En déférant à la censure du Juge de première instance une décision rendue par la juridiction suprême, en l’occurrence la Cour suprême, le demandeur a violé les normes juridiques fixant la hiérarchie des juridictions. Dès lors l’appel du demandeur est non fondé en ce que l’ordonnance de référé rendue par la Cour suprême continuant de produire ses effets, constitue le titre exécutoire qui autorise la saisie-vente mobilière.
Cour d'Appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 208 du 02 avril 2010, Affaire : La BANQUE INTERNATIONALE POUR LE COMMERCE ET L'INDUSTRIE DE LA COTE D'IVOIRE, par abréviation BICICI c/ 1. Monsieur A.- Le Juris-Ohada n° 2 / 2011, Avril – Juin 2011, pg 29.
LA COUR,
Vu les pièces du dossier ;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
DES FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS ET MOYENS DE DEFENSE DES PARTIES
Par exploit du 28 octobre 2008 avec ajournement au 07/11/2008, la Banque Internationale pour le Commerce et l'Industrie de la Côte d'Ivoire, dite BICICI, ayant pour conseil la SCPA Dogué, Abbé Yao et Associés, Avocats à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé d'heure à heure n° 1612 rendue le 17/10/2008 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau qui l'a déboutée de sa demande de mainlevée de la saisie-vente mobilière pratiquée le 29/8/2008, pour avoir paiement de la somme principale de 36.322.766 FCFA ;
Il ressort des énonciations dudit exploit, des éléments de l'ordonnance querellée et des pièces du dossier de la procédure que Monsieur A, créancier de Monsieur Aa Ad pour une somme initialement fixée à 12.775.000 F, avait obtenu du Tribunal de première Instance d'Abidjan Plateau, sa condamnation au paiement de ladite somme, par jugement civil contradictoire n° 353 du 24/6/1998 ;
Monsieur Aa Ad qui en releva appel, sera déclaré déchu de son droit d'appel par ordonnance Présidentielle de la Cour d'Appel n° 249 du 31/5/2002 ; contre cette ordonnance, celui-ci formait un pourvoi en cassation pour en solliciter l'annulation et en sera déclaré irrecevable pour cause de forclusion ;
Dès lors, le jugement civil contradictoire de condamnation n° 353 du 24/6/1998 devenant définitif, Monsieur A entreprit de l'exécuter en pratiquant une saisie - attribution de créance entre les mains de la BICICI, à la fois sur le compte personnel créditeur (103.099 F) de Monsieur Aa Ad et celui également créditeur de la société SIDAG qu'il dirige (8.595.836 FCFA) ; la BICICI n'ayant élevé aucune contestation sur cette saisie-attribution,
accepta de s'exécuter pour le solde créditeur du compte personnel de Monsieur Ab A103.099 F) à l'exception du compte de la société SIDAG, laquelle selon elle n'était pas visée par la décision de condamnation ;
Sur ce, Monsieur A saisira pour difficulté d'exécution, le Président de la Cour Suprême, lequel par une ordonnance de référé n° 80 du 5/8/2003 s'est déclaré compétent et condamné la BICICI au paiement de la créance, sous astreinte comminatoire de 2.000.000 FCFA par jour de retard ;
La BICICI, invoquant l'attribution de compétence exclusive dévolue au Président de la Juridiction statuant en matière d'urgence en pareilles circonstance, telle que prévue à l'article 49 de l'Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement, saisissait à son tour le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan des difficultés d'exécution, en dénonçant l'incompétence du Président de la Cour Suprême ;
Aussi, par une ordonnance de référé n° 732 du 9/2/2004, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau déclarait inexistante pour violation des dispositions d'ordre public de l'article 49 précité, l'ordonnance de référé n° 80 rendue le 05/8/2003 par le Président de la Cour Suprême, avant de conclure que c'est à bon droit que la BICICI s'est abstenue de tout paiement sur le compte litigieux ;
Contre cette ordonnance, Monsieur A n'a pas relevé appel mais faisait pratiquer cependant la saisie-vente des biens mobiliers de la BICICI en dépit de la disparition de son titre exécutoire, ce après avoir vainement tenté d'obtenir l'exequatur de l'ordonnance de référé n° 80 du 5/8/2003 de la Cour Suprême, auprès des Juridictions Françaises qui l'ont débouté ;
Sur ce, la BICICI estimant une telle saisie irrégulière, à défaut de tout titre exécutoire, au mépris de l'article 91 de l'Acte Uniforme susvisé, a saisi le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan en mainlevée de ladite saisie ;
Monsieur A pour sa part faisait valoir la régularité de la saisie critiquée en ce que selon lui, l'ordonnance de référé n° 80 du 5/8/2003 rendue par le Président de la Cour Suprême n'a pu être valablement rapportée par le Président du Tribunal, qui est une juridiction inférieure ;
Le Juge des référés, vidant sa saisine, a par une ordonnance n° 1612 du 17/10/2008 estime au contraire que ladite saisie repose sur trois titres exécutoires constitués par les ordonnances de référé n° 80 et n° 10 des 5/8/2003 et 19/12/2003 rendues par la Cour Suprême et celle n° 1243 du 30/8/2007 prise par le juge des référés du Tribunal d'Abidjan Plateau ;
Le Juge des référés susdit concluait donc que c'est à tort que la BICICI dénie à l'ordonnance n° 80 du 5/8/2003 rendue par le Président de la Cour Suprême, son caractère de titre exécutoire dans la mesure où elle n'a été nullement rapportée ;
C'est contre cette ordonnance que la BICICI a relevé appel pour en solliciter l’infirmation au motif que les titres exécutoires dont se prévaut Monsieur Ac ont été déclarés inexistants et rayés, de l'ordonnancement juridique Ivoirien, en sorte que la saisie-vente pratiquée encourt la nullité ;
Monsieur Ac pour sa part a sollicité la confirmation de l'ordonnance querellée en ce que les décisions rendues par la Cour Suprême ne peuvent être annulées que par une juridiction supranationale telle que la CCJA en sorte que la saisie-vente pratiquée demeure bonne et valable parce que reposant sur un titre exécutoire non rapporté ;
Le Ministère Public qui a pris ses conclusions écrites dans cette affaire, a souligné qu'en raison du principe de la hiérarchie des juridictions, la juridiction Présidentielle du Tribunal de Première Instance n'est pas compétente pour censurer une décision, même manifestement
illégale, prise par une juridiction supérieure comme la Cour Suprême ; il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance de référé querellée ;
DISCUSSION
EN LA FORME
1) SUR LE CARACTERE DE LA DECISION
Considérant que Monsieur A, l'intimé a régulièrement conclu en appel pour faire connaître ses moyens de défense ; qu'il échet donc de statuer par décision contradictoire ;
2) SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
Considérant que l'appel relevé le 28/10/2008 d'une ordonnance de référé rendue le 17/10/2008 doit être déclaré recevable au regard des dispositions de l'article 168 du Code de procédure civile ;
AU FOND :
DE L'EXISTENCE OU NON D'UN TITRE EXECUTOIRE
Considérant qu'il est constant en l'espèce que Monsieur A pour vaincre la résistance de la BICICI à se dessaisir entre ses mains des sommes portées au crédit du compte de la société SADAG, a saisi à tort et au mépris des dispositions du Droit communautaire OHADA en son article 49 sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, la Juridiction Présidentielle de la Cour Suprême en matière de référé, en lieu et place du Président de la Juridiction de Première Instance, exclusivement compétente en la matière ;
Considérant que cette Juridiction, passant outre l'exception d'incompétence soulevée tant par la BICICI que par le Parquet Général près la Cour Suprême s'est déclarée compétente et a vidé sa saisine en condamnant le tiers saisi au paiement de la créance ;
Que pour se conformer aux prescriptions de l'article 49 précité édictant une règle attributive de compétence exclusive au profit de la Juridiction Présidentielle statuant en matière de référé, la BICICI a saisi, pour difficulté d'exécution, 1e Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau qui a estimé à tort être investi du pouvoir de censurer la décision prise par la juridiction supérieure de la Cour Suprême, en la déclarant inexistante ;
Qu'en agissant ainsi, la BICICI a véritablement déféré à la censure du juge de première instance une décision rendue par la juridiction supérieure comme la Cour Suprême, en violation des normes juridiques fixant la hiérarchie des juridictions ;
Qu'il y a lieu dans ces conditions de dire l'appel interjeté par la BICICI non fondé en ce que l'ordonnance de référé n° 80 du 05/8/2003 rendue par la Cour Suprême continuant de produire ses effets, constitue en l'espèce le titre exécutoire qui autorise la saisie-vente mobilière critiquée ;
Qu'il échet donc par substitution de motifs de confirmer l'ordonnance de référé querellée en toutes ses dispositions ;
Considérant que la BICICI qui succombe doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
Vu les conclusions écrites du Ministère Public en date du 27 mai 2009 ;
- Déclare la BICICI recevable en son appel ;
- L'y dit cependant mal fondée ;
- L'en déboute ;
Par substitution de motifs, confirme l'ordonnance de référé querellée ;
- Met les dépens à la charge de la BICICI ;
PRESIDENT : Mme C Ae.
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