L’ordonnance autorisant la saisie conservatoire doit être rétractée et la mainlevée de la saisie-attribution ordonnée, dès lors que les conditions de la saisie conservatoire ne sont pas réunies. Il en est ainsi lorsque la créance ne paraît pas fondée en son principe, aucune justification n’étant produite et le créancier saisissant ne justifiant pas de circonstances de nature à en menacer le recouvrement.
Cour d’appel d’Ac, 5ème Chambre civile et commerciale B arrêt n° 10 du 6 janvier 2011, affaire : Société Sansara c/ Société Gold coast construction. Aa Ab, 2012, n°2 ; avril-juin, p. 45
LA COUR
Vu les pièces du dossier ; Ouï les parties en leurs conclusions ; Et après en voir délibéré conformément à la loi ;
Par exploit en date du 17 juin 2010, la Société de recherche et d’exploitation minière et agricole dite SANSARA SARL a relevé appel de l’ordonnance de référé N°1169 rendue le 2 Juin 2010 par la Juridiction Présidentielle du tribunal de Première Instance d’Ac qui, en la cause, a statué comme suit ;
« Déclarons la Société SANSARA recevable en son action ; - L’y disons cependant mal fondée ; - L’en déboutons - Nous déclarons incompétent pour le surplus » ;
Au soutien de son appel, la Société SANSARA expose que par procès-verbal en date du 11 Mai 2010, la Société GOLD COAST Construction a pratiqué à son préjudice une saisie conservatoire de créances sur ses comptes logés dans les livres de la Banque Atlantique Côte d’Ivoire ;
Elle ajoute que cette saisie conservatoire est fondée sur un prétendu contrat verbal de location portant sur deux pelleteuses et un camion, contrat ayant occasionné des impayés évalués à la somme de 195.200.000 francs en principal ;
L’appelante fait grief au juge des référés saisi en contestation de cette saisie, de l’avoir déboutée de son action en dépit des violations des dispositions de l’acte uniforme du traité de l’OHADA relatif au recouvrement de créances et voies d’exécution ;
Elle fait valoir à cet égard que la saisie conservatoire du 11 Mai 2010 ne lui a jamais été dénoncée, ce qui la rend caduque aux termes de l’article 79 de l’acte uniforme susvisé ;
Elle fait également valoir que la Société COLD COAST Construction n’a introduit aucune procédure ou accompli aucune formalité à l’effet d’obtenir un titre exécutoire, de sorte que conformément à l’article 61 du même acte uniforme, la saisie conservatoire pratiquée est caduque ;
Poursuivant, l’appelante soutient par ailleurs que les conditions fixées par l’article 54 de l’acte uniforme sur les voies d’exécution ne sont pas réunies ;
Qu’en effet la créance ne paraît pas fondée en son principe d’autant qu’elle n’a jamais passé de contrat de location avec la Société GOLD COAST Construction qui, au demeurant, fait état d’un contrat verbal dont elle est seule à connaître les modalités ;
Qu’enfin aucune circonstance ne menace le recouvrement de ladite créance contrairement aux affirmations de l’intimée ;
En conséquence de tout ce qui précède, la Société SANSARA sollicite de la Cour l’infirmation de l’ordonnance déférée et statuant à nouveau, qu’elle ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire litigeuse ainsi que la rétractation de l’ordonnance N°2287/2010 l’ayant autorisée ;
La Société COLD COAST Construction fait plaider pour sa part qu’elle est bien créancière de la Société SANSARA, créance résultant d’une location de matériels consentie à cette dernière ;
Elle ajoute que ces matériels bien qu’ayant été acquis et importés sous le couvert du nom de la Société MAYANA, lui appartiennent comme l’atteste la reconnaissance de propriété faite le 5 Novembre 2009 par le gérant de la Société MAYANA ;
Elle affirme avoir mis les engins à la disposition de la Société SANSARA qui, cependant, ne lui en paye pas les loyers ;
Qu’elle a dû lui servir une sommation de payer en date du 02 Février 2010 restée infructueuse ;
Poursuivant, l’intimé fait observer, relativement à la saisie conservatoire par elle pratiquée, qu’il y a bien eu dénonciation dans le délai légal ;
Que la Société SANSARA, ayant déménagé sans laisser d’adresse, elle a été contrainte de signifier la dénonciation à la mairie le 18 Mai 2010 et cela, conformément aux dispositions de l’article 251 et suivants du code de procédure civile ;
S’agissant des conditions de l’article 54 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement, la Société COLD COAST Construction soutient qu’il existe bien une créance constituée par des loyers de location de matériels restés impayés ;
Elle fait remarquer que la Société SANSARA, ne saurait sérieusement nier avoir utilisé des matériels ne lui appartenant pas et n’appartenant pas non plus à son co-contractant, la Société MAYANA ;
Elle ajoute que le recouvrement de sa créance est en péril compte tenu des difficultés de la Société SANSARA qui doit faire face à divers plaintes déposées contre elle ;
Au total, elle conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise ;
DES MOTIFS
EN LA FORME :
L’appel ayant été relevé dans les forme et délai prescrits par la loi, il convient de le déclarer recevable ;
AU FOND
Il résulte des productions que la Société COLD COAST Construction se prévaut à l’encontre de la Société SANSARA, d’une créance de loyers, ce que conteste cette dernière ;
A l’examen, il apparaît qu’aucune pièce n’est produite, ni contrat, ni même correspondance pour établir l’existence de liens contractuels entre les parties ;
Selon les dispositions de l’article 54 de l’acte uniforme relatif au recouvrement simplifié de créances et voies d’exécution, la saisie conservatoire peut être autorisée par la juridiction compétente si la créance paraît fondée en son principe et si le créancier justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ;
En l’espèce, la créance ne paraît pas fondée en son principe, aucune pièce justificative n’étant produite ;
Par ailleurs, le créancier saisissant ne justifie pas de circonstances de nature à en menacer le recouvrement, se contentant d’affirmations ;
Dès lors c’est à tort que la Juridiction Présidentielle a autorisé une telle saisie conservatoire ;
Il convient de rétracter l’ordonnance N° 2287/2010 du 16 Mars 2010 ayant accordé ladite autorisation et d’ordonner la main levée de la saisie attribution pratiquée au préjudice de la société SANSARA le 11 Mai 2010 ;
L’appelant n’ayant formulé aucun grief à l’encontre des autres dispositions de l’ordonnance, celles-ci seront confirmées ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort :
EN LA FORME
- Déclare la Société SANSARA recevable en son appel ;
AU FOND
L’y dit bien fondée ;
Réformant l’ordonnance entreprise ;
Ordonne la main levée de la saisie conservatoire pratiquée le 11 Mai 2010 sur les comptes de la Société SANSARA ;
Rétracte en conséquence l’ordonnance N° 2287/2010 du 16 Mars 2010 ayant autorisé la Société GOLD COAST Construction à pratiquer ladite saisie ;
Confirme pour le surplus ;
Laisse les dépens à la charge de la GOLD COAST Construction ;
PRESIDENT : B A