Le créancier poursuivant disposait d’un titre exécutoire au moment des saisies, dès lors que l’ordonnance de suspension de l’arrêt civil ayant servi de fondement des saisies ne lui a été signifiée que postérieurement à l’accomplissement des saisies et à leur dénonciation.
Par conséquent, c’est à tort que le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie.
La saisie-attribution de créances est régulière, dès lors que l’acte de dénonciation contient une copie de l’acte de saisie, que les tiers saisis ont reçu signification de l’acte d’huissier portant saisie-attribution de créances et que la dénonciation a été faite au débiteur saisie dans le délai prévu.
ARTICLE 153 AUPSRVE ARTICLE 160 AUPSRVE ARTICLE 171 AUPSRVE ARTICLE 172 AUPSRVE ARTICLE 335 AUPSRVE Cour d’Appel d’Abidjan, 1ère Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 393 du 31 décembre 2010, Affaire : Mme D. c/ 1. Société SHELL COTE D’IVOIRE, 2. BICICI, 3. SIB, 4. BIAO-CI, 5. CITIBANK. - Le Juris-Ohada n° 3 / 2011, Juillet – Septembre 2011, pg 42.
LA COUR,
Vu les pièces du dossier ;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après ;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d'huissier en date du 20 juillet 2010, D, ayant ses conseils à la SCPA ADJE- ASSI-METAN, Avocats à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé n°1300 rendue le 28 juin 2010 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d'exécution et en premier ressort ;
- Déclarons l'action de la société SHELL-CI contre Madame D et autres recevable ; Disons son action bien fondée ;
- Ordonnons la mainlevée de la saisie attribution de créance pratiquée par Me DAPE Sylvain dénoncée le 14 mai 2010 ;
- Condamnons madame D aux dépens » ;
Des énonciations de cette ordonnance, il ressort que par arrêt N°37 du 05 février 2010, la Cour d'Appel d'Abidjan a confirmé le jugement condamnant la société SHELL-CI à payer à D la somme de 180.000.000 F à titre de dommages et intérêts, avec exécution provisoire à hauteur de 90.000.000 F ;
En exécution de cet arrêt, D a fait pratiquer, par exploit d'huissier en date du 05 mai 2010 une saisie attribution de créance sur les comptes de SHELL-CI ouverts dans les livres de la BICICI, la SIB et la BIAO, pour avoir paiement au principal de la somme de 90.000.000 F ;
C'est ainsi que par exploit d'huissier en date du 11 juin 2010, SHELL- CI a assigné D et autres à comparaître devant la juridiction présidentielle pour entendre ordonner la mainlevée de ladite saisie ;
Au soutien de son action, SHELL-CI a soulevé d'une part, la violation de l'article 153 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution, en ce que l'arrêt de condamnation de la Cour d'Appel a été suspendu par une ordonnance du Président de la Cour Suprême ;
Elle a, d'autre part, invoqué la violation de l'article 160 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution aux motifs que la copie de l'acte de saisie n'a pas été délivrée et que la date d'expiration du délai de contestation est erronée, lui causant un préjudice ;
Elle a soutenu que ces deux éléments entraînent la nullité de la saisie ;
D a rétorqué qu'il n'y a pas de violation de l'article 153 de l'Acte uniforme parce que la signification du 30 avril 2010 était régulière ;
Elle a précisé que la dénonciation a été faite à mairie parce que l'huissier instrumentaire s'était vu imposer une attente inadmissible par les vigiles à la porte de SHELL-CI et les salariés de ladite entreprise ;
Elle a ajouté que l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel avait commencé avant l'ordonnance de suspension ;
Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a indiqué que l'ordonnance de suspension de l'arrêt date du 07 mai 2010, alors que l'exploit de dénonciation de la saisie date du 14 mai 2010 c'est-à-dire postérieure à l'ordonnance de suspension du Président de la Cour Suprême ;
Il a conclu à la violation de l'article 153 sus mentionné et a ordonné la mainlevée de la saisie- attribution ;
A l'appui de son appel, D fait remarquer qu'au moment de la dénonciation de la saisie, elle n'avait pas encore reçu la signification de l'ordonnance de suspension, celle-ci ne lui ayant été faite que le 17 mai 2010, c'est-à-dire postérieurement ;
Elle persiste donc à soutenir qu'il n'y a pas de violation de l'article 153 de l'Acte Uniforme sur les voies d'exécution ;
Elle relève que l'ordonnance a omis de statuer sur les autres moyens développés par les parties et fait valoir que l'acte de saisie était joint à l'acte de dénonciation qui n'est pas nul dans la mesure où la date d'expiration du délai de contestation est régulière ;
Elle affirme que les délais étant francs, SHELL-CI avait jusqu'au 16 juin 2010 pour élever les contestations, et non le 15 juin 2010 ;
Elle sollicite donc l'infirmation de la décision, et qu'en application de l'article 171 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution, qu'il soit donné effet à la saisie pour la fraction non contestée ;
SHELL-CI, quant à elle, maintient le moyen de nullité de la saisie attribution tiré de la violation de l'article 153 de l'Acte Uniforme ;
A cet effet, elle expose que D ne détenait aucun titre exécutoire au moment de la saisie, l'ordonnance n° 89 du 07 mai 2010 du Président de la Cour Suprême ayant procédé à la suspension de l'arrêt de la Cour d'Appel ;
SHELL-CI invoque, par ailleurs, la caducité de la saisie attribution de créances au motif que pratiquée le 05 mai 2010, elle ne lui a été dénoncée que exploit d'huissier du 14 mai 2010, soit plus de huit jours après le délai prescrit par l'article 160 de l'Acte Uniforme ;
Elle conclut à la confirmation de l'ordonnance querellée ;
En réplique, D fait noter que la saisie a été pratiquée à CITIBANK le 05 mai 2010, à la SIB et à la BIAO le 10 mai 2010 et à la BICICI le 12 mai 2010 et dénoncée à SHELL-CI le 14 mai 2010 ;
Il souligne que l'ordonnance de suspension de l'arrêt datée du 07 mai 2010 ne lui était pas opposable avant d'être signifiée le 17 mai 2010, de sorte qu'il n'y a pas de violation de l'article 153 de l'Acte uniforme ;
Elle énonce que la saisie ayant été pratiquée sur plusieurs jours, sa dénonciation le 14 mai 2010 l'a été dans le délai de 8 jours prévus par l'article 160 de l'Acte uniforme ;
Elle allègue que même en retenant la date du 05 mai 2010 comme étant celle de toutes les saisies, la dénonciation serait toujours valable puisque tous les délais sont francs selon l'article 335 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution ;
Elle explique qu'en application de cette disposition, pour une saisie pratiquée le 05 mai 2010, la dénonciation faite le 14 mai 2010 respecte le délai de 8 jours, le 13 mai 2010 étant de surcroît un jour férié (jeudi de l'ascension) et que le délai aurait pu être prorogée au 15 mai 2010, voire au 17 mai 2010, le 15 mai 2010 étant un samedi ;
DES MOTIFS
Les parties régulièrement représentées ont conclu ;
Il échet de statuer contradictoirement ;
EN LA FORME :
Aux termes de l'article 172 alinéa 1 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa notification ;
En l'espèce, l'ordonnance querellée a été signifiée à Aminata le 16 juillet 2010 ;
Dès lors l'appel relevé le 20 juillet 2010 doit être déclaré recevable ;
AU FOND :
Sur la violation des dispositions de l'article 153 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution
L'examen de l'exploit de saisie daté du 05 mai 2010 laisse apparaître que les différentes saisies ont été pratiquées dans les banques SIB, BICICI, BIAO les 10 et 12 mai 2010 sur le fondement de l'arrêt civil contradictoire n° 37 du 05 février 2010 par la Cour d'Appel d'Abidjan et dénoncée à SHELL-CI le 14 mai 2010 ;
Il est constant que l'ordonnance n° 89/CS/JP/2010 du Président de la Cour Suprême en date du 07 mai 2010 suspend l'exécution de cet arrêt ;
Cependant cette ordonnance n'a été signifiée à D que le 17 mai 2010, à savoir postérieurement à l'accomplissement des saisies et à leur dénonciation ;
L'ordonnance de suspension n'étant pas exécutoire à l'égard de D avant sa signification, il convient de dire que celle-ci disposait d'un titre exécutoire au moment des saisies ;
Ainsi contrairement à l'opinion du premier juge, il n'y a pas eu de violation des dispositions de l'article 153 de l'Acte Uniforme ;
C'est donc à tort qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie attribution de créance ;
Sur la violation des dispositions de l'article de 160 de l'Acte Uniforme sur les voies d'exécution
Les pièces du dossier permettent d'attester que, contrairement aux déclarations de SHELL-CI, l'acte de dénonciation en date du 14 mai 2010 contient une copie de l'acte de saisie;
Dès lors le moyen tiré de la nullité pour absence défaut d'acte de saisie lors de la dénonciation ne peut prospérer ;
Selon les dispositions de l'article 157 alinéa 1 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l'huissier ou l'agent d'exécution ;
Il en découle que la saisie date du jour où le tiers saisi en a reçu signification ;
Dans le cas d'espèce, les différentes banques, en leur qualité de tiers saisis, ont reçu signification de l'acte d'huissier portant saisie attribution de créances les 10 et 12 mai 2010 ;
Il en résulte que les saisies datent des 10 et 12 mai 2010, de sorte que la dénonciation faite au débiteur saisi, en l'occurrence SHELL-CI, par exploit d'huissier du 14 mai 2010 se situe dans le délai de huit jours prévu par l'article 160 de l'Acte uniforme précité ;
Par conséquent, le moyen tiré de la caducité de la saisie attribution de créances doit être rejeté comme étant non fondé ;
Au surplus le délai d'un mois pour élever les contestations a été parfaitement indiqué dans l'acte de dénonciation et SHELL-CI démontre aucun préjudice que ladite indication lui aurait causé ;
Il convient de dire qu'il n'a pas eu de violation des dispositions de l'article 160 de l'Acte uniforme sur les voies d'exécution ;
Sur la validité de la saisie attribution de créance
Au regard de tout ce qui précède, il ressort que la saisie-attribution de créance litigieuse est régulière ;
Il y a lieu, par conséquent, d'infirmer l'ordonnance querellée et de débouter SHELL-CI de sa demande en mainlevée de saisie attribution de créances ;
Sur les dépens
La société SHELL-CI qui succombe en la cause doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière d'exécution et en dernier ressort ;
EN LA FORME :
- Déclare Madame D recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé n° 1300 rendue le 28 juin 2010 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan ;
AU FOND :
- L'y dit bien fondée ;
- Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
- Déboute SHELL-CI de sa demande en mainlevée de saisie-attribution de créance dénoncée le 14 mai 2010 ;
- La condamne aux dépens.
PRESIDENT : Mme A ARKHURST H. Marie-Félicité.
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