle a décidé que ce recours n’était pas efficace dans de telles conditions (Hakim Aydın c. Turquie, no 4048/09, §§ 26-31, 26 mai 2020).
21. Constatant que ce grief n’est ni manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
2. Sur le fond
1. Thèses des parties
22. Les requérants soutiennent qu’ils ont été retenus pendant une durée déraisonnable sans base légale, que les formalités pour l’établissement de l’amende administrative ne justifiaient pas cette privation de liberté et de mouvement.
23. Tout en contestant la thèse des requérants, le Gouvernement ne précise pas quel paragraphe de l’article 5 § 1 s’applique à leur privation de liberté. Il juge suffisant de relever dans ses observations que le 26 mars 2012, la préfecture d’Ankara a interdit la manifestation en question afin d’éviter des événements, que par la lettre du ministère de l’Intérieur datée du 27 mars 2012, la décision de la préfecture d’Ankara a été notifiée à toutes les directions de la sécurité, y compris à la direction de la sécurité d’Adana, que les bus transportant les requérants ont été arrêtés par les policiers devant le Département du contrôle de la circulation de zone près des barrières de péage nord à Adana, que lorsque les requérants ont déclaré qu’ils allaient participer à la manifestation qui se tiendrait à Ankara, les policiers ont montré et lu la décision no 6136 de la préfecture d’Ankara du 26 mars 2012 et ont informé les représentants du groupe et leurs avocats que la manifestation en question était interdite pour des raisons de sécurité, que les bus les conduisant à Ankara ont été arrêtés à 23 h 45, qu’ils ont été conduits au commissariat en raison de leur refus de décliner leur identité (l’article 40 § 2 de la loi no 5326) et d’avoir résisté aux policiers (article 265 du CP), que le contrôle de leur identité a été terminé vers 4 h 50, que leurs avocats sont arrivés vers 10 h 45. Il fait noter que soixante-quatorze manifestants ont été entendus puis examinés par le médecin en l’espace de trois heures, et relaxés dès la fin des formalités légales à 14 h 54. Il soutient que les 9 heures passées au commissariat sont imputables aux requérants.
2. Appréciation de la Cour
24. La Cour constate que la privation de liberté des requérants ne relevait pas des alinéas a), d), e) et f) du paragraphe 1 de l’article 5. De plus, rien n’indique qu’ils étaient soupçonnés d’avoir « commis une infraction » ; elle ne relève donc pas non plus de l’alinéa c) pour ce qui concerne la première hypothèse à cet alinéa.
25. La Cour observe que, sans le préciser nommément, le Gouvernement semble soutenir que la privation de liberté des requérants relevait de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 5. Au vu des informations versées au dossier, la Cour peut légitimement présumer que les faits peuvent également relever de l’alinéa c) pour ce qui concerne l’hypothèse « s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y (...) a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci ».
a) Rappel des principes pertinents
26. Avec les articles 2, 3 et 4, l’article 5 de la Convention figure parmi les principales dispositions garantissant les droits fondamentaux qui protègent la sécurité physique des personnes, et, en tant que tel, il revêt une importance primordiale. Il a essentiellement pour but de prémunir l’individu contre une privation de liberté arbitraire ou injustifiée (voir, I.S. c. Suisse, no 60202/15, § 41, 6 octobre 2020, et la jurisprudence citée).
27. En ce qui concerne l’alinéa b) de l’article 5 § 1, il concerne les cas où la loi autorise à détenir une personne pour la forcer à exécuter une obligation concrète et déterminée qui lui incombe déjà et qu’elle a jusque-là négligé de remplir. Pour relever du champ d’application de l’article 5 § 1 b), l’arrestation et la détention doivent en outre viser à assurer l’exécution de l’obligation en question ou y contribuer directement, et ne doivent pas revêtir un caractère punitif (voir, I.S. c. Suisse, précité, § 43, et S., V. et A. c. Danemark [GC], nos 35553/12 et 2 autres, § 80, 22 octobre 2018, et les références qui y sont citées).
28. À titre d’exemple, ont été examinées sous l’angle du second volet de l’article 5 § 1 b) des situations telles que celles relatives à l’obligation de décliner son identité (Vasileva c. Danemark, no 52792/99, 25 septembre 2003, et Sarigiannis c. Italie, no 14569/05, 5 avril 2011) ; à l’obligation de se présenter à un commissariat pour un interrogatoire (Iliya Stefanov c. Bulgarie, no 65755/01, 22 mai 2008, Osypenko c. Ukraine, no 4634/04, 9 novembre 2010, et Khodorkovskiy c. Russie, no 5829/04, 31 mai 2011) ; et à l’obligation de ne pas troubler l’ordre public en commettant une infraction pénale (Ostendorf c. Allemagne, no 15598/08, 7 mars 2013) (I.S. c. Suisse, précité, § 44).
29. Quant au second volet de l’article 5 § 1 c), pour justifier la privation de liberté sur la base de cette disposition, il faut que les autorités démontrent de manière convaincante que, selon toute probabilité, l’intéressé aurait participé à la commission d’une infraction concrète et déterminée s’il n’en avait pas été empêché par une arrestation (voir, mutatis mutandis, S., V. et A. c. Danemark [GC], précité, §§ 89 et 91).
30. Dans le contexte de l’application de l’alinéa c) de l’article 5 § 1, l’interprétation stricte du terme « infraction » constitue une importante garantie contre l’arbitraire. Selon la jurisprudence constante de la Cour, le motif de détention prévu par cette disposition ne se prête pas à une politique de prévention générale dirigée contre une personne ou catégorie de personnes que les autorités estiment – à tort ou à raison – dangereuses par leur propension à la délinquance. Il offre seulement aux États contractants un moyen d’empêcher la commission d’une infraction concrète et déterminée (voir, par exemple, Guzzardi c. Italie, 6 novembre 1980, § 102, série A no 39, Ciulla c. Italie, 22 février 1989, § 40, série A no 148, et Shimovolos c. Russie, no 30194/09, § 54, 21 juin 2011) pour ce qui est en particulier du lieu et du moment de sa commission et des victimes potentielles (M. c. Allemagne, no 19359/04, §§ 89 et 102, CEDH 2009). Cela ressort à la fois de l’emploi du singulier (« une infraction ») et du but de l’article 5 : assurer que nul ne soit arbitrairement dépouillé de sa liberté (Guzzardi, précité, § 102, M. c. Allemagne, précité, § 89, et S., V. et A. c. Danemark, précité, § 89).
31. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour, le terme « infraction » ne désigne pas simplement un comportement qualifié d’infraction par le droit national. Dans l’arrêt Steel et autres c. Royaume-Uni (23 septembre 1998, §§ 46-49 et 55, Recueil des arrêts et décisions 1998-VII), la Cour a dit, et les parties ne le contestaient d’ailleurs pas, que l’atteinte à la paix publique ou à l’ordre public (breach of the peace) devait être tenue pour une « infraction » au sens de l’article 5 § 1 c), bien que ce comportement ne fût pas qualifié d’infraction en droit anglais. Elle a tenu compte de la nature de la procédure en cause et de la peine encourue (ibidem, § 49), et elle a dit (ibidem, § 55, et S., V. et A. c. Danemark, précité, § 90) :
« (...) au cours des deux dernières décennies, les juridictions britanniques ont clarifié la notion d’atteinte à l’ordre public de sorte qu’il est désormais suffisamment établi qu’il y a pareille atteinte seulement lorsqu’un individu cause un dommage, ou semble susceptible d’en causer un, à des personnes ou à des biens ou agit d’une manière dont la conséquence naturelle est d’inciter autrui à la violence (...). Il est également clair qu’une personne peut être arrêtée pour atteinte à l’ordre public ou lorsque l’on a des raisons de redouter qu’elle n’en cause une (...).
La Cour estime donc que les dispositions légales pertinentes fournissaient des indications suffisantes et étaient formulées avec le degré de précision voulu par la Convention (voir, par exemple, l’arrêt Larissis et autres c. Grèce du 24 février 1998, Recueil 1998-I, p. 377, § 34). »
32. La condition d’absence d’arbitraire exige par ailleurs que non seulement l’ordre de placement en détention mais aussi l’exécution de cette décision cadrent véritablement avec le but des restrictions autorisées par l’alinéa pertinent de l’article 5 § 1 (Saadi c. Royaume-Uni [GC], no 13229/03, § 69, CEDH 2008). Lorsque, par exemple, les autorités entendent justifier la privation de liberté par référence au premier volet de l’article 5 § 1 c), c’est-à-dire par l’intention de conduire l’individu devant l’autorité judiciaire compétente au motif qu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction, la Cour considère que la présence de telles raisons présuppose l’existence de faits ou renseignements propres à persuader un observateur objectif que l’intéressé peut avoir accompli l’infraction (James, Wells et Lee c. Royaume-Uni, nos 25119/09 et 2 autres, § 193, 18 septembre 2012, et O’Hara c. Royaume‑Uni, no 37555/97, §§ 34-35, CEDH 2001‑X). Elle estime de même que pour qu’une privation de liberté soit justifiée au regard du second volet de l’article 5 § 1 c), il faut que les autorités démontrent de manière convaincante que, selon toute probabilité, l’intéressé aurait participé à la commission d’une infraction concrète et déterminée s’il n’en avait pas été empêché par une arrestation (S., V. et A. c. Danemark, précité, § 91).
33. La Cour rappelle également que, selon sa jurisprudence, les motifs de détention prévus aux lettres a) à f) de l’article 5 § 1 de la Convention sont exhaustifs et appellent une interprétation étroite (voir, I.S. c. Suisse, précité, § 45, et la jurisprudence citée).
b) Application des principes susmentionnés
34. La Cour constate que les bus transportant les 74 personnes, dont les requérants, ont été arrêtés à Adana à 23 h 45 par 55 agents de sécurité sur la base d’un arrêté préfectoral no 6136 daté du 26 mars 2012, établi par la préfecture d’Ankara interdisant toutes les manifestations prévues les 28 et 29 mars 2012, que les agents de sécurité leur ont demandé d’abord de retourner chez eux, mais que, suite au refus d’obtempérer de certains d’entre eux (certains autres ayant déclaré aux tribunaux internes que la police n’avait pas demandé leur identité), ils ont été conduits au commissariat pour obtenir leur déclaration et vérifier leur identité, que d’après le procès-verbal établi, l’identification de toutes les personnes arrêtées a été terminée au plus tard à 4 h 50 (l’heure de la signature), et qu’ils ont finalement été relaxés vers 14 h 50.
35. Du point de vue de l’article 5 § 1 b), la Cour note qu’elle a déjà jugé que l’obligation de collaborer avec la police et de fournir son identité, même en l’absence de soupçons de commission d’une infraction, constitue une obligation concrète et spécifique qui relève de l’article 5 § 1 b) de la Convention (Sarigiannis c. Italie, précité, § 44, et Vasileva c. Danemark, précité, § 39). Dans l’affaire Başbakkal Kara c. Turquie ((déc.), no 49752/07, § 36, 17 octobre 2017), la Cour a affirmé que la vérification d’identité est ainsi une obligation civique à laquelle tout citoyen doit se soumettre. Elle rappelle également qu’elle a déjà déclaré irrecevable un grief tiré de l’illégalité alléguée d’une détention suite au refus du requérant de prouver son identité par un document pertinent, une telle obligation étant prévue par le droit interne (voir Novotka c. Slovaquie (déc.), no 47244/99, 4 novembre 2003 ; et Vasileva, précité, § 39).
Elle a souligné par ailleurs que toute privation de liberté doit être conforme au but poursuivi par l’article 5 : protéger l’individu contre l’arbitraire (S., V. et A. c. Danemark [GC], précité, § 74 ; Witold Litwa c. Pologne, no 26629/95, § 78, CEDH 2000‑III), et que la notion d’« arbitraire » que contient l’article 5 § 1 va au-delà du défaut de conformité avec le droit national, de sorte qu’une privation de liberté peut être régulière selon la législation interne tout en étant arbitraire et donc contraire à la Convention (Creangă c. Roumanie [GC], no 29226/03, § 84, 23 février 2012; A. et autres c. Royaume-Uni [GC], no 3455/05, § 164, CEDH 2009).
La Cour a en outre noté que la notion d’arbitraire varie dans une certaine mesure selon le type de détention en cause. La Cour a indiqué que l’arbitraire peut naître lorsqu’il y a eu un élément de mauvaise foi ou de tromperie de la part des autorités ; que l’ordre de placement en détention et l’exécution de celui-ci ne cadraient véritablement avec le but des restrictions autorisées par l’alinéa pertinent de l’article 5 § 1 ; qu’il n’existait aucun lien entre le motif invoqué pour justifier la privation de liberté autorisée et le lieu et le régime de détention ; et qu’il n’y avait aucun lien de proportionnalité entre le motif de détention invoqué et la détention en question (pour un récapitulatif détaillé de ces principes essentiels, voir James, Wells et Lee c. Royaume-Uni, précité, §§ 191-195, et Saadi c. Royaume-Uni [GC], précité, §§ 68-74).
36. En l’espèce, la Cour constate que si les requérants ont été conduits au commissariat afin d’établir leur identité (voir paragraphe 5 ci-dessus), ce qui constitue certes une obligation relevant de l’alinéa b) du premier paragraphe de l’article 5 de la Convention, il ressort tant du premier procès-verbal que des observations du Gouvernement (voir paragraphe 22 ci-dessus) que le motif principal de l’arrestation et de la détention des requérants était de les empêcher de se rendre à Ankara et ainsi de participer aux manifestations qualifiées d’illégales.
37. Cela étant constaté, en ce qui concerne la suite des évènements, la Cour note que même si le Gouvernement soutient que les requérants ont été conduits au commissariat pour avoir résisté aux policiers, aucun élément dans le dossier démontre qu’une action quelconque a été entreprise concernant ce chef d’accusation. Cet élément ne peut donc justifier la longueur de la détention.
38. Par ailleurs, la Cour observe que les requérants n’ont été relaxés qu’à 14 h 50 alors que leurs identités avaient été déterminés à 4 h 50. À supposer même que les forces de sécurité les aient conduits au commissariat en raison de leur refus de décliner leur identité et afin d’établir les amendes administratives, rien ne justifie leur détention à partir de 4 h 50, l’heure du procès-verbal à partir de laquelle l’identité de 74 personnes dont les requérants avait été déterminée (voir, mutatis mutandis, Vasileva c. Denmark, précité, § 41). La Cour estime que la prolongation de la détention au-delà de l’établissement de l’identité confirme que le véritable but était d’empêcher les requérants de se rendre à Ankara pour participer à la manifestation. En tout état de cause, la détention n’était plus justifiée pour assurer l’exécution de l’obligation de décliner l’identité et ne relevait donc plus de l’article 5 § 1 b).
39. Du point de vue du second volet de l’article 5 § 1 c), il ressort des documents contenus dans le dossier et des observations du Gouvernement que lors de l’arrestation, les requérants avaient été informés par les policiers que toutes les manifestations prévues les 28 et 29 mars 2012 dans la capitale avaient été interdites pour des raisons de sécurité et d’ordre public, et les requérants avaient été priés de retourner chez eux, ce qui suppose qu’ils avaient été soupçonnés de perturber la sécurité et l’ordre public s’ils allaient manifester comme prévu. La Cour constate que les autorités n’ont pas démontré de manière convaincante que, selon toute probabilité, les requérants auraient participé à la commission d’une infraction concrète et déterminée s’ils n’en avaient pas été empêchés par une arrestation ou d’une détention en vue d’un contrôle d’identité ou d’une autre raison (S., V. et A. c. Danemark, précité, § 91).
40. Les éléments des dossiers ne démontrent pas que toutes les conditions étaient remplies en vue de l’arrestation et de la détention des requérants pour les forcer à exécuter une obligation concrète et déterminée qui leur incombait déjà et qu’ils avaient jusque-là négligé de remplir.
41. À supposer même que l’ingérence dans leur droit à la liberté, protégé par l’article 5 de la Convention, était conforme à la législation nationale, la Cour estime qu’une arrestation n’est admissible que si l’exécution de « l’obligation prescrite par la loi » ne peut être obtenue par des mesures moins sévères (Khodorkovskiy c. Russie, précité, § 136 ), et qu’en outre le principe de proportionnalité veut qu’un équilibre soit ménagé entre la nécessité dans une société démocratique de garantir l’exécution immédiate de l’obligation dont il s’agit, et l’importance du droit à la liberté (Saadi c. Royaume-Uni [GC], précité, § 70 ).
42. Partant, il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention.
2. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 11 DE LA CONVENTION
43. Invoquant les articles 10 et 11 de la Convention, les requérants allèguent que la sanction qui leur a été infligée constitue une atteinte à leur droit à la liberté d’expression ainsi qu’à leur droit à la liberté de réunion. Maîtresse de la qualification juridique des faits de la cause (Radomilja et autres c. Croatie [GC], nos 37685/10 et 22768/12, § 126, 20 mars 2018), la Cour examinera le grief sous l’angle de l’article 11. Cette disposition se lit comme suit :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. »
A. Sur la recevabilité
44. Constatant que ce grief n’est ni manifestement mal fondé ni irrecevable pour un autre motif visé à l’article 35 de la Convention, la Cour le déclare recevable.
B. Sur le fond
45. Le Gouvernement relève que le fait que les requérants n’aient pas participé à la manifestation qui s’est tenue à Ankara le 28 mars 2012 n’était pas en réalité dû à la décision no 6136 de la préfecture d’Ankara du 26 mars 2012 ; que les requérants n’ont pas révélé leur identité aux policiers et leur ont longtemps résisté en enlevant la barricade au point de contrôle.
46. Il soutient que les autorités ont le devoir de prendre les mesures appropriées en ce qui concerne les manifestations légales afin d’assurer leur conduite pacifique et la sécurité de tous les citoyens ; que par sa décision no 6136 du 26 mars 2012, la préfecture d’Ankara a interdit la manifestation en question afin d’éviter des événements indésirables, de prévenir le désordre et de maintenir la sécurité publique ; que par la lettre du ministère de l’Intérieur datée du 27 mars 2012, la décision de la préfecture d’Ankara a été notifiée à toutes les directions de la sécurité, y compris la direction de la sécurité d’Adana.
Selon le Gouvernement, la décision de la préfecture d’Ankara d’interdire la manifestation poursuivait des objectifs légitimes de maintien de l’ordre public, de prévention de la criminalité et de protection des droits d’autrui, et que l’ingérence en question était proportionnelle à l’objectif légitime.
47. La Cour se réfère aux principes généraux qui se dégagent de sa jurisprudence et qui ont été rappelés dans l’arrêt Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası et autres c. Turquie (no 20347/07, §§ 91-98, 5 juillet 2016).
48. Elle note qu’il ressort des documents versés au dossier que les requérants ont été arrêtés alors qu’ils étaient en route pour aller à Ankara où ils allaient participer aux manifestations organisées par leur syndicat. Bien que la Cour vienne de constater que la détention des requérants afin d’établir leur identité était conforme à la loi sur l’administration de la justice et à l’article 5 § 1 b) de la Convention (paragraphe 35 ci-dessus), au vu de l’ensemble des éléments du dossier, la Cour estime que la véritable motivation des autorités a été d’empêcher les requérants de se rendre à Ankara pour participer à la manifestation, ce qui fut d’ailleurs le résultat. Elle observe que les actions des autorités publiques constituent donc une ingérence à leur droit à la liberté de réunion.
49. La Cour rappelle qu’une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté de réunion enfreint l’article 11 de la Convention, sauf si elle est « prévue par la loi », poursuit un ou des buts légitimes et est « nécessaire, dans une société démocratique » pour les atteindre.
50. En l’espèce, la Cour note tout d’abord qu’un arrêté préfectoral avait interdit toute manifestation à Ankara les 28 et 29 mars 2012. La Cour estime que de sérieux doutes se posent quant à la prévisibilité et de la qualité de « loi » dudit arrêté préfectoral au sens de l’article 11 § 2 de la Convention (dans le même sens, Özbent et autres c. Turquie, nos 56395/08 et 58241/08, § 39, 9 juin 2015). Toutefois eu égard à la conclusion à laquelle elle parvient quant à la nécessite de l’ingérence (paragraphe 40 ci‑dessus), elle juge inutile d’examiner plus avant cette question. Par ailleurs, l’ingérence en cause visait au moins un des buts légitimes mentionnés par le paragraphe 2 de l’article 11 de la Convention, à savoir la défense de l’ordre ou la protection des droits d’autrui.
51. Quant à la question de savoir si l’ingérence en cause était nécessaire dans une société démocratique, la Cour rappelle que toute manifestation dans un lieu public est susceptible d’entraîner des perturbations de la vie quotidienne, mais que ce fait ne justifie pas non plus, en soi, une ingérence dans l’exercice du droit à la liberté de réunion, étant donné qu’on peut attendre des autorités publiques qu’elles fassent preuve d’une certaine tolérance (Berladir et autres c. Russie, no 34202/06, §§ 38-43, 10 juillet 2012). La Cour rappelle également qu’il est du devoir des autorités de prendre les mesures nécessaires pour toute manifestation légale afin de garantir le bon déroulement de celle-ci et la sécurité de tous les citoyens (Eğitim ve Bilim Emekçileri Sendikası et autres, précité, § 98).
52. Or, en l’espèce, il semble que la seule mesure qui fut effectivement prise à l’égard des manifestants, dont les requérants, était leur empêchement pur et simple de se rendre à Ankara ce qui a constitué, aux yeux de la Cour, une mesure disproportionnée, qui n’était pas nécessaire à la défense de l’ordre ou à la protection des droits d’autrui (ibidem, §§ 107‑108).
53. Partant, il y a eu violation de l’article 11 de la Convention.
3. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 1 DE LA CONVENTION
54. Les requérants allèguent que leur cause n’a pas été entendue équitablement lors de la procédure pénale ayant pour but de contester leur condamnation à une amende administrative sur le fondement de l’article 40 de la loi no 5236, au motif que le tribunal d’instance pénale a statué sans audience. Ils invoquent à cet égard l’article 6 § 1 de la Convention.
55. Il ressort des informations données par le Gouvernement que, selon l’article 28 § 4 de la loi no 5236, le tribunal d’instance pénale peut décider de tenir une audience soit d’office, soit sur demande de la partie défenderesse, et que les requérants n’ont pas démontré l’existence d’une quelconque demande allant en ce sens. Partant, la Cour considère que les intéressés, qui avaient la possibilité de solliciter la tenue de débats publics devant le tribunal d’instance pénale, ont renoncé à faire valoir ce droit (dans le même sens, Akarsubaşı c. Turquie, no 70396/11, § 57, 21 juillet 2015).
56. Il n’y a donc aucune apparence de violation de la disposition invoquée par les requérants, par conséquent, leur grief à cet égard devant être rejeté pour défaut manifeste de fondement, en application de l’article 35 §§ 3 a) et 4 de la Convention.
4. SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION
57. Aux termes de l’article 41 de la Convention,
« Si la Cour déclare qu’il y a eu violation de la Convention ou de ses Protocoles, et si le droit interne de la Haute Partie contractante ne permet d’effacer qu’imparfaitement les conséquences de cette violation, la Cour accorde à la partie lésée, s’il y a lieu, une satisfaction équitable. »
58. Les requérants n’ont pas présenté leur demande de satisfaction équitable dans le délai imparti.
59. Partant, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu d’octroyer de somme à la partie requérante au titre de l’article 41 de la Convention (Karoussiotis c. Portugal, no 23205/08, § 94, CEDH 2011 (extraits).
PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,
1. Déclare, les griefs concernant les articles 5 § 1 et 11 recevables et le surplus de la requête irrecevable ;
2. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 5 § 1 de la Convention ;
3. Dit, qu’il y a eu violation de l’article 11 de la Convention ;
4. Rejette, la demande de satisfaction équitable.
Fait en français, puis communiqué par écrit le 24 mai 2022, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.
Hasan Bakırcı Jon Fridrik Kjølbro
Greffier Président
Appendix
Liste des requérants
Requête no 70098/12
No
|
Prénom NOM
|
Année de naissance
|
Nationalité
|
Lieu de résidence
---|---|---|---|---
1.
|
Orhan ALICI
|
1955
|
turc
|
Adana
2.
|
Kenan ASLANTAŞ
|
1967
|
turc
|
Adana
3.
|
Gülistan ATASOY
|
1981
|
turque
|
Adana
4.
|
Ergün ATLI
|
1966
|
turc
|
Adana
5.
|
Ulaş Yoldaş BAZO
|
1979
|
turc
|
Adana
6.
|
Çağdaş BEKTAŞ
|
1982
|
turc
|
Adana
7.
|
Güven BOĞA
|
1963
|
turc
|
Adana
8.
|
Eser ÇAPAR
|
1974
|
turc
|
Adana
9.
|
İmam GÖZCÜ
|
1955
|
turc
|
Adana
10.
|
Ülkü GÜLŞEN
|
1957
|
turque
|
Adana
11.
|
Hüseyin GÜRSOY
|
1977
|
turc
|
Adana
12.
|
Erdal KARABULUT
|
1971
|
turc
|
Adana
13.
|
Ahmet KARAGÖZ
|
1965
|
turc
|
Ankara
14.
|
Fadime KARAGÖZ
|
1971
|
turque
|
Adana
15.
|
Süleyman KAVUNCUOĞLU
|
1968
|
turc
|
Adana
16.
|
Haydar Sinan KOLUAÇIK
|
1978
|
turc
|
Adana
17.
|
Mehmet İnan KOLUAÇIK
|
1975
|
turc
|
Adana
18.
|
Ali PALTA
|
1977
|
turc
|
Adana
19.
|
Özlem TEMAMOĞULLARI
|
|
turc
|
Adana
20.
|
Mehtap YANIK
|
1985
|
turque
|
Adana
21.
|
Ali YAPTATEREK
|
1957
|
turc
|
Adana
22.
|
Metin YILMAZ
|
1964
|
turc
|
Adana