Le droit de rétention ne peut s’exercer sur le véhicule réparé par un garagiste si le débiteur des fis de réparation n’en est pas le propriétaire et si, au surplus il est soumis à une procédure de règlement préventif.
Si le refus de restitution n’est pas abusif, il n’y pas lieu de prononcer une astreinte comminatoire.
COUR D'APPEL D' ABIDJAN, Arrêt n° 92 du 31 janvier 2003 Dame Ai Aj Ak c/ Société Ac Ae, Penant n° 872, p. 379, Observations de Ah Z, Docteur en droit, assistant à l'Université de Aa AAfC et Ag Ad Y X, Assistant et ATER à l'Université de Aa AAfC.
La cour, Vu les pièces du procès ; Ouï les parties en leurs conclusions; Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par exploit d'huissier en date du 12 novembre 2002, dame Ai épouse Aj Ak B a, par l'organe de son conseil Me Blessy Jean Chrysostome, avocat à la Cour, interjeté appel de l'ordonnance de référé n° 5094 rendue le 6 novembre 2002 dont le dispositif est ainsi libellé: «Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent ; vu l'urgence, et par provision ; déclarons Madame Ai épouse Aj Ak B recevable mais mal fondée en son action et l'en déboute; la condamnons aux dépens» ;
Considérant que l'appelante reproche au premier juge d'avoir déclaré bien fondée la rétention opérée sur son véhicule de marque BMW immatriculé 9493 CV 901 déposé par M. Ab, directeur de la Société BIT, pour révision chez Ac Ae, aux motifs qu'il existe une connexité entre les dettes de réparations accumulées par cette société et son véhicule;
Qu'elle fait remarquer que ledit véhicule est la chose d'un tiers resté étranger aux rapports juridiques existant entre la Société BIT et Alliance ; qu'il ne saurait donc faire l'objet d'une rétention, au sens des dispositions de l'article 41 de l'Acte uniforme OHADA ;
Qu'à supposer, poursuit-t-elle, que la Société BIT soit propriétaire du véhicule BMW, aucune mesure d'exécution ou conservatoire ne peut être exécutée contre elle du fait de son admission au bénéfice du règlement préventif;
Qu'elle sollicite la restitution de son bien sous astreinte comminatoire de 1.000.000 F CFA par heure de retard à compter du prononcé de la décision;
Considérant que bien que régulièrement assignée et représentée, l'intimée n'a pas déposé d'écritures ;
Qu'il convient de statuer contradictoirement;
Des motifs
En la forme Considérant que l'appel de dame Ai est recevable pour être conforme aux conditions de la loi ;
Au fond Sur la rétention de la chose d'un tiers,
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article 41 de l'Acte uniforme de l'OHADA portant organisation des sûretés « le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu'à paiement de ce qui est dû indépendamment de toute autre sûreté» ; or considérant que dans l'espèce, il est constant que le véhicule retenu n'est pas le bien du débiteur, la Société BIT; qu'une telle rétention n'est pas légitime;
Sur le moyen tiré du bénéfice du règlement préventif, Considérant qu'il résulte des productions de l'appelante que la société BIT a été admise au
bénéfice du règlement préventif; qu'en cet état, à supposer que cette société soit propriétaire du véhicule BMW, le règlement préventif fait obstacle à la rétention; qu'il échet d'ordonner la restitution du véhicule retenu.
Sur l'astreinte comminatoire, Considérant que la preuve n'est nullement rapportée de ce que le refus de restitution du
bien saisi est entaché d'abus ; qu'il échet de rejeter la demande d'astreinte comme non fondée;
Par ces motifs Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
En la forme Déclare dame Ai épouse Aj Ak B recevable en son appel relevé de
l'ordonnance de référé n° 5094 rendu le 6 novembre 2002 par la juridiction présidentielle du tribunal d'Abidjan ;
Au fond L'y dit partiellement fondée ; Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau - Déclare la rétention du véhicule BMW immatricule 9493 CIV 01 illégitime; - En ordonne la restitution à son propriétaire dame Ai Aj ; - Déboute l'appelante de sa demande en condamnation à astreinte comminatoire ; - Condamne la Société Ac Ae aux dépens.
OBSERVATIONS En matière d'affaires, il vaut mieux se montrer fourmis méticuleuses plutôt que d'être
cigales imprévoyantes : « Paye-moi car, tant que je ne serai pas payé, je garderai la chose». Pourtant, cette attitude sera parfois insuffisante à conférer au partenaire toute la sécurité attendue si le juge saisi venait à faire une lecture dénaturée des textes. L'arrêt n° 92 de la cour d'appel d'Abidjan, rendu en date du 31 janvier 2003 dans le cadre de l'affaire dame Ai Aj Ak B contre la Société Ac Ae offre une illustration topique qui donnera l'occasion de rappeler les règles applicables au droit de rétention.
En l'espèce, Sieur Ab, directeur de la Société BIT, déposa un véhicule de marque BMW immatriculé 9493 CV 901 pour révision chez Ac Ae, laquelle société, après service fait, retint le véhicule à l'effet de voir le déposant payer les frais de réparation. Ledit véhicule était la propriété de darne Ai épouse Aj Ak B qui saisit le juge des référés du tribunal d'Abidjan afin d'en obtenir restitution, mais fut déboutée de son action. Pour justifier le droit de rétention, le juge des référés reprit à son compte l'argumentaire développé par Ac Ae suivant laquelle il existait une connexité entre les dettes de réparation accumulées par la Société BIT et le véhicule en question.
Naturellement, dame Ai interjeta appel et au soutien de son appel, elle fit valoir, d'une part, qu'elle était tierce aux rapports juridiques entre la Société BIT et Ac Ae et, d'autre part, que la Société BIT aurait été propriétaire du véhicule, que le droit de rétention n'aurait pas davantage prospéré eu égard au règlement préventif au bénéfice duquel elle était admise. Tous ces arguments convainquirent le juge d'appel qui ordonna la restitution du véhicule, sans toutefois frapper sa décision d'astreinte telle que sollicitée par dame Ai, Cette solution, donnée à la question de savoir si le droit de rétention peut être exercé lorsque la chose est confiée par un débiteur non propriétaire soumis, de surcroît, au règlement préventif, peut surprendre, tant elle est illogique et s'éloigne de la lettre et de l'esprit des Actes uniformes,
Il eût fallu pourtant scruter de plus près les dispositions de l' AUS pour s'apercevoir que la qualité de débiteur non propriétaire était insuffisante pour disqualifier le droit de rétention dont les conditions étaient en réalité réunies en l'espèce (I). En outre, le juge s'est résolu à régler une question spéciale par des généralités. C'est une lapalissade que l'ouverture des procédures collectives constitue généralement un choc pour les sûretés. Mais c'est oublier que le droit de rétention, comme il devrait être le cas dans l'arrêt objet du présent commentaire, est l'une des sûretés qui échappent aux affres du règlement préventif (II).
I. Le refus injustifié de l’opérationnalité du droit de rétention
Le droit de rétention est la prérogative reconnue à tout créancier, détenant un bien meuble de son débiteur, de s'opposer à la restitution de celui- ci jusqu'à complet paiement de sa créance à la condition qu'il existe un lien de connexité entre la naissance de la créance et la chose retenue. De cette définition, on peut inférer que les conditions d'exercice du droit de rétention étaient réunies dans l'espèce commentée (A). Tel n'est malheureusement pas la décision à laquelle le juge est parvenu. Procédant à une lecture restrictive de l'AUS, il s'en est tenu à l'idée que le droit de rétention ne peut jouer que dans la mesure où la chose a été confiée au créancier par le débiteur propriétaire. Une analyse poussée laisse pourtant penser qu'il s'agissait d'une exigence de trop dès lors qu'il existe une connexité matérielle (B).
A- La réunion des conditions opérationnelles du droit de rétention
L'AUS en son article 42 précise les conditions qui doivent être réunies pour qu'un créancier puisse invoquer le droit de rétention.
D'une part, bien que la condition n'ait pas été expressément posée par l'AUS, le droit de rétention, en ce qu'il consiste en une opposition à la demande de restitution d'une chose, ne peut être invoqué que si le créancier qui s'en prévaut a la mainmise sur la chose en question. La formule est connue: « Pour retenir, il faut détenir. » La condition de la détention est remplie si le créancier a la chose entre ses propres mains, ou qu'il la détient par l'entremise d'un tiers. La loi dote souvent certains créanciers qui ne détiennent pas effectivement la chose, d'un droit de rétention fictif, si bien qu'un auteur parle dans ce cas de « dématérialisation du droit de rétention». La détention doit être légitime, c'est-à-dire ne point résulter d'une situation illicite. La détention est une condition très importante dans la mesure où, si le créancier se dessaisit de la chose volontairement, il perd alors le droit de retenir. Dans ce cas, la jurisprudence considère que « le droit de rétention a été perdu avec le dessaisissement de la chose». La chose retenue doit être un bien meuble et être dans le commerce juridique.
D'autre part, le droit de rétention ne peut s'exercer que si la chose retenue ne fait pas encore l'objet d'une saisie. En effet, la solution contraire aurait été un peu surprenante dans la mesure où les saisies ont naturellement pour effet de rendre les biens, qui en sont l'objet, indisponibles. Le créancier devrait donc s'assurer que le bien détenu n'a pas antérieurement fait l'objet d'une saisie, fût-elle conservatoire.
En outre, le droit de rétention étant une sûreté qui permet, d'une part, au créancier rétenteur de faire pression sur le débiteur souhaitant récupérer son bien d'exécuter d'abord sa dette et, d'autre part, d'obtenir paiement par la procédure de saisie mobilière, ne peut normalement être invoqué que si le rétenteur dispose d'une créance contre le revendiquant.
La créance doit ici être certaine, liquide et exigible. Le défaut de l'un de ces caractères est sévèrement sanctionné par la jurisprudence. Elle décide dans une espèce que le droit de rétention est illégitime dès qu'une partie de la créance est contestée. De la sorte, c'est également la condition de liquidité qui fait défaut. Dans une autre procédure, et conformément à la lettre et à l'esprit de la législation africaine, la cour d'appel d'Abidjan précise que « le droit de rétention ne peut être exercé que si celui qui s'en prévaut dispose d'un droit de créance vis-à-vis du débiteur». Dans le cas contraire, la créance concernée manque de certitude.
Enfin, le droit de rétention ne peut être efficacement invoqué que s'il existe un lien de connexité entre la chose retenue et la créance dont le règlement est sollicité par le rétenteur, Le lien de connexité peut revêtir deux formes possiblement cumulables : connexité matérielle ou connexité juridique. En principe, le rétenteur doit pouvoir établir l'existence de ce lien. Dans certains cas cependant, le lien de connexité est présumé par l'AUS. Il en est ainsi lorsque « la détention de la chose et la créance sont la conséquence de relations d'affaires entre le créancier et le débiteur».
Lorsque sans besoin de recherche approfondie, toutes les conditions ci-dessus développées sont réunies comme dans l'arrêt objet du présent commentaire, le droit de rétention devrait normalement pouvoir opérer.
Malheureusement, le juge de l'espèce n'a pas cru bon de se limiter à ces seules conditions, associant à celles-ci une exigence qu'il n'est pas exagéré de qualifier de surabondante.
B- L'exigence surabondante de la qualité de débiteur propriétaire
Tel qu'il a été organisé par l'AUS, l'efficacité du droit de rétention est tributaire des seules conditions objectives liées à la détention, la créance et le lien de connexité entre la chose et la créance. Certes, la formulation de l'article 41 de l' AUS semble traduire une situation ordinaire où la chose aurait été engagée ou confiée par le propriétaire lui-même. Il dispose en effet que « le créancier qui détient légitimement un bien du débiteur peut le retenir jusqu'à complet paiement de ce qui lui est dû, indépendamment de toute autre sûreté ». Cette disposition est confortée par un principe général de droit suivant lequel nul ne peut transférer plus de droit qu'il n'en a, une application du vieux brocard latin « nemo plus juris ad alium transferre protest quam ipse habet». Mais, à l'analyse, l'on se rend compte que s'il est interdit à un individu de disposer du bien d'autrui, il ne lui est pas interdit de pouvoir prendre des actes visant la conservation ou l'amélioration du patrimoine d'autrui. Plusieurs théories pourraient être invoquées pour soutenir une telle position tels le mandat et la gestion d'affaire.
Il convient de relever en effet que tel qu'il a été conçu par l'Acte uniforme, le droit de rétention est une sûreté autonome et achevée, car le créancier peut retenir la chose « indépendamment de toute autre sûreté». TI peut donc être soit la conséquence d'un gage ou toute autre situation dans laquelle le créancier détient légitimement un bien du débiteur. Si dans le premier cas, c'est-à-dire lorsque le droit de rétention est la conséquence d'un gage, il peut normalement être exigé que le bien ait été remis par le véritable propriétaire ; dans le second cas (invoqué en dehors de tout gage), il paraît surabondant d'exiger, pour l'exercice du droit de rétention, que la remise ait été faite par le propriétaire. L'AUS semble avoir bel et bien pris en compte l'hypothèse où le débiteur n'est pas effectivement propriétaire du bien détenu par le rétenteur. La formule qu'il utilise dans la rédaction de l'article 43 permet de persévérer dans cette opinion. Ce texte exige en effet du créancier qui souhaite réaliser son droit de rétention de procéder à deux significations : l'une au propriétaire et l'autre au débiteur. Certes il peut être dit que ce cas s'applique dans l'hypothèse d'une caution réelle, mais il n'exclut pas aussi les autres hypothèses dont celle d'un gérant d'affaire. Admettre une solution inverse conduirait en conséquence à décourager l'altruisme des personnes enclines à sauver le bien du tiers qui serait exposé à un péril.
Dans l'espèce objet du présent commentaire, la créance exigée est due en raison des travaux de révision réalisés par Ac Ae - rétenteur - sur le véhicule de dame Ai. Bien que ce véhicule soit déposé non par dame Ai, mais par la société BIT, il y a lieu de constater l'existence d'une connexité matérielle. La créance est donc due, non pas à cause d'un contrat par lequel la BIT aurait engagé la voiture, mais surtout à cause des travaux réalisés sur cette dernière. Dès lors que la créance avait pour cause les travaux de révision réalisés sur le véhicule, la qualité de tiers de dame Ai au contrat de réparation était désormais insuffisante à faire tomber le droit de rétention. Les travaux ayant permis la conservation ou l' amélioration de la valeur du véhicule, celui-ci méritait d'être retenu jusqu'à complet paiement du prix, peu important la qualité de propriétaire ou non de celui qui l'aurait confié à la réparation. Invoquer la qualité de tiers du propriétaire pour invalider le droit de rétention du créancier comme l'a fait la cour d'appel d'Abidjan relevait d'une analyse un peu maladroite alors même qu'elle serait partagée par une doctrine autorisée. Il n'est, en réalité, pas étonnant que la détermination du propriétaire fasse l'objet de discussion en jurisprudence, la doctrine l'avait signalé au lendemain de l’entrée en vigueur de l’AUS.
L'arrêt de la cour d'appel d'Abidjan est, dans tous les cas, loin de s'inscrire sur le marbre à tout jamais. L'objectif visé par le législateur en instituant le droit de rétention, c'est de permettre au créancier d'obtenir paiement de sa créance lorsque la naissance de celle-ci présente un lien de connexité évident avec le bien qu'il détient. Si l'on rendait le droit de rétention inefficace vis-à-vis du propriétaire non débiteur, alors que la créance est née du fait des travaux de conservation ou d'amélioration de la valeur dudit bien, alors ce serait injuste et susceptible de donner lieu à un enrichissement sans cause. Un propriétaire bénéficiant alors sans fondement de la prestation d'un professionnel. Saisi d'un cas similaire, la Cour de cassation française a décidé que le droit de rétention peut être exercé dans tous les cas où, la créance ayant pris naissance à l'occasion de la chose retenue, il existe entre celle-ci et la chose un lien de connexité matérielle. Il n'est pas nécessaire que le propriétaire du bien retenu soit débiteur de la créance. Comme nous l'avons vu dans les analyses faites ci-dessus, le droit OHADA ne s'inscrit pas contre une telle vision des choses. Le juge de l'espèce a alors développé une argumentation spécieuse ayant eu pour conséquence d'invalider le droit légitime de rétention d'Alliance Automobile objectivement reconnu par le premier juge. A cette erreur, il a couplé celle de faire produire au règlement préventif un effet que le législateur africain ne lui avait pas assigné: la paralysie du droit de rétention.
II. L'indifférence ignorée des effets du règlement préventif sur le droit de rétention
En principe, l'ouverture d'une procédure collective paralyse l'exercice de certains droits des créanciers. Si l'effet de la procédure visant la disparition des entreprises (liquidation des biens) est un peu souple, celui des procédures de redressement (règlement préventif et redressement judiciaire) atteint plus fortement les droits des créanciers. Le droit de rétention échappe pourtant à cette logique. Dans le cas qui fait l'objet de la présente réflexion, il a été question d'une procédure de règlement préventif dont le débiteur serait l'objet. Le juge a vite fait de conclure à l'inefficacité du droit de rétention en face d'une telle procédure. Pourtant, point n'était besoin de recourir à une interprétation téléologique des textes pour s'apercevoir que si le règlement préventif peut paralyser le droit de rétention dans certaines conditions, il est inapte à le faire disparaître (A).
N'ayant pas voulu, nous semble-t-il, s'encombrer de la vérification de telles conditions, le juge a exagéré à l'occasion les effets du règlement préventif (B).
A- La possible paralysie du droit de rétention par le règlement préventif
Le règlement préventif, comme toutes les autres procédures collectives, a pour effet de suspendre l'exercice des voies d'exécution et toutes poursuites contre le débiteur admis au bénéfice de ladite procédure. Mais le règlement préventif ne suspend pas automatiquement toutes les poursuites des créanciers contre le débiteur. En effet, il est exigé que la requête par laquelle est sollicité le règlement préventif « indique les créances pour lesquelles le débiteur demande la suspension des poursuites individuelles». Ainsi, seules les créances indiquées dans la décision du juge feront l'objet de suspension. A partir de ce moment, il peut être de mauvaise méthode que le droit de rétention puisse être invalidé alors le juge n'a pas démontré que la créance dont l'exécution est exigée par le rétenteur a été indiquée par le débiteur comme étant de celles dont il
souhaitait la suspension et que le concordat a été homologué en ce qui la concerne. D'autre part, le législateur a voulu conférer au droit de rétention une force particulière.
Ainsi, il ne peut être inefficace que si son invocation est postérieure à l'ouverture de la procédure du règlement préventif. Le juge doit alors s'assurer que l'homologation du concordat préventif est antérieure à l'exercice par le créancier de son droit de rétention. Seulement, comme le fait justement remarquer le Professeur Issa-Sayegh dans une brève note à propos de la décision commentée, il paraît difficile de prendre position et dire si le juge a bien ou mal jugé dans la mesure où il n'indique pas la date du jugement d'ouverture du règlement préventif.
Pour autant, la réunion des conditions annoncées ne fait pas disparaître le droit de rétention dans son principe, seuls ses effets sont suspendus.
Cette analyse est soutenue par l'article 18, alinéa 2, de l'Acte uniforme relatif aux procédures collectives (AUPCAP) aux termes duquel « les créanciers munis de sûretés réelles ne perdent pas leurs garanties mais ne peuvent les réaliser qu'en cas d'annulation ou de résolution du concordat préventif auquel ils ont consenti ou qui leur a été imposé », On en déduit fort logiquement que la sûreté ne devient pas nulle ou inopérante, mais seule sa réalisation est suspendue. Ainsi, en condamnant le créancier Ac Ae à la « restitution du véhicule retenu » à cause de l'existence d'une procédure de règlement préventif, le juge n'a pas tiré toutes les conclusions juridiques qui s'évinçaient des dispositions pertinentes.
B- L'exagération des effets du règlement préventif sur le droit de rétention
Le juge n'a-t-il pas donné à sa décision un spectre au-dessus de ce qui pouvait être normalement attendu ? Il l' a fait en tranchant le litige par une solution ayant l'allure d'une décision de principe. On a donc envie de conclure : en face d'un règlement préventif, le droit de rétention est inopérant. Est-ce vrai ?
D'abord, le juge, comme nous venons de le démontrer, n'a pas précisé dans quels cas et à quelles conditions le droit de rétention est inefficace en face d'un débiteur soumis à un règlement préventif. D'autre part, le juge ne nous dit pas non plus par quelle gymnastique il parvient à faire profiter à un tiers les effets d'un règlement préventif d'autrui. Davantage, le juge semble ignorer l'utilité du règlement préventif qu'il n'hésite pas à sacrifier en employant une argumentation dont il peut être douteux qu'elle s'inscrive dans la durée.
Est-il possible pour un tiers propriétaire de tirer avantage des effets d'un règlement préventif concernant autrui qui aurait confié son bien à une troisième personne pour réparation ? La réponse doit sans doute être négative.
Même la caution ne peut en principe invoquer la soumission du débiteur à une procédure collective pour s'affranchir de son obligation de garantie.
Lorsque le législateur décide de la suspension des poursuites, il s'agit bel et bien de poursuites dirigées contre le débiteur. En l'espèce, il est, d'une part, important de noter que le droit de rétention qui est un vestige de la justice privée s'exerce généralement pour faire face à la résistance du débiteur. A strictement parler, il ne s'agit même pas d'une action, mais d'une défense.
Ensuite, le droit de rétention est invoqué par Ac Ae pour s'opposer à la demande en restitution formulée par dame Ai. Or, celle-ci ne fait nullement l'objet de règlement préventif. Elle ne fait qu'invoquer le règlement préventif concernant la société BIT. Logiquement,
les effets du règlement préventif ne peuvent profiter qu'au débiteur et non à des tiers qui ne peuvent en bénéficier que de manière exceptionnelle. L'on rejoint sur ce point l' auteur qui estimait que le juge se serait gardé de toute aventure sur le terrain des procédures collectives, bien que la solution de remplacement qu'il a préconisée, notamment la qualité de non propriétaire du débiteur, ne résiste pas longtemps à l'analyse. Le juge a donc manqué de nous préciser, et l’on ne voit pas comment il y serait parvenu, le raisonnement qu'il a opéré pour permettre à dame Ai de tirer avantage du règlement pré- ventif concernant la société BIT. Le droit de rétention a-t-il cessé d'être toujours cette force d'inertie qui triomphe du tout, ainsi que le faisait remarquer le Professeur Guyon?
D'autre part, même si du fait d'une procédure collective, les créanciers munis de sûretés réelles peuvent être contraints à restituer le bien objet de leur sûreté, la restitution ne doit être faite qu'entre les mains des organes de la procédure. Et par analogie au régime de la liquidation judiciaire, la restitution de la chose ne signifie pas inefficacité ou inutilité de la sûreté. Aux termes de l'article 149 de l'AUPCAP, si la masse veut retirer le bien nanti, elle doit au préalable désintéresser le créancier rétenteur. Bien plus, indifféremment de toute procédure collective, le créancier peut être contraint à restituer la chose retenue pourvu que le débiteur lui fournisse une sûreté réelle équivalente. C'est sans doute en référence à ces avantages du reste également conférés en droit hexagonal que le droit de rétention, comparé au gage, a été décrit comme conférant au créancier gagiste une position favorable qualifiée de « position inexpugnable ». Prenant le contre-pied de cette réalité devenue légale sous le droit de l'OHADA, le juge a ordonné au créancier de restituer la chose sans s'assurer ni de son désintéressement, ni de la constitution à son avantage d'une autre sûreté réelle équivalente.
Finalement, la décision de la cour d'appel d'Abidjan ressuscite une question qu'on croyait avoir résolue ou évitée en droit OHADA : le droit de rétention est-il une véritable sûreté ou une sûreté imparfaite ? L'article 43 de l'AUS répondait et répond encore que « si le créancier ne reçoit ni paiement, ni sûreté, il peut, après signification faite au débiteur et au propriétaire de la chose, exercer ses droits de suite et de préférence comme en matière de gage », ajoutons même en cas d'ouverture d'une procédure collective. La question n'est-elle pas au demeurant celle de la complexité du droit de l'OHADA, particulièrement lorsque le droit des procédures collectives étend ses tentacules voraces au droit des sûretés ?
Il y a fort à parier que la CCJA eût pu adopter une solution cohérente si elle avait été saisie de la question. Ses positions suffisamment équivoques à propos de quelques questions du droit des procédures civiles d'exécution donnent à le penser. Les jours sympathiques de la jurisprudence africaine au regard de 1'application du droit de l'OHADA restent attendus.